Les sirènes hurlent de plus en plus fort. L'ambulance ne saurait tarder. Je me retrouve soudain devant l'accueil des urgences. Quand ai-je perdu connaissance ? Et où suis-je ? Oh ! Je reconnais les lieux ! Je suis sur mon lieu de travail. Les gens me font des petits coucous et s'inquiètent pour moi. J'ai mal à la gorge alors je garde le silence. J'ai mal partout... Je n'arrive toujours pas à comprendre comment j'ai pu en arriver là. Mon pantalon me colle fortement à la peau. Je me sens poisseuse et nauséeuse. Il faut dire que j'avais bien bu... Je me sens pas bien du tout, je me sens vide de force. Ai-je perdu beaucoup de sang ? Soudain j'ai des hauts le cœur. Heureusement une infirmière s'en rend compte et m'apporte un haricot. Je me vide gentiment, morte de honte devant tous mes collègues.

Je pâlis encore plus lorsque je vois Kassy arriver avec le médecin... C'est elle qui va s'occuper de moi... C'est un bon point pour moi mais... Cela me met mal à l'aise. Mon amie -ennemie va me soigner... Je l'adore, je l'aime tellement cette jeune femme alors qu'on se connait depuis peu mais je me sens obligée d'être en compétition avec elle. Et si elle me soigne cela veut dire qu'elle est meilleure que moi. Et étant ici je ne pourrais pas évoluer et continuer de surveiller mes patients... Je me remet à vomir encore une fois puis ferme les yeux. Décidément je ne suis vraiment pas bien... Je reperds connaissance. Est-ce qu'il a touché une artère ? Bonne question.

Mes dernières pensées sont pour Peter et sa femme et pour mon Sean...

Kassandra avait décidé d’entamer des études pour avoir un vrai diplôme et le droit de faire un métier, un travail pour lequel elle serait payée et reconnue, et non exploitée dans un sous-sol. Et suivant sa passion pour les sciences et la biologie et son entrain à vouloir aider autrui, médecine avait été un choix évident. Surtout depuis sa rencontre avec Lexie. Et le hasard avait voulu qu’après avoir passé des équivalences de compétences, elle ait pu directement intégrer l’internat, ayant déjà le niveau doctorat en ce qui concernait la théorie. Il lui faudrait à présent apprendre la pratique de la chirurgie, même si, de toute évidence, elle savait déjà faire.

Ce soir-là, la jeune interne, connue ici officiellement sous le nom de Sandra Collins , elle avait choisi de prendre le nom de famille d’Asher, n’en connaissant pas d’autres et encore moins le sien de naissance, était affectée aux urgences. Kassie paraissait être une élève assidue et qui apprenait vite, mais c’était tout simplement parce que la plupart des choses, elle les savait déjà. Il était même arrivé qu’elle corrige gentiment d’un des médecins qui était en charge de leur apprendre, à elle et ses collègues internes, quelques bases dans un nouveau service.

Affairée à vérifier la perfusion du dernier patient arrivé en état d’ébriété sévère, elle entendit soudain qu’on annonçait une arrivée de personne grièvement blessée. Aussitôt, elle acheva ce qu’elle faisait et se précipita dans le couloir, rejoignant le médecin chirurgien de garde mais se fixa nette en voyant cette patiente en train de vomir ses tripes dans un haricot qu’une infirmière lui tendait. Malgré les blessures, les hématomes, la piètre allure de cette fille, la caméléone la reconnut, il s’agissait de sa nouvelle amie et camarade, Lexie. Figée, Kassandra écarquilla les yeux.

- C’est Lexie… C’est … Lexie Watson !

Prononcer son nom l’ébranlait toujours un peu sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Le médecin la fit sortir de son état figé en la rabrouant.

« - Magne-toi, Collins, qu’est-ce qu’on fait à ton avis ? »

Là, Kassandra – Sandra – se rappela l’annonce des secouristes qu’elle avait entendu : perte de connaissance, fracture ouverte, nombreux coups reçus notamment au niveau de la gorge comme l’attestaient les nombreux bleus et contusions que la demoiselle revêtait.

- Un scann complet pour vérifier l’éventuelle présence de lésions interne, et une radio pour voir la fracture dans son entièreté.

«  - Eh ben qu’est-ce que tu attends ?! »

Aussitôt aidée de l’infirmière, Kassandra s’empressa de prendre en charge le brancard pour emmener Lexie en salle d’examens. Jamais encore elle n’avait été aussi ébranlée par une personne blessée. Ses émotions étaient sens dessus-dessous.

- ça va aller, Lexie, dit-elle pour la rassurer.

La voie pour la perfusion avait été posée dans l’ambulance ce qui avait permis de passer des produits pour calmer les douleurs de la patiente. Elles arrivèrent au scanner où Lexie fut prise en charge.

Je me réveille soudain lorsque j'entends la voix de Sandra. Je lui attrape la main et garde le silence. Une petite larme coule le long de ma joue. Je suis soulagée de la voir ici ; je ne saurais dire pourquoi mais cela me fait un bien fou... Quelle chance il y avait pour que ce soit elle qui soit aux urgences ce soir ? Je me sens légèrement planer. C'est bon ce qu'il donne dans cet hôpital pour contrer la douleur. Mais je n'aime pas tant être dans cet état.

Lorsque je me retrouve dans le scanner le déroulement de la soirée se refait encore et encore en boucle dans ma tête. Je me demande pourquoi il ne m'a pas tué alors que c'est soit disant ce qu'il fait en tant normal. Pourquoi a-t-il été gentil ? Qui est-il réellement ? Pourquoi dire ne pas avoir d'identité ? Il était tellement étrange. Je sors de mes pensées lorsque la machine s'arrête. J'aimerais avoir les résultats...Mais le haut parleur n'est pas activé. Donc je n'entends pas qu'on confirme à Sandra que j'ai bien une fracture ouverte mais pas d'hémorragie interne. Au final une collègue de Sandra, pendant qu'elle parle au radiologue, vient me voir pour me prévenir de la fracture puis repart aussitôt. Grâce à mes cours je sais qu'on va devoir réduire la fracture... Donc je vais subir une toute petite intervention. Et ensuite une autre pour fermer. Et comme c'est une plaie ouverte je vais devoir prendre plein d'antibio et peut être même être bloquée dans ma chambre.. Il en est hors de question. Ah non je ne resterais pas clouée dans mon lit et ce n'est pas les médicaments qui me font dire ça... Je crie alors d'une voix rauque.

- SANDRAAAAA ! Je veux pas rester au lit ! Soigne moi tout de suite ! Tu remets en place, tu recouds et c'est bon c'est fini !!! Et je sors d'ici !!

J'essaie de me redresser en toussant parce que mine de rien j'ai mal à la gorge hein. Mais je n'y arrive pas, ben oui j'ai mal à la jambe banane donc ça tire forcément... Je me laisse donc retomber et attends... J'ai horreur de ça... Attendre... Oh ma tête tourne... J'aurais pas dû m'énerver... Ce n'est jamais bon pour la tension... On va fermer les yeux quelques secondes hein... Et ne pas vomir... Je murmure doucement 

- Faut le prévenir...

Mais je ne précise pas qui... Je n'en ai pas la force.

Jamais elle n’aurait cru voir sa camarade d’études aux urgences dans de telles circonstances. Kassie avait le coeur serré, elle se sentait mal pour son amie. Ça, c’était son empathie bien trop grande. Mais elle savait qu’elle ne devait pas laisser ses émotions prendre le dessus. Elle était largement capable de l’aider, c’était pour aider les autres qu’elle avait choisi de mettre ses talents au service de la médecine, et plus encore de la chirurgie. Alors, écoutant les ordres de son mentor de la soirée, la nouvelle interne en chirurgie s’empressa d’emmener sa patiente passer son scanner.
Le résultat était encourageant, pas d’hémorragie interne, pas de lésions douteuse. Mais la fracture de la jambe était quelque chose de sacrément douloureux et c’est bien pour cela que les antalgiques injectés avaient été puissants. Un infirmier se chargea d’aller dire quelques mots à Lexie tandis que Kassandra terminait de parler avec le technicien avant de tourner la tête vers son amie en l’entendant crier son prénom. Elle se précipita alors à son chevet.

- Lexie, ça va aller, tu dois te calmer, dit-elle d’une voix rassurante. Ne t’en fais pas, je vais m’en occuper, tu sais que c’est pas la première fracture que je dois, et regarde, la tienne est bien nette. Ça va aller tout seul.

Sans attendre, elle la fit emmener dans un bloc où on lui passa un masque à oxygène avant de lui injecter une légère anesthésie pour moins d’une heure le temps de réduire la fracture, bien désinfecter et arranger le tout avec un joli plâtre de la couleur préférée de la patiente. C’est que Kassandra commençait à bien connaître sa collègue. Elle s’occupa ensuite des autres « petits bobos » moins grave mais tout de même présents sur le corps de sa patiente avant de la faire emmener dans sa chambre. Elle s’assit à côté d’elle et lui prit la main, elle voulait être là à son réveil. Elle ne voulait pas qu’elle s’inquiète. Tout irait bien. Mais avant tout, elle voulait savoir ce qui lui était arrivé, car nulle doute qu’il s’agissait d’une agression au vu des marques sur son cou, et dans ce cas, la police devrait être prévenue et Lexie devrait témoigner.
Quand enfin la jolie patiente rouvrit les yeux, Kassie lui sourit avec bienveillance en lui caressant les cheveux.

- Comment tu te sens ? Sois rassurée, tout s’est bien passée.

Elle lui montra le cliché de la radio qu’elle avait prise après avoir réduit la fracture et refermé.

- Tu ne devrais avoir qu’une toute petite cicatrice. J’ai fait exactement comme on a appris dans la session sutures esthétique.

Kassandra, aka Sandra, espérait que Lexie serait plus calme et encline à discuter.

- Ecoute, dit-elle en reprenant un peu de sérieux. Il va falloir que tu me dises ce qui t'est arrivé. Quelqu'un t'a fait du mal, on ne peut pas le laisser dans la nature. Est-ce que tu veux bien m'en parler ? Ou est-ce que tu préfères que je fasse venir quelqu'un d'autre ? C'est toi qui décides.

Je crois que Sandra n'a pas compris que je ne compte pas rester ici. Je veux qu'on me soigne rapidement pour que je puisse reprendre une vie normale, pour que je puisse oublier ce passage... Du moins c'est ce que j'essaie de me dire car je sais parfaitement que je vais mettre un temps avant de m'en remettre... Je suis étudiante en médecin, pas en psychologie mais je sais ce qui se passe dans ma tête. J'ai si peur que je veux oublier tout ce qui vient à peine d'arriver...

J'ai confiance en cette femme. Je sais qu'elle fera de son mieux. C'est une bien meilleure étudiante que moi. Elle a l'air de savoir déjà un tas de choses que j'ignore encore... Heureusement pour moi elle m'endort rapidement. La douleur disparaît enfin. Mais à mon réveil je grimace. Je sens une main qui caresse mes cheveux. C'est Sandra ! Elle est présente. Est-ce qu'elle est restée tout le temps où j'ai dormi ? Cela me touche beaucoup. En plus elle me connaît tellement bien qu'elle me montre les radios. Effectivement elle a fait un boulot remarquable. Je regarde ma jambe et sourit en voyant un plâtre rose.

- Merci infiniment Sandra... Je savais que tu ferais un boulot remarquable... Par contre... J'ai mal...

La douleur est bien moins forte que tout à l'heure mais elle est encore présente. Je sais que je dois prendre mon mal en patience mais ne dit-on pas que les médecins sont de mauvais patients ? Au moment où je me dis que je vais devoir contacter Jarod et Sean la voix de Sandra change. Elle me demande alors de raconter ce qui s'est passé... Elle me propose même d'en parler à un psy... Mais non merci, hors de question ! Je préfère lui en parler... Mais... Je ne sais pas si les mots vont sortir... 

- Tout est de ma faute... Je n'aurais pas du boire et rentrer seule et encore moins jouer au héros...

Parce que oui, je suis persuadée que ce qui est arrivé est de ma faute. J'aurais du accepter que Sean me raccompagne. J'aurais du appeler la police au lieu d'intervenir. J'aurais du fuir quand j'en avais encore le temps et ne pas provoquer mon agresseur... Je suis interne en médecine pas flic et encore moins un super héros. J'ai été stupide... Je détourne la tête pour ne plus regarder Sandra. Je reporte mon regard un peu partout dans la pièce à la recherche de mon téléphone mais rapidement je porte mon regard sur le verre d'eau posé sur la table roulante non loin de moi. Je penche ma main en avant pour essayer de l'attraper. J'ai soif. Et boire me permettra de ne pas parler...

La pauvre Lexie avait vraiment pris cher. Kassandra était tellement touchée par la vision de son amie et camarade d’études dans cet état, elle savait que ça compassion plus forte que la moyenne risquait d’être un frein dans ses études et son métier de médecin, mais elle s’était promis au contraire d’en faire une force. C’est ainsi qu’elle donna le meilleur d’elle-même pour une procédure somme toute de routine pour réduire la fracture et tout désinfecter, avant de gérer les autres blessures.

A présent, Lexie était dans sa chambre, prête à émerger totalement après un séjour traditionnel en salle de réveil. Kassie l’avait suivie tout du long, ne pouvant se résoudre à la laisser seule. Et à son réveil, elle tacha d’être rassurante, de lui montrer les clichés, et son joli plâtre rose. La brunette sourit à sa patiente qui semblait satisfaite. Mais aussitôt qu’elle déclara avoir mal, l’interne s’empressa d’ouvrir un peu plus le début de la perfusion d’antalgiques.

- Voilà, ça devrait aller mieux d’ici quelques minutes.

A présent, il fallait qu’elle parle, c’était important. Il fallait que les autorités sachent ce qui s’était passé, et Kassandra proposa à Lexie de lui parler, ou à quelqu’un d’autre. Mais la jolie patiente commença à répondre. Kassie était touchée de sa confiance et se rassit près d’elle, l’écoutant avec attention. Elle secoua la tête vivement en prenant sa main avec délicatesse.

- Ne dis pas ça, Lexie. Tu n’es fautive de rien ! Quelqu’un t’a agressée, personne n’a à faire ça, il n’y a aucune raison valable de le faire, jamais. Est-ce que… tu te rappelles de son visage ? Tu connais son nom ?

Il lui fallait un maximum d’informations pour transmettre à la police. Soudain, Lexie voulut attraper le verre d’eau présent sur la tablette de l’autre côté. Ne voulant pas qu’elle se sente trop assistée – Kassie avait lu que certains patients n’aimaient pas se sentir diminué malgré leur condition-, elle se redressa pour lui avancer la tablette roulante afin que Lexie puisse, toute seule, se saisir du verre d’eau.

- Il faut que tu m’en dises plus. Décris-moi cette personne. Son âge approximatif ? Des signes distinctifs ? Le son de sa voix ? Tout ce que tu diras pourra être utile.

Mais tout cela, elle le savait. Elles avaient assisté au même cours sur les patients agressés et ce qu’il fallait leur faire comprendre pour qu’ils parlent, comme le fait qu’ils n’étaient en rien coupables, et que le moindre détail pourrait permettre de coincer l’agresseur, l’empêcher de faire du mal à d’autres personnes, etc.

Sandra appuie sur la petite pompe magique qui va calmer mes douleurs. J'ai hâte de voir les petits miracles que cela va produire chez moi. Ne plus souffrir durant quelques instants... Mon dieu que j'attends cela avec impatience. Et peut être que cela me permettra de dormir sans faire de cauchemar même si j'en doute grandement. Je n'arriverais jamais à fermer les yeux lorsque mon interne favorite quittera cette chambre.

Je souffle par le nez lorsqu'elle m'annonce que je ne suis fautive de rien. Mais elle ne peut pas le savoir, elle n'y était pas. C'est moi qui est poussé cet inconnu à me tabasser. C'est totalement de ma faute, je l'ai parfaitement mérité. Et voilà qu'elle veut que je me rappelle de son visage. Je n'en ai pas besoin, il est encré dans ma mémoire. J'ai juste à fermer les yeux pour me rappeler en détail à quoi il ressemble mais ça je ne l'avouerai pas.

- Non je ne sais pas comment il s'appelle. Je ne l'avais jamais vu auparavant.

Mais désormais je n'oublierai jamais son visage. Il me hantera pour toujours... je pose un regard plein de reconnaissance lorsque Sandra approche la tablette pour que je puisse prendre le verre d'eau toute seule comme une grande. Je bois à la paille quelques gorgées et repose le verre. Décidément mon amie apprend très vite les bases du métier. Elle sait qu'un patient a besoin d'indépendance et de voir qu'il peut agir par lui-même. Puis elle redevient madame l'inspecteur que je n'aime pas. Je fronce les sourcils et fait mine de bailler pour faire comprendre que je suis trop fatiguée pour parler. 

- Je ne peux pas t'aider. Je ne me souviens de rien. C'est le black-out total. Je sais juste qu'on m'a frappé et poignardé mais je ne me souviens pas de mon agresseur... Mon esprit refuse de le revoir.

C'est un pur mensonge mais je n'y peux rien. Je n'oublie pas que cet homme venait tout juste de tuer quelqu'un avant de s'en prendre à moi. Et je ne sais pas ce que veut faire Sandra. Il est hors de question que je mette quiconque en danger. Et si jamais on venait à arrêter cet homme il saurait forcément que c'est moi qui l'ai balancé et il pourrait facilement me retrouver ou retrouver mes proches et nous abattre comme il l'a fait si facilement dans cette ruelle. Je serais donc une tombe. Je ne dirais rien. Je ferai croire que je ne peux pas me souvenir de ce type. Que mon cerveau refuse que je revienne dessus. Alors oui je me souviens de toute la scène mais lui n'est qu'une simple ombre. Oui voilà c'est parfait.

- Désolée mais je n'arrive pas à me souvenir de quoi que ce soit à son sujet. Il n'est qu'une ombre. Tout s'est passé si vite...

Alors que j'ai parlé avec lui durant quelques minutes... Je détourne le regard. Je ne peux pas regarder mon amie droit dans les yeux. J'ai bien trop honte.

Kassandra était aux petits soins pour Lexie. Cette dernière n’était pas qu’une simple patiente, elle était sa camarade, sa partenaire, son amie. Kassie n’avait eu que peu l’occasion de se faire des amis au cours de sa première vie, mais la vie actuelle qu’elle menait, une vie « normale », elle avait pris la pleine mesure de cet engagement qu’était l’amitié, c’était important pour elle, elle voulait être présente, surtout dans une situation comme celle-ci. La pauvre Lexie avait subi un mauvais traitement inqualifiable que personne ne méritait de subir, et certainement pas une fille aussi gentille et altruiste qu’elle.
La caméléone, à présent nommée Dr Collins, savait qu’elle devait, en plus d’être un soutien pour son amie, demander à la patiente des informations sur ce qui s’était passé, car si elle n’en obtenait pas, ce serait la police qui s’en chargerait, et en général, les agents étaient moins enclins à faire preuve de patience, eux, ils devaient faire vite et n’avaient pas de temps à perdre.
Dans les réponses de Lexie, Kassie ne sentait pas une nette franchise, c’était comme si la victime cherchait à protéger son agresseur. Pourtant, un tel comportement ne semblait as logique et cohérent avec la personne qu’était Lexie. L’interne avait su mal à comprendre les signaux qu’elle recevait.

- Tu es sure ? demanda-t-elle avec la douceur qui la caractérisait.

Peut-être que Lexie avait besoin de plus de temps ? Elle venait tout juste d’arriver aux urgences et de se réveiller de l’anesthésie, peut-être qu’elle n’avait pas encore les idées bien claires. C’était la seule explication, Kassandra se refusait à croire que son amie pouvait lui mentir délibérément sur un sujet aussi grave.

- Tu sais que je vais devoir te reposer la question un peu plus tard, et que sinon, la police le fera. Je ne veux pas que tu sois traumatisée…

Elle avait pu voir certains flics se comporter de manière assez bourrue et en avait été choquée, elle avait eu l’impression de revoir certains scientifiques du Centre quand les résultats des simulations ne leur convenaient pas, et cette attitude inhumaine face à quelqu’un qui souffrait ou avait souffert insupportait la jeune médecin.

- Je suis là pour toi, tu le sais, pas vrai ?

Elle venait de poser sa main sur la sienne après que Lexie ait pu boire un peu d’eau.

- Est-ce que tu veux que je passe le reste de la nuit avec toi, ou tu préfères être seule ?

Je ne me sens pas à l'aise du tout. Je n'ai pas pour habitude d'être une victime. Mon rôle est de soigner les gens, d'en sauver certains. Je n'aime pas être la malade qui se retrouve dans le lit d'hôpital. Moins je suis le centre d'attention mieux je suis. Et surtout je n'aime pas répondre aux questions... Dire ce que je ressens exactement, expliquer ce qui s'est passé, montrer du doigt mon agresseur... C'est vraiment très compliqué et pour la première fois de ma vie j'arrive à comprendre les victimes d'agression qui ne désignent jamais le coupable.

- Je me souviendrais peut être plus tard je ne sais pas, je ne sais plus et pour l'instant je ne veux pas m'en souvenir. Et je ne veux pas porter plainte alors est-on vraiment obligé de mêler la police à cela ?

C'est sur qu'il y aura un retour de bâton si je le signale à la police. Il a tué tellement froidement... Cela avait l'air si naturel pour lui... Un frisson me parcourt rien qu'en y repensant. Il était si froid, si... Je ne saurais même pas dire. Je laisse Sandra poser sa main sur la mienne. Je sais qu'elle veut juste m'aider mais. Je ne sais pas si je pourrais lui en parler... Et je ne veux pas l'inquiéter. Et c'est si dangereux... Enfin... Putain je suis paumée... 

- Je sais Sandra... Merci...

Elle me propose alors de me laisser seule pour que je puisse me reposer ou de rester avec moi. Je n'ai pas du tout besoin de réfléchir à sa proposition. Je veux, j'ai besoin qu'elle reste avec moi au moins jusqu'à ce que je m'endorme... Si je reste seule à attendre le sommeil je sais que je ne pourrais pas le trouver. J'ai peur de fermer les yeux et de le voir venir à l'hôpital pour terminer ce qu'il a commencé... Mais elle doit s'en doute s'occuper de patients. Je ne suis pas la seule à avoir besoin d'aide...

- J'avoue que j'aimerais que tu restes jusqu'à ce que j'arrive à m'endormir... Mais... Tu travailles. Je ne veux pas que tu aies de problème et des gens ont sûrement besoin de toi actuellement.

J'aimerais que Sean soit là... Qu'il me prenne dans ses bras et qu'il me raconte des bêtises pour me changer les idées... Mais ce n'est pas le cas. Heureusement que j'ai ma nouvelle amie à côté de moi. Je sais qu'elle veillera sur moi le temps que je dorme. Et avec un peu de chance je sombrerai vite dans les bras de Morphée et je ne ferais aucun vilain rêve... La fatigue est bel et bien présente mais mon cerveau lutte.

Kassie n’était pas idiote, elle voyait bien que quelque chose clochait. Lexie était réveillée depuis maintenant assez longtemps pour que ses idées soient rentrées dans l’ordre, et il semblait assez étonnant qu’elle ait déjà tout oublié. Et au vu du nombre de blessures qu’elle avait, tout n’avait pas pu se passer « aussi vite » qu’elle le prétendait pour qu’elle n’ait pas pu voir son agresseur. L’interne se demandait pourquoi sa patiente et collègue cherchait à couvrir la personne qui lui avait fait du mal. Etait-ce quelqu’un qu’elle connaissait ? Mille et une questions se bousculaient dans la tête de la caméléone, mais elle ne voulait en aucun cas brusquer son amie.

- Tu ne veux pas porter plainte ?? s’étonna-t-elle dans un souffle.

Cela lui semblait tellement étrange. Kassandra avait été maltraitée si souvent dans sa jeunesse que si elle avait pu faire tomber Raines ou Adora, elle aurait sans aucun doute ni aucune hésitation porté plainte, ne serait-ce que pour éviter qu’ils s’en prennent à d’autres. Mais les sous-sols du Centre n’étaient pas la vraie vie et il n’y avait aucune possibilité pour les caméléons de se défendre, ils ne pouvaient qu’endurer et la fermer. Mais Lexie, elle, avait le choix, alors pourquoi ne pas s’en saisir.

- Je ne te juge pas, ma belle, mais j’avoue ne pas comprendre. Peut-être que tu changeras d’avis demain matin. Il faut te reposer. Mais tu le sais, en cas d’agression, la police vient automatiquement. Le chef de garde les a déjà contactés je pense.

Sa main sur la sienne, le Dr Collins s’était assise dans la chaise à côté.

- Ne t’en fais pas, je vais rester avec toi jusqu’à ce que tu t’endormes. Et si tu veux, j’appellerai quelqu’un de ton choix pour venir te tenir compagnie demain. Tes parents, peut-être, ou des amis ? Ou tu pourras le faire, il y avait ton téléphone dans tes affaires ?

Tout ce qui comptait pour Kassandra, c’était que son amie aille bien, qu’elle se sente rassurée autant que possible malgré la situation difficile qu’elle vivait.

- Je suis là pour toi, Lexie, dit-elle d’un ton rassurant. Ferme les yeux. Tout ira bien maintenant, je te le promets.

Elle resta donc assise auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle s’endorme, et quand ce fut chose faite, elle put retourner finir sa garde. Quand ses heures furent terminées, elle retourna dans la chambre de son amie, en civile cette fois, pour être présente quand elle ouvrirait les yeux. Les médicaments et le reste d’anesthésie avaient dû bien la shooter la pauvre. Kassandra lui avait apporté un plateau de petit déjeuner et attendit qu’elle ouvre les yeux.

Sandra n'arrive pas à comprendre que je ne veuille pas porter plainte. Mais c'est quelque chose de réellement difficile à faire, surtout quand on sait que parfois la justice n'est pas faite immédiatement et que le coupable peut rester en liberté. Il peut même avoir une peine assez courte et attendre patiemment pour se venger. C'est un risque trop gros à prendre. Je n'ai pas envie de passer mon temps à vérifier autour de moi que je ne suis pas suivie... Il était si calme, si... Si insensible... Il a tué une personne tellement froidement... Qu'il recommencera sans aucun souci. Elle pense que je vais changer d'avis. Peut être qu'elle a raison... Mais je ne sais pas du tout.

Je ferme les yeux et passe ma main dessus. La police va venir... Je ne peux pas mentir... Mais je ne veux pas dire la vérité. Comment je vais pouvoir m'en sortir ?

- Je ne veux pas les voir, je ne veux pas leur parler... S'il te plaît...

Heureusement, je vais pouvoir d'abord dormir. Et elle va rester à mes côtés. Elle me propose d'appeler des gens pour moi... Pour mes amis je préfère le faire seule. Et pour mes parents je ne sais pas trop... Il le faudrait oui... 

- Je veux bien que tu appelles mes parents pour les prévenir mais en minimisant les choses... Pour mes amis je le ferais. Mon téléphone est logiquement dans mon sac à main.

Je remercie encore une fois mon amie et lui tient la main. Je ne veux pas la lâcher. J'ai besoin bizarrement de son contact. Je fini par rapidement m'endormir. Mais d'un sommeil plutôt agité. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi mais à mon réveil Sandra est toujours là. Simplement elle a changé de tenue. C'est une douce odeur de café qui m'a réveillé.

- Bonjour... J'ai dormi longtemps ? C'est pour moi le café ?

Je souris et renifle la douce odeur de café d'hôpital. Je sais qu'il n'est pas très bon mais il fera l'affaire.

Kassandra ne voulait pas aller contre la volonté de son amie, mais malgré tout elle ne pouvait pas aller contre la loi, elle le savait. La police devrait faire son travail. Tout ce que l’interne en chirurgie pouvait faire pour sa camarade, c’était retarder la venue des policiers en disant que la patiente n’était pas en état de leur parler tout de suite.

- Je vais faire ce que je peux pour retarder leur rencontre avec toi, mais Lexie, je ne peux pas les empêcher de venir, tu le sais. Il te faut mettre de l’ordre dans ton esprit.

La jeune femme accepta qu’on contacte ses parents. Ils étaient en droit de savoir ce qui arrivait à leur fille. « Sandra » suivit les indications de sa patiente et alla chercher le téléphone dans le sac pour le rapporter à sa propriétaire.

- J’imagine que tu préfères leur parler. Tu peux aussi attendre demain matin, une bonne nuit de sommeil te fera du bien.

Et quand le sommeil gagna enfin la jolie brune, Kassie put s’éclipser pour finir sa nuit de garde. Le lendemain, elle était revenue avec le plateau du petit déjeuner.

- Bonjour, Belle au bois dormant, dit-elle en souriant, de bonne humeur.

Elle avait retrouvé ses habits civils.

- J’ai vu le dessin animé il y a peu, c’est pour ça, dit-elle avec un sourire.

Kassandra rattrapait son retard en regardant tous les Disney possible, au grand dam d’Asher.

- Je suis passée de temps en temps et tu as bien dormi toute la nuit. Ça me rassure, tu t’es reposée. Est-ce que tu as appelé tes parents hier soir finalement ou tu veux le faire ce matin ?

La fausse madame Collins approcha la tablette de Lexie et lui déposa le plateau du petit déjeuner.

- Il faut que tu reprennes des forces. Tu vas pouvoir sortir ce soir après des derniers tests. Mais avant, il te faudra parler à la police. Je peux rester si tu veux ou alors te laisser seule avec eux, c’est toi qui décide. J’ai retardé l’échéance autant que possible et ils sont d’accord d’attendre l’heure de ta sortie mais tu ne peux pas rentrer chez toi avant d’avoir eu cette entrevue. Ah et j’ai ça pour toi.

Elle sortit de sa poche une carte de rétablissement signée par tous les élèves de leur promo qui étaient à l’hôpital de Blue Cove. Kassie espérait que ça ferait plaisir à Lexie de se sentir soutenue.

Sandra a parfaitement raison. Je sais que je vais devoir parler à la police de ce qui s'est passé mais je crois que je vais donner des éléments assez vague sur la description de mon agresseur. Mais peut être que si cela sort tout seul de ma bouche ce sera tant pis pour moi. Mais j'aimerais arriver à me retenir de tout livrer... Même si dans le fond le dénoncer pourrait l'empêcher de recommencer... Mais c'est un fou dangereux qui pourrait se venger... RAAAAHHH Mon amie a raison. Il faut que je mette de l'ordre dans mon esprit car effectivement tout s'embrouille... Je n'arrive pas à voir clairement les choses.
Sandra me tend le téléphone mais effectivement il vaut mieux attendre demain.

- Je n'ai pas envie de leur parler. Ca attendra demain... Probablement.

Après une nuit sans aucun rêve ni rien je retrouve Sandra à mon chevet. Vous savez quoi ? Ben ça fait un bien fou au moral de savoir qu'on est pas seule et que quelqu'un veille sur nous comme elle le fait. 

- Bonjour Docteure qui regarde des dessins animés. J'ai une faim de loup.

Je suis ravie de voir qu'elle a ramené un plateau repas. Ca sent bon le café chaud.

Je souris lorsqu'elle m'annonce qu'elle a veillé sur moi durant toute la nuit. Elle est passée plusieurs fois ! Alors que rien ne l'y obligeait. Surtout que j'avais de la morphine, ce qui m'a sans doute aidé à dormir d'un sommeil réparateur.

- Je dois les appeler ce matin...

Mais je ne suis pas spécialement motivée... Et cela doit se voir. Elle m'annonce que je sors bientôt et que je vais devoir passer par la case police... Je lui annonce alors brièvement que je préfère qu'elle soit là. Je n'ai pas envie de raconter ce qui m'est arrivé devant la police sans un soutien de taille. A défaut de Sean je préfère que ce soit mon amie et collègue.

Soudain elle me tend une carte. Je l'ouvre et fond en larmes. Cela me touche tellement. Cette petite attention n'est pas grand chose mais cela compte tellement pour moi. Tout le monde a signé ! Je n'arrive pas à y croire.

-Merci.

Lexie avait passé la nuit à dormir correctement et c’était important pour qu’elle puisse récupérer comme il faut. Kassie était soulagée, et lui avait rapporté elle-même le petit déjeuner après s’être changée. Sa garde était enfin fini et il était temps pour elle de rentrer, mais jamais elle ne serait partie sans aller voir son amie et collègue devenue patiente pour quelques heures.

- ça fait plaisir de voir que tu as de l’appétit.

Lexie appellerait ses parents dans la matinée, elle venait de le dire et le Dr Collins hocha la tête avec un sourire.

- C’est une bonne chose.

Lexie était une adulte sensée et raisonnable et « Sandra » savait qu’elle ferait ce qu’il faut. Pendant la soirée et la nuit, et même un peu la matinée, la brunette avait fait signer une carte de rétablissement pour sa camarade par toute la promo et même quelques uns de leurs docteurs-enseignants. Visiblement, le Dr Wtason en fut touchée, elle se mit à pleurer et le sourire de Kassandra s’évapora.

- Oh non… Je… je ne voulais pas que tu pleures…

Elle s’approcha alors d’elle et la prit dans ses bras avec délicatesse pour éviter de lui faire mal. Elle lui caressa le dos avec douceur le temps qu’elle se calme.

- Tout le monde t’aime beaucoup ici tu sais, ajouta-t-elle avec un petit sourire réconfortant.

La matinée commençait à être bien entamée, les gardes avaient changé et « Sandra » était sûrement la seule de nuit à être encore là.

- Il va falloir que j’y aille, Asher va s’inquiéter. Mais n’hésite pas à m’appeler s’il y a quoi que ce soit, d’accord ? Je reste joignable alors n’hésite pas ! répéta-t-elle.

Elle finit donc par la laisser tranquille et quitta la pièce après les au-revoir. Kassie n’arrêtait pas de se questionner sur la personne qui avait pu agresser son amie. Qui, pourquoi ? Lexie était si gentille, si douce, qui avait pu s’en prendre à elle et pour quelle raison ? C’était insensé et parfois le monde extérieur était laid, comme le Centre.