On aurait pu croire que la vie de Kassandra était enfin parfaite et joyeuse, elle était toujours libre, elle venait de retrouver sa famille, une chance inespérée d’ailleurs, et se sentait choyée de l’amour de sa sœur et ses parents. Seulement un malheur venait de s’abattre sur elle : son fiancé Asher avait été victime d’un accident de voiture, comme par hasard juste après qu’il ait reçu quelques informations concernant sa famille qu’il recherchait. Voilà l’ancien militaire dans le coma. Kassie était au trente-sixième dessous (bien que cette expression lui échappe encore, après tout même au Centre il n’y avait « que » vingt-sept sous-sols…) et passait le plus clair de son temps à son chevet à l’hôpital.

La ville avait organisé une journée plage avec des divertissements avant la grande rentrée de septembre, et Rose, la maman retrouvée de Kassandra, lui avait proposé de venir avec elle, que sortir un peu et voir autre chose lui ferait du bien. A brunette n’avait pu refuser, ça avait l’air de faire plaisir aux Watson, alors elle avait répondu par la positive. Après tout, elle avait son portable sur elle et si Asher se réveillait, on l’appellerait tout de suite.

Elle avait donc pris ses affaires, un bikini blanc, une serviette de plage, de la crème solaire, des lunettes de soleil, embarqué le tout dans un sac en toile et avait attendu Rose qui était venue la chercher.
Sur place, l’ambiance était effectivement festive, de la musique, des cocktails, des gens joyeux et bronzés, de quoi donner le sourire. Pourtant, Kassandra ne se sentait pas à sa place. Elle espérait que Lexie les rejoindrait.

- Merci de m’avoir emmenée.

Elles se posèrent à un emplacement sous un parasol qu’on leur avait désigné et on leur donna à chacune un cocktail.

Ma fille avait traversé tellement d’épreuves, pourquoi le destin n’était pas de son côté pour une fois ? Certes, nous étions enfin réuni, mais son fiancé avait été victime d’un terrible accident de voiture et on ne savait pas si ce dernier allait se réveiller un jour ou non. Il fallait donc éviter que cette dernière se renferme sur elle même et ne se mette à déprimer. La dépression était quelque chose que j’avais connu et je ne voulais pas qu’elle vive ça. J’avais donc préparer mes affaires afin de passer un bon moment avec elle. Mon Dieu, ça faisait un bon moment que je n’avais pas mit de maillot de bain.

Une fois mon sac prêt, je mettais mise en route pour aller la chercher. Nous n’avions pas mit longtemps à arriver sur place. Il y avait déjà pas mal de monde mais l’ambiance était vraiment sympa et les personnes joyeuses. On se rendit sous un parasol et on nous donna un cocktail avec une petite ombrelle. J’adorais ça, ça me donnais vraiment l’impression d’être en vacance. Je le posais sur la petite table qui se trouvait entre nous et je retirai ma robe de plage pour me mettre en maillot rouge.

« Mais de rien, ça me fait plaisir ! Je ne sais pas si ton père va nous rejoindre car il est de garde aujourd’hui. Mais ta sœur, ça pourrait-être sympa, on passerait une journée entre filles. Est-ce que tu as de ses nouvelles ? Je lui ai envoyé un message ce matin, mais je n’ai pas obtenu de réponse. »

A une période, j’aurai paniqué et j’aurai limite appelé la police pour m’assurer que cette dernière allait bien. Mais j’avais fait un travail sur moi-même et à présent, j’arrivais à être moins envahissante. Bon, il m’arrivait encore par moment d’avoir des mauvais réflexe.

La ville n’avait pas son pareil pour organiser des évènements aussi divers que variés. J’en arrivais à me demander si les personnes en charge des animations étaient autorisées à prendre des vacances. Probablement que si pour des raisons de légalité, ce qui mettait à mal ma réflexion. Toujours est-il que j’étais là, à proximité des animations près de la plage. J’observais les gens avec attention. Chacun vivait les choses différemment ce qui rendait l’observation d’autant plus fascinante et riche en découvertes.

J’étais de retour à la caserne depuis peu, mais l’on avait jugé utile de me mettre en phase d’observation avec un suivit psychologique. Il est vrai que la mort de Tony m’avait beaucoup marqué, assez pour perdre pied. La nuit, il m’arrive encore de me réveiller en sursaut le regard de Tony braqué sur moi. Je repensais aussi sans cesse à sa femme et à toute la peine engendrée par la disparition de l’époux autant que celle du père. Peut-on vraiment s’en remettre ? Je l’ignore et peut-être que jamais je n’aurais une réponse à cette question. Toujours est-il que je devais me reprendre et pour Lexa et pour Kassandra qui elle, avait bien failli perdre Asher dans un accident de voiture. Ce dernier était à présent dans le coma ; un coma suffisamment profond pour que les médecins soient incapables de savoir si oui ou non l’ancien militaire pourrait se réveiller sans séquelles.

Un ballon s’échoua devant moi, me sortant presque aussitôt de mes sombres pensées. Le sourire aux lèvres, je me baissais dès lors pour récupérer le ballon et le rendre à son propriétaire. C’est alors que je vis au loin, une demoiselle que je ne connaissais que trop bien et qui occupait mes pensées il y a peu. Kassandra venait de prendre place sous un parasol, accompagnée par une femme que je n’avais, à ma connaissance, jamais rencontrée. « Aller Jarod, fais ne serait-ce que l’ombre d’un effort. » Devais-je vraiment m’approcher et ainsi m’inviter ?

J’avais passé une semaine vraiment rude et je savais qu’Eli aussi. Sa grossesse la fatiguait beaucoup et notre Sarah avait vraiment besoin d’attention. Mais aujourd’hui, je voulais que ma femme se repose. J’avais donc prévu d’emmener ma fille à une journée plage. Je savais que c’était quelque chose de risquer car le moindre petit microbe pouvait la tuer. Mais je ne voulais pas qu’elle vive dans une bulle isolée du reste du monde. J’avais prit toutes les précautions de toute façon. J’avais aussi appeler avant pour savoir si des rampes avaient été prévues pour les personnes en fauteuil et oui heureusement.

J’avais vu au visage de ma fille que cette dernière était heureuse de notre petite sortie père fille. J’avais laissé Snow avec Eli car cette derrière dormait et depuis son malaise, il ne la quittait plus du tout. Je me mettais donc en route avec Sarah qui avait déjà un sourire sur les lèves avant même que nous soyons arrivés. Je lui avais mit une joli fleure dans les cheveux et elle était toute contente. Une fois arrivée, du personnel vinrent m’aider à la sortir de la voiture, chose que j’appréciais vraiment, car mine de rien, ce n’est pas facile.

On allait ensuite se mettre sous un parasol. Il faisait frais et c’était vraiment agréable. Je prenais soin de lui mettre de la crème solaire et je l’aidais à retirer sa robe sous laquelle elle avait son maillot. Je retirais mon tee-shirt pour profiter moi aussi. On nous apporta de quoi boire et j’en donnais à ma fille. Je prenais ensuite une photo de nous deux que j’envoyais directement à Eli. Elle le verrait une fois réveillée.

Malgré sa joie d’être avec sa maman une nouvelle fois, le moral de Kassandra n’était au beau fixe, elle n’avait de cesse de penser à Asher qui était dans le coma à l’hôpital. Cela faisait déjà trois jours. Le neurologue avait dit que tout était normal et qu’il ne tenait qu’à lui de se réveiller. Chaque jour, la caméléone passait des heures au chevet de son fiancé, elle lui parlait, lui racontait des choses, lui faisait la lecture des nouvelles dans le journal qu’il aimait lire tous les jours. Une fois, elle avait même entrepris de lui réciter dans l’ordre les atomes du tableau périodique des éléments, sachant que tout ce qui touchait au domaine scientifique l’agaçait un peu, elle espérait l’entendre ronchonner. Mais non.

Elle avait donc accepté la proposition de sa mère, ne se voyant pas lui refuser quoi que ce soit alors qu’elles venaient de se retrouver. Elle espérait que Lexie et Aaron les rejoindraient.


- Peut-être que Lexie viendra avec Peter, s’il n’a pas trop de travail.

Tout ce qu’elle espérait, c’était que Lexie soit heureuse avec son petit ami, qu’elle n’ait pas à connaître la peine qu’elle-même ressentait, ou plutôt la détresse, à ne pas savoir ce qui allait arriver à Asher, s’il allait se réveiller, quand, dans quel état. Mais elle essayait de rester optimiste. Elle tâchait de sourire à sa mère mais son regard fut soudain happé par le passage de deux personnes, un papa et sa fille qu’elle reconnut.
La petite Sarah était un véritable rayon de soleil, certes son handicap ne permettait pas une communication aisée, mais une fois qu’on la connaissait, on apprenait les petits « trucs » pour la comprendre, c’était ce que Lexie et elle étaient parvenues à faire.

- C’est James et sa fille, Sarah. Avec Lexie, on gardait Sarah le soir quand ses parents ne pouvaient pas à cause de leur travail. Je reviens, je vais leur dire bonjour.

Kassie se leva et approcha de James et Sarah.

- Bonjour, dit-elle en souriant. Sarah, ton maillot est super ! Et regarde, moi aussi j’ai une fleur dans les cheveux ! dit—elle en tournant la tête pour lui montrer.

Puis, son regard se posa sur le père de famille.

- Comment allez-vous monsieur McCoy ? Est-ce que vous avez besoin d’aide ? proposa-t-elle. Si vous avez besoin, je suis juste là avec ma mère.

Son regard suivit un ballon qui vint se poser au pied d’un homme qu’elle ne connaissait que trop bien, Jarod.

- A plus tard.

Elle se dirigea vers lui.

- Jay, souffla-t-elle en le serrant dans ses bras.

Elle ne l’avait plus revu depuis des semaines, depuis cette horrible soirée où le Centre avait failli l’attraper.

- Comment tu vas ? J’ai tellement de choses à te dire… J’ai besoin de ton aide.

Elle espérait qu'il ait une idée pour aider Asher à sortir plus vite du coma, car elle, de son côté, avait épuisé toutes les ressources possibles.

Je n’aurais pas dû venir, c’en est presque indécent à mon sens ; et pour cause Tony est décédé et Asher dans le coma. Je demeurais donc incapable de comprendre ce qui m’avait poussé à venir jusqu’ici pour assister à ce qui est décrit comme « une fête. » Pour dire vrai, je n’avais pas vraiment le cœur à la fête ; malgré les efforts et les apparences, j’avais encore beaucoup de mal à ne pas penser à toutes les épreuves que le Centre nous avait fait vivre. Mais que pouvais-je y faire si ce n’est attendre ? Mais attendre quoi ? Par chance, le ballon qui venait d’atterrir face à moi, me sortit de mes pensées et me permit et de sociabiliser et de me concentrer sur quelque chose d’un peu moins pesant que mes états d’âme. C’est à cette occasion que je vis au loin Kassandra. Je ne pouvais décemment l’ignorer et malgré l’hésitation furtive, je décidais dès lors de m’approcher pour venir aux nouvelles. Et alors que je m’apprêtais à lui faire signe, un collègue de la caserne s’approcha de moi, alors que mon regard demeurait rivé sur Kassandra qui souriait à une adorable fillette en fauteuil roulant. Cette vision ne put que m’attendrir, alors que mon collègue qui venait de récupérer un autre ballon à mes pieds tentait non sans mal de me faire la conversation.

— Pardon, tu disais ? Excuse-moi, j’ai un peu la tête ailleurs. Mais de toute évidence, il en fallait plus pour mettre à mal la patience du pompier qui me faisait face. « Ce n’est pas grave. » Il déposa une main bienveillante sur mon épaule avant de s’éloigner avec le ballon et quelques enfants avec qui il avait débuté une partie. Mon regard se posa à nouveau sur Kassandra qui m’ayant remarqué, avait entrepris de s’approcher à son tour. — Hey ! tentais-je en la saluant de la main, avant de faire les derniers pas qui nous séparaient l’un de l’autre. Je n’eus pas le loisir d’en dire davantage, que déjà ma camarade me serrait dans ses bras, me rappelant à quel point ce genre de contact était salvateur. — Ca faisait longtemps , lui murmurais-je avant de me séparer d’elle pour mieux lui faire face.

— Je suis sincèrement désolé pour Asher… Plutôt que de parler de moi, je préférais me focaliser sur mon amie, éludant de ce fait, la question qui venait de m’être posée. Kassandra avait le regard marqué et par les cernes et par une profondeur que je ne lui connaissais pas. Elle semblait ailleurs sans même s’en rendre compte, mais plus encore alourdie par le désespoir, un de ce que l’on ne peut décemment ignorer. Et alors que je m’apprêtais à lui demander comment elle allait, elle fit entendre, sans détour, qu’elle avait besoin de mon aide, ce qui me fit vriller le cœur, car je savais pourquoi elle formulait cette demande.

— Je ferais tout ce que je peux pour t’aider, je te le promets. Ma main saisit la sienne presque aussitôt, tandis que sur mes lèvres, un faible sourire prenait vie. — Tu n’es pas venue seule à ce que je vois.  Je voyais au loin, la femme avec laquelle mon amie semblait être venue. — Vous partagez quelques similarités au niveau du visage, c’est étrange.

Malgré les malheurs et l’adversité, il restait des piliers sur lesquels compter : la famille, une notion que Kassanra découvrait de mieux en mieux chaque jour et qui lui donnait du baume au coeur, et les amis. Sa maman l’avait traînée à cette sortie plage organisée par la ville, espérant ainsi lui changer les idées et lui faire voir autre chose que l’hôpital où elle passait le plus clair de son temps, entre son travail et veiller Asher. Et soudain, Jarod avait fait sa réapparition. Kassie se sentait soutenue avec cet ami qui la comprenait mieux que personne puisque lui aussi était passé par le même enfer toute sa vie.
Jarod semblait être au fait de ce qui était arrivé à Asher. Comment ? Les caméléons avaient des ressources dont les autres personnes ne se doutaient pas.

- Ah, tu es au courant… Je… je voudrais t’en parler, mais pas ici.

Elle se tourna en direction de la personne qu’il avait désignée comme l’accompagnant avant de river de nouveau son regard vers son ami.

- Oui, dit-elle avec un sourire triste. C’est ma mère. Nous nous sommes retrouvées. Il faudra que je te raconte tout. Lexie, tu te souviens d’elle ? Il s’agit en fait de ma sœur.

Mais toutes ces révélations ne pouvaient être décemment faites sur cette plage, d’autant que la musique se mit à retentir plus fort et qu’un animateur au micro annonça l’élection de Miss Parasol.

- On s’en reparle plus tard, d’accord ? Je te présenterai mes parents si tu veux aussi. Je suis venue ici pour faire plaisir à ma mère, elle pense que ça va m’aider à penser moins à Asher.

Etait-ce possible ? Certainement pas, mais après tout, pourquoi ne pas essayer d’évacuer un peu de tristesse en faisant comme tout le monde, pour une fois.

- On reste en contact, OK ? Ne disparais plus s’il te plaît.

Kassandra serra une nouvelle fois dans ses bras son ami avant de retrouver sa maman sous le parasol, et d’admirer le restant de la journée comment les êtres libres profitaient d’une journée à la plage, et également en quoi consistait une élection de miss. Une journée somme toute enrichissante pour quelqu’un qui avait tant à apprendre de la normalité.