Jason et moi sommes heureux. Il est si généreux, drôle, gentil… Et surtout très protecteur envers moi et nos bébés. J’adore comment il leur parle, comment il caresse mon ventre. Grâce à lui, les gens peuvent recommencer à me toucher sans que je n’ai trop peur. C’était devenu impossible depuis le pompier. Aujourd’hui, comme toutes les semaines, nous avons rendez-vous pour une échographie. C’est Lexie qui s’en charge. Elle m’accueille devant l’hôpital et me met de la musique dans les oreilles. Elle est si gentille. Elle sait combien c’est dur de ressentir toutes les émotions des gens. La musique m’aide à me concentrer sur une seule chose. Mais dans la salle d'auscultation je le retire et je ressens celles de mon amoureux. Elles sont si fortes. Peur, amour… c’est mélangé… Et là… L'image apparaît…Je suis  si heureuse de voir nos bébés. Un petit garçon et une petite fille. Jason a versé une larme mais a dit qu’il avait une poussière dedans. Je sais que cela fait très mal. Le pauvre. Après ça, on retourne dehors et on reprend la route. Mais rien ne s’est déroulé normalement…

Je ne peux pas croire qu’il est mort… Et pourtant, c’est le cas… ils m’ont retrouvée… Ils ont tenté de me récupérer… Jason m’a sauvé… Au prix de sa vie… Je l’ai vu tomber sous mes yeux pendant que je courais pour me cacher. Il m’a supplié de partir et j’ai obéi car je porte nos enfants… J’ai couru longtemps et avec beaucoup de difficultés. J’ai souvent trébuché et je suis tombée une ou deux fois en écorchant mes genoux. J’ai fini par arriver à me cacher dans une sorte de fossé caché par de gros buissons épais. Ils m’ont égratigné le corps. Là, j’ai retenu ma respiration et j’ai cessé de faire du bruit. Le silence s’est fait. Je n’ai pas bougé pendant une heure jusqu’à ce que la réalité me rattrape. Mort… Il est mort… Prenant conscience que je ne le reverrais plus jamais, qu’il ne connaîtrait jamais nos bébés, je me suis mise à pleurer et les contractions ont commencé. J’ai lutté pour ne pas crier de douleur, lutté pour me calmer. Mais en vain. Elles sont pires que celles que j’ai déjà eu ces derniers temps…

Je suis seule, perdue au milieu de nul part. Et les bébés arrivent je crois. Je ne ressens aucune émotion autre que ma propre peur et mon propre chagrin. Les gens qui me cherchaient ont dû partir. En tremblant, je sors mon téléphone. Je dois appeler qui? Jason? Oui je dois l’appeler ! Oh mon dieu… Non… Il… Il ne répondra plus jamais… Kassandra? Non… Elle est comme moi… Cela serait la mettre en danger… Et puis l’évidence se fait. VICKKI! Oui je peux l’appeler, elle. J’ai confiance. Je l’aime beaucoup. Je fini par trouver son numéro dans mon téléphone et je l’appelle mais je n’arrive pas à parler. Je suis incapable de prononcer le moindre petit son. Je pleure et tente de maîtriser les contractions. Elles sont éloignées mais si douloureuses. Et j’ai tellement de mal à respirer. Je souffre mentalement et physiquement. J’ai l’impression de mourir et qu’on me déchire les entrailles. Il ne faut pas que les bébés arrivent maintenant, pas ici. Je gémis sans son. Je fini par raccrocher quand elle me demande de lui donner ma position. Je sais faire. Mais là je ne sais plus. Pourtant je le fais si souvent pour Jason! Au bout de trois minutes, j’y parviens. Je repose le téléphone dans ma poche et j’attends. Dix minutes plus tard, une contraction me prend. Je pousse un cri silencieux en me tordant de douleur. Plus aucun son ne veut sortir de ma bouche; je suis de nouveau muette. Je suis mal installée dans ce petit trou caché mais j’ai trop peur de bouger. Trop peur qu’ils ne soient à quelques mètres de moi… Peur qu’on m’attrape et me retire les bébés de Jason… Je le revois encore et encore tomber devant moi… Je n’ai pas vu son regard… Je n’ai pas vu une dernière fois son visage. Je ne sais même pas ce qu’ils ont fait de lui. Peut-être n’est-il pas mort… Et ce bruit de coups de feu… Une torture… La pire de toute.

Et soudain… Après je ne sais combien de temps, je ressens des émotions, une surtout… La panique… Je la sens avant même de savoir que Vickki est là… Je sens qu’elle est seule… Je dois pouvoir sortir… Je me dégage de ma cachette en m’éraflant le visage, les bras, les jambes. Je crois que ma robe est déchirée mais je m’en fiche. Je veux juste sortir de là. Mes yeux sont bouffis et comme éteints. Je rampe et arrive à sortir. Je reste à terre, couchée sur le côté. Non… Non… Encore une contraction qui fait durcir mon ventre, qui m’envoie des décharges dans tout le corps. Je tente de respirer en vain. Je ferme les yeux. Si seulement tout pouvait s’arrêter… Si on pouvait être avec Jason…

La vie peut avoir le don de vous tomber dessus comme un pavé du haut d'un gratte-ciel. Pour l'instant, ma journée se passait le plus normalement du monde, après un réveil tardif j'avais été faire mon jogging du "matin". Matin pour moi et presque milieu de journée pour les autres. J'avais ensuite pris une douche et alors que je pensais à me préparer en vue d'aller travailler mon téléphone sonna affichant le nom de Carla auquel je décrochai avec un sourire de l'affection qu'elle m'évoquait. Mais tout cela allait rapidement disparaitre.

Allo Carla....Carla..... Ne pas l'entendre me parut étrange, me demandant si c'était une erreur. Puis je me mets à distinguer les bruits de sa respiration lourde et ce qui me semble être des pleurs. Et là je comprends qu'il y a un problème. Carla! Qu'est ce qui se passe? Toujours aucun mot et maintenant des gémissements de douleurs, et les pires possibilités se forment dans ma tête. Ce n'est plus de l'inquiétude mais bien la panique qui m'envahit. Carla, j'arrive au plus vite ok, peux tu juste m'envoyer ta localisation? Tu peux faire ça pour moi? Ma voix tremble d'angoisse de ne pas savoir ce qui se passe et j'entends un son qui se rapproche d'une sorte d'acquiescement.

J'attrape mon casque et la clé de ma moto en me précipitant dehors. J'envoie le plus rapidement possible un message court à ma patronne pour la prévenir que j'ai une amie en détresse, je sais qu'elle comprendra. Je regarde en même temps le message de Carla avec sa localisation. Et une pensée s'imprime dans ma tête "Pas Carla, pas les bébés, tout sauf ça". Elle reste comme en lettres de feu alors que je démarre ma moto et démarre en trombe indifférente des limites de vitesse. Je ne pense qu'à une chose, arriver à temps pour la sortir de cette horreur sans idée de ce qu'il se passe. Je ne sais pas exactement combien de temps dure le trajet, sûrement beaucoup moins long qu'il ne devrait à la vitesse à laquelle je vais. Quand j'arrive, je vois des traces de gomme de voitures sur la route proche du ranch, plusieurs traces. Et je cherche du regard dans la direction de la localisation de Carla et une fois que j'aperçois sa tête sortir d'un buisson je jette mon casque avant de courir vers elle de toutes mes forces.

CARLA!

Je crie son nom et toute ma panique et angoisse en même temps que mon soulagement de la voir en vie. J'avais imaginé tous les pires scénarios possibles pendant que j'étais en route, les minutes me paraissant interminables. Je remarquai rapidement que sa robe semblait déchirée alors qu'elle est couchée par terre sur le côté et son regard me terrifiait tellement il était...vide autant que rempli de douleur. Je m'accroupis presque en me laissant tomber par terre en posant une main sur sa tête et une main sur son épaule.

Carla, je suis là, ok, ça va aller, tu es blessée?

Je lui dit en l'observant et je vois des traces de lacérations sur son visage, ses bras, ses jambes et je l'entends gémir, comme des gémissements de douleur. La voyant se tenir le ventre je commence à me demander et me dire à moi même: non pas maintenant. J'hésite un instant avant de m'allonger derrière elle pour la prendre dans mes bras, ceux ci l'entourant sur le haut de son torax, pour ne pas toucher son ventre en imaginant que les deux bébés arrivent peut être.

Carla, je te lâche pas, ok? Quoi qu'il arrive je reste avec toi d'accord? Peu importe ce qui s'est passé, c'est fini. Est ce que tu crois que tu peux te lever ou c'est trop dur?

Je fais en sorte qu'elle sente mon étreinte sans risquer de lui faire mal au vu de possibles blessures qu'elle aurait et je lui parle avec mon menton posé sur son épaule pour lui parler le plus doucement possible. Mon cerveau commence tout doucement à sortir de cet état d'urgence et une question y apparait soudainement comme si ce morceau du puzzle qu'était la situation venait d'apparaitre dans ma main. Et Jason? Ou est Jason?

Durant l'appel, j'ai senti la peur de Vickki, la panique, l'angoisse. Je n'ai rien pu faire pour l'en soulager un peu, pour lui dire que je vais bien physiquement... J'ai été incapable de dire le moindre mot. Pourtant, j'aurais aimé. Je déteste faire ressentir des émotions négatives aux gens qui me sont proches. Mais parler est bien trop dur. La veille, je lui avais dit que j'allais faire l'écho avec Jason. Peut-être pense-t-elle que cela ne va pas avec les bébés ou que je me suis disputée avec mon amoureux...

Mon corps tente de me faire disparaître. Le mutisme est la première étape. Il tente de me faire oublier des autres mais provoque en moi de la culpabilité... Je me sens tellement mal... Il est mort par ma faute, je n'ai rien pu faire pour le sauver... Je sais qu'ensuite, mon cerveau va cesser de fonctionner correctement, je serais vide de pensée... Et mon système digestif va lui aussi arrêter de fonctionner... Je vais oublier que je dois manger... Mais cette fois-ci je n'aurais personne pour m'aider à m'en souvenir... Je m'endormirais et... Et je me réveillerais en voyant que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Mais pour l'instant, tout est bien trop réel. La douleur de la mort de... De mon... De Jason est si forte... Et les bébés qui me font si mal dans le ventre... Eux aussi savent... Et me frappent de l'intérieur... Comme s'ils voulaient sortir pour me fuir...

Angoisse à l'état pur... C'est ce que je ressens quand Vickki approche. Mais je ne sais pas où elle est. Pourtant, une fois couchée au sol, je l'entend crier mon prénom. Mais je ne peux pas bouger... Je ne veux pas bouger. Je fixe le vide puis ferme les yeux quand elle pose ses mains sur moi. Je ne suis plus seule. Je peux me laisser aller... J'aimerais lui dire que je ne suis pas blessée, que je n'ai rien mais que mon amoureux est mort... Pourtant, je suis tétanisée... Je n'arrive pas à réagir. De toute façon, je suis emportée par une contraction. Je me tiens le ventre et gémis en silence. Je sens deux bras m'enlacer. Je tourne la tête pensant voir Jason mais... C'est la jolie Vickki... Ce n'est pas le papa des bébés... Mort... Je reste contre elle et prend doucement une de ses mains pour la poser sur mon bas ventre, au plus bas de mon gros ventre et l'autre entre mes seins et le haut de mon ventre. Il est si contracté, j'ai si mal... J'appuie sur ses mains. Je ne sais pas si je suis entrain de mettre au monde les bébés. Je ne sais pas du tout comment je vais faire... Je ne sais plus ce qu'il faut faire pour soulager les contractions... Enfin... Je sais, mais je n'arrive pas à mettre en pratique... Respirer, marcher, m'étirer, Je peux me coucher sur le côté et lever haut ma jambe... Et me faire masser le bas du dos par le futur papa... Jason... Mais... Il n'est plus là... Plus jamais je ne pourrais me faire masser le bas du dos... C'est à faire que par le papa des bébés...

Si elle savait combien elle a raison et tord à la fois... Ce qui est passé est forcément fini... Puisque c'est le passé... Mais... Oui c'est fini... Jason n'est plus... Par contre... Les gens qui me cherchent... Ils vont continuer... Ce n'est pas fini... Je sens que Vickki a peur et semble perdue... Ses mains, son corps... Ils m'aident étrangement à ne pas me laisser aller. Je ne suis pas seule... Je crois que je suis en sécurité... Et surtout, mon état léthargique disparaît un peu. Je dois parler... Mais je ne peux pas... Je fouille entre nous deux pour sortir mon téléphone et tente à deux reprises de le déverrouiller. Puis je lance les SMS, je tombe sur les siens. J'écris lentement.

- Reste... J'ai peur... Les bébés... Contraction... On n'a rien... Mais ils veulent sortir je crois... Je dois marcher...

Je tends le téléphone vers sa main sur le haut de mon ventre et me roule en boule. Je sais que je ne dois pas mais j'ai mal... J'ai vraiment l'impression qu'ils vont sortir... Alors qu'en vérité, ce ne sont que des contractions de Braxton Hicks. J'ai mal devant et elles ne sont pas plus fortes que tout à l'heure et elles arrivent de façons irrégulières. Je devrais reconnaître ces signes mais dans mon état de choc, je n'y ai pas pensé...

Je ne savais ce qui était arrivé, et pourtant chaque seconde depuis l'appel de Carla, j'étais convaincue d'une chose, peu importe ce que c'est, c'est grave, très grave. Les quelques signes que je pus voir en arrivant, la gomme de pneu de plusieurs véhicules sur la route, le silence qui régnait aux abords du ranch, mais plus que tout, le regard de Carla était le signe le plus frappant. Ce n'était qu'après l'avoir rejoint, et avoir éprouvé le soulagement qu'elle ne semblait pas gravement blessée et surtout elle était en vie, que je me remémorai qu'elle et Jason étaient supposé faire une échographie ensemble. L'absence de Jason et ce souvenir avait mis du temps à réapparaitre dans mon esprit purement anesthésié par la sensation de danger que m'avait procuré l'appel de Carla. Mais je n'osais pas encore en parler, voulant d'abord et avant tout la rassurer et lui faire comprendre qu'elle n'était pas seule.

Pour accomplir ça j'avais décidé intuitivement de me coucher derrière elle pour l'entourer de mes bras. Et à ma grande surprise, elle avait déplacé délicatment mes mains afin de les placer sur le dessus et le dessous de son ventre accueillant deux vies. Chacun de ces deux emplacements étaient fortement proches de zones relativement.....intimes. Ce fut d'abord troublant, surprenant et presque gênant d'un rapprochement si intime. Mais au delà de cette sensation initiale, je me mis à me sentir honorée que Carla puisse avoir suffisamment confiance en moi pour entreprendre ce geste. Mais la réalité me revient violemment, elle me serre les mains et je sens en étant collée à elle qu'elle se rigidifie. Elle semble être prise de grandes douleurs et ne répond toujours à aucune de mes questions. Bien sûr la question évidente me traverse: est elle en pleine crise de contractions et les bébés sont ils en route? Je n'y connais tellement rien que je n'en ai aucune idée, ce qui me renoue avec la peur.

Je sens alors Carla bouger, la voyant manipuler son téléphone sans comprendre tout de suite avant de comprendre qu'elle écrit un message. Je ne comprends que quand elle me tend le téléphone et tous ces mots me rassurent, m'inquiète et m'encourage en même temps. Mais un élément est toujours absent: où est Jason? Au fil du temps, la seule sensation que j'ai est très négative. Je fais le tri dans ma tête en me disant que je devais d'abord me concentrer sur Carla.

Carla, je ne bouge pas, je reste avec toi quoi qu'il arrive. Je vais me relever, t'aider à te relever et on va marcher d'accord?

Je commençai par enlever doucement mes mains de son ventre et l'aidai au fur et à mesure, mais surtout à son rythme, à se relever. D'abord la positionner à quatre pattes et puis lui offrir mes épaules pour s'appuyer en plus de la tenir sous les aisselles pour la soutenir au maximum. En ce faisant je fais mon maximum pour empêcher mon corps d'éprouver tout désir du peu de vêtements qui recouvrent son corps. Alors qu'elle est enfin debout, je maintiens mon soutien persuadée que je ne peux repousser cette question plus longtemps. Pour la poser, face à son silence, je décide de la regardai dans les yeux, espérant que ça m'aidera à lire une réponse sur son visage.

Carla, accroches toi à moi, ne lâches pas. Je dois te poser une question....peut être difficile.....où est......Jason?

Je fais mon maximum pour la maintenir et éviter que la mention de son amoureux ne la fasse flancher. Mais ne sachant pas ce qu'il s'est passé, je dois savoir s'il est blessé, s'il était absent ou s'il est parti chercher des secours. J'étais bien loin de la vérité, probablement trop tragique pour pouvoir l'imaginer.

Le coup de feu... Moi qui court... Les cris provenant des personnes qui nous ont trouvé... J'ai vu du coin de l'oeil Jason tomber... C'est ce qui me fait dire qu'il est mort... Mais... Vickki n'a pas vu son corps, si ? Elle m'en aurait parlé sinon... Ils l'ont emmené... Ils ont emmené son corps sans vie... Il était si heureux de voir les bébés... On n'aurait pas dû y aller... C'était trop dangereux depuis la fête foraine... Ils m'ont vu... Pourtant, je faisais attention depuis... Mon dieu que je m'en veux... J'ai perdu mon amoureux, le papa de mes bébés... Et pour le coup, ils veulent sortir de leur maman... Ils ne veulent plus rester avec moi...

Je suis un peu soulagée quand Vickki s'installe derrière moi. Je prend ses mains pour les placer sur mon ventre tout dur. Cela me rassure et me calme juste un peu. J'appuie sur ses mains comme si cela allait faire en sorte qu'il reste au chaud... Je dois respirer sauf que c'est trop dur... La douleur fait oublier les geste que je dois faire... Et puis... Je reçois en plein fouet ce que ressens Vickki... Trop d'émotions en moi... J'absorbe les siennes sans pouvoir faire autrement. Il faut qu'elle calme ce qu'elle ressent, que je la rassure un petit peu... Lui montrer que je ne suis pas blessée, à part les éraflures. J'écris donc un message car je sais que je n'arriverais pas à parler. Cela la rassure un peu, je le sens mais c'est encore une tornade d'émotions en elle... Quand elle m'explique ce qu'on va faire je dis oui de la tête et ferme les yeux. La chaleur de ses mains disparaît. J'ouvre à nouveau les yeux. Je passe de couchée sur le côté à quatre pattes, le ventre posée à terre. Je me redresse un peu et prends appuie sur ses épaules. Elle est plus forte que je ne le pensais, car elle arrive à nous relever malgré le gros ventre si lourd entre nous. Ma robe est belle et bien pas mal déchirée mais cela ne m'importe que peu. Je m'appuie sur mon amie, le dos un peu penché en avant. Je tente de souffler. Le changement de position a beaucoup diminué l'intensité de la contraction. Elle est entrain de passer. Plus vite que l'autre. C'est bien je crois.

Mon regard est vide de tout mais quand elle dit son prénom... Toute la tristesse que je ressens apparaît. Ma lèvre inférieure se met à trembler. Je pose ma tête sur sa poitrine et je fais non de la tête en fermant les yeux. Non... Non... Pas Jason... J'ai envie de tomber à genoux. Je sens que je flanche... Je me décale juste un peu et d'une main j'écris. L'autre main tenant fort le bras de Vickki pour ne pas m'écrouler. J'aimerais pouvoir hurler, pleurer... Mais rien...

- Au paradis... Ils l'ont...

Je lève le téléphone vers ses yeux avant de le laisser tomber par terre. Je me place doucement de côté pour pouvoir l'enlacer sans être gênée par mon ventre. Je la serre fort. La contraction est partie. Je ferme à nouveau les yeux et je me sens glisser contre elle. Respirer... Chanter dans ma tête pour lever les barrières... J'aimerais mais je n'ai pas l'envie de chanter... Aucune raison de le faire même si cela m'aiderait. Je me demande comment je vais arriver à retourner au ranch... Est-ce que je veux y aller ? Comment dire à Judy pour son neveu ? Je ne supporterai pas de sentir sa peine, sa colère et sa peur... Je pourrais dormir dans le boxe d'Ouragan... Ne plus en sortir... Je ne réalise pas que je ne le reverrais plus... Jason... Je pose ma main sur mon cœur entre Vickki et moi. Je n'avais jamais ressenti une souffrance aussi forte. Mon cœur est si douloureux... Je serre un peu plus fort Vickki. Elle est mon ancre qui m'empêche de sombrer dans ces vagues si fortes, si destructrices...

Rien ne m'avait préparé à vivre ces évènements, et jamais je ne me serais doutée une seule seconde en me levant ce matin ou le jour où j'avais rencontré Carla que cette horreur aurait lieu un jour. La vie ne vous prépare jamais à ce genre de cas de figure et il allait me falloir faire comme j'avais souvent été forcé de faire, m'adapter et faire avec. Et le mystérieux mutisme de Carla n'arrangeait pas la situation m'obligeant à déployer toute la déduction que je pouvais à partir de bribes d'informations ou de signes ici et là.

Ma première priorité avait été de m'assurer que Carla et les deux bébés allaient bien. Je l'avais rapidement repéré et avait fait mon maximum pour la rassurer par des gestes et des mots aussi réconfortants que je pouvais. Quelques éraflures à divers endroits m'avaient inquiété au point d'envisager d'appeler une ambulance même si elle mettrait une plombe à arriver ici. Malgré son silence, Carla m'avait alors écrit un message sur son téléphone pour m'assurer qu'elle et les bébés allaient bien. Je pus déjà me calmer partiellement grâce à ce soulagement. Mais une fois cette inquiétude passée, une autre pris sa place, Jason, où était il? Je n'avais pas osé posé la question de suite. Une partie du message écrit par Carla avait mentionné qu'elle devait se lever, peut être pour les bébés, je ne savais pas trop. Je m'étais alors positionné aussi bien que possible pour lui offrir les appuis nécessaires à la relever.

C'est à ce moment là que je me décidai à lui demander ce qu'il en était de Jason avec qui elle était censé aller aujourd'hui à l'hôpital pour une échographie. Avant qu'elle ne puisse exprimer quoi que ce soit, je vois dans ses yeux et sur son visage cette immense tristesse et tout espoir d'une bonne nouvelle disparait très rapidement. Je me refuse encore à imaginer le pire malgré tout. Elle écrit alors, sa tête contre mon épaule se tenant à moi d'une seule main. Et elle me montre le message m'expliquant que le pire était bel et bien arrivé, il était au paradis avait-elle écrit, mort pensai-je crument. Ne l'ayant que très peu cotoyé, la peine que j'avais était surtout celle que pouvait ressentir Carla face à la perte de son amoureux et le père de ses enfants à naître. L'horreur et la violence de ce fait emplissaient chacun de mes neurones et chacune des cellules de mon coeur. Je ne vis même pas le téléphone tombé, pris par le choc mental et émotionnel de cette information. Elle m'enlace comme elle peut, presque de profil pour ne pas imposer de pression sur son ventre. Et mon sens d'adaptation fait tout pour reprendre le dessus sur ce choc immense.

Une réalisation me frappe de plein fouet: sans Jason, je suis peut être la seule personne pouvant l'aider. Je sens Carla glisser contre moi et resserre mon étreinte et mon soutien physique sur elle. Je n'ai toujours pas toutes les informations, mais je me dis qu'on ne peut pas rester là. Le ranch, je dois l'emmener à l'intérieur, la coucher, panser ses plaies. Une pensée pour Judy, la tante de Jason, me traverse et mon esprit repousse celle-ci en deux mots: pas maintenant.

Carla, je vais t'emmener au ranch, pour que tu t'allonges et m'occuper de tes blessures. Tiens bon! Accroches-toi! On va y arriver. Pour les bébés, on va le faire. Ca va aller, il le faut.

Je ne sais pas quel mot est pour elle, pour moi, ou pour nous deux. Mon cerveau et mes muscles fonctionnent presque tout seul, piloté par une série mécanismes mentaux inconscients. Je me mets à côté d'elle, passant un de ses bras autour de mes épaules et attrapant sa main, mon autre bras vient se placer dans le haut de son dos avec ma main venant la soutenir sous l'aisselle. L'adrénaline, ma force de caractère, la volonté, le courage, quelque chose me pousse à ne pas lâcher, pas maintenant. Je fais un premier pas en regardant si Carla y arrive. Elle doit y arriver.

Allez Carla, avec moi, un pas à la fois et on y arrivera. Et une fois qu'on y est, je m'occuperai de tout, je te le promets. Mais d'abord on doit rejoindre le ranch. Tu peux le faire!

Mes émotions me traversent, mais c'est comme si je n'en avais plus conscience, comme si le but de mettre Carla à l'abri était la seule chose que mon esprit pouvait se représenter et la seule raison pour laquelle mes muscles acceptent de se mobiliser. Et cette détermination qui m'anime ne laissera rien ni personne m'en empêcher.

Je suis soulagée d'arriver à garder contact avec Vickki grâce au téléphone... C'est dur d'écrire et de voir les mots inscrits sur l'écran. Je lui explique que je vais bien physiquement mais que je dois me lever. Il faut que je calme les contractions qui me font si mal... On arrive à se redresser et je reste contre mon amie. Sauf qu'elle me pose une question qui me fait si mal... Je m'agrippe à elle et écrit, mais je ne note que le minimum. Je ne peux pas faire plus. Je suis si déboussolée. Totalement perdue et envahie de temps d'émotions... Je lâche mon téléphone, comme incapable de tenir cette triste vérité en main. Je me blottie contre son corps, sentant son cœur battre si vite... Je chavire, je m'écroule, mais elle est là pour me retenir et m'empêcher de me laisser tomber à terre. Vickki désire qu'on retourne au ranch. Je ne sais pas si je vais en être capable, mais je sais que nous n'avons pas le choix. Je dois me cacher... Quand elle me demande de m'accrocher, je le fais en tenant ses bras. La maison est à environ dix minutes à pied. Cela me semble tellement loin. Je fais signe de la tête que je suis d'accord. Heureusement que je n'ai plus de contraction. Je lui montre le téléphone du doigt pour qu'on n'oublie pas de le ramasser.

Elle m'installe contre elle. Je tiens fort sa main et avec mon autre main je tiens mon ventre comme je peux. J'arrive à avancer. Je ne sais pas de quoi veut s'occuper Vickki mais je suis d'accord. Je ne suis pas capable de réfléchir et voir ce qu'il faut faire. Je désire juste me rouler en boule sous ma couette et protéger mes bébés. Et en même temps... Je ne veux pas rentrer. Je ne veux pas que Judy me voit dans cet état et découvre ce qui est arrivé à son neveu... Je ne serais pas capable de le lui dire et de ressentir tout ce qu'elle va ressentir. Je ne serais pas assez forte pour cela. Je dois gérer mes émotions et celles de Vickki, je ne pourrais pas gérer celle d'une troisième personne.

Nous avançons pendant plus d'une vingtaine de minutes. J'ai du mal à suivre le rythme, à avancer sans trembler. Je m'arrête devant les portes d'entrée du ranch. Je ne veux pas entrer... Je ne veux pas voir Judy... Je ne sais pas où elle est, je ne sais pas l'heure qu'il est... Je n'ai plus la force d'avancer... En plus je suis tellement essoufflée... Tellement dans le mal... Je lui fais signe de la main qu'on doit s'arrêter, que je ne veux pas aller plus loin. Il me faut quelques secondes... Quelques minutes... Je ne sais pas. Je dois juste remettre mes idées en place. Essayer de me souvenir où peut-être Judy... Au pré... Elle est loin de la maison. Oui... C'est ça... On a le temps d'aller dans ma chambre... Je soupire et je me remet en route en prenant toujours appui sur Vickki. Marcher sans m'arrêter... Jusqu'à la chambre... La montée des quatre premières marches va être dure. Mais celle pour aller jusque dans ma chambre va être encore plus dure... Dix-sept marches. Mais je dois d'abord me concentrer sur les quelques mètres qui nous séparent de la maison. La seule chose positive, c'est que je n'ai plus de contraction pour l'instant. Donc les bébés ne vont sans doute pas arriver tout de suite...

Il y avait un détail qui m'avait frappé dans la situation, Carla ne me connaissait pas tellement. Et de faire appel à moi dans une situation si dramatique me faisait me demander à quel point c'était par confiance pour moi ou si c'était parce qu'elle n'avais vraiment pas beaucoup d'amis comme elle me l'avait mentionné une fois. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi d'ailleurs, elle avait à mes yeux des qualités bien peu répandues: générosité, authenticité, jovialité, humour et plus encore. Mais même si c'était pour ça, lors de son appel, j'avais un bref instant éprouvé une satisfaction qu'elle me fasse confiance à ce point là. Ayant moi du mal à laisser les gens rentrer dans ma vie, un geste comme celui-ci était notable. Mais la panique avait bien vite pris le dessus.

Après mon arrivée, je m'étais occupée d'elle jusqu'à finir par la relever pour minimiser les contractions qu'elle semblait éprouver. Et c'est à ce moment qu'elle m'appris la nouvelle que je redoutais sans le savoir. Jason était mort, son amoureux, le père de ses enfants avait disparu pour toujours. Mon cerveau avait switché à cet instant exact dans un mode purement automatique avec une seule idée, aider Carla de toutes mes forces. L'idée de la peine qu'elle pouvait subir m'était insupportable. Malgré que ce serait difficile, il nous fallait aller dans le ranch. Je fus soulagée que mes encouragement semblaient l'avoir convaincue de nous y rendre. Avant de se mettre en route, je vis son geste me rappelant d'attraper son téléphone. Je le pris juste avant de nous mettre en mouvement à son rythme à elle. J'adaptais ma posture pour la soutenir au maximum, l'encourageant à chaque signe apparent de faiblesse dans sa démarche ou son énergie. Il n'y avait plus qu'elle dans mes pensées, mon "moi" ayant disparu à son profit.

Arrivées devant les portes du ranch, elle me fait signe de s'arrêter. A la fois je veux la pousser à continuer, mais autant elle a l'air essoufflée, autant j'ai l'impression dans son regard que ce n'est pas que ça et qu'elle en a vraiment besoin. Je ne sais pas ce que je dois lui dire, alors je pose une main délicatement sur son épaule et lui adresse un sourire rassurant. Mon regard, sans trop y réfléchir, lui exprime toute l'empathie que j'ai pour elle dans cet instant dont je n'ose imaginer le désarroi dans lequel elle peut se trouver. C'est de l'affection, de l'attention et une certaine admiration que j'ai pour elle à ce moment. Je la vois et l'entends soupirer et comprend qu'on va se remettre en route.

Allez Carla, je sais que c'est dur, mais je suis là, on va y arriver, toi et moi. La seule chose qui compte pour le moment c'est que tu puisses te coucher et te reposer. Tu es forte, je le sais. Courage.

Je reprends ma posture pour l'aider à marcher, et instinctivement essaye de calmer mes émotions en restant concentrée sur elle. Je vois à quel point elle a du mal et j'aimerais avoir la force physique de la porter, mais je doute fortement avec ses enfants dans son ventre d'y arriver. Je ne peux que la soutenir comme je le fais et cela me frustre de ne pas pouvoir plus faire pour elle. Mais j'accepte ce fait et reste à ses côtés, un pas après l'autre.

J'ai si mal aux jambes de marcher autant. Elles sont lourdes et très douloureuses... Mes pieds et mes jambes ont gonflés, je le sens. Je vais devoir surélever mes jambes en arrivant, mais nous n'en sommes pas encore là... Je ne veux pas m'approcher du ranch et pourtant je le dois... Sauf que... Lui n'est plus là... Et c'est si dur de l'accepter, de le réaliser... Je revois sans cesse le moment où il tombe mais j'ai toujours un petit doute en moi... Quelque chose qui me dit que peut-être il n'est pas mort. Pourtant, c'est ce que j'ai dit à Vickki... Parce que dans le fond, je le sais... J'ai vu suffisamment de choses au Centre, sur des écrans... Je sais comprendre les choses sans forcément les voir... Et puis, il y a aussi les émotions de Vickki... Elles sont brouillons... Elles changent souvent... Et... Ça fait mal à la tête... Je ne peux plus rien gérer et je regrette la période où je pouvais mettre des barrières mentales, où je pouvais souffler en n'ayant que mes émotions qui me torturent... Là... J'ai un trop plein... Mon corps et mon esprit ne vont pas tenir longtemps encore... Mais je ne dois pas m'effondrer... Pas tout de suite... J'ai déjà perdu la parole, je ne peux pas perdre autre chose...

Je fini par m'arrêter devant le grand portail. J'aimerais m'écrouler à terre et pleurer, sauf que j'en suis incapable... Je n'ai plus de souffle, plus de jambes, plus de dos... Tout mon corps est brisé... Les bébés sont lourds. Mais je n'ai pas eu de nouvelles contractions et c'est une bonne chose. Je suis soulagée de voir qu'ils ne veulent pas encore sortir, pas pour l'instant. Ils ne m'en veulent peut-être pas trop pour ce qui est arrivé à leur papa... Cependant, il n'y a pas que cela... Je n'arrive pas à avancer également par peur de croiser Judy... Je ne serais pas capable de lui dire ce qui est arrivé, ou d'entendre Vickki le lui dire... Je ne serais pas non plus capable d'absorber ses émotions... C'est déjà trop la tempête en moi. Il se passe alors quelque chose pendant que je regarde Vickki dans les yeux. La tempête diminue en intensité... Elle a de bonnes émotions... Des choses douces... Même si je sens en arrière plan sa peur, sa colère et tout le reste. Ce sont sa bienveillance et sa générosité qui prennent le dessus. Ses mots me redonnent un peu de force, je peux le faire. Mais ma priorité c'est de mettre mes bébés en sécurité... On doit se cacher... J'aurais dû me douter qu'un jour ils finiraient par me retrouver même si je suis prudente...

Je prends doucement la main de Vickki pour la serrer, ma façon de lui dire merci. Que je prononce d'ailleurs en silence, ma bouche formant ce mot qui refuse de se faire entendre. Et on se remet en route. Pour les premières marches, je prend beaucoup appui sur Vickki pour m'aider. Mais je m'essouffle... Devant le pas de la porte, je m'arrête à nouveau et ferme les yeux pour calmer ma respiration. Puis je les ouvre et regarde autour de nous et tend l'oreille. Pas de trace de la tante de... Lui... Je suis soulagée. J'ouvre la porte et pareil, j'écoute, mais rien... Alors je commence à monter les marches. Mais je lâche Vickki pour prendre appui sur la rambarde d'une main et de l'autre je tiens mon ventre. Je monte sans m'arrêter, me reprenant à plusieurs fois pour arriver à monter les marches une à une. La dernière est la plus dur et je manque de m'écrouler. Je me retiens à deux mains sur la rambarde et souffle. Je tourne à droite et ouvre la porte... Ma chambre... Je n'arrive plus à avancer... J'ai juste envie de me laisser tomber... D'ailleurs, je sens mes jambes me lâcher... Je clignote plusieurs fois des yeux. J'ai l'impression de sombrer...

Dès que j'étais arrivée, j'avais eu une intuition que quelque chose de grave s'était produit. J'avais cru que cela concernait Carla au vu de son appel à l'aide. Mais j'avais remarqué qu'elle semblait aller physiquement bien hormis quelques égratignures. Cette intuition était restée, dormante, dissimulée derrière mon inquiétude pour Carla qui prenait presque toute la place. Et cette sensation avait résonnée avec fracas quand Carla m'apprit la nouvelle que mon intuition avait sentie, la mort de Jason. A partir de là, j'étais passée dans un mode purement dirigé par l'adrénaline qui ressemblait à une sorte d'automatisme mécanique.

Après cela, je m'étais fait une priorité absolue de mettre Carla en sécurité et nous avions commencé à nous diriger vers le ranch. Elle avait beaucoup de mal et je la soutenais autant que je le pouvais. Mais quelque chose, plus que physique, avait fait qu'elle me demanda une pause à l'entrée du ranch. Et là, il y eut un moment spécial entre nous. En la regardant, je ne pouvais qu'avoir de l'empathie pour elle, une douce affection pour elle et ce qu'elle devait traverser. Le regard qu'on échangea à ce moment là avait quelque chose de spécial, d'intense. Elle me serra la main et même si aucun mot ne sortait de sa bouche ouverte, je comprenais ce qu'elle essayait de me dire.

Carla avait alors initier la remise en mouvement que j'avais suivie. Chaque passage de porte et surtout les escaliers me demandent de m'adapter pour la soutenir de toutes les manières possibles. Dans l'escalier la seule chose que j'arrive à faire est de soutenir son dos d'une main et lui fournir un appui en dessous de son aisselle. On arrive alors finalement dans sa chambre, je vois en l'observant qu'elle est à bout. Et l'instant suivant se passe au ralenti pour moi alors que la vois très clairement commencer à chanceler, ses bras se relâcher, ses jambes fléchir. Je me rue sur elle les bras en avant qui plongent sous ses aisselles pour venir la rattraper. Je remonte mes mains verrouillant ses épaules dans le creux de mes coudes. Je me retourne pour être dos à son lit et l'emmener avec moi afin de l'allonger dans ce dernier. Cela me demande une certaine gymnastique pour la recouvrir de sa couette sur laquelle j'ai dû l'allonger. Je viens alors m'asseoir au bord du lit en posant une main sur son épaule.

On y est Carla, tu as été très forte. Je savais que tu pouvais le faire. Maintenant la seule chose que tu as à faire, c'est te reposer. Je vais m'occuper de tes égratignures et faire en sorte que tu aies tout ce qu'il faut.

Instinctivement, j'eus un geste affectueux pour elle, un baiser sur le front, comme aurait pu le faire une grande soeur. Un dernier sourire en la regardant dans les yeux. Je me relève avec un poids sur les épaules, en plus de m'occuper d'elle je sais pertinnemment qu'il y a une chose que je ne peux laisser à Carla: informer Judy. Je commence à m'affairer aussi silencieusement que possible afin de réunir pansements, désinfectant et tout le nécessaire pour m'occuper de ses blessures.

Je suis soulagée de savoir que je ne suis pas seule, soulagée de voir que Vickki est immédiatement venue à ma rescousse sans chercher à trop en savoir. Elle est sans doute ma meilleure amie... La seule véritable amie si je ne compte pas Kassandra. Et sa façon de me soutenir, de prendre le temps qu'il faut... Mon merci silencieux n'est pas suffisant... Elle mérite tellement plus mais pour l'instant, je n'ai pas la force de la remercier comme il faut... J'espère qu'elle voit dans mon regard combien je lui en suis reconnaissante, combien cela compte pour moi. Sans elle, je serais restée cachée et j'aurais sans doute accouchée sans personne pour sauver mes bébés... Mais la présence de Vickki a arrêté mes contractions et nous avons pu revenir jusqu'au ranch.

La montée des marches a été une torture, pour la première fois, j'ai vraiment eu du mal... Mais encore une fois, Vickki m'a beaucoup aidée en me soutenant le dos et l'aisselle. Hélas, en arrivant dans ma chambre, je me sens partir. Je ne tiens plus debout... Je n'ai plus aucune force... Tout se passe au ralenti, lentement, mes jambes se plient, mon corps bascule. Mon cerveau cesse de fonctionner. Puis, Des bras me soutiennent. Je sens qu'on me tire en arrière. Je l'aide un peu mais si peu... La pauvre doit trainer trois personnes... Je me retrouve couchée dans mon lit, sous la couette. Je me couche sur le côté à cause de mon ventre. J'aurais besoin de mon coussin de grossesse mais je fais sans... Je ne bouge plus. Ma lèvre inférieure se met à trembler et je ferme les yeux. Je n'aurais plus jamais tout ce qu'il me faut... On m'a retiré mon amoureux... On l'a tué parce qu'on cherchait à m'attraper... Il me manquera toujours une chose... Enfin quelqu'un... J'ouvre les yeux quand je sens son baiser sur le front. Je n'ai pas la force de sourire... À droite de mon lit, se trouve la porte de ma salle de bain. J'ignore si elle y va. Je referme les yeux quand elle se redresse et je pose mes mains sur mon ventre. Je leur demande dans ma tête de ne pas sortir tout de suite, de rester encore un peu... Puis je chantonne dans ma tête. C'est difficile mais cela m'aide à effacer les images qui reviennent sans arrêt... Comme si j'étais témoin de la scène qui recommençait encore et encore... J'ouvre les yeux, c'est trop dur de les garder fermés... J'espère que Vickki va vite revenir vers moi...

Judy, pendant ce temps, est entrain de finir de nettoyer les boxes des chevaux. Le dernier est bien évidemment celui d'Ouragan. Elle a du mal à le faire car Ouragan n'est vraiment pas tendre et ne se laisse pas trop approcher. Avant, c'était moi qui le faisait, mais depuis que mon ventre cache mes pieds, je ne peux plus le faire... J'ai tenu longtemps mais depuis deux mois c'est impossible pour moi. Donc Judy doit le faire en mettant un petit peu plus de temps. Elle sait le gérer même si ce n'est pas simple.

On aurait pu croire en regardant la situation de l'extérieur que toute cette situation nous aurait rapproché, aurait renforcé le lien que je partage avec Carla. C'était probablement le cas mais cela ne tiendrait pas compte du fait que dès que j'avais rencontré cette jeune femme pétillante et unique en son genre j'avais eu le sentiment que quelque chose de très fort me reliait à elle. Un peu comme la sensation d'un moment qui deviendrait important dans le futur quand je jetterais un coup d'œil en arrière pour l'inspecter. Dès le début, elle avait tout de suite pris une valeur très importante à mes yeux sans vraiment comprendre pourquoi ou comment. Et j'étais plus du genre à profiter de ce fait plutôt que me poser mille questions à ce sujet. Un moment qui représentait ça pour moi était ce regard avec lequel elle m'avait remercié, même si aucun mot n'était sorti de sa bouche, elle savait exprimer tellement de choses rien qu'avec un regard ou un sourire.

Je ne savais pas encore comment je me sentais moi par rapport à cette situation, j'étais trop en soutien total pour Carla qui m'empêchait de me centrer sur moi, volontairement. Je ne réfléchissais pas au quelconque contre coup qui pourrait me tomber dessus une fois que j'aurais pu m'occuper d'elle et m'assurer qu'il n'y avait plus de problème ou de danger, pour le moment. Après cette pause, émotionnellement très intense bien que silencieuse, nous avions pris le chemin du ranch qui fut très pénible pour Carla, je le voyais bien et l'avais aidé tant bien que mal. J'étais contente de l'aide que j'avais pu lui apporter, c'est ce que je me disais en arrivant dans sa chambre, et l'instant d'après elle allait s'écrouler de fatigue physique et sûrement émotionnelle aussi. Heureusement que j'avais été assez rapide pour la rattraper, j'avais eu beaucoup trop peur qu'elle heurte son ventre ou se blesse en tombant. J'avais fait preuve d'une attention à son égard sans réfléchir. Le poids que j'avais sur le coeur était plus l'empathie de celui que Carla devait porter que le mien.

Je m'étais alors affairer à préparer de quoi m'occuper de ses écorchures et autres blessures qu'elle pourrait avoir. Après quelques instants à tout réunir, je revins vers elle avec tout le matériel en faisant mon possible pour poser celui ci près d'elle et de moi qui était assise sur le bord du lit, une jambe en tailleur pour être face à elle, plus ou moins. Je posai une main partiellement sur son front et partiellement dans ses cheveux et la regardai avec un sourire empathique.

Carla, je vais m'occuper de tes écorchures et voir s'il n'y a rien d'autre, d'accord? Je te préviens ça risque de piquer un petit peu, mais je te promets de faire ça aussi doucement que possible.

Pas vraiment ma spécialité mais tant qu'il ne s'agissait que de premiers soins, je devrai m'en sortir. Et si jamais il y avait plus conséquent je pourrais toujours appeler Lexie, au cas où. Je commençai à préparer de quoi désinfecter une première écorchure. Je me souviens de moment de ce genre soit avec une infirmière, ou avec ma maman qui s'occupait de moi une des nombreuses fois où j'avais été trop aventurière. Je lui souris avant de commencer et essaya de lui parler pour la rassurer autant que possible, n'osant pas trop chanter quoi que ce soit, sans même avoir une idée de chanson en plus d'être horrible comme chanteuse.

Je te promet que ça ne va pas prendre longtemps Carla, et de toute façon je vais rester ici pour veiller sur toi. Je ne vais nulle part, comme ça tu peux être tranquille et ne t'occuper que de te reposer. Je verrai ce que je peux faire pour aider au ranch pendant que toi tu prends soin de toi et de rien d'autre. Et pas de négociations possible madame, repos obligatoire.

Je lui dis cela au fur et à mesure que je traite ses blessures et de ce que je vois, il n'y a pas l'air d'y avoir autre chose que des écorchures. Cela me rassure grandement et me soulage de savoir qu'elle n'a rien subi de grave....physiquement en tout cas. Chacun de mes gestes est particulièrement doux et précautionneux et sur ma dernière phrase je lui donne un sourire chaleureux pour ne pas paraitre trop dure tout en lui montrant que je faisais ça pour elle. M'occuper d'elle comme cela me procurait un sentiment étrange, une proximité différente que celle qu'on partageait jusqu'alors. J'essaye de ne pas y donner trop d'importance étant plus concentrée sur Carla pour le moment. En finissant de lui faire les premiers soins, mon esprit s'attarde sur sa robe déchirée et je lui propose donc de mettre autre chose. J'attrape son téléphone pour le mettre à côté d'elle au cas où elle en aurait besoin pour répondre.

Carla, veux tu que je te donne d'autres vêtements pour ne pas rester avec ce vêtement en mauvais état? Je peux t'aider à te changer si tu préfères, mais ce n'est pas obligé. Et ça peut attendre si tu préfères.

Je crois que j'aurais dû accepter la proposition de Judy et de... Lui... Prendre la chambre de Judy le temps de la fin de ma grossesse pour m'éviter les escaliers... Je ne voulais pas déranger... Je ne voulais pas qu'elle quitte sa chambre pour moi. Je pensais pouvoir arriver à monter et descendre les escaliers jusqu'à la fin... Mais aujourd'hui, je me rend compte que c'est devenu trop dur pour moi. Mais je sais que c'est parce que je suis épuisée émotionnellement... Pas seulement physiquement. Je n'y arrive juste plus... Je ne suis plus capable de marcher, de lever les jambes... Et pourtant... Je parviens jusqu'au pas de ma porte. Sauf que toutes mes forces me quittent et je manque de tomber. Vickki me rattrape à temps et me sauve de la chute. Je m'en veux de lui faire subir cela, tout ce stress, cette peur. Je sens tout ça si fort... Je ne suis plus du tout capable d'ériger mes barrières... J'absorbe tout comme une éponge. Même lorsqu'elle réunit tout ce qui faut pour me soigner, je sens encore ses émotions. Je lutte pour ne pas fermer les yeux, pour ne pas revivre ce qui s'est passée encore et encore... Hélas, le coup de feu... Lui je l'entends encore... Le son claque si fort. Je bouge un peu la tête en gémissant quand elle pose sa main sur ma tête. Je pose mon regard vide sur elle. Je hausse doucement les épaules. Je veux bien qu'elle me soigne. Je ne sais pas pourquoi ça va piquer, parce que logiquement on utilise pas d'aiguille, mais ce n'est pas grave... En cet instant, ma peur des aiguilles est très très loin... Je sais que la douleur sera bien moindre que celle que je ressens actuellement... Celle de mon cœur. Les larmes se mettent à couler lorsqu'elle commence à nettoyer les blessures. Elle nettoie sans aiguille mais je comprends maintenant pourquoi elle a dit que cela allait piquer... Effectivement cela pique... Mais je m'en fiche... Je pose ma main sur son mollet et le serre doucement. Je fixe le vide et la laisse faire. Sauf qu'elle dit deux choses qui ne me plaisent pas...  Elle me rend ensuite mon téléphone que je prends de ma main libre puis je me mets à écrire, toujours d'une main.

- Tu ne fais rien... Ou juste nourrir les chevaux... Reste avec moi s'il te plait... Je veux retirer la robe... Y a mon pyjama vert...

Je pousse le téléphone vers elle et je me met à regarder le plafond. Judy va avoir besoin d'aide mais Vickki ne connait pas grand chose du ranch et Judy ne la laissera pas s'occuper des boxes ou de brosser les chevaux... Cependant, elle pourrait les nourrir... Et si je lui demande de rester avec moi c'est parce que j'ai peur... Peur des gens qui ont... Enfin de ceux de tout à l'heure... Et parce que j'ai peur d'être seule avec moi-même. De plus, les bébés pourraient arriver... Et je n'arrive pas à parler... Comment je pourrais les prévenir ? Et puis... Je l'aime bien... Elle est gentille...  Et toute douce avec moi. Je ne sais pas si elle va trouver le pyjama mais c'est celui dans lequel je suis le plus à l'aise... Il est en satin. C'est un petit short et un tout petit haut. Mon ventre est tout nu et c'est mieux. Je n'ai rien qui frotte dessus. Je n'aime pas me sentir toute serrée. Je suis contente qu'elle ait demandé car sinon je ne l'aurais pas fait car je n'y aurais pas pensé... Pourtant, je ne supporte plus d'être dans cette robe... Elle est en rapport avec quelque chose qui me fait bien trop mal... Je caresse du bout des doigts le mollet de Vickki. Cela fait du bien de savoir qu'elle est là... Qu'elle soit venue si vite... Je serre soudain fortement son mollet. Une petite contraction.... Mais moins forte que celles que j'ai eu tout à l'heure. Je tente de respirer calmement. Cela dure trois ou quatre secondes et elle disparaît.

Spoiler:

L'arrivée dans la chambre de Carla est salvatrice pour arriver à me faire redescendre d'inquiétude pour elle, au moins un petit peu, même si cela se fait dans un instant catastrophe où elle ne passe pas loin de s'écrouler. Je me félicite d'avoir eu le bon réflexe pour la rattraper et quand je la couche dans le lit, je souffle de la savoir enfin dans un endroit où elle peut se reposer de tous les efforts que notre déplacement lui a coûté malgré tous mes efforts pour la supporter du mieux que je pouvais. Je me réjouis de pouvoir lui permettre et peut être la forcer à ne rien faire d'autre que juste s'occuper d'elle bien que j'ai l'impression de prendre la place de....lui, un sentiment d'imposteure et d'illégitimité. Ca reste un choc pour moi malgré tout que j'essaie de mettre de côté autant que possible ainsi que ces émotions que je tempère autant que je peux dans cet élan d'adrénaline toujours présent dirigé uniquement dans ma compassion pour Carla et sa sécurité.

Je m'étais affairé à réunir de quoi traiter ses blessures et lui touchant la tête pour lui signaler tendrement que j'allais commencer. Son regard me perce le coeur de ce vide et de l'accablement profond que je peux y lire venant faire réapparaitre cette impuissance de traiter ce qui l'afflige émotionnellement et psychologiquement. Je n'arrive pas à imaginer ce qu'elle peut être en train de traverser même si son mutisme est un signe évident du choc et peut-être même traumatisme que ça représente pour elle. Je n'ai aucune expérience comparable pour arriver à savoir, juste mon empathie que je laisse s'exprimer dans mon regard envers elle. Malgré que je fasse mon maximum pour être aussi douce que possible, je vois qu'elle en verse quelques larmes du contact du désinfectant sur ses écorchures. Je la préviens avant chaque contact pour la mettre aussi à l'aise que possible mais ça ne peut pas être agréable quoi qu'il arrive tout en étant nécessaire. Je sens sa main serrant délicatement mon mollet et lui souris en réponse à son geste. La pression de sa main m'indique à quel point plus ou moins ça peut piquer pour elle. Une fois terminée, je communique avec elle par téléphone interposée, et en levant les yeux après la lecture je ne peux m'empêcher de sourire chaleureusement avec le regard plein de la douceur que j'ai pour elle.

Pas de soucis Carla, si tu veux que je reste avec toi, je resterai le plus possible, c'est promis. Je vais te trouver ce pyjama, il doit pas être très loin.

En me levant, je passe doucement ma main sur la sienne posée sur ma cheville, lui offrant un clin d'oeil pour ponctuer mes mots et lui promettre de rester à ses côtés aussi longtemps qu'elle en aura besoin. J'attendrai qu'elle semble dormir à poings fermés pour aller faire les quelques choses que j'aurai besoin de faire hors de cette pièce. Il reste la pénible tâche de parler à Judy, j'ai envie de m'en charger mais je ne sais pas si je dois l'imposer à Carla ou l'en convaincre. J'ai peur qu'elle se croit en avoir la responsabilité alors qu'elle n'en a pas la force, ça me semble évident. Cela tourne dans ma tête alors que je cherche son pyjama en allant de meuble en meuble à sa recherche. Je finis par le trouver après quelques minutes, non sans rougir en passant par son tiroir de sous-vêtements. Je reviens vers elle avec la tenue en main et un peu hésitante à quel point je devrai l'aider à s'habiller et la voir nue au passage.

Euh....tu as besoin d'aide ou tu préfères que je sorte pendant que tu te changes? C'est comme toi tu te sens le plus à l'aise hein...

J'essaie de ne pas rougir, ne pouvant me retenir d'une appréciation certaine de sa beauté qui est bien réelle même si cette appréciation me semble carrément et totalement déplacée en cet instant. Je lui mets la bride maximale pour ne pas avoir la moindre attitude déplacée à son égard.

Je la laisse soigner mes petites blessures, sans rien dire, en fixant le vide. Cela me fait mal mais si peu dans le fond. Je serre cependant parfois son mollet. Deux bruits me hantent... Je regardais vers... Lui... Un coup de feu... J'ai tourné la tête pour voir devant moi, des arbustes, des arbres. Second bruit, celui d'un corps qui tombe... Mes larmes qui brouillent ma vue, la verdure qui défile autour de moi alors que je me mets à courir. Et cela recommence... Le coup de feu etc... Vickki me prévient à chaque fois qu'elle pose le produit sur moi mais je ne l'écoute pas vraiment. Je me concentre sur elle et tente de communiquer grâce au téléphone. C'est mon seul moyen de contact pour le moment. Je soupire en fermant les yeux quand elle me dit qu'elle va rester avec moi. J'ai dû mal à lâcher sa cheville... Mais elle caresse ma main et je la libère. La contraction qui me prend est moins douloureuse mais cela commence à m'inquiéter. Ils ne peuvent pas arriver le jour de la... Du jour où ils m'ont pris... Leur papa... Je me remet à pleurer en silence en caressant mon ventre. Ils doivent rester au chaud... N'importe quand mais pas aujourd'hui...

Vickki revient vers moi. Je fais oui puis non de la tête mais je me dis qu'elle ne doit pas comprendre ce que je veux dire. Je reprend le téléphone. Je tente d'écrire vite pour ne pas la faire attendre...

- Je ne peux pas retirer ma culotte et mettre le short. À cause de mon ventre... J'aimerai bien que tu m'aides... Je pourrais y arriver mais avec beaucoup d'efforts et de temps...

Sans elle, je vais mettre beaucoup plus de temps. Je me redresse lentement pour m'assoir. Je souffle et attend un instant. Je replace un peu mieux mon ventre et le caresse avant de tirer sur ma robe. Robe coincée sous mes fesses. Je tire en me penchant d'un côté, puis de l'autre. La fatigue physique et émotionnelle ne m'aide pas du tout... Mais j'arrive à remonter la robe et je la passe par dessus ma tête. Je me retrouve en culotte devant mon amie. Et une autre contraction... Dix minutes depuis la dernière... Je lui prend la main et la serre fortement en respirant. Il faut juste attendre que cela passe... J'en oublie complètement mon état. Faut dire que la nudité ne me gêne pas... J'ai connu les douches communes par exemple... Je ferme les yeux et pose mon front contre son corps en attendant que cela passe.

Spoiler: