Debout aux p’tites heures du matin, beaucoup trop tôt pour toi, tu es déjà dans ta voiture pour te rendre chez ta tante Judy. Le travail t’attend, mais c’est plutôt parce que tu as l’habitude de prendre le petit déjeuner avec eux. Discuter avec ton oncle et faire la vaisselle avec ta tante. Le dimanche matin, parfait ! Toi qui es normalement déjà arrivé à l’heure qu’il est, tu te retrouveras en panne sur la route… Maintenant, tu jures en gueulant après ta voiture. — J’aurais dû la réparer hier ! Que tu te dis en claquant la porte. Tu ouvres le capot pour vérifier la mécanique, trouvant le problème. Un soupir perdu dans l’air froid d’automne, ton cellulaire en main, tu contactes Judy pour l’informer que tu seras en retard pour le déjeuner. « Ne t’inquiète pas, mon neveu… De toute façon, notre nouvelle invitée n’est pas encore réveillée. » Tiens, un nouvel invité. C’est sûrement quelqu’un dans le besoin. Connaissant ta tante et ton oncle, elle ne refuserait jamais d’aider quelqu’un, même si c’était la personne qui avait l’air la plus louche sur la planète ! — J’espère seulement que ce n’est pas comme l’autre homme que vous avez aidé… Judy se mise à rire et te rassure que non, que cette fois ce n’est pas une personne de ce genre. Intrigué, tu ne demandes pas plus de détails.

Une demi-heure plus tard, tu es à nouveau en route pour le Blue Ranch. Tu as fixé le temps de faire la route, mais tu as bien vite remarqué que ta voiture a besoin de plus de travail. Génial ! Un mécanicien qui a une voiture toujours en panne… Comme on dit : cordonnier mal chaussé apparemment. Tu souris à ce proverbe, puisqu’il est tellement vrai. Combien de fois as-tu entendu ton beau-père râler après sa voiture ! Plus jeune, tu ne comprenais pas pourquoi il n’achetait pas une voiture neuve… Maintenant, tu sais pourquoi. C’était pour le plaisir de la réparer et aussi parce que c’était beaucoup moins dispendieux. Sachant réparer les autos, il ne se souciait pas vraiment des problèmes. Tu as pris cette habitude, même si tu gueules toi aussi, tu ne peux t’empêcher d’aimer réparer. Tel père, tel fils, non ? Même si ce n’est pas ton papa biologique.

Maintenant arrivé au chemin boisé du ranch, tu te mets à imaginer la tête de cette invitée. Est-ce un homme ou une femme ? Est-ce que cet individu est jeune, vieux ? Tu te mets à sourire en imaginant un vieillard avec des vêtements troués, OK… Ouais, tu finiras sûrement en enfer, mais tant pis. Tes pensées ne font de mal à personne, non ? Tu pouffais de rire avant de couper le contact de ta voiture et te rendre à l’intérieur. — Me voilà enfin ! Désolé… Avant que j’aie pu trouver le problème, les minutes ont défilé. ! Que tu dis, enlevant tes chaussures.
Puis, tu la vois pour la première fois. Carla, cette jeune femme muette aux yeux étrangement envoutants. Un brun terreux, presque aussi brun que les tiens… Tu en as perdu la voix pendant un instant avant de sourire et de prendre place à la table toi aussi. — Bonjour… Ça fait plaisir de faire ta connaissance, j’m’appelle Jason.
Judy sourit avant de prendre la parole : « La p’tite dame n’a pas encore dit un mot depuis qu’elle s’est retrouvée ici, ne la taquine pas trop mon neveu. »

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Je me suis échappée du Centre... J'ai réussi... Je me suis souvenue du chemin et j'ai écouté le bruit des gens qui venaient sauver d'autres jeunes... Ils m'ont aidé... Je sentais leurs sentiments... Ils croyaient en eux, ils étaient motivés pour s'échapper. Et cela m'a aidé... M'a donné du courage. J'ai couru si vite... Je me suis cachée aussi de longues heures... Et j'ai fini par atterrir dans un ranch... J'ai été attiré par les chevaux... Je les ai entendu et je me suis approchée doucement. C'est une femme qui m'a accueilli. Elle a été si gentille en me voyant... Elle s'est précipitée vers moi et m'a forcé à entrer chez elle... Je suis restée devant elle sans savoir quoi faire... Alors elle m'a aidé à me laver et m'a donné des vêtements... Fini la tenue du Centre... Elle m'a posé plein de questions mais je n'ai pas pu répondre... Elle m'a présenté à son mari qui lui aussi a été très gentil. J'ai dormi pour la première fois dans un vrai lit, dans une chambre toute seule... J'ai fait des cauchemars, j'ai crié en silence... Le matin, Judy est venue m'apporter le petit déjeuner et m'a aidé à le prendre. Elle m'a ensuite fait visiter l'endroit et m'a dit que je pouvais rester ici le temps de récupérer.

Et puis... Nous avons été dans l'écurie... Et là... J'ai eu un coup de foudre... Un cheval noir, magnifique, m'a donné un coup de tête et a tiré sur ma manche pour que je lui fasse un câlin. C'était la première fois que je touchais un animal... Je lui ai souri... Mon premier sourire... Judy me l'a présenté. Ouragan... Un beau prénom, même si je n'ai pas compris pourquoi elle l'a appelé comme ça... Un ouragan c'est dangereux et lui il est tout gentil... J'ai passé les deux nuits suivantes à dormir contre lui... Il me rassure, il m'apaise et m'empêche de rêver d'un accident de voiture... Ou du Centre...

Cela fait maintenant une semaine que je vis ici. Une semaine que je ne suis bonne à rien... Je dors en général dans le boxe du cheval. Judy m'aide pour tout... Je découvre le monde extérieur... Je n'ose pas faire les choses par moi-même... Je viens de passer ma seconde nuit dans ma chambre... Et pour une fois j'ai bien dormi... Je fini par me réveiller et je vais me laver, encore une fois, avec l'aide de Judy. Elle est si attentionnée, si douce, si gentille... Elle ne pose plus de questions, mais elle me parle sans arrêt. Elle tente de me faire sourire... Mais cela ne fonctionne pas... Il n'y a qu'Ouragan qui arrive à me faire sourire... Une fois habillée, je descend pour faire coucou au mari de Judy. Il m'apporte mon petit déjeuner et je m'installe. On m'annonce qu'ils vont avoir de la visite. Je panique directement... Qui va venir... Pourquoi ? J'ai bien vu les jeunes qui viennent voir les chevaux mais ils n'entrent pas dans la maison... Et là... Je le vois... Un jeune homme qui me regarde. Je pose mes yeux sur lui et je fais un peu la moue. Je ne peux pas lui dire comment je m'appelle... Mais Judy sait comment je m'appelle. Je l'ai écrit quand elle me l'a demandé... Je regarde autour de moi et je vois le papier qui est resté sur le petit meuble. Je pointe doucement mon doigt pour que Jason regarde dans cette direction. Je continue ensuite de boire mon chocolat chaud. Je n'en avais jamais bu de ma vie avant d'arriver ici. Enfin, je ne crois pas... Mais c'est tellement bon... J'adore ça...

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Surpris de savoir qu’elle ne parle pas, tu gardes quand même le sourire. Après tout, tu peux aussi faire la conversation pour dix toi aussi. C’est de famille on dirait. Lorsque tu observes davantage la jeune fille, elle te pointe un papier, penchant la tête sur le côté pour lire, retournant ton regard vers elle — heureux de faire ta connaissance Carla. C’est un magnifique prénom ! que tu continues. Est-ce que tu dis ça pour être gentil ou parce que tu trouves ça sincèrement magnifique ? Comme ta tante te connaît, elle croit que tu joues au charmeur, donc, Judy se frappe derrière la tête. — Quoi !? T’exclames-tu en posant une main contre ta nuque. « Arrête de faire ton charmeur et mange. Tu as du boulot qui t’attend… Je t’ai dit de ne pas la taquiner. » Ton oncle rigole et ta tante le regarde avec des yeux accusateurs : « Je te rappelle, mon cher mari, que toi aussi tu as du boulot… Si tu ne veux pas être privé de dessert, tâche de manger ton déjeuner et aller au travail. » Ta tante est décidément en plaine forme ce matin. Ça te fait sourire puisque c’est quelque chose que tu connais qu’avec eux. Cette sensation de famille. Ce sentiment d’appartenir quelque part. Tu es reconnaissant, Jason.

Alors que tu vas ouvrir la bouche une autre fois, ta tante qui observe Carla se met à sourire en voyant son expression « Si tu adores ça, je peux te montrer comment te préparer du chocolat chaud ! » qu’elle réplique en étant heureuses. — Ma tante, tu devrais la laisser respirer un peu… Après tu m’accuses de la taquiner ! dis-tu en taquinant Judy avec un sourire. Tu fais un clin d’œil à Carla assise juste en face de toi avant de recevoir une autre claque derrière la tête. — Hey… c’tes pourquoi ça ? C’est bizarre, ton caractère de joueur sort la plupart du temps autour de ta famille. Toi qui es normalement grognon, froid ou distant avec d’autres personnes. « On ne me taquine pas, jeune homme, la prochaine fois tu seras privé de déjeuner ! » Elle se met à rire à son tour, un rire qui peut réchauffer les cœurs les plus froids ! En toute honnêteté, c’est elle la plus joueuse de nous deux.

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C'est étrange de voir une nouvelle personne ici... Je ne m'y attendais pas. Il a l'air gentil et ne pas être quelqu'un de dangereux. J'ai ressenti un peu de ses émotions involontairement... De la joie, de l'amour. Beaucoup d'émotions positives. Il semble très proche de Judy et de son mari. Je ne savais pas qu'ils avaient un enfant... Mais je comprend bien vite qu'il est leur neveu en fait. Ils font partis de la même famille... J'ignore tout de ma famille moi. Je ne sais même pas si j'en ai une. Je n'ai aucun souvenir d'un papa ou d'une maman... Le Centre m'a tout retiré... Mais je garde le sourire... Surtout devant les gens. Comme en cet instant. C'est pour cela que je lui montre le bout de papier, pour qu'il sache lui aussi comment je me nomme, pour savoir à qui il a affaire même si je n'ai encore rien dévoilé de ma vie à qui que ce soit présent dans cette pièce. Je ne peux pas, je ne veux pas. Parler du Centre serait les mettre en danger... Et de toute façon je n'arrive pas à parler... J'ai besoin d'aide pour l'instant... Judy m'aide pour la douche, me rappelle de manger... Elle me rappelle presque tout... Parce que je suis comme une poupée de porcelaine... Une poupée qui ne peut pas bouger ou agir sans qu'on ne vienne la bouger pour l'aider...

Je lui souris. Il aime mon prénom. Cela me touche même si j'ignore d'où il vient ce prénom. Je regarde un coup Jason puis Judy à chaque fois que l'un parle. J'ouvre grand les yeux quand elle le frappe sur la tête et je secoue la mienne de droite à gauche. Il ne faut pas le taper, il n'a rien fait... Le pauvre. Je fais signe de mon doigt pour dire non également. Mais il fini par sourire... Cela doit être un geste gentil...

Je continue de boire mon chocolat chaud. Mes yeux pétillent et je souris. Le goût est magique... Sucré, chaud, avec un petit goût de je ne sais quoi... C'est léger et si doux... Je regarde la maitresse de maison en fronçant les sourcils et en penchant légèrement la tête sur le côté. Préparer du chocolat chaud ? Cela se prépare ? Ce n'est pas comme cela directement ? Je hausse les épaules et serre mes lèvres l'une contre l'autre avant de secouer timidement ma tête de bas en haut. Oui, j'aimerais savoir comment préparer un chocolat chaud. Mais il dit quoi ? Me laisser respirer ? Mais je respire... D'ailleurs pour le lui prouver j'inspire et expire de façon exagérée et bruyante pour qu'il s'en aperçoive.

Ils sont beaux à voir tous les deux... Enfin tous les trois car le mari de Judy semble bien s'amuser aussi en les regardant. Je détourne le regard pour le poser sur Jason. Il me donne envie de sourire. Un peu comme quand je suis avec Ouragan. Avec ce cheval, c'est si naturel, si normal... Et avec Jason, on dirait que cela fait la même chose... Alors que cela ne peut pas être pareil puis qu'il y a un cheval et un humain. Je souris à cette pensée. Je termine rapidement mon chocolat.

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C’est étrange d’être face à une personne prise de mutisme. Non, tu ne vas pas la juger, après tout… Chaque trauma se fait vivre différemment de personne en personne.
Alors que tu dis à ta tante de laisser la jeune fille respirer, cette dernière prend une grande inspiration, bruyante, et laisse l’air sortir. Tu souris, bien que tu n’as pas du tout capté la raison de cette action.
— Tu vois, même Carla est du même avis qu’moi !
Ta tante, maintenant au côté de Carla, te fait seulement la grimace pour te montrer son agacement. Ô comment tu l’aimes, ta tante ! Même si ta mère et elle se ressemblent de caractère, tu as toujours eu une meilleure connexion avec Judy. Observant maintenant ton oncle le nez toujours plonger dans le journal, tu remarques qu’ils vous regardent lui aussi, s’amusant de la situation. Alors tu souris, Jason. Tu souris, heureux de retrouver cette maison qui te fait tant de bien ! En plus, ça te change de tes airs froid et brutal en dehors de cet endroit.

Finissant ton petit déjeuner en moins de deux, après avoir vu l’heure, tu souris une dernière fois à Carla avant de te lever, d’aller déposer ton assiette dans l’évier et de revenir vers ta tante pour l’embrasser sur la tempe.
— Bon, je vais aller continuer mon travail. Dis-tu en souriant. Encore une fois, c’est un plaisir de te rencontrer Carla, j’espère pouvoir faire plus connaissance lorsque tu te sentiras mieux !
Termines-tu dans un sourire radieux, amical et chaleureux. Que tu perds aussitôt le pied hors de la maison. Judy te regarde sortir, puis soupire avant de commencer à ramasser les plateaux vides.
— Ne fais pas attention à Jason, qu’elle reprend la parole, à l’égard de Carla. Mon neveu peut être parfois compliqué, même avoir des blagues déplacées, mais il a un grand cœur, tu sais. Je suis sûr que vous allez bien vous entendre lui et toi. Il adore autant Ouragan que toi.
Termine-t-elle avec un clin d’œil. Elle s’empare maintenant de l’assiette de son mari avant de l’envoyer travailler lui aussi.

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Je crois qu'il n'a pas compris pourquoi je respire si fort. Je voulais juste montrer que je respire... Mais ce n'est pas grave. C'est normal qu'il ne comprenne pas puisque je n'arrive pas à parler. Pourtant, j'ai essayé avec Judy... J'ai vraiment essayé. Mais impossible... Et je ne sais pas si cela reviendra... Je pose ma tête contre Judy pour lui faire un petit câlin avant de me redresser et de finir mon petit déjeuner. Je suis tombée sur une jolie famille, des gens profondément gentil. Jason a l'air de l'être aussi mais je me méfie un petit peu encore. Je ne le connais pas... C'est la première fois que je le vois. Et il part déjà... Je suis un peu triste qu'il parte. Je lui fais signe de la main pour lui dire au revoir et écoute Judy me parler de lui. Un grand cœur ? Il a une maladie du cœur ? Je fronce les sourcils. Le pauvre... Cela doit être dur pour lui, j'espère que cela n'est pas trop grave... Mais je ne peux pas l'interroger... C'est vraiment au dessus de mes forces. Je souris malgré tout quand elle dit qu'il aime Ouragan. C'est trop bien ça.

Une fois qu'elle a envoyé son mari au travail, elle débarrasse ma table et m'aide à retourner dans ma chambre. Judy m'a acheté quelques vêtements et a réussi à en récupérer auprès d'autres personnes. Elle choisi donc une tenue puis m'aide à aller dans la salle de bain. Elle me lave et m'aide à m'habiller. Je quitte la pièce mais elle me rappelle pour me dire que j'ai oublié de mettre des chaussures. Je m'assois donc et les mets avant d'aller voir Ouragan. C'est Judy qui m'a dit que cela me ferait du bien... Et elle a raison. Avec ce cheval je rigole. Je peux lui faire des câlins, je me sens en sécurité. Je passe quelques heures avec lui dans son boxe avant que Judy ne vienne me chercher un peu inquiète de ne pas m'avoir rentrée. Elle m'explique que je ne peux pas disparaître ainsi aussi longtemps. Je baisse la tête. Je comprends mais... Je n'ai pas vu le temps passer et je n'arrive pas à réfléchir par moi-même, à savoir ce que je dois faire ou non... Elle ne m'en veut pas et je suis soulagée. Nous finissons par rentrer et manger le repas du midi. Je passe le reste de la journée à dormir dans ma chambre, la porte fermée. Mais je ne l'ai pas fermée à clef. Judy n'aime pas que je fasse ça car elle a peur pour moi...

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