Il se posa sur un banc, non loin du parc de la ville, où récemment les restes d’un corps eurent été trouvés en de bien étranges circonstances. Et pour cause, la macabre découverte signait bien malgré elle, le point d’orgue de quelques festivités. Les cent ans de la ville de Blue-Cove pour faire preuve de précision. Une ville synonyme de bien des tourments pour Jarod, qui avait cependant décidé d’y revenir après avoir fait le tour du pays durant toute une année. Une expérience durant laquelle il avait assimilé diverses identités pour venir en aide au plus grand nombre. C’était sa façon à lui d’exorciser tout le mal engendré par le Centre. Un mal qu’il avait contribué à accroître bien malgré lui. Mais depuis la découverte du cadavre, notre caméléon avait tout bonnement cessé de parcourir le pays pour se fixer ici, bien décidé à découvrir, de prime abord, l’identité dudit cadavre. Toutefois, à ce stade, notre caméléon n’avait encore aucune preuve tangible à avancer. D’ailleurs, il n’avait pas choisi d’être policier, alors il n’était pas légitime pour cela. Non, il se fiait pour l’heure à son instinct, qui ne s'était jamais joué de lui. Il pouvait donc éhontément s’appuyer dessus, au point de se laisser aller à imaginer qu’il était probable que le Centre, d'une quelconque manière, soit lié à ce cadavre sans nom qui tapissait encore sous peu, les fondations de la ville.

Et alors qu’il se laissait aller à diverses hypothèses entourant ce nouveau mystère, il pensa à son ami Tony – qui avait accepté de lui offrir une place à la caserne depuis peu – mais plus encore à Lexa Black, son épouse. Elle tenait un restaurant sur « Blue-Cove Bay » et pouvait se targuer de faire l’une des meilleures cuisines italiennes du coin. Mais plus encore, cette femme semblait connaître Mademoiselle Parker. Une information loin d’être anodine pour Jarod, qui cherchait encore à établir un lien entre les deux femmes. Il était clair, que cela ne venait pas du Centre, sinon quoi voilà longtemps que le caméléon ne jouirait plus de sa liberté. Tony lui avait sauvé la vie à plusieurs reprises, il avait même pris un risque en l’aidant – bien malgré lui – à s’évader l’année dernière. Et puis à plus d’une reprise, si vraiment, il y avait un lien avec le Centre, le pompier ou sa femme, aurait pu le dénoncer. Alors, le lien ne venait certainement pas du Centre. Il songea alors à ce que lui avait dit Tony lors de la calamiteuse célébration du centenaire de la ville. Ainsi, le lien entre Lexa et Parker, venait d’études communes. À bien y réfléchir, c’était plausible et correspondait à la période où les ponts eurent été coupés entre le jeune Jarod et celle qu’il considérait encore comme son amie la plus proche. De ce qu’il savait, la demoiselle avait beaucoup voyagé lors de ses études. De ce fait, il était facile d'imaginer qu'elle avait aussi pu rencontrer du monde, voire même se faire de nouveaux amis. Pour une raison inconnue, Jay laissa la curiosité l’étreindre, si bien qu’il quitta le banc sur lequel il était assis et qu’il profita de son temps libre pour regagner « Blue Cove Bay. » Et en moins de temps qu'il faut pour le dire, il se retrouva face au Bellagio Restaurant.

Il n’était pas loin de 14 h 30 ce qui laissait imaginé que le service du midi touchait presque à sa fin et que donc, il serait plus facile de venir discuter avec la propriétaire des lieux. Ce n’était pas la première fois qu’il venait ici, il pouvait ainsi se targuait de connaître les lieux. Dans la salle – qui achevait de se vider – serveurs et serveuses achevaient de redresser les tables qui leur été assigné tandis que le caméléon s’avançait prudemment vers le comptoir. « - Excusez-moi ! Lexa est là ? » demanda-t-il à la première personne qui se présenta à lui. « - Je suis un ami de Tony. Je passais dans le coin et je me disais que cela serait sympa de venir saluer la cheffe. » On lui désigna la cuisine qu’il rejoignit sans attendre. En effet, la propriétaire des lieux s’y trouvait et semblait en pleine conversation avec son équipe. Jarod, légèrement à l’écart, attendit un peu avant de se manifester, le sourire aux lèvres. « - Salut ! Je passais dans le coin, donc je me suis dit que ça serait sympa de profiter d’une journée de repos pour passer. Je ne te dérange pas rassure-moi ? Sinon je peux repasser plus tard. »

Il se demandait ce qu’il faisait là. Était-ce bien raisonnable de venir ici, sans véritable but, si ce n’est celui de rendre visible à la femme d’un ami ? Jarod essayait de s’en convaincre, il y avait pourtant une part de vraie dans tout ça, mais le caractère officieux finissait toujours par prendre le dessus, rendant notre génie coupable de se servir de la simple visite comme excuse. Dans le fond ce qu’il voulait, c’était de savoir quel lien liait Lexa Black à Mademoiselle Parker et depuis combien de temps se connaissaient-elles ? Il ne lui en fallut pas davantage pour ensuite se rendre au Bellagio, qui sur une fin de service, se vidait peu à peu, laissant au personnel un peu de répit. « L’ivresse de fin de service » un état encore plus vivace sur les soirées du week-end et il le savait pour avoir été chef dans un grand restaurant quelques mois auparavant pour les besoins d’une enquête. Un milieu intéressant passionné et passionnant sous bien des aspects. Mais il n’était pas là pour se rappeler aux bons souvenirs de l’une de ses identités passées. Il était là pour rendre visite à la femme d’un ami et accessoirement l'un des chefs le plus en vogue du moment. Il ne s’embarrassa pas trop de grands discours lorsqu’il arriva. C’était la première fois qu’il se présentait dans l’établissement depuis son retour à Blue-Cove. Cela expliquait donc le fait que la plupart des serveurs soient intrigués par la présence du nouvel arrivant qui ne s’en offusqua point et qui tout sourire, prit la direction de la cuisine que l’on venait de lui indiquer. La porte battante s'ouvrit aussitôt, laissant voir Lexa dans sa cuisine et de surcroît en pleine discussion avec les membres de son personnel. Elle était sûrement en train de faire le point, comme il était d'usage de le faire après un service. Le caméléon se sentit alors un peu idiot de débarquer sans prévenir et au beau milieu d'une conversation à laquelle il n'était pas initialement convié. Mais la jeune femme ne semblait pas offusquée, au contraire. Elle acheva son propos et laissa paraître sur son visage, un sourire qui acheva de rassurer Jarod lorsqu'elle s’adressa enfin à lui. « - J’aurai dû t’appeler, tu étais dans le jus. » Elle l’incita néanmoins à la suivre pour qu’ils puissent se poser tranquillement à une table. « - Mais je vais bien et… » Il sentit alors son ventre grogner… « - Ah franchement, je ne veux pas abuser… » Une idée germa alors dans sa tête. « - Et si on faisait quelque chose à quatre mains ? Je me sentirais moins coupable d’abuser de tes talents culinaires comme ça. Qu'est-ce que tu en dis ? »

À ce stade, Jarod ne connaissait pas encore assez Lexa pour se faire une idée, bien qu’ils aient vécu sous le même toit durant une courte période, quand Tony avait accepté de l’héberger le temps que notre caméléon se trouve un endroit où loger. Il était alors en confiance, mais le simple fait d’avoir vu la cheffe échanger avec Mademoiselle Parker lors de la célébration du centenaire de la ville, instiguait en Jarod un doute qu’il voulait annihiler. Et quoi de mieux pour se faire que de prétexter passer dans le coin, pour une petite visite ? En assumant cela, il n’en était pas fier il est vrai, mais il appréciait Tony et sa famille et ne supportait pas de ce fait, d’avoir le moindre doute sur l’un de ses membres. « - Oui j’imagine bien, mais je m’en voudrais d’abuser de tes talents alors que tu es en fin de service. » Son ventre ne semblait quant à lui pas du même avis, lui qui s’était contenté, en guise de petit déjeuner, d’un café bien trop noir pour être apprécié à sa juste valeur. Pouvait-il donc encore lutter ? Vraisemblablement pas, il alla même jusqu’à proposer d’apporter son aide à la préparation de ce déjeuner, qui le faisait déjà saliver. « - Ok, j’accepte donc de te suivre sur ton territoire. »

Ils s’enfoncèrent donc un peu plus dans la cuisine, alors que les autres commençaient déjà à se préparer pour partir et achever le service de midi. L’épouse de Tony se servit un grand verre d’eau agrémenté de quelques tranches de citron. Cela devait être rafraîchissant au vu de la contention qui apparaissait déjà sur les bords. Jarod redressa alors ses manches et opta pour le thé glacé qui lui faisait face et qu’il agrémentât d’un peu de citron. « - Depuis que j’ai découvert le thé glacé, j’ai l’impression de ne plus pouvoir m’en passer. » Et il est vrai que c’était délicieux, comme peuvent l’être toutes les boissons sucrées dont on l’avait privé enfant. Piqué par la curiosité lorsqu'il errait dans les rayons d'une grande surface, il avait découvert le thé glacé à la pêche par hasard. La boisson se déclinant sous plusieurs appellations, il avait tout essayé, avant de se décider à en faire lui-même pour le challenge. Et incontestablement la pêche avec un peu de citron, gagnait ses faveurs.

Et c’est donc pourvu de leur boisson que la cheffe et son commis d’un jour, regagnèrent le centre névralgique de la cuisine. Le caméléon se saisit sans attendre du tablier qui venait de lui être confié et l’enfila avec dextérité. « - De quoi j’ai envie ? Wow c’est un peu comme si tu demandais à un enfant ce qu’il veut alors que ce dernier fait face à une boutique de bonbons. La meilleure de toute la ville qui plus est. » Il se frotta consciencieusement les mains avant d’observer les ingrédients qui se présentaient à lui. « - J’ai cru entendre que la Napolitaine était la meilleure pizza italienne qui puisse exister. » Il attrapa donc des oignons et de l’ail qu’il commença à peler avant de se saisir d’une tomate qu’il épépina et pela à son tour avant de la découper en dés. C’était instinctif et il ne s’en rendait presque pas compte. « - J’ai lu ça dans un livre de recettes. » Se sentait-il obliger de faire entendre en ajoutant deux cuillères à soupe d’huile d’olive sur la préparation. Il ajouta ensuite consciencieusement l’ail et l’oignon avant d’ajouter par-dessus les morceaux de tomates, du sel, du poivre et un peu de thym. « - Et on enfourne ! Enfin j’attends que tu finisses avant quand même. Il faut être galant même en cuisine. » Le sourire aux lèvres il se décala pour lui laisser la place nécessaire à la confection de sa propre pizza. Il remarqua toutefois comme une absence émanant de Lexa ce qui l’inquiéta presque aussitôt. « - Tout va bien ? Je te sens un peu ailleurs, je me trompe ? »

Depuis son arrivée à Blue Cove et son entrée dans la vie de Tony, Jarod n’avait passé trop peu de temps en compagnie de Lexa, une charmante femme, passionnée qui plus est. Et il le voyait à la façon dont elle prenait fait et cause pour le fait maison et la conviction avec laquelle elle s’exprimait. « -Ah ! Mais je ne vais pas te contredire. C’est toi la spécialiste après tout. Je crois d’ailleurs que c’est une histoire d’addictifs, les saloperies dont tu parles. Promis, je ferai plus attention la prochaine fois que je fais mes courses. Tiens, j’y pense, quand j’aurai trouvé un appartement plus grand que celui que j’occupe actuellement, je pense faire un petit quelque chose pour célébrer ça. Je crois qu’on parle de pendaison de crémaillère non ? Bien que je trouve l’appellation un peu barbare, pas toi ? » Il fit mine de jouer sur l’ironie, histoire de ne pas être pris pour un idiot. Curieux de tout et plus encore de ce style d’expression, Jarod se fit la promesse de faire quelques recherches en rentrant tout à l’heure, histoire de comprendre pourquoi un évènement aussi morbide qu’une pendaison était utilisée aujourd’hui pour célébrer un emménagement. Mais pour l’heure, il était en bonne compagnie et s’apprêtait à savourer un thé maison et une excellente pizza faite dans les règles de l’art.

Jarod s’affairait donc à préparer sa propre pizza, déposant méticuleusement chaque ingrédient et s’appliquant à respecter la tradition italienne. Il avait lu beaucoup d’articles là-dessus, curieux de connaître les petits secrets de ce style de cuisine, mais plus encore avide d’apprendre à faire des pizzas dans la plus pure tradition. Lexa elle l’observait avec attention tandis que le petit génie achevait de placer les ingrédients. La cheffe semblait vraiment impressionnée par le savoir-faire de son invité, qui avait omis bien évidemment de préciser qu’il avait déjà exercé cette profession. « - J’adore cuisiner en fait et les collègues en profitent à la caserne, tu peux me croire. Mais je prends note de ta proposition si d’aventure je cherchais à me reconvertir. »

Chacun acheva la préparation avant que l’imposante pelle ne prenne le relais pour placer les pizzas à l’intérieur du four. Il ne lui faudrait alors pas plus de quatre minutes pour obtenir une cuisson parfaite. Tel était l’avantage de la cuisson au feu de bois. Cela laissait ainsi un peu de temps malgré tout pour entamer une prémisse de conversation et ce bien malgré le fait que Lexa s’affairait à préparer une salade et la bonne bouteille qui allait avec. « - Mais en fait tu ne t’arrêtes jamais toi ! » Et effectivement à peine avait-elle fini de mettre la table, qu’elle retourna près du four en pierre, pelle en main, pour sortir les deux pizzas qu’elle déposa avec dextérité sur un imposant plateau. Roulette en main, la cheffe coupa plusieurs parts avant d’enfin se résoudre à retirer son tablier pour venir poser le tout sur la table qu’ils allaient occuper. « - La prochaine fois, c’est moi qui fais tout. Et pas de mais. Pour l’heure je me dois de goutter ton vin. » Il récupéra le verre, délaissant pour un temps, le thé glacé qu’il avait entamé. En fin connaissant, il pratiqua une dégustation en bonne et due forme. « - Il a une belle robe et un petit goût très fruité. C’est vraiment très agréable en bouche et rafraîchissant. Très bon choix, bravo ! Tu l'as trouvé où celui-là ?»

Vint ensuite la dégustation des pizzas rendant le moment encore plus agréable. Jarod n’avait plus l’habitude de manger aussi bien et pour cause, la cuisine de l’appartement qu’il occupait ne lui permettait pas de cuisiner des plats aussi préparés. Il devait donc se contenter du strict minimum. Mais ça n’était que temporaire. Il avait décidé de rester plus longtemps à Blue Cove et de ce fait, il savait qu’il lui faudrait voir plus grand, plus spacieux et ne plus se contenter d’une simple planque.

« - Dis… » commença-t-il après avoir avalé la moitié de la part de sa pizza. Il hésitait encore, se demandant si c’était le bon moment, mais la curiosité ne l’avait pas quitté et il voulait avoir des réponses et des éclaircissements, refusant d’imaginer qu’une femme aussi gentille que Lexa puisse avoir un lien quelconque avec le Centre. Jarod déposa donc sa fourchette et reprit son sérieux. « - Lors de la fête du centenaire de la ville, je t’ai aperçu converser avec une femme brune, sublime et très élancé en jambes. Tu t’en souviens ? Tu la connais depuis longtemps ? »

Malgré les quelques doutes inhérents au fait de savoir que Lexa connaissait Parker, Jarod ne pouvait nier le fait qu’il était à l’aise avec la jeune femme, plus encore en partageant quelques minutes de cuisine. Lui qui se fiait à son instinct, voyait bien que la cheffe n’était pas le genre de personne avec qui le Centre était habitué à traiter. Souriante et se souciant plus des autres que d’elle-même, elle œuvrait à sa façon, à faire le bien. Tony était semblable dans le boulot, ce qui laissait imaginé qu’ils s’étaient bien trouvé ces deux-là. Donc le fait que Parker soit dans l’équation n’était rien de plus que le fruit du hasard. Faisant abstraction de tout ça et pour ne pas se laisser happer par ses pensées, le pompier qu’il prétendait être depuis plusieurs semaines, reporta son attention sur la propriétaire des lieux qui était en passe d’élucider le mystère de la pendaison de crémaillère.

« -Hô donc c’est une expression qui date du Moyen Âge? » Certains pourraient se surprendre à le voir réagir ainsi. Un peu comme s’il venait de faire la découverte du siècle et tel un l’enfant qu’il ne pouvait plus être, il s’exaltait de cela. Il était vraiment fasciné, comme si on venait de lui raconter la plus géniale des histoires et qu’il devait à tout prix l’écouter pour un jour pouvoir à son tour la raconter. « - Donc la crémaillère n’était pas une personne, mais une grosse marmite que l’on pendait au-dessus du feu ? Wow s’est fascinant je trouve, mais je me vois mal me trimbaler avec une crémaillère chez moi maintenant. » L’excitation passée, il reprit un peu plus son sérieux pour parachever la méthodique confection de sa pizza tout en continuant à échanger avec la femme de Tony, qui reconnut son hyperactivité et l’agacement que cela pouvait solliciter auprès de ses proches. Elle n’avait rien ajouté de plus, mais son interlocuteur n’était pas dupe et n’étant pas le genre de personne à fermer les yeux lorsqu'il ressentait un trouble, il savait qu’il finirait par vraiment lui demander si elle allait bien lorsqu'elle sera un peu plus en confiance et sereine pour se confier.

Les deux amis en devenir prirent donc place pour enfin savourer ce repas qui n’attendait qu’eux. « - Et du coup, je me disais, tu loues tes services pour une pendaison de crémaillère ? Que je sache si je dois commencer à fortement économiser. » lança-t-il rieur en se saisissant de son verre pour savourer le liquide liquoreux qui en tapissait le fond. « - Et bah franchement, il est délicieux. Et je crois que je n’aurais pas rêvé mieux pour une pendaison de crémaillère qu’un vin venant d'un vignoble italien. » Il n’était pas un fervent adorateur d’alcool, mais devait bien reconnaître qu’il avait entre ses mains un délice pour les papilles qui se mariait divinement bien avec de la pizza qu'il avait dans son assiette. Et c’est sûrement avec un peu plus de confiance qu’il se lança et évoqua Parker. Il voulait des réponses et il allait en avoir quitte à jouer le parfait ignorant.

« - Ah ok, des copines de fac. Je vois ! Par contre, je saisit moins le terme « flashé » Tu veux dire qu’elle a retenu mon attention, c’est ça ? » Il était bien tenté de répondre que « non » mais pour une raison inconnue, une toute autre réponse quitta sa bouche. Le genre de réponse pas préméditée, qui le surprit lui-même. « - En fait je la connait depuis longtemps. C’était mon amie d’enfance en quelque sorte. » Il reprit son verre pour le délester d’une gorgée un peu plus grande cette fois. « - C’est le genre d’histoire que tu classes dans la catégorie dite "compliquée." Tellement que j’imagine qu’elle ne t’a jamais parlé d’un ami d’enfance. » Tu te fais du mal Jarod !

« - Aujourd’hui nous avons cette fâcheuse tendance à employer des expressions qui nous échappent ou même à les sortir de leur contexte. Mais de toi à moi, j’aime encore apprendre des choses et j’aime aussi l’histoire, plus encore avec ce type d’anecdote. Désormais je ne verrais plus la pendaison de crémaillère du même œil et ce grâce à toi, je t’en remercie. » Il éclata de rire à son tour, contaminé par la joie de vivre de cette jolie blonde qui avait ravivé le cœur de Tony. Elle sortit ensuite son portable, désireuse toujours de faire partager son savoir et aussi de montrer à son invité intrigué, à quoi pouvait bien ressemblait cette fameuse crémaillère. « - Ah oui effectivement ça prend de la place. Mais si jamais un jour il me prend l’envie d’ouvrir une taverne, je saurais quoi mettre à l’intérieur. » Ils rirent à nouveau de bon cœur avant d’attaquer la dégustation, qui en de tels lieux, semblait relevée du privilège. Lexa y alla franco avec les doigts, incitant Jarod à en faire de même et sans culpabiliser malgré le standing de l’établissement. Le caméléon évoqua ensuite une hypothétique pendaison de crémaillère, lui qui n’avait même pas encore cherché d’appartement et qui se contentait encore de payer une chambre dans une espèce d’auberge en ville. Mais la perspective d’avoir son chez lui, tout comme Kassandra, ne le quittait pas.

« - De toi à moi, je ne faisais que lancer l’idée. Je n’ai pas encore vraiment cherché activement quelque chose. Initialement , je n’avais pas prévu de me poser ici. Cette ville est à l’origine de quelques mauvais souvenirs, mais de bons aussi. J’ai une amie qui s’est installée ici avec son fiancé. D’ailleurs, c’est eux qui sont venus manger l’autre soir. Tu te rappelles, je t’avais appelé un peu en catastrophe pour savoir s’il était possible de réserver une table pour une demande en mariage. Ils se sont trouvé une chouette maison ici et sont heureux. » Il en disait trop, mais se sentait assez en confiance avec la cheffe pour s’exprimer sans restriction. « - Je vais d’acheter une petite bouteille pour eux. Et je garde bien en tête que tu es prête à me louer gracieusement tes services. »

La conversation était bon enfant, emplie de légèreté et agréable au possible avec du bon vin et de la bonne pizza. Toutefois, elle ( la conversation) prit une bien étrange tournure lorsque enfin Jarod évoqua cette fameuse connaissance, qu’ils avaient tous les deux en commun ce qui sembla étonner l’épouse de Tony. « - Oui c’est vrai. Le monde est petit n’est-ce pas ? » Mais le fait de savoir que leur relation était compliquée, sembla ébranler Lexa. « - Non mais ce n’est pas grave. Tu ne pouvais pas savoir. » Elle déposa une main bienveillante sur la sienne et laissa entendre qu’elle était là si jamais il voulait en parler. « - Je ne désespère pas d’avoir une petite conversation avec elle un jour. » Il esquissa un léger sourire avant de reprendre sa dégustation. « - Mais dis, par hasard, tu ne pas connaitrais un agent immobilier ? »

Jamais, ô grand jamais, Jarod ne s’était imaginé qu’en rendant visite à Lexa, il serait amené à ainsi se confier. Preuve que la jeune femme instiguait en lui assez de confiance pour oser s’épancher un peu plus sur le passé. Mais pour l’heure, il n’en était pas encore là et préférait entendre ce que la charmante Lexa avait à faire entendre, si du moins, elle acceptait d’en dire un peu plus sur le trouble qui l’habitait. Cela avait-il un lien avec Tony ? Rencontraient-ils des problèmes ? Peut-être que cela venait également de leur fils, qui n’avait pas un caractère facile. Trop de possibilités s’offraient à Jarod, qui préféra toutefois laissé le champ libre à la cheffe. Du moins quand elle sera prête à s’épandre un peu plus.

« - La magie des objets. On peut leur donner plusieurs utilités. » lança-t-il toujours en évoquant une crémaillère, puisque de toute évidence, la conservation tournait autour. « - Pour ce qui est du vin, je pense que tu n’as rien à envier à la cuisine moyenâgeuse. Tiens d’ailleurs tu savais que l’invention du vin était due au hasard ? Cela remonte au Néolithique. Le vin de l’époque était produit à partir du fruit de la vitis vinifera. Quand ils ont découvert ce petit prodige, les paysans de l’époque se sont mis à domestiquer la vigne sauvage pour limiter la fermentation du raisin. C’est la présence de résine de térébinthe dans des céramiques découvertes en Iran, qui a permis l’identification des premiers vins. J’adore lire ce genre de truc et c’est toujours utile pour entretenir sa culture générale et impressionner ses amis comme tu l’as fait avec la pendaison de crémaillère. »

Ils continuèrent à échanger dans la joie et la bonne humeur, malgré les quelques noirceurs assombrissant leur quotidienneté et dont ils ne parlaient à personne. Sur sa lancée, Jarod évoqua Kassandra et Asher qui étaient venus dîner récemment au Bellagio. Il s’était d’ailleurs porté garant dans la réservation, venant ainsi en aide au compagnon de Kassandra. « - Commençant à connaître Asher Collins, je ne doute pas du fait qu’il est mis les petits plats dans les grands pour surprendre Kassandra. Ils méritent d’être heureux ces deux-là. » Il prit soin d’éviter de parler de lui et de sa non-quête de la recherche de l’âme sœur pour se focaliser sur un autre sujet résolument moins polémique.

« - Pour tout t’avouer je ne me suis pas encore arrêté sur mon choix. Je me dis qu’un appartement c’est ce qu’il y a de plus pratique, mais qu’en matière de perspective et d’espace, c’est peut-être plus difficile de se projeter. La maison c’est plus convivial non ? Tu en penses quoi toi ? » Etant du genre sociable, Jarod s’imaginait tout à fait recevoir les quelques amis qu’il avait réussi à se faire en ville et les collègues pour les régaler de tous les plats qu’il aurait appris à faire. « - J’ai envie d’une maison tout compte fait. En bois, tu sais, type maison de pêcheur, avec la mer en face. Je suis même prêt à acheter un vieux truc que je pourrais remettre à neuf. » Il était plein d’entrain et cela faisait plaisir à voir, mais il ne parvenait à oublier ce pourquoi il était venu…

« - Dis, elle était comment avec toi ? Mademoiselle Parker ? » C’était plus fort que lui.

Il l’écoutait avec la plus royale des attentions, pas juste par politesse comme il était d’usage, mais parce qu’il était vraiment intéressé par ce que Lexa avait à dire. « - La mode de la seconde main tente à se démocratiser j’ai l’impression et c’est très intéressant je trouve. Ça tente effectivement à lutter contre le gaspillage tout en nous permettant de faire quelques économies. Il y a de plus en plus de vidéos tuto sur Youtube. Je pourrais y passer des heures. Et puis, tu as la satisfaction, lorsque tu rénoves toi-même des objets, du fait soi-même. Ta fille devait vraiment être contente et puis ça peut aussi faire des activités familiales sympathiques. D’ailleurs qu’est-ce que vous faites en famille quand le temps le permet ? » C’était une question qui l’intéressait vraiment, lui qui avait été privé de sa famille alors qu’il avait à peine cinq ans. Il n’avait de ce fait, quasiment jamais connu les grands repas familiaux, ni les sorties et diverses activités qui vont de pair. D'ailleurs, il n’était pas rare de le voir observer les enfants et leurs parents. Se demandant sans cesse, si les siens faisaient ce type d’activités et s’il avait des frères et sœurs qui eux avaient eu la chance de faire tout ce don lui avait été privé.

La pizza était délicieuse, mais pas autant que le vin, qui leur fallait toutefois consumer avec modération. Toutefois, cela ne pouvait mettre à mal le plaisir d’apprendre de nouvelles choses. Jarod qui avait quelques notions œnologiques, ne se priva pas d’échanger ses connaissances avec son amie. « - Ouais effectivement comme tu le dis, on apprend tous les jours. Et je te devais bien une anecdote en échange de la tienne sur la pendaison de crémaillère. Et pour reprendre ce que tu disais sur le Moyen Âge, ça pourrait être une bonne thématique pour une soirée. Mais loin de moi l'idée de douter de tes capacités d’adaptation, mais je doute que faire une soirée moyenâgeuse dans un tel endroit, soit une bonne idée. Par contre, je sais qu’ils sont assez friands du côté municipal pour l’organisation de festivals ou autres trucs à thèmes. Ça crée de l’animation et du dynamisme. Tu pourrais même contacter d’autres commerçants et voir si ça pourrait les brancher de faire une journée thématique. Tu en dis quoi ? De ton côté tu pourrais peut-être proposer ici, sans avoir besoin de te déguiser, un menu « dégustation » avec comme tu l’as proposé, des plats italiens que l’on pouvait servir à cette époque. »

Jarod était quelqu’un d’extrêmement sociable, toujours le sourire aux lèvres, mais avec Lexa, il se sentait vraiment à l’aise, assez pour peut-être se confier sur certaines choses. Et puis c’était la femme de Tony, alors cela faisait d’elle une amie. Il songea alors à Asher et Kassy qui étaient venus ici récemment pour que l’ancien soldat puisse faire sa demander en bon et due forme. Ils s’étaient bien trouvé ces deux-là et ce malgré leur appartenance à deux camps opposés. Preuve que tout était possible. Mais Asher, contrairement à une certaine mademoiselle Parker, n’avait pas épousé les idéaux du Centre. Là était la différence. Le caméléon préféra chasser cette pensée de son esprit avant de reporter toute son attention sur Lexa.

« - Ouais disons que j’ai parlé du Bellagio à Asher. Ton restaurant était à mon sens l’endroit parfait pour une telle demande. Je te présenterais Kassandra un de ces quatre. Je suis sûr que tu vas l’apprécier autant que tu m’apprécie très chère. Et toi, dis-moi, c’était comment ta demande en mariage ? » demanda-t-il avec curiosité, loin de se douter que tout n’était peut-être pas si facile et ce malgré l’amour plus flagrant que portait Tony à sa femme en n’ayant de cesse de l’évoquer.

Puis après avoir évoqué le mariage, ils se retrouvèrent à parler immobilier. Malgré la menace quasi constante que représentait le Centre, Jarod en avait assez de courir à travers le pays. Il avait donc décidé de s’installer pour une durée indéterminée à Blue Cove se targuant encore de faire croire à ses poursuivants – par un jeu de piste qu’il parcourait encore les Etats-Unis. En réalité, jusqu’à présent, seule Sydney était au courant que le petit protégé, avait élu domicile dans la ville qui l'avait accessoirement privé de liberté durant plus de trois décennies. Mais de toute évidence, il ne semblait point en tenir compte et se sentait bien, assez pour réfléchir très sérieusement à l’acquisition d’une maison.« - Bah mon rythme de vie est comme tu le sais très animé. Je vis au rythme des interventions donc sur le pouce comme on dit. Mais je n’envisage pas de prendre quelque chose de trop grand. J’ai envie d’opter pour quelque chose de raisonnable sans femme de ménage, ni jardinier, parce que ce n’est pas avec mon salaire de pompier que je vais pouvoir me permettre ce genre de folie. »

Ils continuèrent à se restaurer allant jusqu’à finir leur assiette. Cela faisait longtemps que Jarod n’avait point pris le temps de savourer un vrai repas, lui qui aimait pourtant cuisiner. Et peut-être devait-il tenir compte de cette passion dans l’aménagement de sa future maison. Un sujet qui continuait à rythmer la conversation entre les deux amis. « - Ouais je crois que je vais faire ça. Je vais trouver une vieille bicoque près de la mer et tout retaper. Ça revient à ce qu’on s’est dit tout à l’heure, la satisfaction du fait soi-même. Et puis j’ai déjà bâti des villes en miniature par le passé pour un projet disons éducatif. Alors je pense pouvoir m’en sortir avec une maison en taille réelle. Et tu sais quoi ? Lorsque tout sera fini, tu seras la première personne que j’inviterai à la pendaison de crémaillère. Je te donne ma parole ! » Oui c’était décidé, il allait se trouver lui aussi son petit chez lui, tout comme Asher et Kassandra.

Un sujet en entraînant un autre, Jarod ne put résister bien longtemps à l’envie de savoir quel type d’amitié liait Lexa à Miss Parker et comment cette dernière était lors de leur folle jeunesse. « - Ça ne m’étonne pas que vous vous soyez si bien entendu. Et je suis certain que tu étais la voix de la raison. Je me trompe ? Vous avez fait les quatre cents coups comme on dit ? »