Voilà approximativement douze mois que Jarod avait mis les voiles. Des mois salutaires, durant lesquels, tout en continuant à titiller Mademoiselle Parker et ses camarades, le caméléon s'était pourvu d'une mission et pas des moindres. Il se revoyait encore devant l'écran du lecteur de DSA, après avoir visualisé plusieurs simulations, étrangement semblables à des évènements qui avaient eu lieu dans la vraie vie, à l'extérieur. Un crash d'avion au Moyen-Orient, l'expansion d'un virus en Afrique, des attentats une fois encore sur le continent africain. La liste s'allongeait encore et encore donnant plus de force à la culpabilité de Jarod. Ainsi, le Centre avait revendu certaines de ses simulations aux plus offrants, qui malheureusement pour lui, pratiquaient l'art de la guerre et de la destruction. Sydney fut le premier à subir les foudres de son protégé, qui désabusé par la perfidie du Centre, s'était alors jurer, pour réparer le mal dont il était bien malgré lui complice, de mettre ses capacités aux services des autres sans rien demander en échange. Ainsi, il avait commencé son périple à travers tout le pays et armé de son petit carnet rouge, il jouait les justiciers veillant toujours à s'octroyer une marge de manœuvre pour tenir ses traqueurs à distance le temps de sa mission. Aujourd'hui pourtant, après des mois et des mois de cavale, le revoilà franchissant le panneau indiquant l'entrée imminente dans cette chère ville de Blue Cove. Le cœur serré, assit côté fenêtre dans ce bus de fortune, Jarod attendait patiemment d'arriver au terminus avant d'ensuite regagner la chambre qu'il avait réservé sur Main Street. Arrivé à bon port, il se laissa tomber lourdement sur le lit, avant que la conversation qu'il avait eue avec son mentor ne refasse surface comme pour mieux lui rappeler les enjeux de ce retour en enfer, du moins à proximité.

« Jarod, je sais ce que tu en penses… » « - A ce que je sache non Sydney. Ça, c'est une formule de convenance pour jouer sur l'empathie. Si vraiment vous saviez comme vous dites, vous ne me demanderiez pas ça. » « Jarod, Jane Stanford était… est quelqu'un de bien » « - Qui fait des donations au Centre. » « Tu connais mieux que moi l'opacité du Centre sur ses réelles activités. Beaucoup de personnes ignorent ce qui s'y trament et peuvent œuvrer pour la bonne cause en finançant certaines de nos activités comme l'Institut Catherine Parker. » « - Oui cette merveilleuse école qui offre aux enfants surdoués tous les outils à disposition pour qu'ils puissent s'épanouir. J'ai lu la brochure, vous vous servez de la mémoire de Catherine Parker pour dissimuler le véritable visage du Centre. Et ces gamins, vous les exploitez eux aussi ? » Jamais encore, Jarod n'avait été aussi véhément à l'encontre de son ancien précepteur. Cette colère n'en demeurait pas moins légitime pour le caméléon. L'Européen parvint cependant à trouver les mots justes pour apaiser son protégé et lui faire comprendre que toutes les personnes liées de prêt ou de loin au Centre, n'était pas forcément condamnable et c'était le cas de Jane Stanford qui avait fait quelques donations à l'institut pour permettre de créer des bourses spéciales permettant aux enfants surdoués issus des milieux populaires d'intégrer l'Institue sans que leurs parents n'aient à s'endetter en amont. Jarod avait fini par accepter, mine de rien il faisait encore confiance à Sydney qui via la boite mail Refuge (cryptée par les bons soins de Jarod) avait transmis à ce dernier, toutes les informations nécessaires pour qu'il puisse mener à bien son enquête.  C'est donc carnet en main, que le caméléon feuilleta plusieurs articles. Certains parlaient du mari, Peter et de sa fulgurante réussite avec l'entreprise « Smitten » Plusieurs photos couvraient une page tandis que sur celle d'en face fuguaient quelques notes. Les articles suivants étaient tous dédiés à l'accident à l'origine du coma de cette pauvre Jane. Les paroles de Sydney ne quittaient plus l'esprit de Jarod « Toutes les personnes qui nous financent n'ont pas forcément connaissance de nos activités Jarod. Il souffla un long moment avant de se préparer pour le lendemain.

La nuit fut courte, elles le sont toutes depuis l'évasion. Aujourd'hui, Jarod devenait le docteur Jarod Weiss, un neurochirurgien de New-York contacté par un collègue médecin pour donner un avis sur le cas Stanford. Pourvu, de son badge et de sa blouse blanche, il regagna sans attendre l'hôpital de Blue Cove. « - Excusez-moi, docteur Weiss, je cherche la chambre de Jane Stanford. » On la lui indiqua, mais il fallait en amont prendre l'ascenseur, ce qu'il fit non sans appréhension. Nous étions à Blue Cove, la ville avait beaucoup s'étendre sur plusieurs kilomètres, à tout moment, le caméléon craignait de croiser dans l'assistance, un visage familier. Il longea donc assez rapidement le couloir avant d'entrer dans la chambre de la patiente et de tomber nez à nez avec une jeune femme. « - Ah…Bonjour, je dérange ? Je suis le docteur Weiss, je viens de New-York » Il ignorait encore qu'il se trouvait face à Lexie, la sœur de Kassandra.

Le cas « Stanford » était donc devenu la nouvelle priorité de Jarod, qui avait en amont lu tout un ouvrage dédié à la neurologie. Il ne lui en fallait pas plus pour s'acclimater et se mettre en condition pour cette nouvelle identité. Il avait aussi falsifié son dossier et piraté sans mal les fichiers informatiques de l'hôpital de Blue Cove, qui de toute évidence souffrait d'un sérieux manque de protection contre d'hypothétiques hackers. Il en était toujours ainsi pour Jarod. À chaque mission, il devait en amont préparer le terrain et s'assurer qu'il n'aurait aucun mal à pénétrer un lieu et à prendre une nouvelle identité. Toutefois, étant si proche du Centre, il se devait d'être encore plus précautionneux qu'à l'accoutumée. Rien ne devait être laissé au hasard, si en plus, Jane Stanford avait un lien quelconque avec le Centre. Il espérait toutefois que Sydney son mentor ne se soit pas trompé quant à la bienveillance de la victime. C'est donc non sans appréhension que le caméléon prit la direction de la chambre de sa nouvelle patiente et fut dès lors confronté à une jeune femme, qui au vu de l'uniforme, n'était pas de famille. L'air désolé d'avoir interrompu quelque chose, il prit quand même le temps de se présenter à la jeune femme qui pourrait aujourd'hui et pour les jours à venir lui fournir les informations nécessaires pour mieux comprendre. Jarod fonctionnait ainsi, il lui fallait toujours un binôme pour achever de se fondre dans la masse, une personne qu'il jugeait de confiance, avec laquelle il pourrait partager le fruit de ses recherches. Et aujourd'hui, cette personne se nommait Lexie Watson.

« - Enchanté de faire votre connaissance Lexie » laissa-t-il entendre avec bienveillance avant de s'approcher un peu plus pour observer Jane enfoncée dans un profond coma. « - Je viens de New-York. Un confrère m'a parlé du cas de madame Stanford. Je veux juste chercher à comprendre ce qui s'est passé et voir s'il nous est possible d'entrevoir une solution et un éventuel réveil. » La demoiselle semblait surprise, tellement qu'elle en avait oublié sa tâche première. « - Pardon ! Vous preniez sa tension n'est-ce pas ? Faites comme si je n'étais pas là ! » Il lui laissa donc l'espace nécessaire pour qu'elle achève sa tâche, avant que le caméléon ne revienne à la charge toujours avec bienveillance « - Depuis combien de temps déjà, Madame Stanford est-elle dans le coma ? » C'était une donnée importante pour Jarod, car bien plus que l'envie de résoudre le mystère de l'accident, le caméléon voulait aussi aider la victime à sortir du coma, si cela était encore possible.  « - Vous connaissez son époux ? »

Au vu de l'heure, Jarod ne s'attendait pas à voir quelqu'un dans la chambre de la patiente. Bien sûr, c'était une alternative qu'il n'avait pas omise dans son immersion, mais étant pris sur le fait, il devait, comme toujours s'adapter et c'est ce qu'il fit en ne laissant rien paraître et en se contentant de jouer son nouveau rôle tout en faisant montre d'une bienveillance naturelle chez lui. Il était loin de se douter qu'il avait face à lui la sœur cadette de Kassandra. Comment aurait-il pu le savoir d'ailleurs ? Sa camarade n'avait pour identifiant qu'un prénom (dans le meilleur des cas) Et la ressemblance n'étant pas flagrante, le caméléon ne fut pas assaillit d'une révélation en rencontrant Lexie Watson. Cette dernière, intriguait par sa présence, se demandait à présent si la femme dont elle s'occupait pourrait un jour sortir du coma, une interrogation qui surprit l'intéressé qui n'en demeura pas moins pédagogue dans son approche. « - Et bien, il est vrai qu'après une période supérieure à douze mois, les chances de sortir du coma s'amenuisent. Je ne vais pas vous cacher que c'est une situation compliquée, que le retour à la vie normale, si par chance, madame Stanford sort du coma, sera tout aussi compliqué, mais si j'ai appris une chose avec le temps, c'est qu'il ne faut jamais dire jamais. S'il existe, ne serait-ce qu'une infime chance de l'aider, saisissons là ! » C'était tout Jarod ça, toujours prêt à aider et jamais à renoncer sans s'en être donné les moyens. Cette femme avait beau avoir un lien avec le Centre, elle n'en demeurait pas moins estimée par Sydney et c'était un gage de confiance pour le Caméléon qui laissa ensuite le soin à la dénommer Lexie, de continuer son travail sans l'interrompre cette fois. Du moins ça, c'était avant de poser des questions sur Peter Stanford, le mari.

Jarod, toujours dans l'observation, fut surpris par la réaction de la jeune femme lorsqu'il évoqua ledit mari. Il le savait, pour avoir, à de nombreuses reprises lors de simulations toutes aussi nombreuses, interprétait la moindre des expressions se dessinant sur un visage. Le corps était pour lui un langage dont il maîtrisait les fondements et à ce moment précis, il comprit que le sujet du mari était sensible. Préférant garder cet atout dans sa manche, le caméléon fit comme si de rien n'était. « - Oui monsieur Stanford. Je dois m'entretenir sous peu avec lui et j'aimerais de ce fait glaner quelques informations histoire de ne pas commettre de maladresse. J'imagine que ça doit être une situation difficile à vivre pour lui. Tant d'incertitude, mais au moins il est encore là, même après quatre ans. Il m'a l'air d'être quelqu'un de bien non ? » Jarod, au vu de la façon dont Lexie parlait de l'intéressé, connaissait déjà la réponse. Il consulta à nouveau le dossier qui trônait au bout du lit avant que la porte ne s'ouvre à nouveau sur une nouvelle blouse blanche « - Bonjour, je suis le docteur Weiss ! » lança-t-il en s'approchant pour serrer la main du nouvel arrivant qui avait, de toute évidence, reçu les fausses recommandations émanant de New-York. Il lança un regard entendu à Lexie qui devait dès lors s'en aller laissant les deux médecins, seuls à seul.Il ne s'écoula pas moins d'une vingtaine de minutes avant que Jarod, précédé de son nouveau confrère, ne quitte la chambre de Madame Stanford. Il en savait suffisamment du point de vue technique, pour vaquer à de nouvelles occupations. C'est alors qu'il aperçut Lexie, il n'en fallut pas plus au caméléon pour se faire remarquer dans le couloir. « -Lexie ! Mademoiselle Watson ! » Une fois qu'il eut attiré son attention, il combla la distance qui les séparait. « - J'ai l'impression que nous avons été vite interrompu. Vous avez le temps pour un café ? »

Jarod ressentit une sorte de frustration en voyant débarquer un confrère. La conversation avec Lexie gagnait en profondeur, il le sentait, en était persuadé, il allait glaner quelques infirmations, mais plus encore, il semblait avoir un lien entre le mari et la jeune femme, le genre qui laissa un doute s'immiscer dans la tête du caméléon, qui jouait alors les inspecteurs de police en tentant d'émettre un mobil. Non, à ce stade, il était prématuré d'émettre des conclusions hâtives. Il fallait attendre, enquêter sur le terrain, comprendre les blessures de la patiente, puis ensuite poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Toujours est-il que désormais le caméléon faisait face au médecin de madame Stanford qui même s'il avait été prévenu de l'arrivée d'un spécialiste de New-York, restait légèrement méfiant en bon représentant de la vieille école qu'il était. Jarod redoubla donc d'efforts pour se montrer persuasif dans son entreprise, mais plus encore pour se faire accepter. Il pourrait ainsi travailler avec plus d'aisance, s'il ne sentait sur lui, pas planer l'ombre de la méfiance émanant de ses hypothétiques confrères. L'entretient fut rapide et instructif malgré tout, le caméléon était même parvenu à avoir le nom de l'inspecteur en charge de l'enquête. Il pourrait de ce fait lui rendre une petite visite à l'occasion histoire de glaner encore plus d'informations, mais pour l'heure, il lui fallait se rendre utile à l'hôpital.

Sans qu'il ne s'y attende, son chemin croisa à nouveau celui de la jeune infirmière. Il songea, avant de l'aborder, à ses dernières paroles. Elle parlait de Peter Stanford avec bienveillance et affection, au-delà même du professionnalisme. Peut-être que cela avait un sens assez pour que Jarod prenne le temps de creuser en osant inviter la jeune femme à prendre un café, libre à elle d'accepter par la suite. Le cas échéant, il ne s'en offusquerait pas, car il le savait, en termes de sociabilité, il avait encore quelques progrès à faire. « - Je ne sais pas si cela se fait d'offrir un café à une interne. Vous allez l'air procédurier ici à ce que j'ai compris. » lança-t-il en essayant de rendre la conversation agréable. « - Je m'en veux moins de vous accaparer si vous avez un peu de temps alors. » Ils rejoignirent donc sans attendre ce qui faisait office de cafétéria. Le café n'étant pas une boisson qu'il affectionne, Jarod ne put se résoudre à résister à l'envie de prendre un chocolat chaud. « - Vous avez déjà goûter ça avec de la cannelle et des shamallows ? C'est divin ! » Son âme d'enfant ressortait, lui qui avait été privé de tout, apprenait depuis sa sortie, à découvrir les petits plaisirs de la vie. Et ce qui pouvait paraître anecdotique pour le commun des mortels, avait pour lui une toute autre saveur.

« - Alors dites-moi ! Que voulez-vous savoir avant que je vous pose la moindre question ? J'imagine que vous vous demandez le pourquoi du comment de ma présence, n'est-ce pas ? Je vais vous faire une confidence. J'ai un ami proche qui connaît bien madame Stanford et c'est cette personne qui voulait que je vienne ici. À mon tour, si vous le voulez bien. Je vous ai observé et j'ai bien compris que vous apprécier beaucoup monsieur Stanford, je me trompe ? »

Jarod était dehors depuis à peine un an. Une année durant laquelle, en plus de mettre ses services à disposition de la veuve et l'orphelin, il n'avait eu de cesse d'aller de découverte en découverte. Anecdotiques pour certaines, mais qui lui permettaient malgré tout de mieux appréhender le monde extérieur. Certes, notre caméléon était capable de s'adapter à n'importe quelle situation et à n'importe quel milieu, mais n'était pas encore au fait de toutes les nuances et subtilités du langage, du comportement et pouvait ainsi commettre quelques impairs dans son approche, car exempté de filtre. De ce fait, au mieux, on le prenait pour un type hyper sociable, au pire pour un gars venant d'une autre planète. L'échec n'étant plus une fatalité, il savait qu'il avait encore une marge de progrès. Cependant, il espérait ne pas avoir grillé trop vite son approche avec la jeune Lexie en l'invitant aussi rapidement à prendre un café. Par chance, l'interne semblait encline à lui pardonner son approche et à partager un café avec lui, tout en évoquant le cas de leur patiente commune. « - Oui bonne idée ! » Et dans le fond, ça l'arrangeait d'emprunter cette voie. « - Merci ! » laissa-t-il entendre, conscient qu'il empiétait sur son temps de pause. Ils prirent donc la direction de la cafétéria. N'appréciant que très moyennement l'amertume du café et encore moins son odeur, le caméléon opta pour ce qui lui semblait être un basique à présent. Et il faut dire que depuis qu'il avait découvert le chocolat en poudre, Jarod ne s'était pas privé d'en abuser. La découverte du mariage de la boisson chaude avec de la guimauve était quant à elle toute récente.

« - De là où je viens, on ne nous concédait pas ce genre de petites attentions. » lança-t-il avec lassitude, repensant à toutes ces années où on l'avait privé de chocolats chauds et de ces petits rien qu'affectionnent tant les enfants. « - Énergisant, antioxydant, amincissant... Le café a bien des vertus pour le corps humain, mais en abuser peut s'avérer dangereux pour la santé. De nombreuses études font état du sentiment de manque ressenti par l'organisme lorsque l'on en suspend la consommation. Une dépendance aussi toxique que certaines drogues dures. Mais ce n'est pas le sujet et je m'en voudrais de vous effrayer dès notre première rencontre. » Passé, les recommandations, les deux médecins prirent place sur l'une des rares tables inoccupées à cette heure de la journée et commencèrent de ce fait à échanger. Jarod, n'étant pas du genre à mettre les pieds dans le plat, lança les premières hostilités, décider à ne pas éluder les quelques interrogations de la jeune femme qui lui faisait face. Et pour plus de clarté, il lança même les premières interrogations.

« - Pour ainsi dire, j'ignore pour l'heure ce qu'il en est de monsieur Stanford. Je suis médecin certes, mais je suis aussi le genre de personne qui n'hésitera pas à remonter ses manches pour aller au-delà de l'aspect médical. La personne qui m'envoie est un ami de madame Stanford, un ami qui se soucie d'elle, assez pour me demander de l'aide d'ailleurs. Je ne suis pas là pour vous mettre des bâtons dans les roues, mais pour comprendre. En amont, j'avais prévu de vous demander si je pouvais avoir confiance en vous, mais je crois qu'en fait, je n'aurais pas besoin de vous poser la question. Vous êtes altruiste, attentive aux besoins des autres et je crois, sans trop m'avancer, que vous avez un lien particulier avec Madame Stanford, mais encore plus avec son mari. Je ne suis pas là pour juger, ne vous inquiétez pas. En vérité, mon ami soupçonne qu'il ne s'agisse pas que d'un simple accident. Et aussi que l'enquête a probablement été bâclée. Il y a peut-être une chance, même infime de sauver Jane Stanford. Je dois comprendre ce qui est arrivé et pour y parvenir, j'ai besoin de votre aide Lexie. »

« - Je crois que c'est là tout le paradoxe. Parfois les choses qui nous font du bien, sont aussi celles qui peuvent nous faire du mal. C'est presque ironique non ? »  Oui, encore quelques choses que Jarod avait découvert par lui-même, bien qu'il eût subi dans un cadre officieux, quelques expériences sur l'addiction étant enfant. Un souvenir qu'il préféra taire, les DSA parlaient d'eux-mêmes de toute façon. Toujours est-il que le café, pourvu de caféine, était un petit plaisir qui devait rester occasionnel selon certaines revues spécialisées, bien que d'autres s'évertuent à faire entendre le contraire.  « - Après peut-être bien qu'il subsiste un juste-milieu, pour la caféine, pas la drogue bien sûr. La drogue, c'est mal »  Un slogan qu'il avait vu dans plusieurs spots publicitaires et qu'il se plaisait à reprendre sans se soucier bien sûr, de la naïveté du message. Jarod, bien malgré lui, n'avait pas de limites et encore moins de filtres ce qui pouvait parfois le rendre étrange aux yeux des autres. Et il l'est encore plus lorsqu'après de brèves observations, il est capable de percevoir des détails qui échapperaient au commun des mortels. Comme la façon dont la demoiselle s'exprimait lorsqu'elle évoquait Peter Stanford. Le choix de ces mots, son regard, elle était un livre ouvert pour le caméléon qui en fin observateur, avait déjà commencé à cerner la demoiselle.

« - Les accidents sont faciles à nommer et dissuadent quiconque de chercher plus loin. Cependant, la police de Blue Cove est tout sauf compétente. Je pense qu'ils ont vite enterré l'affaire. Mais comme vous le voyez, je ne suis pas policier, mais médecin. En venant ici, je voulais surtout comprendre et prendre la pleine mesure de la gravité de la situation. Je dois encore m'entretenir avec le médecin de madame Stanford sous peu. J'espère ensuite enfin avoir accès à son dossier. Je ne suis pas là pour vous faire défaut Lexie, croyez-moi. Je veux juste comprendre. Déjà pourquoi l'intégralité du dossier n'est pas consultable alors qu'il n'est question que d'un accident de la route ? » Il repensa à son mentor, qui était resté évasif sur le sujet, se pourrait-il qu'il en sache plus qu'il ne voulait laisser entendre ? « - Nous allons faire équipe Lexie. J'ai confiance en vous. Je vous ai vu, vous occupez de madame Stanford et la façon dont vous parlez de son mari, me laisse entendre que vous les apprécier tous les deux. » Le téléphone du caméléon se mit alors à vibrer, lui annonçant l'arrivée d'un nouveau mail sur Refuge, la plateforme qu'il avait créé pour communiquer avec Sydney. « Dossier Rcv34 » tel était le message suivi d'une petite note « Des secrets ont été déterré avant l'accident. Le caméléon délesta son portable et revint à lui. « - Vous savez si la voiture a été détruite ? »

Son instinct, il s'y fiait sans arrêt, c'est ainsi qu'il avait appris à survivre. Et il continuait à s'y fier et ce même si le milieu dans lequel il évoluait à présent semblait moins hostile qu'il ne l'était au Centre. Un instinct en partie responsable de sa venue aux portes de l'enfer diront les initiés, encore trop peu nombreux pour constituer une quelconque force. L'affaire Stanford serait donc sa nouvelle lubie, le sujet de son nouveau carnet rouge, l'affaire que l'Onyssius devait résoudre. Cependant, il le savait, la proximité de la victime avec le Centre, constituait pour le caméléon, un danger, mais il se voyait mal envoyer quelqu'un d'autre enquêter sur le terrain, à sa place. Il lui faudra donc faire preuve d'encore plus d'ingéniosité pour trouver des réponses. Mais pour l'heure, il devait prendre ses marques, comme à chaque fois qu'il débutait une enquête et Lexie semblait la personne la plus adéquate au vu de son statut. Il était plus facile de corrompre des médecins titulaires, plus au fait des petites combines que les petits nouveaux plus au fait des principes et non abîmés par la quotidienneté et la pénibilité du travail. Jarod pouvait prétendre avoir lu moult et moult études sur le sujet et effectuer au Centre, quelques simulations allant dans ce sens. Preuve que la sagesse ne s'acquiert pas toujours au fil des années. L'application de la jeune femme auprès de sa patiente acheva de convaincre le génie qu'il pouvait lui faire confiance et dans une moindre mesure, se confier à elle si besoin.

« - Oui, vous avez entièrement raison Lexie, on ne cherche pas à tuer des gens sans raisons ! » Il se tue alors, comme prit dans une impression de déjà-vu. Un phénomène est naturel et tout à fait explicable scientifiquement parlant, toutefois ce n'était pas la scène en elle-même qui éveillait en lui une certaine familiarité, mais bel et bien la façon de parler de la jeune femme et cette candeur dans le questionnement. C'était étrange et inexplicable, Jarod n'avait pourtant jamais rencontré Lexie avant aujourd'hui. Le temps jouant probablement contre lui, il préféra ne pas se focaliser sur ce détail et tenta de relancer sa propre enquête en demandant à la demoiselle si, par un heureux hasard, elle savait si la voiture avait été conservée. Et de toute évidence, aujourd'hui encore, la chance était du côté du caméléon. « - Ca, c'est une sacrée bonne nouvelle. La voiture pourrait nous en dire plus sur l'accident. Mais je vais quand même tenter de rencontre Monsieur Stanford avant de me lancer, je dois aussi tenter d'étudier le cas de sa femme. Vous pourrez me faire parvenir tout le dossier ? J'ai peur que s'il ne s'agit pas d'un accident, certaines personnes essaient de nous cacher des choses. En tout cas, je tenais à vous remercier de m'avoir accordé du temps et de me faire confiance. Vous auriez tout aussi bien pu me prendre pour un fou sorti de nulle part. » Chose qu'elle n'avait pas faite et c'est sur ces mots qu'ils se séparèrent. Jarod avait à faire et devait malgré tout, donner au change en faisant bonne impression auprès de ses collègues d'un jour.

Jarod en avait la certitude, il avançait dans son enquête, bien qu'il n'ait pour l'heure pas de preuves réelles à se mettre sous la dent. La patience était donc de rigueur, un trait de caractère qui ne lui faisait fort, heureusement pas défaut. Toutefois, puisqu'à présent, il avait mis la jeune Lexie dans la confidence, il devait prendre en considération les risques qu'il lui faisait prendre et de ce fait minimaliser sa participation pour que si, d'aventure, il se fasse prendre, il ne lui arrive rien. Il avait beau la connaître depuis peu, il n'en demeurait pas moins touché par elle et la singulière familiarité qui s'en dégageait sans qu'il ne soit capable de la comprendre. Peut-être, c'était-il croisé... Non, c'était peu probable, car il avait la mémoire des visages. C'était étrange, assez pour piquer la curiosité de Jarod. Ainsi, l'échange des numéros instigué par la jeune interne, sembla la meilleure des alternatives pour pouvoir, peut-être, creuser un peu plus en profondeur. « - Super pour la copie. Je traînerais dans les couloirs de l'hôpital pour m'habituer un peu à l'endroit. Les probabilités de se croiser seront donc évidentes. » De la poche de son pantalon, il en ressortit son portable, dernier cri. Puisqu'il fallait se fondre dans la foule, autant le faire correctement. Évidemment, la carte était prépayée, une précaution minimale au vu de sa proximité avec l'antichambre de l'enfer, qu'il espérait ne pas devoir approcher davantage  « - Tenez ! Entrez votre numéro et je vous enverrais un sms pour que vous puissiez avoir le mien ! »

Sans méfiance aucune, il lui tendit son portable pour qu'elle puisse y enregistrer son numéro. Lexie qui semblait prendre sa mission à cœur, laissa entendre ensuite qu'elle surveillerait les allées et venues autour de la chambre de sa patiente. Une initiative approuvée par Jarod qui acquiesça aussitôt « - Prévenez-moi surtout si vous voyez une femme brune, yeux bleus, et jambes interminables. » Il se retint d'ajouter à quel point la demoiselle pouvait être dangereuse pour ne pas affoler la jeune interne, mais puisqu'il fallait une justification, il se contenta de : « - C'est une suspecte. Je l'ai à l'œil. Mais ne tentez rien d'accord ? » Mieux valait prévenir que guérir comme disait le dicton. Toujours est-il qu'il n'était pas impossible que la dénommée Miss Parker traîne dans le coin, une perspective qui, si elle se concrétisait, ne rassurait pas Jarod. « - Le plaisir est partagé Lexie. Nous formerons une bonne équipe, je n'en doute pas ! » Il échangea un dernier sourire amical avant de tourner les talons.