Aucune femme ne devrait avoir à souffrir à cause d’un homme. Aucune femme ne devrait être mise de côté pour une autre. J’étais un homme de principe. Pour moi, impossible de faire souffrir l’une des femmes composant ma vie. Lexie la première. Je n’avais jamais fait de mal à ma belle Betty. Elle était ce que j’avais de plus précieux au monde. Elle était souriante comme un rayon de soleil et elle me rendait complètement heureux. Je n’avais jamais cherché à rencontrer une autre femme après son décès et c’était parfait comme ça. Je grognais en écoutant Rose parler.

- Dix ans ou vingt ans … Peu importe Rose. Il n’a pas à faire souffrir la petite. On ne fait pas souffrir une femme. Lexie ce n’est plus une gamine avec des amourettes d’adolescente. C’est une belle jeune femme pleine d’ambition et je n’ai pas envie qu’un petit trou de cul vienne lui brimer en la mettant prématurément en cloque avant qu’elle n’ait terminé ses études.

J’étais tellement emporté que j’ajoutais trop de poivre. Ah bah merde alors ! Tant pis. Je mettais de la musique avant de sourire alors que ma belle-fille me posait des questions sur ce que nous faisions sur les navires de guerre lorsque nous étions en mer.

- On jouait aux cartes, nous nous entraînions, nous faisions des parties d’échec et de dame. Il n’y avait pas vraiment d’internet et nous avions tout de même toujours du boulot. Le soir c’était principalement ce que l’on faisait. Parfois une petite fête. Je n’ai jamais trouvé que nous tournions en rond. Souvent c’était la seconde semaine la pire … Ensuite on s’habituait. C’était un rythme de vie différent.

Me belle-fille avait remarqué ma petite erreur et cela me faisait bien rire. Je rigolais un peu avant de continuer à manger en mélangeant avec les patates. Ça diminuait le goût du poivre heureusement. Betty m’aurait foutu une claque derrière la tête en me disant de me taire et que j’étais le responsable de mes propres malheurs et que le bon Dieu venait de me punir.

- Petite erreur de calcul. Le bon Dieu doit me punir pour un truc que je n’ai pas encore compris. Betty m’aurait sans doute grondé. Seigneur cette femme aurait des petits cheveux blancs partout à l’heure qu’il est. Je suis certain qu’elle porterait encore ses jolies robes bien repassées. Je n’ai jamais rien compris pourquoi elle tenait à les coudre elle-même d’ailleurs. Je crois que j’en ai encore quelques-unes. Je crois que Lexie les aimerait peut-être. Elles sont rétro après tout… Ça y est … je parle comme un vieux. Rose … Je suis vieux.

Kassoulet jappait pour confirmer ce que je venais de rire et je penchais mon regard vers lui.

- Oh bah toi n’en rajoute pas le cadet ! Non ! Non ! Arrête ! Chut !

Kassoulet continuait de me répondre alors que je m’obstinais avec ce dernier. On devait faire un drôle de duo au pelage blanc et gris.

Rose était la belle-fille parfaite. Elle était adorable et magnifique. Mon fils avait du goût. Heureusement qu’il avait cette belle femme avec lui dans sa vie. Je ne sais pas comment il aurait tourné sinon. Il aurait peut-être eu plusieurs femmes, je ne sais pas vraiment. Une chose est claire, il avait du Watson dans le cul et dans le pantalon, car il avait une femme exceptionnelle. Comme ma belle Betty qui était partie trop tôt. Elle était partie peu de temps après le mariage de mon fils. Lui qui était si proche de sa mère, car ils aimaient tous les deux de la musique. Elle adorait du Elvis Presley.

- Oh tu sais, Betty adorait parler au téléphone durant des heures en fumant des Malboros dans la cuisine. Le fils était toujours dans les jambes. C’était différent, mais elle aurait fait la même chose avec un téléphone cellulaire et j’espère bien que l’âge c’est dans la tête sinon autant me mettre dans un asile de vieux que je mange de la pâté pour chat réchauffer dans de l’eau.

Je continuais de faire le fanfaron avec le chien. Sa grosse tête se posant sur moi et que je caressais. Grand bonhomme. Je devrais peut-être me prendre un animal ou encore voler mon petit-fils canin durant quelques jours. Ça me ferait une bonne compagnie pendant que mon fils s’amuse à jouer du piano ou éteindre des feux. Elle n’était pas belle la vie hein ?

- Non, ça va Rose. Je vais terminer de réparer le lavabo et ensuite, je vais rentrer chez moi. Je ne vais pas t’imposer ma présence accaparante. Un bon café je ne dirais pas non !

Je mettais mon assiette sur le comptoir avant de remettre mes lunettes pour regarder le lavabo. Kassoulet en profitait pour venir demander des caresses.

- T’es vraiment en manque d’affection. Il te faudrait une femelle ! Une belle femelle avec toi hein ? Ah pendant que j'y pense Rose, tu as l'adresse de Lexie ? J'ai perdu le bout de papier où je l'avais écris quand je l'avais eu au téléphone. J'ai dû le jeter en mettant les brochures de mets chinois dans le recyclage.