On entame les examens pour savoir exactement de quoi souffre ma patiente. Elle est intubée et perfusée. Je regarde les résultats des examens en donnant des ordres pendant que les infirmières s'occupent d'elle. Soudain, on m'informe qu'elle se réveille. Je m'approche doucement et je regarde ses constantes, les chiffres sont meilleurs. Je reporte mon attention sur elle et soudain, je la vois ouvrir les yeux. Je me montre alors douce et rassurante. Un petit visage se dessine sur mon visage.

- Miss Parker, vous êtes à l'hôpital. Vous avez été intubée mais je vais vous libérer. Je vais vous demander de prendre une grande inspiration.

Je me prépare et lorsqu'elle inspire je retire le tube et le tend à une infirmière.

- Ne parlez pas pour l'instant, vous allez avoir une sensation de gêne et sans doute mal à la gorge. Il y a eu un accident à la fête foraine. Vous avez été emmenée ici en ambulance. Lorsque vous vous sentirez prête à parler j'aurais quelques questions pour évaluer votre état.

Mais je lui laisse un peu de temps pour revenir parmi nous, pour se rendre compte de ce qui vient de se passer. Elle ne doit pas avoir les idées claires mais je ne peux pas trop lui en dire pour l'instant. Il faut que je vois comment est sa mémoire. Je demande à une infirmière d'apporter un verre d'eau et d'aller ensuite prévenir ma collègue, alias Kassandra, que Miss Parker est réveillée. Nous allons devoir la surveiller pendant au moins quarante huit heures pour être sûr qu'elle n'a pas de séquelles que nous n'avons pas encore vu.

Je parvins avec difficulté à ouvrir les yeux. Les bruits autour de moi ainsi que les voix se faisaient de plus en plus distincts, bien que mon corps et tous mes sens ne me paraissent engourdis comme jamais. J'avais l'impression d'être droguée. Au final, c'était cela, avec tous les médicaments et produits que l'on m'injectaient, mais je n'eus pas tout de suite conscience de l'endroit où je me trouvais : l'hôpital.
Lorsque mes paupières furent enfin ouvertes, la panique s'empara de moi, je ne savais pas où j'étais ni pourquoi j'étais dans cet état. Mais une jeune femme en blouse s'approcha pour me parler. Elle connaissait mon nom et m'expliqua ce qui s'était passé. Pendant une seconde, je crus qu'il s'agissait de l'équipe de soins du Centre, mais non, c'était bel et bien l'hôpital public... La fête foraine... JAROD ! Mon regard allait machinalement de tous côtés, le cherchant. Il était pourtant évident qu'il ne serait pas dans la même pièce que moi. Mais comment allait-il ? Voyant mon agitation, la jeune doctoresse décida de m'extuber. J'obéis à ses directives. Le retrait du tube dans ma gorge me fit tousser. Elle me demanda de ne pas parler, mais je n'en avais rien à foutre, je voulais savoir où était Jarod.

- Je... Je dois partir... Où est-il ?demandai-je d'une voix plus rauque que jamais.

J'étais cependant incapable de me mouvoir comme je l'aurais voulu, et cela me mettait en rage. Je devais savoir si Jarod allait bien. La jeune femme déclara qu'elle devait procéder à des examens pour évaluer mon état. J'aurais bien voulu lui balancer une remarque acerbe mais les quelques mots prononcés laborieusement m'avaient épuisée. Je me contentai alors de hocher la tête en roulant des yeux d'un air exaspéré pour lui dire qu'elle pouvait y aller.
Pourvu que personne du Centre ne sache que j'étais là... Pourvu que Jarod ne soit pas là...

Kassie avait été heureuse de constater que Carla allait bien, Lexie avait eu la présence d'esprit de la placer à l'écart, qu'elle n'entende pas trop le remue-ménage des urgences avec l'arrivée de tous les blessés de la fête foraine. ELle avait aussi eu la joie de constater que Jason était arrivé rapidement. Elle lui avait souri et rendu son étreinte. Carla et les bébés iraient bien, il fallait donc qu'elle aille s'occuper d'autres blessés. Dont Jarod, son meilleur ami. Entre temps, elle avait croisé Asher dans le couloir. Tout juste le temps d'une acolade avant qu'elle ne voit Jarod mal en point. Elle remercierait son fiancé de la part de Jay un peu plus tard. La caméléone s'était précipitée pour soigner son ami tandis que Lexie s'occupait de Parker. Kassie savait sa soeur extrêmement compétente et elle avait une confiance aveugle en elle.

Le cas de Jarod avait été complexe, il avait bien failli y passer, mais heureusement, Kassandra et son équipe avaient pu le faire revenir. Comme toujours, il avait minimisé son cas. Kassie s'en voulait... ELle avait bien vu pourtant qu'il avait du mal à respirer, c'était obligé qu'un choc au thorax en soit la cause... mais comme souvent, elle s'était laissée embobinée par ses paroles. Quand elle entendit le coeur de son meilleur ami repartir, elle se fit la promesse de ne plus jamais se laisser faire ainsi. Reposant les palettes, elle donna quelques instruction aux infirmiers présents avec elle avant de s'approcher de lui pour observer ses yeux. Il se réveillait et elle le vit bouger sa main. Elle décida de la lui prendre et lui sourire.

- Tu nous as fait peur. Tu es tiré d'affaire, mais tu as deux côtes cassées et deux autres fêlées. Tu vas être un moment sous antalgiques, mais ça ira.

Ils étaient en salle de réveil à présent, afin de libérer le bloc pour d'autres patients. D'autres se réveillaient laborieusement de leur intervention. Kassie resta auprès de son ami.

- Je vais m'organiser pour que tu ne restes pas trop longtemps ici, dit-elle près de son oreille. Par contre je me demande si je ne devrais pas te ramener chez nous...

En effet, s'il était seul, il aurait du mal à gérer sa convalescence, peut-être aurait-il besoin d'aide... Mais c'était à lui de décider. Elle savait cependant que la seule idée qu'il avait en tête en ce moment, c'était "elle". Parker.

- Lexie s'occupe d'elle, elle est entre de bonnes mains. N'essaie pas de parler, repose-toi jusqu'à ce que je revienne, d'accord ?

Tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver Asher, qu'il l'entoure de ses bras. Elle retira sa blouse jetable et quitta la salle de réveil pour aller dans la salle d'attente retrouver son fiancé. Les émotions étaient trop fortes, et aussitôt contre lui, elle fondit en sanglots.

Il n’y a rien de plus effrayant que de se sentir impuissant face à des événements que nous sommes habituellement en mesure de contrôler. Mon corps était tellement lourd que je me demandais si je lui appartenais encore. Quelle sensation étrange ! J’étais dans cette pièce, mais j’avais l’impression d’être ailleurs, pris entre deux mondes et incapable de pencher dans l’un ou l’autre.

Les humains autour de moi étaient des formes indéfinissables qui se déplaçaient lentement. Des voix s’élevèrent, d’abord incompréhensibles, puis redevenues peu à peu humaines, tandis que les formes se transformaient en silhouettes. Mes paupières étaient si lourdes que je peinais à les garder ouvertes. Il me faudrait un peu de temps pour reprendre mes esprits. Alors que je désespérais de m’enfoncer davantage, une voix familière me tira de ma torpeur. C’était Kassandra, mon ange gardien, dont je louais la présence.

Mes doigts bougèrent imperceptiblement, sauf pour quelqu’un à proximité. Puis ma main sortit de sa léthargie corporelle pour se mêler à celle de ma meilleure amie qui, je crois, examinait mes blessures. « … » J’essayai d’ouvrir la bouche, mais rien ne sortait. J’avais les lèvres pâteuses et les cordes vocales en mode « silencieux ». Il me faudrait encore un peu de temps pour sortir de cet état second. Mais j’étais entre de bonnes mains et en sécurité. Cependant, je restais dépendant, ce qui m’exaspérait au plus haut point, et je le serais durant ma convalescence, ce qui incita Kassie à me proposer de venir chez elle. L’idée était bien intentionnée, mais risquée. Je parvins à bouger la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre que je ne voulais pas m’imposer, mais surtout que je ne voulais pas mettre Kassandra en danger au cas où quelqu’un remonterait jusqu’à moi. Et naturellement, je pensais à Parker, qui était prêt à tout pour me couvrir et n’hésiterait pas à capturer Kassandra sans le moindre remords.

« — Par... » commençai-je avant d’être brusquement interrompu par mon amie qui me rassura aussitôt en me disant que notre connaissance commune était entre de bonnes mains avec Lexie. Cette information me soulagea presque instantanément, assez pour que je lâche prise et consente à suivre les conseils de mon amie qui quitta les lieux, me laissant seul à nouveau.

À peine avait-il eu le temps de serrer Kassandra dans ses bras que la jeune femme s’éloignait déjà pour retourner sur le terrain et sauver des vies, en particulier celle de son meilleur ami. Bien sûr, Asher aurait préféré garder sa fiancée un peu plus longtemps contre lui, mais il savait qu’il ne pouvait se permettre d’être égoïste en de telles circonstances. D’autres personnes avaient besoin d’aide et de soins, tandis que lui, malgré l’adrénaline encore présente dans ses veines, était indemne. Il devait donc se calmer et retrouver son sang-froid.

La salle d’attente devint donc sa nouvelle escale, faute de mieux. Il s’assit sur l’une des chaises libres à proximité, fixant le sol pendant de longues secondes. Ne supportant pas vraiment de rester inactif, il se redressa presque aussitôt, jeta un coup d’œil à sa montre, puis sortit sans trop savoir pourquoi avant de revenir à sa place et de se saisir du premier magazine à portée de main. Il feuilleta les pages et ne sembla point s’émouvoir du fait que le Viva Magenta était la couleur Pantone de l’année et qu’elle se mariait à merveille avec des teintes pastel. Ne s’intéressant pas aux dernières tendances de décoration d’intérieur, il abandonna bien vite sa lecture pour fixer à nouveau le sol. Il s’apprêtait donc à se lever quand il vit Kassandra s’approcher de lui.

« — Ça va ? » demanda-t-il avant que la jeune femme ne se réfugie dans ses bras, laissant éclater ses émotions. Au début un peu décontenancé, Asher finit par entourer Kassandra de ses bras pour lui offrir son soutien. « — Je pense qu’on devrait aller voir ce qu’il y a dans le distributeur. Rien de mieux qu’une petite collation pour reprendre des forces. Tu en penses quoi ? » proposa-t-il avec un sourire encourageant.

Maintenant que Jason est là, je me sens mieux, plus en sécurité. Il a le don pour me calmer. Mais je sais que je vais faire attention pour ma fin de grossesse... Je n'irais plus dans des endroits où il y a trop de monde. Je resterai à la maison avec lui. Je n'irais en ville que pour les examens même si je n'aime pas du tout l'hôpital... Heureusement que c'est Kassandra qui s'occupe de moi et qui connait mon secret... Les hôpitaux sont des endroits où il y a bien trop d'émotions... Bien trop d'images pas jolies.

J'invite Jason à venir se coucher contre moi. J'ai envie de me blottir tout contre lui, alors il s'installe dans mon dos et je soupire de soulagement. J'arrive à remettre mes barrières mentales. Je ne ressens plus rien des autres. Et les bébés décident de bouger comme pour me montrer que tout va bien. Mon amoureux caresse mes cheveux d'une main. Je lui prend l'autre main pour la poser sur mon ventre, pour qu'ils sentent nos bébés, qu'il profite lui aussi et je fini par m'endormir. Lui, il veille sur moi, inquiet. Il culpabilise... Mais ce qui compte c'est que nous allions bien tous les trois et qu'ils soient encore au chaud dans mon ventre... Tout ira encore mieux lorsque je rentrerai à la maison avec lui. Les contractions ont disparu, c'est bien...

Je dois dire que je suis soulagée que cette femme soit réveillée. Mais cela ne me surprend pas, nous l'avons prise en charge rapidement et avons fait tout ce qu'il fallait. Mais rien est terminé. Nous devons voir si elle a des séquelles. Elle semble perdue. Je me dois de la rassurer. Et surtout lui retirer le tube qu'elle a dans la gorge qui lui permettait de mieux respirer. Malgré ce que je lui demande elle décide de parler...

- Mademoiselle Parker, vous ne pouvez pas partir. Vous avez été blessée. Vous parlez de qui ? Oh !! L'homme qui a été conduit en même temps que vous ? Il est avec une de mes collègues. L'infirmière va aller prendre de ses nouvelles ne vous en faites pas. Et nous allons le prévenir de votre réveil.

Elle parle de Jarod... J'espère qu'il va bien... Je n'ai pas pu prendre de ses nouvelles pour l'instant... Je commence à regarder si elle peut bouger tous ses membres, voir ses réflexes, je lui demande de serrer mes mains, de bouger les orteils. Puis quelques questions... Pour voir si elle n'a pas de lésions cérébrales.

- Vous savez quel jour nous sommes ? Quel est votre dernier souvenir ? Comment vous vous appelez ? Nous allons vous garder en surveillance durant quarante huit heures. Le temps que votre état de santé s'améliore.

Il vaut mieux ne prendre aucun risque. Je suis du genre à bien prendre soin de mes patients... Peut être en faisant un peu trop. Je lui tend doucement le verre d'eau que l'infirmière a rempli pour elle. Déjà pour qu'elle s'hydrate et soulage sa gorge et ensuite pour voir si elle peut tenir des choses dans ses mains, voir si elle n'a pas de faiblesse musculaire.

Je détestais être à l'hôpital, je détestais surtout l'idée d'en avoir besoin, de me sentir faible, d'être dépendante... Et pourtant, c'était le cas. Le sédatif qu'ils m'avaient donné était puissant, si bien que je peinais, non pas à me réveiller, mais à le rester. La jeune médecin me parlait de moi, ma santé, posait des questions, me demandait de faire des choses absurdes comme remuer les orteils. J'avais envie de hurler et de partir à toutes jambes, mais je ne le pouvais et j'en avais conscience. Tout ce que je voulais, c'était avoir des nouvelles de Jarod. Je hochai la tête quand le Dr Watson me demanda si je parlais de l'homme qui avait été admis en même temps que moi. En même temps, je n'avais aucune idée de ce qui était arrivé à Jarod puisque j'avais perdu connaissance dès le début de la catastrophe. J'étais assez désorientée du coup. Je réalisai les choses qu'elle me demandait de faire, puis j'essayais de répondre à sa question.

- Je me souviens de la fête foraine... On était samedi forcément c'était bondé de gamins...

Je détestais les gosses. Parler me faisait mal à la gorge.

- Vous connaissez mon nom puisque vous l'avez dit... répondis-je mollement.

Elle me tendit enfin un verre d'eau, je l'attrapais d'une main tremblante avant de le porter à mes lèvres. Cette gorgée fut salvatrice, avant que je ne réalise le délai que la doc avait exprimé.

- Quarante-huit heures ? Vous avez vu la vierge vous ! Le temps de me réveiller et je me tire.

Mais je sentais la fatigue insupportable me tirailler, j'avais du mal à garder les yeux ouverts et les sons qui sortaient de ma bouche étaient mous. Je tâchai de reposer le verre pour éviter de me le renverser dessus, il commençait à me sembler lourd.

Avoir vu son meilleur ami passer si près de la mort, alors qu'il était encore une fois avec ce dragon de Parker, et qu'en plus sa protégée, enceinte, ait failli se faire attraper et aurait pu être blessée, sans compter la compassion de Kassie envers toutes les victimes, tout ceci avait eu raison des émotion de la caméléone qui fondit en larmes dans les bras de son fiancé amnésique. D'ailleurs, lui aussi aurait pu être blessé, et elle culpabilisait. Pourquoi se passait-il des choses comme ça ? Tous ces gens présentes à la fête foraine ne voulaient de mal à personne, ils voulaient juste s'amuser un peu.
La brunette appréciait les bras d'Asher autour d'elle, qui la réconfortaient et la rassuraient. Sa remarque sur le distributeur la fit sourire malgré ses larmes. Même s'il n'avait pas recouvré toute sa mémoire, il savait toujours la faire sourire.

- D'accord.

Elle sécha ses larmes d'un revers de la main.

- Je suis fière de toi, tu sais. Tu as réussi à conduire Carla jusqu'ici. Tu veux m'en parler ? De ce que tu as ressenti quand tu conduisais ?

Ce n'était pas rien car après l'accident qu'il avait eu, il était normal qu'Asher soit traumatisé, et il ne voulait plus toucher un volant. Mais face à l'urgence de la situation et au grand soulagement de Kassandra, il avait accepté de conduire Carla à l'hôpital.

Alors qu'ils se dirigeaient vers le distributeur de la salle d'attente, Kassie pensait à sa soeur. Lexie s'en sortait-elle avec Parker ? Elle avait promis à Jarod qu'elle était entre les meilleures mains qui soient, et c'était vrai, mais au vu de son attachement incompréhensible pour cette femme, la caméléone redoutait le ressentiment de son comparse à son égard si Parker ne s'en sortait pas. Mais l'interne ne pouvait cependant pas aller vérifier par elle-même, car si la patiente était réveillée et l'identifiait comme travaillant ici, c'en serait fini de sa liberté.