Lexie avait été une perle, grâce à elle et son idée, nous avions pu organiser le repas de retrouvailles avec toute la famille, et j’avais pu enfin retrouver officiellement mes parents et mon grand-père, en plus de ma sœur évidemment. J’avais l’impression que tous mes rêves devenaient réalité. Quand j’imaginais mes parents, alors que je grandissais entre les murs des sous-sols et laboratoires du Centre, je ne parvenais jamais à imaginer des visages, juste de la douceur, un sentiment de sécurité. Et aussitôt que j’avais reçu Rose et Aaron chez Asher et moi, c’est ce que j’avais ressenti. Et bien sûr papy Watson également. Depuis que je connaissais Lexie, que j’avais immédiatement adorée, je me disais qu’elle avait bien de la chance d’avoir une famille aussi aimante de par ce qu’elle m’en décrivait, puis en rencontrant, d’abord fortuitement à l’hôpital, son père, puis également sa mère Et finalement, il s’avérait que cette famille était aussi la mienne. On aurait dit le dénouement d’un de ces merveilleux films de Noël que j’avais découvert et que je me plaisais à regarder au grand dam d’Asher.

Rose m’avait invitée à manger chez elle. J’étais aux anges, mais en même temps j’appréhendais. Cette femme merveilleuse n’était plus seulement la mère de ma meilleure amie, c’était également la mienne. J’avais tellement de questions à lui poser, et en même temps, elle aussi devait sûrement en avoir, et je ne voulais pas lui parler du Centre, mais je ne voulais pas non plus lui mentir. Néanmoins, pour sa sécurité et celle de toute la famille, je ne pouvais pas parler de ce qui m’était réellement arrivé. Je cherchais mille et une façons d’éviter le sujet, tout en cherchant quoi porter. J’avais cherché sur internet mais aucune réponse dans Google à la question « que mettre quand on revoit sa mère pour la première fois ». Je décidai d’opter pour une tenue qui avait plus à Asher, un haut noir avec une jupe noire et bleu pétrole ainsi que des bottes. Je savais qu’il ne fallait pas arriver les mains vides alors j’étais allée cueillir des fleurs autour du lac avant de les nouer avec un ruban. Me voilà prête pour aller chez madame Wa… ma mère.

Je me rendis chez mes parents en bus, puisque Asher avait pris son pick up et que je n’avais pas encore de voiture à moi. Mais j’étais heureuse, je voyais du monde, j’observais les gens et leur façon de vivre, et cela m’apprenait beaucoup. Je finis pa arriver devant la maison et sonnai à la porte, le coeur battant. J’entendis Kassoulet aboyer, ce qui me fit sourire.

J’entendis le chien aboyer… et la porte s’ouvrir. La voilà, ma maman m’ouvrait la porte de sa maison, souriante, resplendissante, rayonnante. J’eus les larmes aux yeux et un sourire complètement idiot sur les lèvres.

- Bonjour, euh…

Je ne savais pas comment l’appeler… par son prénom ? « maman » ? Le pouvais-je seulement après plus de vingt-cinq ans d’absence et aucun souvenir ?

- Merci, toi aussi, répondis-je en lui tendant le bouquet de fleurs. C’est pour toi.

J’entrai et vis le charmant et adorable démon poilu venir me renifler ce qui me fit sourire. Rose m’expliqua qu’il attendait sa caresse, ce que je m’empressai de faire.

- Oh oui bien sûr, pardon monsieur Kassoulet.

Le chien sembla ravi d’avoir un peu d’attention. Souriant, je suivis ensuite ma mère au salon. On se sentait si bien dans cette maison, même si ce n’était ni celle où j’avais vécu ni celle où Lexie avait grandi, elle respirait l’amour de cette famille incroyablement chaleureusement. Rose me demanda alors ce que je voulais boire. Je n’avais toujours pas l’habitude d’avoir le choix. Je haussai les épaules avec un sourire, ne sachant que dire.

- Comme toi. Je suis pas difficile.

Je ne savais pas ce qu’elle avait, et je me voyais mal demander des mélanges que j’aimais faire et qu’Asher qualifiait de « bizarres ». Moi j’appelais ça de la création de cocktails.

- Merci beaucoup pour l’invitation, ça me fait super plaisir. Tu sais, j’ai beaucoup de questions, mais peut-être que tu as envie de me raconter des choses qui te tiennent à coeur ?

J’avais besoin de savoir d’où je venais, dans tous les sens du terme, en savoir plus sur mes parents et leurs origines. Mon grand-père était aussi en ville, c’était une chance incroyable. Et puis j’étais sure qu’ils avaient des tas d’histoires de famille amusantes. J’avais hâte de découvrir tout ça. Et puis je voulais lui parler d’Asher, mon sauveur, mon amoureux, mon fiancé. Je ne savais même pas si mes parents savaient que j’étais fiancée, je ne savais plus ce qu’ils savaient, mais j’avais plein de conseils à demander à ma mère, parce que hormis quelques films et les conseils de ma précieuse Lexie, je n’avais aucune idée de comment on organisait un mariage. Tout ce que je savais, c’était que j’étais super heureuse et émue.

Mon coeur débordait de joie, j’étais si heureuse d’enfin pouvoir voir ma mère, cette personne que j’avais tant de fois tenté d’imaginer, de me représenter. Et enfin, après toutes ces années, c’était réel, ce moment arrivait vraiment, celui où ma maman me serrait dans ses bras. Je me sentais si bien, à tel point que cela me semblait irréel.

Elle prit le bouquet que je lui avais confectionné et revint par la suite avec de quoi boire. De la limonade, j’adorais ça. Un grand sourire se dessina sur mes lèvres alors que je prenais le verre délicatement tout en la remerciant. J’en pris une gorgée qui me ravit les papilles. Il fallait que j’apprenne à en faire pour Asher.

Rose me déclara avoir beaucoup de questions, et cela me serra un peu le coeur car je ne voulais pas parler du Centre. D’une part, tout ce que j’avais subi était trop horrible pour être raconté à des personnes que j’aimais, et d’autre part, parler de cet endroit exposerait mes parents à bien trop de danger. Néanmoins, je ne voulais pas mentir. Que faire alors ?

- Moi, j’en ai plein aussi, des questions, lançai-je spontanément.

C’était sans doute ça le meilleur moyen. Parler, parler, parler, poser des tonnes de questions et ainsi le temps passerait et elle n’aurait pas le temps de me demander ce qui m’était arrivé.

- Ta limonade est délicieuse, tu crois que tu pourrais m’apprendre à en faire ? demandai-je avec un sourire enfantin.

J’en repris une gorgée avant de reposer le verre tandis que Kassoulet revint poser sa tête sur mes genoux. Je passais mes doigts dans sa douce fourrure tout en regardant ma mère.

- J’aimerais beaucoup que tu me parles de votre rencontre avec Aar… papa. Tu veux bien ? Pour commencer l’histoire par son commencement.

Je me demandais comment les personnes « normales » tombaient amoureuses. Moi, j’avais rencontré Asher en m’échappant, j’étais montée clandestinement dans son pick-up, et quand il m’avait trouvée, j’étais endormie, et il m’avait braquée avec une arme à feu, croyant que j’étais une voleuse ou je ne sais quoi. Je me doutais bien que c’était plutôt rare comme style de rencontre et j’étais curieuse de savoir comment mes parents s’étaient rencontrés et comment ils étaient tombés amoureux.

- Je voudrais bien en savoir plus aussi sur vos enfances respectives.

Et peut-être les dossiers médicaux également, mais c’était peut-être bizarre à demander ? Pourquoi Asher n’était pas là pour me dire quoi demander pour ne pas avoir l’air d’une extra-terrestre ? Le pauvre, il travaillait là-bas en plus...

Malgré ma joie incommensurable d’être enfin en présence de l’un de mes parents, d’avoir la possibilité d’en apprendre plus sur moi, mes origines et bien sûr ma famille, j’avais cette grosse boule d’angoisse au ventre, parce que je savais pertinemment que ma maman allait vouloir savoir ce qui m’était arrivé. Quelle mère ne poserait pas la question après tout ?

J’avais donc pris le parti de parler sans arrêt et poser plein de question, mais Rose me proposa qu’on en pose une chacune. Me voilà prise au dépourvu. Je hochai la tête en reprenant une gorgée de limonade, délicieuse et dont elle accepta de me donner la recette, et finalement je démarrai, demandant des précisions sur sa rencontre avec mon père, et également leurs enfances à tous les deux. Cela pourrait peut-être m’aider à retrouver quelques souvenirs ou comprendre certaines choses. J’écoutais donc avec la plus grande attention, un sourire ému aux lèvres.

Je n’eus cependant pas le temps de commenter que la question que je redoutais fusa. Je sentis mon coeur se serrer et mes lèvres cesser de sourire. Je détournai le regard quelques secondes, le temps de poser mon verre sur la table basse du salon, avant de reporter mes yeux dans ceux de ma mère. Comment lui répondre sans lui répondre ? Je ne voulais pas mentir, mais je ne voulais pas non plus lui donner une information qui la mettrait en danger.

- J’étais retenue, oui c’est vrai. Pas loin d’ici, dans les environs. Je… j’ai seulement réussi à m’échapper l’année dernière et j’ai rencontré Asher.

Mon coeur battait la chamade et je faisais de mon mieux pour ne pas bredouiller.

- Écoute maman… Ce sont des informations dangereuses et je ne veux pas vous mettre en danger, toi, papa et Lexie. Vous ne méritez pas ça, vous avez déjà assez enduré comme ça. Je peux pas te donner des identités parce que d’une part je n’en ai pas énormément au complet et d’autre part, comme je te l’ai dit, c’est très dangereux. Ces gens ont énormément de relations, dans le monde entier.

Est-ce que je devais réellement lui dire tout ce que j’avais subi ? Savait-elle que j’avais complètement perdu la mémoire ? Je ne savais pas ce que je pouvais lui dire sans la blesser. Tout ce que je voulais, c’était retrouver ma famille. J’étais si heureuse qu’eux ne m’aient pas oubliée.

- Tu peux me dire dans quelle ville je suis née ? Et aussi à quelle date ? Je… je ne sais même pas l’âge que j’ai exactement.

Je me mordillai la lèvre inférieur en regardant vers le sol. Ça semblait si anodin comme information, mais pour moi c’était une énorme pièce manquante dans le puzzle de ma vie.

Je redoutais le moment où ma mère me poserait des questions sur ma disparition. J’en avais parlé à Asher la veille, j’étais si heureuse d’aller chez les Watson… chez mes parents, mais j’avais si peur des questions. Je savais, je comprenais qu’il était essentiel pour un parent de comprendre ce qui s’était passé, pour possiblement faire son deuil des malheurs qu’ils avaient subi, mais pouvais-je réellement prendre le risque de les mettre en danger ? Mon fiancé m’avait dit que je n’étais pas obligée de tout dire, que je pouvais ne pas entrer dans les détails, et que des demi-vérités, ce n’était pas des mensonges. Je soupirai avant d’oser enfin regarder à nouveau ma mère dans les yeux. Je les voyais s’emplir de larmes et j’avais bien du mal à empêcher mon corps de faire de même tant les émotions remontaient.

- Tu te doutes bien que ni toi ni papa vous ne pourrez rien faire contre eux, de toute façon. A quoi bon te dire de qui il s’agit, si c’est pour que vous preniez des risques inutiles? Et si vous vous retrouvez tués, tu crois que ça arrangera les choses ? Imagine la peine de Lexie et la mienne. Sans compter que c’est tout aussi risqué pour moi, je sais qu’ils me recherchent.

Je voyais ce qu’elle essayait de faire en évoquant les autres personnes qui pourraient subir la même chose. Je comprenais de qui je tirais mon intelligence. J’esquissai un léger sourire.

- Ne t’en fais pas, je travaille dans l’ombre avec d’autres personnes pour essayer de les faire tomber. On a… on a même réussi il y a quelques mois, à faire évader un jeune garçon. Je voulais libérer plus de personnes, mais c’est devenu dangereux… On m’a tiré dessus, ajoutai-je malgré moi.

Je ne voulais pas l’inquiéter mais peut-être que lâcher cette information avait finalement son intérêt : ma mère comprendrait la dangerosité de ces personnes.

- Ils m’ont enlevée, tout comme d’autres enfants, parce que j’ai un potentiel intellectuel supérieur à la normale. Ils se servent de personnes comme nous pour des expériences dont ils vendent les résultats. Ils enlèvent principalement des enfants parce que leur cerveau est plus malléable et il est plus facile de faire des reconditionnements sur eux. C’est pour ça que j’ai… oublié beaucoup de choses.

Ma mère accepta à son tour de m’éclairer sur des choses me concernant, comme ma date de naissance, mon âge et mon lieu de naissance. Je ne pus retenir mes larmes de couler, je savais enfin d’où je venais, je savais mon âge exact. Ceci pourrait sembler futile, mais ignorer ce genre de détail sur soi-même était vraiment difficile.

- Merci, soufflai-je.

Les propos de ma mère me choquèrent. Je voulais la préserver, protéger ma famille mais j'avais l'impression de me heurter à un mur. Pire, dans ses mots, j'abais l'impression d'entendre des reproches. Elle avait l'air de me reprocher de ne pas vouloir lui donner l'identité de mes ravisseurs. Elle prétendait que mon père et elle seraient prudents, mais elle n'avait pas l'air de comprendre. Je fus soudain prise d'une grosse angoisse qui me coupa la respiration, me serrant les entrailles. La dernière fois que j'avais ressenti ça, c'était quand je m'étais retrouvée au Centre voila quelques mois en essayant de libérer Caël et que Mlle Parker m'avait tiré dans l'épaule.

- Maman... commençai-je d'une voix tremblante, une larme roulant sur ma joue, tu ne comprends pas... ils ont des relations partout, même chez les autorités. C'est pour ça qu'ils sont dangereux, on ne sait pas où ils peuvent être. Tu pourras crier tant que tu veux, je ne parlerai pas de leur identité.

J'avais sans doute l'air d'une petite fille traumatisée en cet instant. Je m'en voulus immédiatement parce que bien sûr, attentive comme elle l'était, ma mère le remarqua. Elle vint me prendre dans ses bras et cette étreinte me fit du bien, m'aidant à me calmer.

- Je te demande pardon, excuse-moi s'il te plaît...

Je voyais bien qu'elle aussi était soumise à l'émotion et cela me fendait le coeur car je m'en sentais coupable. À mon tour, je l'étreignis en caressant son dos.

- Moi aussi je t'aime. Promis je ferai plus attention.

Elle abait déjà tant souffert de ma disparition, je ne voulais plus jamais lui infliger, ni à mon père, ma soeur et mon grand-père, une telle peine. Je voulais absolument changer de sujet, j'avais peur qu'elle me demande d'autres détails qu'elle n'était pas prête à entendre. Aucune maman n'était prête à entendre qu'on avait fait un lavage de cerveau à sa fille pour lui faire oublier jusqu'aux traits de ses parents, sa proipre identité et tous les souvenirs inhérents à sa vie.

- Et si... on buvait un peu d'eau ? proposai-je.

Je ne savais jamais quoi dire dans les situations embarrassantes. Sans doute n'y avais-je pas assez été confrontée. Il faudrait que je demande à Asher. D'ailleurs, je sentis mon portable vibrer. Je profitai que ma mère me relâchait pour jeter un oeil à l'aperçu du message. Il venait d'arriver à son point de rendez-vous où il était sensé glaner des informations sur son passé. Un peu d'espoir pour lui aussi. J'attendis que maman aille chercher quelque chose pour lui répondre en lui envoyant tous mes encouragements et mon amour.

C'était très dur pour moi de devoir refuser à ma mère une chose qui semblait si importante pour elle. Je comprenais, je me mettais à sa place avec ma capacité naturelle d'empathie superdéveloppée, mais je ne pouvais  tout simplement pas accéder à sa requête, il en allait de sa sécurité et celle de toute ma famille. Elle avait beau me dire que papy Watson avait des relations, je restais sur mes positions car je savais que le Centre en avait encore plus. Je manquai d'éclater en sanglots, mais était parvenue à me maîtriser un tant soit peu, seules quelqyes larmes dégringolaient mes joues calmement. J'avais sursauté quand Rose avait haussé le ton. J'avais du mal avec l'autorité et ce genre de choses, surtout avec Raines qui m'avait malmenée enfant. D'ailleurs, j'espérais que ma mère ne verrait jamais l'état de mon dos.

Je réclamai un verre d'eau histoire de faire diversion. C'était clairement maladroit comme façon de changer de sujet mais je ne maîtrisais pas encore cet art. Pendant la courte absence de ma mère, j'avais répondu à Asher qui semblait arrivé à son lieu de rendez-vous. J'ignorai à ce moment-là que je l'avais vu pour la dernière fois en pleine possession de ses moyens la veille, et que dès le lendemain s'en suivraient des choses moins reluisantes.
Rose revint et me proposa alors de faire une tarte aux pommes. Je souris, toujours ravie lorsqu'il s'agissait de nourriture.

- Oh oui, ça me ferait super plaisir que tu m'apprennes, si ça te dérange pas bien sûr... Je suis une vraie calamité en cuisine, j'aurais bien besoin de tes lumières.

Je reposai le verre sur la table après avoir pris quelques gorgées, et je me levai, non sans carresser la tête de Kassoulet, pour suivre ma mère dans la cuisine.

- Est-ce que papa a une meilleure opinion de Peter ? demandai-je curieuse.

Je savais qu'il l'avait frappé, jugeant que son comportement n'était pas correct vis-à-vis de Lexie, et je me demandai alors ce que mes parents pensaient d'Asher.

- Je ne sais pas si Lexie te l'avait dit, mais Ahser m'a demandée en mariage. C'était avant qu'on sache que vous étiez mes parents, alors bien sûr vous êtes invités si vous voulez... Et euh... j'aurais bien besoin de tes conseils parce que je n'ai jamais vu de mariage. Même si Lexie m'a un peu raconté, j'aimerais beaucoup que tu me parles du tien, si tu es d'accord.

Je n'avais aucune idée de si c'était le genre de question qu'on avait le droit de poser, mais j'imaginais qu'avec ma propre mère je pouvais ? Ou peut-être pas... Oh... si j'avais encore fait une boulette, je le verrais bien à sa réaction.