C’était tellement surprenant pour Kassandra d’entendre que son petit ami avait discuté avec Jarod, alors qu’il avait toujours fait montre d’une certaine hostilité vis-à-vis de l’autre caméléon… Etait-ce parce que Kassie avait fait entendre un jour, au début, qu’elle était en colère après lui parce qu’il était parti du Centre sans elle ? Et pourtant, elle avait fait pareil, elle aurait voulu partir avec Mélanie et ouvrir leurs cellules aux autres, mais elle s’était bien vite aperçu qu’elle devait penser à elle avant tout, sans quoi il serait ne serait possible pour personne de quitter cet Enfer.

- Tu l’appelles « Jay-Jay » ? demanda-t-elle surprise avec un demi-sourire. Waow, il y a un sacré progrès !

La brunette s’était sentie mal suite à la découverte de ses facilités pour la langue italienne, plus encore de ne pas se remémorer avec exactitude dans quelles conditions elle avait appris cette langue étrangère. Elle commença à se poser mille et une questions d’ordre scientifique : son cerveau avait-il de lui-même effacé le contexte de ce souvenir car il était traumatisant ? Le Centre lui avait-il fait un lavage de cerveau pour ne pas qu’elle s’en souvienne, comme on aurait formaté un disque dur ? Ce fut la voix d’Asher qui ramena Kassandra à la réalité lorsqu’il la compara à Google Traduction, ce qui la fit sourire.

- Tu ne le sais pas, mais j’ai paramétré certaines données de ce logiciel.

Puis elle proposa d’essayer d’autres restaurant aux cuisines étrangères pour tester ses capacités à parler d’autres langues.

- En tout cas au Mexique, je ne parlais pas espagnol. Ni Maya. On essaiera un restaurant français la prochaine fois ? Je veux goûter le gratin dauphinois et la tarte Tatin.

L’apéritif leur fut apporté. Le vin avait une belle couleur, tout comme les amuses-bouche d’ailleurs. Kassie était curieuse de goûter à tout cela. Elle écouta les conseils d’oenologie de son amoureux et hocha la tête. Pour sa part, elle prit le temps de humer l’odeur du vin avant d’y goûter. C’était savoureux, un peu âpre mais c’était ainsi que se buvait le vin rouge.

- Je crois que c’est le goût qu’est sensé avoir un bon vin, déclara-t-elle en souriant.

Puisqu’elle n’avait, jusqu’à cette année, jamais eu l’occasion d’en boire. Puis, ils goûtèrent chacun des canapés qui se révélèrent succulents.

- Il faut qu’on apprenne à les faire ! énonça-t-elle avec enthousiasme.

Le serveur était revenu pour débarrasser et Asher manifesta son envie de pizza.

- Moi, je vais rester sur le plat du jour. Tagliatelle au pesto.

Le serveur ayant tout pris en note, il les laissa tranquilles. Le sourire de Kassandra ne désemplissait pas.

- Je te trouve particulièrement beau ce soir, tu as fait quelque chose de particulier ?

Elle avait pourtant tout passé en revue chez lui, elle qui remarquait d’ordinaire les moindres détails, mais n’avait rien vu de différent pourtant. Ses cheveux n’étaient pas plus courts, ses vêtements n’étaient pas nouveaux, elle les avait déjà vus...

« - Oui, je l’appelle Jay-Jay et je l’autorise même à m’appeler Ash. Et puis c’est un ami de la propriétaire des lieux, alors autant en profiter. » Mais puisqu'il savait que sa petite amie n’était pas encore tout à fait à l’aise avec l’ironie il se sentit obligé de préciser qu’il plaisantait « - Ca faisait vraiment plaisir à Jarod. Il est content qu’on soit heureux toi et moi et c’était sincère. Il a fait des conneries, mais je ne peux pas renier le fait qu’il tienne à toi sincèrement. Et j’ai envie de faire des efforts, moi l’asocial. Je me rends compte que je n’ai que très peu de connaissances en ville. Jay-Jay lui ne s’en sort pas trop mal. Je l’inviterai à la maison la prochaine fois. » Étrangement, cette perspective sembla le réjouir.

Kassy se découvrit ensuite des facultés linguistiques en italien, ce qui ne semblait point la réjouir au contraire. Et pour cause, elle se découvrait des facultés dont elle ne soupçonnait l’existence mais dont le Centre était partiellement responsable suite à la surexploitation qu'il avait fait subir à la jeune femme durant des années. Asher voyait dans le regard de Kassy que cela la travailler et il ne voulait pas que le Centre vienne entacher cette merveilleuse soirée. Alors il joua de son humour légendaire pour détendre sa fiancée et ainsi l’incitait à faire preuve elle aussi d’un peu plus de légèreté. « - Attends quoi ? Tu as paramétré certaines données pour Google traduction ? Tu me fais marcher ? » Était-elle sérieuse ou jouait-elle habillement du second degré comme il le lui avait enseigné ? « - Tu ne cesseras jamais de me surprendre et c’est en partie ça que j’aime chez toi. Ça et la perspective de tester plusieurs restaurants. Mais dis-moi, comme ma lanterne a besoin d’être éclairée. C’est quoi la tarte tatin et le gratin je ne sais pas quoi ? »  Avec elle, il se sentait parfois un peu plus démuni intellectuellement, mais il ne boudait pas son plaisir d’apprendre de nouvelles choses.

La suite de la soirée se passa divinement bien. Le serveur apporta le vin et l’apéritif. L’occasion pour les deux amoureux de découvrir de nouvelles choses ( sur le plan gustatif) et de les partager. « - Tu veux apprendre à faire des canapés ? Attends goutte celui-là avant ! » Il porta l’amuse-bouche jusqu’à la bouche de sa chérie se languissant d’avance de sa réaction à venir. « - C’est délicieux hein ? Si c’est fait maison et je n’en doute pas, peut-être qu’on pourrait demander à Jarod de demander à son amie la cheffe des lieux, de te dispenser un petit cours de cuisine ? » Il en prit un autre et ferma les yeux en croquant la bouchée. « - Hum… C’est vrai que c’est bon ! »

La suite fut tout aussi réjouissante et si Kassandra n’avait pas manifesté l’envie de goutter autre chose que ses Tagliatelle au pesto, Asher opta lui pour une pizza à la mode napolitaine. Il fallait avouer que l’assiette du voisin de table, s’étant lui aussi laissait séduire par une pizza, donnait envie, assez pour qu’Asher change d’avis et opte pour la sacro-sainte pizza. Le serveur ne put qu’approuver ce choix et repartit le sourire aux lèvres en laissant les deux amoureux à nouveau seuls. Le regard brillant, Ash saisit la main de sa belle, légèrement surprit par ce qu’elle venait de faire entendre. « - Mais je suis toujours beau, mademoiselle. » fit-il entendre avec ironie. « - Je me suis un peu mieux habillé que d’habitude c'est tout. Le costume fait toujours son petit effet. C’est moi qui devrais te faire entendre à quel point tu es magnifique ce soir. »  Le sourire ne quittait plus son visage, c’était le bon moment et il le savait.

« - En fait je n’ai rien fait de particulier, du moins pas pour l’instant. Tu as sûrement remarqué le changement que j’ai opéré depuis notre rencontre. Un changement encore plus visible maintenant, ce soir, ici. Tu me rends meilleur, heureux et peut-être plus beau. Tu m’as permis d’être la meilleure version de moi-même. Et il paraît important de te dire à quel point je t'aime Kassandra. Et bien plus que de te donner mon nom pour que tu puisses remplir de la paperasse, je veux te le donner parce que je t’aime. » Il posa l’écrin sur la table avant de le lui ouvrir. « - Donc est-ce que tu veux m’épouser pour te vrai ? » Et fit apparaître la bague qui se trouvait à l’intérieur.

Kassie n’était pas au bout de ses surprises ce soir, à commencer par cette amitié naissante entre Jarod et Asher qui, visiblement, s’appelaient par leurs petits diminutifs respectifs. La caméléone haussa les sourcils d’étonnement. Elle ne put que sourire et hocher la tête quand son petit ami déclara que Jarod s’en sortait bien en ville. Il était sociable et n’avait aucun mal à se faire des amis. Kassandra se rappelait très bien leur première rencontre, elle s’était tout de suite sentie en confiance avec lui. Et elle sourit de plus belle en entendant Asher déclarer qu’il l’inviterait à la maison.

- Quelle bonne idée ! Tu pourras m’apprendre à cuisiner un truc pour l’occasion ? Maintenant que je maîtrise à la perfection les pancakes, il faut passer à la vitesse supérieure.

La discussion évolua suite à la découverte du parfait parler italien de la brunette, qui alors avoua avoir travaillé sur Google Translate quand elle était au Centre. En fait, en discuter faisait remonter des souvenirs et sans doute était-ce pour ce travail-là qu’elle avait appris diverses langues.

- Non, c’est la vérité. Je pourrais te montrer sur ton ordinateur si tu veux.

Elle sourit à sa remarque.

- Tu réfléchis avec ton estomac. Remarque, ce n’est si étonnant, tu savais que nous avons tous un cerveau dans l'estomac ? C’est un réseau de neurones situés sur les parois du tube digestif qui régule les fonctions digestives. Ce système nerveux entérique est composé de plus de 100 millions de neurones, c’est le deuxième organe neurologique de notre corps, expliqua-t-elle.

Puis, quand elle déclara vouloir connaître la gastronomie française dont deux plats en particulier, Asher demanda de quoi il s’agissait.

- Le gratin dauphinois, c’est un plat composé de pommes de terres coupées en fines lamelles avec de la crème et du fromage, gratiné au four. Ça vient d’un endroit en France qui s’appelle le Dauphiné, d’où son nom. Et la tarte Tatin, c’est une tarte aux pommes caramélisées, elle est particulière parce que la pâte est au-dessus des pommes avant la cuisson. Ensuite on la renverse avant de la servir. Ce qui amusant, c’est qu’elle porte le nom des deux sœurs qui l’ont créé accidentellement, du moins c’est ce que tout le monde croit, parce qu’en réalité, cette histoire est une invention. Ils sont drôles ces français, ajouta-t-elle d’un air amusé.

Ils se régalèrent déjà durant l’apéritif, entre le vin et les canapés que Kassie voulait apprendre à réaliser, pourquoi pas lorsque Jarod viendrait chez eux. Puis ils passèrent commande avant de se retrouver seuls à nouveau. La jolie brune ne pouvait que dire à son amoureux combien elle le trouvait beau et charmant ce soir.

- Bien sûr que tu es toujours beau, mais je sais pas, il émane de toi quelque chose de particulier ce soir. C’est juste une impression que j’ai.

Elle sourit à son compliment, il avait toujours des mots démesurés pour parler d’elle et ça la faisait rougir. Puis, il entreprit une déclaration qui toucha Kassandra au plus profond de son coeur. Il disait qu’elle était responsable de son changement pour le mieux, et c’était réellement émouvant pour la caméléone dont les émotions étaient toujours à fleur de peau. Son regard se mit à briller d’émotion. Et soudain, les mots de professeur de sports de combat trahirent une réelle demande en mariage. Kassie sentit son coeur se serrer en le voyant poser un écrin sur la table. Les larmes lui montèrent aux yeux tant elle n’y croyait pas. Elle avait l’impression d’être l’héroïne de l’un de ces films à l’eau de rose qu’elle avait découvert grâce aux multiples chaînes de la télévision.

- Oh Asher… c’est… une vraie demande en mariage… une vraie de vraie…

Une larme roula sur sa joue tandis qu’elle hochait la tête vivement.

- Oui, bien sûr que oui, je veux t’épouser pour de vrai, parce que je t’aime de tout mon coeur, pour de vrai, en vrai de vrai !

Elle posa sa main par-dessus la sienne pour se pencher vers lui et l’embrasser, avant de se détacher pour poser ses yeux sur la bague dans l’écrin, écrin dont elle se saisit pour observer le bijou.

- Mon dieu, Asher ! C’est un vrai diamant ?!

Elle était réellement impressionnée.

L’évocation de Jarod semblait faire naître de nouvelles inspirations auprès d’Asher qui s’imaginait alors l’inviter chez eux à dîner. Une initiative qui inspirait également Kassy, assez pour lui donner envie d’apprendre à cuisiner autre chose que des pancakes pour l’occasion. « - Oula ! Tu t’emballes avec mes compétences culinaires ma belle. Hormis les pancakes je ne sais pas faire grande chose. Alors à moins qu’on propose un repas à base de pancakes à Jay-jay, il nous faudra trouver une autre alternative. Sur Internet, tu as plein de sites spécialisés. Tu devrais y jeter un œil. Avec tes compétences, je suis quasi certain, que tu seras capable de nous confectionner un super repas en moins de deux. Je suis même prêt à faire office de gouteur si tu veux. » Ah ça oui, il était prêt à bien des choses pour elle, même jouer les cobayes culinaires si ça suffisait à la rassurer.

« - C’est ce que j’aime chez toi. Tu arrives toujours à me surprendre. » Et pour cause, la demoiselle avait travaillé sur une partie de l’algorithme de Google traduction. Une information qui surprit toutefois l’ancien militaire et lui rappela à quel point le Centre avait de l’influence dans le monde. Une influence qui s’étendait jusqu’aux GAFAM de toute évidence. « - Je te crois, je ne vois pas pourquoi tu irais inventer tout ça. Tu me montreras ça tout à l’heure, en rentrant à la maison si tu veux. »

La nourriture étant un domaine qu’ils affectionnaient tous les deux, il était logique qu’ils reprennent la conversation autour de ce sujet. Et comment ne point parler nourriture dans un tel lieu ? « - Comment ça je réfléchis avec mon estomac ? C’est la première fois que j’entends ça. Mais j’ai comme l’impression que tu vas m’apprendre un truc. » Et effectivement, le sourire aux lèvres, la demoiselle livra un petit exposé anatomique à son compagnon, qui essaya de rester attentif, pour ne pas lui manquer de respect. Et puisqu'elle semblait bien décidée à lui apprendre des choses, il se permit ensuite de demander, à sa façon, ce qu’était le gratin dauphinois et la tarte Tatin, des plats dont il ignorait jusqu’alors l’existence. Et cette fois (puisqu’il était question de nourriture) l’ancien militaire sembla éprouvé un peu plus d’intérêt.

« - Ok ! Là clairement avec ce que tu me dis, je réfléchis avec mon estomac. Il fait vraiment envie le gratin de pommes de terre qui vient du Dauphiné, mais pas autant que cette fabuleuse tarte des sœurs Tatin. Tiens à propos d’accident culinaire, laisse-moi éclairer ta lanterne. Pour une fois que je peux citer une anecdote je ne vais pas m’en priver. Accroche-toi bien ! Est-ce que tu savais que les chips étaient elles aussi le fruit d’un accident culinaire. Ça vient d’un chef cuisinier de Saratoga Springs à New-York. Ça s’est passé dans les années 1850. Un client a refusé deux fois de suite, une assiette de frites qu’il jugeait trop épaisses. Le chef était tellement énervé et vexé j’imagine, qu’il a décidé de ne pas tailler les pommes de terre, mais de les émincer en fines tranches. Il les a ensuite passés à la friture pendant quelques minutes y a ajouté un peu de sel et « bam ». Les copeaux de pommes de terre, comme il les appelait à l’époque, ont eu un tel succès qu’il en a fait sa spécialité et les a inscrits à sa carte. Je pourrais aussi te parler des cookies, mais là je risque de détruire le mythe. J’ai quand même bien envie de goûter un de ces quatre, la tarte Tatin, j’adore les pommes caramélisées avec un peu de cannelle sur le dessus. C’est un délice. »

Ils rirent aux éclats et ce à de nombreuses reprises, puis se délectèrent des amuse-bouches qui leur étaient présentés, si bien que Kassandra j’imaginais déjà en réaliser lors du fameux dîner ( pas encore programmé) avec Jarod, qui lui de son côté, avait déjà songé à sa pendaison de crémaillère alors qu’il n’avait pas encore trouvé son petit coin de paradis. Mais nous n’en sommes pas encore là. Asher, le regard pétillant, après avoir modifié sa commande et opté pour une pizza, fut surpris par le compliment de Kassy qui semblait avoir décelé quelque chose en lui.

« - Quelque chose de particulier ? Genre une auréole au-dessus de ma tête ? » tenta-t-il avec humour avant de comprendre que c’était sûrement le bon moment pour vraiment se lancer. Ce qu’il fit en improvisant allant jusqu’à s’étonner lui-même de dire de si belles choses. Puis ne tenant plus, il déposa l’écrin noir sur la table et osa faire sa demande, sans plier le genou, lui qui trouvait ça trop cul-cul. À fleur de peau et incapable de cacher son émotion, Kassandra ne semblait plus trouver les mots face au sourire radieux de l’ancien militaire.

« - Oui, une vraie demande pour un vrai mariage. Sauf si tu ne veux plus de moi bien sûr. » tenta-t-il toujours avec humour avant que la demoiselle ne fasse entendre une réponse plus qu’enjouée. « - Bah dit donc, ça fait beaucoup de « vrai » dans une seule phrase. » Elle se pencha alors pour l’embrasser délicatement, avant de reprendre sa place et d’observer la bague qui se trouvait encore à l’intérieur de l’écrin. « - Quand on aime on ne compte pas et puis je me suis dit que comme c’était pour de vrai, autant y aller à fond et opter pour le diamant. »

Il saisit alors la boîte, en sortit la bague qu’il vint mettre au doigt de sa fiancée, légèrement anxieux. Mais à tort, puisque de toute évidence, la bague lui allait à merveille. Preuve qu’il avait visé juste avec la taille. « - Elle te plait j’espère ? Parce que de toi à moi, je l’ai choisi tout seul et c’était la première fois de ma vie que je me rendais dans un magasin de bijoux pour choisir la bague de ma fiancée. D’ailleurs à bien y réfléchir, c’est aussi la première fois de ma vie, que j’ai une fiancée. »

La réponse d’Asher fit rire Kassandra. Il prétendait ne savoir faire que des pancakes, mais c’était toujours plus que ce que la brunette avait à son actif en terme de capacité culinaire. Du moins, avant que l’ancien militaire ne partage son savoir.

- Je suis sure que tu exagères et que tu sais faire d’autres choses. La preuve, il me semble qu’on arrive assez à se nourrir depuis qu’on vit ensemble, et on ne passe pas notre temps au restaurant. Mais, OK, donne-moi deux ou trois idées et je vais essayer de les apprendre. L’ennui c’est qu’il y a des chances que je ne sache pas à quoi est sensé ressembler le goût, alors tes talents de goûteurs seront effectivement demandés. Et on garde un plateau de sushis en plan B au cas où. Mais ce que j’aimerais, ce serait qu’on apprenne tous les deux ensemble. Qu’est-ce que tu en dis ?

La parenthèse sur le Centre vite refermée, et heureusement, ils purent reprendre le cours de leur conversation, notamment sur les neurones de l’estomac dont Kassie expliqua le fonctionnement rapidement. Asher semblait quelque peu perplexe mais fut plus intéressée quand sa petite amie évoqua des plats français. A son tour, Ash’ conta une anecdote concernant l’historique d’un met en particulier, scotchant sa chérie.

- Waow, je ne le savais pas pour les chips. Oh allez, dis-moi aussi pour les cookies, s’il te plaît, demanda-t-elle avec son petit regard de cocker.

Elle prit bonne note qu’il aimerait goûter aux pommes caramélisées de la tarte Tatin et se promit d’essayer de lui en faire une rapidement.
La caméléone avait remarqué quelque chose de spécial ce soir chez son amoureux, mais une chose qu’elle n’aurait su qualifier ou quantifier. Et bien vite, elle comprit de quoi il retournait lorsque l’enseignant se lança dans une déclaration des plus touchantes, et pas n’importe laquelle puisqu’il acheva par une demande en mariage, une vraie. Pas une pour qu’elle ait son nom officiellement pour ses papiers, non, une demande en mariage parce qu’il l’aimait. Touchée aux larmes, Kassandra s’empressa de répondre par l’affirmative, folle de joie. Elle eut un petit rire lorsqu’Asher souligna le nombre de fois qu’elle avait mentionné le mot « vrai », et avait ensuite embrassé avec douceur son fiancé pour sceller cette réponse. Elle était si émue, si touchée, si heureuse. Jamais Kassie n’aurait pensé être si heureuse, Asher lui apportait ce bonheur ce qui la comblait tant.

- Merci… C’est beaucoup trop. Tu es sûr ? demanda-t-elle à propos du diamant qui ornait la bague de fiançailles.

Pour toute réponse, il sortit le bijou de l’écrin et la passa à l’annulaire gauche de sa fiancée. La bague lui allait parfaitement. C’était la première fois que Kassandra en portait une et elle l’observa à son doigt avec curiosité et un sourire ému aux lèvres. Son regard se porta à nouveau sur Asher lorsqu’il reprit la parole.

- Tu rigoles ? Bien sûr qu’elle me plaît, je l’adore ! Pour rien au monde je ne l’enlèverai ! Ah euh… sauf peut-être pour les interventions chirurgicales ? Je crois qu’on est obligés de ne rien avoir sous les gants… Mais je la mettrai dans une chaîne pour travailler, elle ne me quittera jamais.

Elle eut un petit rire à sa remarque.

- J’ai jamais eu de fiancé non plus. C’est vachement cool que ce soit toi, dit-elle d’un ton amusé. Je t’aime Asher, merci pour tout ce que tu fais pour moi.

Les plats arrivèrent soudain sans qu’ils n’aient vu le serveur arriver. La pizza d’Asher et les tagliatelles au pesto de Kassandra. Le serveur leur souhaita un bon appétit en italien, ce à quoi Kassie répondit un « Grazie mille » avant qu’il ne s’éclipse.

- Tu veux goûter ? lui proposa-t-elle après avoir fait un tortillon de pâtes autour de sa fourchette.

De la douce musique au piano se faisait entendre et accompagnait parfaitement ce beau repas.

Un sourire. Il suffisait d’un sourire de Kassandra pour mettre à mal le semblant de certitudes de l’ancien militaire. Si avant de connaître la demoiselle, il se complaisait dans sa solitude, à présent il se demandait, à juste titre, s’il lui était possible de concevoir la vie sans Kassandra. « Définitivement non. Demandez à un alcoolique s’il peut vivre sans sa bouteille. » Qu’on se le dise, la comparaison était un peu douteuse, ou peut-être maladroite connaissant le bonhomme. Toujours est-il que le professeur était accro à une drogue nommée Kassandra et que pour rien au monde, il était prêt à décrocher.

« - Ah non je n’exagère pas. En cuisine je ne suis pas en terrain conquis. Mes états de service culinaires parlent d’eux-mêmes. Je ne peux prétendre qu’à la maitrise du pancake et éventuellement la cuisson des pattes et du riz. En revanche et aux vues de tes facultés j’accepte de me porter volontaire pour être ton crash test culinaire attitré. Et parce que je t’aime plus que tout, j’accepte aussi le plan B sushi. » Il l’affubla d’un clin d’œil avant qu’elle ne fasse entendre qu’elle voudrait aussi qu’ils apprennent à cuisiner ensemble. « - Eh bien écoute, ça peut se négocier. Si tu me trouves une toque de chef, éventuellement… » Mais la perspective de cuisiner ensemble, bien au-delà de la blague, lui était agréable, autant que de passer le plus de temps possible avec celle qu’il se plaisait à appeler sa fiancée auprès de Jarod.

Les sujets fâcheux – en l’occurrence ceux touchants au Centre – furent vite évacués au profit encore une fois d’une conversation autour de la nourriture et de quelques anecdotes dont une qui fit son petit effet sur Kass’ et qui flatta en un sens Ash. « - Ah et bien je suis ravi de t’impressionner avec l’histoire des chips. Wow non, pas le regard de chien battu. C’est déloyal, parce que tu sais très bien que je ne peux pas lutter. Deal. Si j’accepte, il va falloir que tu me proposes quelque chose en échange. C’est donnant donnant mademoiselle. »

Elle était si belle dans sa candeur et lui parfois désarmé. Mais pour rien au monde il ne voudrait qu’elle change, alors s’il pouvait entretenir cette innocence, il ne se priverait pas de le faire autant qu’il le pouvait. Et peut-être que le pouvoir de l’écrin et de la demande qui allait avec, lui permettrait, en lui offrant plus de stabilité, de continuer à s’irradier de tant d’innocence. Et puisqu’il fallait se lancer, il se lança, loin d’imaginer qu’il fallait un minimum de courage pour oser faire entendre cette formule que l’on entend traditionnellement dans les films à l’eau de rose. D’ailleurs quelques regards se posèrent sur eux, comme si tout d’un coup, les deux amoureux étaient devenus les protagonistes d’une scène dont ils (les spectateurs) se languissaient de connaître la suite. En l’occurrence, la réponse de la jeune femme. Le baiser avait suffi à lever le moindre doute, mais aucun applaudissement ne retentit, car nous ne sommes pas dans un film à l’eau de rose, fort heureusement. L’ancien soldat n’en demeurait pas moins victorieux dans sa tête. Elle était heureuse c’était tout ce qui comptait. Il lui passa ensuite la bague au doigt, soulagé de voir que c’était la bonne taille.

« - Je me suis mis beaucoup de pression pour rien en fait. J’avais peur qu’elle soit trop grande, qu’elle ne te plaise pas. Que cette idée soit complètement folle et elle l’est en un sens, un peu comme nous deux finalement. Notre histoire est complètement folle et je t’aime comme un fou. Et je crois que je vais m’arrêter là parce que nos plats arrivent d’une part que je n’ai pas envie de te sortir tout le champ lexical de la folie. » Il lui prit à nouveau la main avant de l'embrasser avec douceur. « - Je t’aime ! » laissa-t-il entendre à nouveau. « - Et j’aime aussi ce que je vois dans mon assiette. » Il remercia le serveur qui vit l’écrin et la bague au doigt de Kassandra et la félicita avant de s’éloigner.

« - Comment pourrais-je refuser de goûter ces magnifiques tagliatelles au pesto ? » Il s’approcha alors pour se saisir, du bout des dents, du tourbillon de pâtes fraiches sur la fourchette de la jeune femme. « -Hum… Je n’ai jamais goûté un truc aussi bon de ma vie. » Puis à son tour, il fit goûter son plat à sa fiancée. C’était succulant, à n’en pas douter et agréable si l’on tendait l’oreille pour écouter les quelques notes de piano. Ils optèrent ensuite pour des desserts typiquement italiens et furent une fois encore charmés par ce qui leur était proposé, si bien qu’ils se promirent de revenir une prochaine fois.

Avant le grand départ, Asher laissa un pourboire au serveur puis quitta l’établissement en glissant ses clés dans la main de sa chérie. « - Je te laisse les rennes pour le retour si tu veux. Ah regarde ! » Il désigna le ciel étoilé et l’étoile filante qui se présenta à eux. « - Tu l’as vu ? Il faut qu’on fasse un vœu, c’est la tradition lorsque tu vois une étoile filante. »

Kassandra n’avait jamais remarqué que la cuisine n’était pas le domaine de prédilection d’Asher, et pour cause, même les repas les plus basiques qu’il pouvait préparer s’apparentaient à quelque chose de délicieux pour une demoiselle qui avait connu durant vingt-cinq ans des petits déjeuner au gruau, des déjeuners au riz ou pâtes sans sauce et aux dîner aux légumes à l’eau. De temps en temps, Stanley lui donnait quelques biscuits pour la récompenser, surtout lorsqu’elle était enfant, parce qu’il était inhumain pour lui de ne pas gratifier le bon travail d’une fillette aussi adorable, mais il était rare que Kassie ait la chance de goûter à quelque chose d’un peu original et fait avec plus de deux aliments différents. Simple, basique, nourrissant, voilà à quoi se résumaient les repas pour les caméléons. Pas de fioriture, pas de fantaisie. Alors, même un sandwich lui paraissait être un repas magnifique avec de jolies couleurs et une élaboration particulière, une architecture comme elle se plaisait à le dire.

- Tu rigoles, c’est super cool de savoir faire cuire des pâtes ou du riz, surtout quand on met de la sauce avec ! C’est noté pour la toque de chef.

La caméléone fut à la fois étonnée et enchantée d’apprendre l’anecdote de l’histoire de la conception des chips, mais comprit qu’il faudrait négocier pour celle des cookies.

- Si tu me dis celle des cookies, je te promets d’apprendre par coeur trois recettes différentes de cookies et de les réaliser une fois par mois.

La conversation avait continué avec un tournant que jamais Kassandra n’aurait imaginé, et pour cause, puisqu’elle se retrouva avec une magnifique bague de fiançailles ornant son annulaire gauche, précédée d’une demande en mariage des plus touchantes par l’homme le plus adorable de la Terre.

- Comment aurait-elle pu ne pas me plaire, Asher ? Tu l’as choisie toi-même avec ton coeur, j’aime absolument tout ce qui vient de toi. C’est la plus belle chose que j’aie vue de toute ma vie. Je t’aime tellement, et j’aime ma vie avec toi plus que tout au monde.

Elle eut un petit rire à son évocation du champ lexical de la folie qu’il ne voulait pas énoncer.

- Je reconnais bien là l’enseignant en toi.

Ils purent ainsi admirer puis déguster leurs plats. Kassie fit goûter ses tagliatelles à celui qu’elle pouvait désormais appeler officiellement son fiancé. Cette idée la fit sourire toute la soirée. Le dessert fut aussi succulent que les amuses-bouche et le plat principal. De quoi ravir encore une fois les papilles avec une note sucrée pour terminer un repas à la mode occidentale.
Il fut bientôt temps de partir et Kassie fut ravie de constater que son amoureux la laisserait aussi conduire sur le retour. Sourire aux lèvres, elle accepta les clés du pick up quand soudain, l’ancien militaire lui montra le ciel.

- Oh un météroïde ! C’est la première fois que j’en vois une pour de vrai, lança-t-elle le nez vers le ciel avec entrain.

Elle eut un petit rire quand Asher nomma cela « étoile filante ».

- Tu sais que ce n’est pas vraiment une étoile, n’est-ce pas ? C’est un petit corps circulant dans l'espace à une vitesse pouvant atteindre 42 km/s dans un référentiel lié au Soleil, lorsque son orbite croise celle de la Terre. Cette traînée lumineuse est causée par la vaporisation du corps et l'ionisation de l'air sur sa trajectoire, le météoroïde laissant derrière lui un sillage de gaz très chaud, ionisé et lumineux qu’on appelle un plasma. Pourquoi il faut faire un vœu ?

Elle sentit qu’elle avait encore trop parlé et se mordilla la lèvre inférieure.

- OK pardon… je me tais et je fais un vœu.

Je souhaite retrouver mes parents et qu’ils aillent bien, et qu’ils ne m’aient pas oubliée.

- Voilà ! Oh tu entends ?

Elle se retourna vers l’entrée du restaurant. Une musique se jouait au piano, un son qui lui rappela quelques très lointains souvenirs. Comme hypnotisée, Kassandra se rapprocha.

Asher ne se rendait pas encore tout à fait compte, que la plus basique des simplicités, pouvait revêtir aux yeux de sa fiancée, quelque chose d’incroyable. Comme ses petites préparations micro-ondes qui lui arrivait de faire, en rentrant du boulot. Pour lui, habitué à manger ce qu’il voulait et quand il le désirait, ce n’était pas grand-chose, presque un automatisme, mais pour Kassandra cela divergeait. Et il le comprit lorsque la belle brune lui fit savoir à quel point c’était « cool » de savoir cuire des pâtes et du riz. Elle n’exagérait pas et semblait véritablement impressionnée par une prouesse qui n’en était pas une. « - Bien ! Si j’ai ma toque je te cuirai autant de pâtes et de riz que tu veux. » Et il le pensait, si vraiment cela suffisait à la combler. Dans le fond ça l’arrangeait, lui qui n’était pas un cordon bleu. Il n’en demeurait pas moins prêt à s’investir un peu plus derrière les fourneaux, juste pour avoir le plaisir de continuer à l’éblouir, elle qui lui était supérieure dans bien des domaines.

Mais pour l’heure ce n’était pas avec ses talents culinaires que l’ancien soldat tentait d’éblouir la jolie demoiselle. Il lui narrait avec plaisir les quelques anecdotes qu’il connaissait sur la naissance accidentelle de quelques plats dont les chips et peut-être les cookies si la jeune demoiselle parvenait à bien négocier. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle était douée, très et prétendre le contraire serait de mauvaise foi. Ash tenta quand même de gagner un peu de temps en se grattant le sommet du crâne. « - Ok, donc si j’accepte de te délivrer les secrets de l’invention du cookie, toi tu t’engages à apprendre trois recettes pour les réaliser une fois par mois ? Hum, ça me semble correct comme marché. » Il attendit toutefois par principe qu’elle atteste avant de s’éclaircir la voix pour mieux se préparer à lui faire entendre l’histoire du cookie.

« - Remontons donc dans les années 30 dans une auberge située dans la région de Boston. Le nom m’échappe mais il me semble qu’il y avait « house » ou un truc dans le genre. Toujours est-il que cette auberge jouissait d’une très bonne réputation. Et pour cause, on y servait de la cuisine faite maison. Un critère qui avait son importance à l’époque. Un jour, la cheffe de cet établissement qui s’appelait Ruth quelque chose, se mit à préparer ses classiques petits biscuits au chocolat. Elle se rendit alors compte qu’elle n’avait vraisemblablement pas assez de chocolat pâtissier pour réaliser sa recette. Sur un coup de tête, elle a donc décidé d’ajouter quelques morceaux mi-durs, mi-mous de chocolat Nestlé avant de constater qu’en fin de cuisson le chocolat n’avait pas fondu et ne s’était pas mélangé à la pâte comme elle l’avait imaginé. Et c’est là que le cookie aux pépites de chocolat est né. Quelques mois plus tard, les aubergistes ont conclu un accord avec la compagnie Nestlé. Cette même compagnie imprimera plus tard la recette de la maison sur l’ensemble de leurs tablettes chocolat mi-sucré. Alors que de base, ils voulaient arrêter de commercialiser cette variété de chocolat. Et le couple de l’auberge a bénéficié à vie, d’un approvisionnement de chocolat. C’est fou hein ? »

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Asher n’était pas peu fier de cette petite anecdote qu’il avait entendue au sein de son unité de combat lorsqu’il était soldat et sur le terrain. Il arrivait que durant les permissions, outre s’envoyer quelques verres, l’on évoque quelques histoires et celle du cookie était une de celles que Collins affectionnait de par sa simplicité et le fait que les meilleures choses arrivent parfois par accident. Ce qui l’amena presque aussitôt à faire un parallèle avec sa propre histoire. Un accident, mais magnifique de surcroît, tellement qu’il l’avait mené jusqu’ici à faire une véritable demande, avec une bague tout aussi réelle. C’était fou, il devait le reconnaître, mais il se voyait mal épouser la demoiselle juste pour lui faciliter quelques démarches administratives. Non, plus que jamais, c’était le bon moment pour oser prétendre à une vie normale.

« - Un enseignant plus que comblé que tu acceptes de devenir, pour de vrai, sa femme. »

Comment ne pas être plus heureux qu’en ce moment et les multiples sourires qu’ils s’échangeaient, venaient accroitre ce sentiment de plénitude, assez pour qu’ils se retrouvent sur un petit nuage durant tout le reste du repas, délicieux qui plus est. Et comment ne pourrait-il pas l’être avec toutes les louages que l’établissement recevait et de Jarod et de quelques autres clients avertis pas avares en critiques (positifs) sur les sites dédiés. Ils achevèrent donc le repas et quittèrent les lieux qu’ils s’étaient promis de retrouver. Une fois dehors, après avoir confié les clés de son précieux pick-up à Kassy, Ash laissa son regard se perdre dans le ciel clair de Blue Cove.

« - Moi on m’a toujours dit que ce genre de truc, c’était une étoile filante et honnêtement je n’ai pas cherché à creuser. Et je préfère largement m’en tenir à l’étoile filante c’est plus poétique que ton charabia scientifique. Tu sais, parfois il faut laisser couler et ne pas chercher à comprendre. Ça fait du bien aussi d'être un peu ignorant de temps en temps. »

Elle consentit ensuite à fermer les yeux l’espace d’un instant pour faire un vœu avant de rouvrir les yeux, visiblement troublée par quelque chose. « - Qu’est-ce que je suis censé entendre ? Kassy ? » Il la vit s’éloigner légèrement de lui pour retourner sur ses pas. « - Kassy ? »

Faire la cuisine faisait partie de ces choses qui pouvaient sembler normales et habituelles pour le commun des mortels, mais qui revêtaient un véritable mystère pour la caméléone qui, avant de sortir du Centre, n’avait jamais approché des fourneaux d’une part, n’avait encore moins eu le choix de ce qu’elle pourrait manger d’autre part, et qui en plus n’avait pas vraiment la chance d’avoir des mets aussi succulents sous le nez que ceux qu’elle découvrait chaque jour. Un rien l’émerveillait. Même les choses les plus simples comme des pâtes ou du riz qu’Asher promettait de faire pour elle.

L’ancien militaire ajoutait aux connaissances de sa fiancée en lui contant une anecdote culinaire sur la création des cookies. Kassandra était impressionnée par cette invention et était d’ailleurs pressée d’apprendre à en réaliser toute seule, sans devoir en acheter dans des paquets où des tas de mauvais sucres résidaient, bien que ces petits gâteaux soient délicieux au goût.

- Waow, cette histoire est vraiment impressionnante ! déclara-t-elle avec un grand sourire. Tu as vraiment mérité des cookies faits maison avec cette histoire ! Je me demande comment tu en es venu à apprendre tout ça.

La soirée continua dans la douceur et l’amour qu’ils partageaient et que leurs regards et attentions trahissaient éhontément. Kassie regardait souvent la bague qu’elle avait désormais à son annulaire. C’était d’ailleurs la première fois qu’elle avait un bijoux. La sensation était étrange, mais cette belle bague en or blanc surmontée d’un diamant, un vrai, était si symbolique et importante pour elle que la caméléone était prête à apprendre à vivre avec cette étrange sensation à son doigts qui finirait sans doute par être une habitude.

Ce fut lorsqu’ils furent sur le retour, Kassandra étant l’heureuse porteuse des clés du précieux pick-up, que l’opportunité de faire un vœu se présenta. En scientifique qu’elle était, Kassie ne croyait pas à cela mais était curieuse de savoir pourquoi les gens pensaient qu’il fallait faire un vœu en voyant simplement un météroïde traverser la voûte céleste. Elle ne put s’empêcher d’énoncer ce qu’elle avait lu sur le sujet, mais cela ne sembla pas faire écho en la personne d’Asher. La brunette afficha une petite moue.

- Excuse-moi, je… je voulais pas t’ennuyer avec mon charabia scientifique, comme tu dis.

La demoiselle, voulant se rattraper auprès de son fiancé et ne pas avoir l’air d’une rabat-joie, accepta de faire un vœu comme semblait le vouloir la tradition. Après tout, ça ne pouvait pas faire de mal. Et finalement la brunette retourna sur ses pas. Elle venait d’entendre une musique qui sembla éveiller quelque chose en elle. Elle n’entendait même plus la voix d’Asher, seule la musique lui venait aux oreilles, comme si celle qui était jouée en temps réelle se superposait à une autre, dans sa tête, provenant de quelque chose qui s’apparentait à un lointain souvenir.

- Asher… cette musique…

Les yeux de Kassie brillaient d’émotion et s’emplirent de larmes.

- Je crois que je l’ai déjà entendue. Il y a longtemps. Quand j’étais enfant. Tu… Tu crois qu’on peut entrer pour demander le nom du morceau ?

Elle tremblait légèrement et se sentait même un peu idiote. Est-ce qu’elle aurait encore l’air bizarre ?

« Ô nuit, belle nuit

Sous un ciel d'Italie

On t'appelle bella notte »

Le ciel n’était pas celui de l’Italie, toutefois c’est bien cette mélodie qui avait assailli le cœur d’Asher Collins en posant son regard avisé sur un ciel tout aussi clair que son cœur en cette nuit de bonheur ivre. La soirée avait été magnifique, autant que la réaction de Kassandra et sa surprise au moment d’ouvrir l’écrin qui lui avait été offert à l’approche du dessert. Jamais Ash ne se serait imaginé avoir autant de pression, lui qui pensait avoir vécu le plus dur et vu des choses qui l’étaient tout autant. Il ne voulait rien laisser au hasard et lui qui n’avait jamais vu le bonheur comme une finalité, lui courrait après avec tant de force à présent qu'il s'imaginait mal faillir.

C’était divin et tout aussi magique de voir dans le regard de Kassandra cette petite lueur qui lors de leur première rencontre, vacillait au point de disparaître. De la voir sourire en posant son regard sur cette bague qu’elle portait fièrement. Avait-elle au moins déjà porté un bijou au cours de sa vie de privation ? Une question que l’ancien militaire préféra garder pour lui, au risque de ternir ce moment merveilleux, qui les mena à rejoindre l’extérieur et à profiter de la vue dégagée du ciel qui laissait ainsi les étoiles paraître aux yeux des mortels avides de contemplations et de rêves. Ash en bon être lambda qu’il était, fit savoir à Kassandra, en laissant son regard suivre la courbe fugace d’une étoile mourante, qu’il fallait faire un vœu. La caméléone pas au fait de cela et désireuse de rectifier le tir, s’emporta dans une explication scientifique qui laissa son compagnon de glace, lui le non adepte « du charabia scientifique. »

« - Kassy, je n’ai pas dit que tu m’ennuyais. Ce que je veux te faire comprendre, c’est que parfois, c’est agréable de ne pas comprendre. Tu vois ce que je veux dire ? » Il n’était pas certain qu’elle ait saisi son argument, que lui-même peinait à saisir au passage. Il espérait aussi ne pas avoir vexé la demoiselle en lui demandant de se délester de son charabia scientifique. Mais de toute évidence, il en fallait plus pour mettre à mal la bonne humeur de mademoiselle Kassandra, qui de bonne grâce, accepta de se prêter au jeu du vœu avant de rouvrir presque aussitôt les yeux, attirée par une mystérieuse mélodie venant du restaurant.

« - Quelqu’un doit jouer du piano… » commença l’ancien militaire légèrement désarçonné par le regard ému de sa fiancée visiblement aux prises avec une réminiscence. « - C’est un souvenir qui remonte. C’est une bonne chose. » Elle était toute tremblante et comme sous le choc, si bien que son fiancé se rapprocha aussitôt pour venir la serrer tout contre lui. « - Aller! Viens ! On va demander à la personne qui joue ce morceau, son titre et peut-être qu’avec ça on pourra y voir un peu plus clair. Ça te va? » Il fixa son regard sur elle avant de saisir sa main et de l’entraîner à nouveau à l’intérieur de l’établissement, en quête du mystérieux pianiste et de potentielles réponses au trouble de Kassandra.

Malgré tout l’amour que Kassandra portait à Asher, il arrivait parfois qu’ils ne se comprennent pas ou peu. C’est ainsi que la caméléone se sentit un peu perdue lorsque celui qu’elle pouvait désormais appeler son fiancé, déclara que c’était parfois agréable de ne pas comprendre. Elle secoua la tête avec une petite moue.

- Non je… j’avoue que non, je ne vois pas.

Comment ne pas comprendre quelque chose pouvait-il être une chose agréable ? Sur l’échelle des choses désagréables, l’incompréhension se situait au même niveau que les ampoules aux pieds et se brûler en faisant la cuisine, ou pire, une pénurie de frites de patates douces !

- Désolée, ajouta-t-elle avec un petit sourire enfantin.

Puis, cette mélodie se fit entendre, visiblement d’elle en premier. Cette musique jouée au piano, c’était si… ça semblait tellement… familier tout en étant lointain. Kassandra se sentait émue et même plus encore, elle était chamboulée. Le câlin d’Asher l’aida à reprendre contenance. Être serrée dans des bras rassurants, voilà ce qui lui avait manqué toute sa vie, et à présent, elle ne se privait pas de souscrire à une étreinte quand c’était possible. Ash’ accepta d’entrer pour demander le titre, c’était exactement ce dont elle avait besoin. Kassie hocha la tête et se détacha avec douceur de son amoureux, glissant sa main dans la sienne avant de rentrer avec lui à nouveau dans la salle de restaurant. Aussitôt, elle se dirigea vers le piano, le musicien était de dos et sa carrure n’était pas sans rappeler le père de Lexie. Le morceau s’acheva et Kassandra applaudit avant de s’approcher avec une timidité enfantine, quand soudain elle reconnut @Aaron Watson. C’était bien le père de sa meilleure amie.

- Oh Mr Watson, c’est vous ! Bonsoir. C’était vraiment, magnifique. Vous allez bien ? s’enquit-elle.

Après tout, il avait été son patient. Sa voix et ses yeux humides trahissaient encore son émotion.

- Dites, est-ce que vous pourriez me donner le nom de ce morceau ?

Elle se sentait un peu idiote, mais elle voulait avoir cette réponse qui, peut-être, pourrait constituer une piste dans la recherche de sa famille. Car pour l’heure, hélas, elle n’en avait pas, hormis la musique. Elle s’était déjà affairée à écouter un CD de classique en boucle, espérant débloquer des souvenirs, mais en vain. Il fallait qu’elle trouve quelque chose d’autre.

J’avais passé la journée à faire des corrections chez moi. Je prenais mon temps avant d’aller me préparer pour jouer au piano au Bellagio. J’aimais ce petit contrat. Il me permettait de me changer les idées mais également de renouer avec un publique et ce, même si ce dernier était dans un restaurant. J’avais même pris une petite bière vers 16h00 en m’étirant un peu alors que mon gros Kassoulet baillait à mes pieds. Je caressais l’animal en souriant.

- On va jouer au piano ensemble? Faut bien s’échauffer un peu avant d’aller travailler. Tu en penses quoi?

Le chasseur d’écureuil se contentait de bailler et de s’étirer avant de se lever pour aller dans le salon avec mon immense piano à queue noir. Je me relevais les manches de chemises avant d’ouvrir ce dernier. Je me mettais immédiatement à jouer en mettant une alarme sur mon téléphone. J’ignorais ce que j’allais jouer ce soir. Je n’avais jamais de plan défini et je connaissais un nombre de partitions par coeur assez impressionnant. Je me détendais et soudain je me disais que je pourrais sans doute tenter de jouer au Bach ce soir. Kassandra aimait tellement Bach. Elle m’en faisait jouer sans arrêt lorsqu’elle étudiait ou encore dans la voiture. Je ne voyais pas le temps passer par contre. Je devais me rendre au restaurant bientôt.

Je prenais une bonne douche et j’enfilais un costume noir avec une chemise blanche avant de prendre une mallette en cuir avec des partitions au cas où. Je savais que je n’en aurais pas besoin. J’arrivais au restaurant comme à mon habitude et j’allais saluer Lexa et les cuisinier avant de poser mes choses. Plusieurs clients venaient pour me voir jouer. Cela avait grandement augmenter le chiffre d’affaire de la propriétaire.

J’ouvrais le piano avec délicatesse avant de m’installer. Je commençais par une petite gamme sans la moindre importance. Je commençais enfin à jouer en pensant à ma fille. Suivant mon instinct, je commençais G mineur de Bach. Je jouais le morceau un peu plus lentement pour l’ambiance du restaurant. Je ne pensais à rien de bien précis en cet instant. Je voulais que les gens passent un bon moment. C’était la première fois que je rejouais du Bach en public depuis la disparition de ma fille. Je fermais les yeux en me laissant aller sans la moindre gêne. Je me sentais à l’aise en cet instant en me disant que Kassandra devait avoir demandé cette chanson au plus profond d’elle-même peu importe qu’elle soit vivant ou morte. Je terminais mon morceau avec douceur pour entendre quelqu’un applaudir. Je me retournais pour voir la meilleure amie de ma fille Lexie. Je souriais à la jeune médecin qui avait les yeux humides. Visiblement, elle avait été touchée par le morceau.

- Bonsoir Sandra. Bonsoir monsieur. Je vais parfaitement bien. Tu peux m’appeler Aaron. Je ne suis plus ton patient.

Je lui faisais un petit clin d’oeil avant de me lever pour poser un baiser sur sa joue et serrer la main de l’homme qui l’accompagnait tout en me présentant comme Aaron Watson. Il avait l’air sympathique, mais je n’avais pas de souvenir de l’avoir déjà croisé auparavant. Je prenais une petite gorgée d’eau avant que Sandra ne me pose une question sur le morceau. Je souriais toujours à la charmante demoiselle. C’est drôle, elle me faisait penser un peu à Rose en cet instant. Bah mon imagination me jouait des tours.

- Oui avec plaisir. Il s’agit de G mineur de Jean-Sébastien Bach. C’était l’un des morceaux favoris de ma fille Kassandra. Elle adorait Bach en fait, mais c’était il y a longtemps. Vous passez une bonne soirée j’espère?

Pour une raison qu’elle ignorait, constater que l’identité du pianiste qui jouait avec tant de passion et de virtuosité était le papa de Lexie avait rassuré Kassandra. Du peu qu’elle connaissait cet homme, malgré son air entêté face aux soins et procédures médicaux, il était gentil et généreux, alors il n’y avait aucune raison qu’il refuse de lui donner le nom de cette belle mélodie qu’il jouait. Tachant de contenir son émotion, la caméléone posa donc cette question qui lui brûlait les lèvres. Elle sourit à la réaction d’Aaron qui voulait qu’elle l’appelle par son prénom car il n’était plus son patient.

- C’est vrai, mais vu le duo de cascadeurs que vous formez avec votre chien, on ne sait jamais, répondit-elle avec un sourire amusé.

Puis, le musicien consentit à donner le nom de la mélodie que Kassandra enregistra immédiatement dans sa petite mémoire afin de la rechercher et la passer en bouche en espérant que cela finisse par préciser quelques souvenir. Elle sentit son coeur se serrer et ses traits se figer quand Aaron évoqua un prénom, le même que le sien. Il avait une fille qui s’appelait Kassandra aussi. Ça alors, quelle coïncidence ! Ce devait être un prénom assez commun, probablement. Kassie n’avait aucune idée de la fréquence à laquelle avait été donné ce prénom puisqu’elle avait passé quasiment toute sa vie coupée du monde, mais c’était une probabilité à ne pas exclure.

- Oh… C’est un joli prénom. Et je comprends pourquoi elle aime cette mélodie, elle est vraiment belle.

Mais la brunette était bien trop troublée pour pouvoir développer davantage, d’ailleurs, sans doute qu’Aaron travaillait ce soir-là et elle ne voulait pas l’importuner davantage.

- Merci d’avoir pris le temps de me répondre Aaron. J’espère que votre soirée sera aussi belle que la nôtre, dit-elle avec un petit sourire.

Aussitôt, elle glissa sa main dans celle d’Asher, prête à repartir. Il le fallait, elle sentait ses émotions la gagner et se surprenait à imaginer, grande utopiste naïve qu’elle pouvait être, que la famille de Lexie pouvait être la sienne. C’était impossible, quelle était la probabilité que la Kassandra d’Aaron soit en fait elle-même ? En plus, Lexie ne lui avait jamais parlé de cette fille, et pourtant n’étaient-elles pas meilleures amies ? Impossible, c’était le mot qu’elle se martelait en tête tandis qu’elle s’éloignait avec Asher pour ressortir du restaurant et gagner le pick up. Elle lui rendit les clés du véhicule, de toute façon elle était incapable de conduire.

Asher ne savait plus trop où se mettre et préférait ainsi resté simple spectateur de l’échange entre sa Kassandra et Aaron, le musicien virtuose à la carrure imposante. Preuve que l’ancien militaire était inspiré, il observa le pianiste dans le détail se questionnant sur des problématiques ô combien essentielles : « Il doit soulever facile plus de cent kilos de fonte celui-là. Je devrais peut-être m’y mettre. Ça pourrait m’être utile pour botter le cul boutonneux de ce cher David Bass. » Cette pensée le fit sourire, tandis que Kassandra plus connue sous le prénom de Sandra, continuait à converser avec Mozart sous testostérones. Une conversation qui attira soudainement l’attention de l’ancien militaire, qui sortit presque aussitôt de sa réserve lorsque Aaron évoqua l’existence de sa fille qui portait le même prénom que Kassandra. Un fait, qui éveilla la curiosité d’Asher qui redemanda le prénom de la fille disparue histoire d’être sûr de ne pas avoir mal entendu.

« - C’est vrai que c’est un joli prénom. » Le regard qu’il laissa trainer sur Kassandra pouvait en attester. Il n’en demeurait pas moins surpris par la coïncidence et plus encore par la réaction qu’avait eue en amont sa fiancée lorsqu’elle tendit l’oreille pour entendre la mélodie. L’émotion qui s’était emparée d’elle n’était ni feinte ni exagérée. Ce morceau représentait quelque chose pour la jeune femme et aussi pour cet Aaron de toute évidence. « Pas de conclusion hâtive Collins. » La tentation n’en demeurait pas moins que plus forte, mais le militaire de formation fit abstraction de ses envies d’investigation et esquissa un léger sourire pour se montrer bienveillant. « - Je ne suis pas un fin mélomane, mais je dois reconnaître que c’était joli ce que vous jouiez. » L’échange n’était de toute façon pas appelé à s’éterniser, car l’homme était surement en train de travailler et il était préférable de ne pas l’accaparer davantage. Et puis eux, de leur côté, avaient à faire et plus encore achever de célébrer l’officialisation de la demande de ce cher Asher. « - Passez une bonne soirée ! Peut-être qu’un de ces quatre, on fera appel à vous qui sait ? Vous faites les mariages ? »

Les deux amoureux quittèrent ensuite les lieux et regagnèrent le parking sur lequel le fier destrier tout de rouge vêtu, attendait patiemment de reprendre la route. Clé en main, Ash passa derrière le volant, ne boudant pas son plaisir d’avoir enfin retrouvé sa place. « - C’était étrange non ? » lança-t-il en s’attachant. « - Enfin je veux dire qu’en matière de probabilité c’est fou. Et puis tu as eu une de ces réactions en entendant cette mélodie. Je crois que jamais je ne t’ai vu comme ça. Tu étais littéralement saisi par l’émotion. Ça m’a fait pareil avec nos séances d’hypnose. Peut-être que cette mélodie a débloqué un truc. Qu’est-ce que tu en penses ? » Il posa ensuite ses mains sur le volant et se tourna à nouveau vers sa fiancée. « - Et si tu enquêtais sur cet homme. Avoue que c’est troublant. Ta réaction, le fait que cet Aaron ait une fille qui a disparu, qui s’appelait Kassandra et qui comme hasard, adorait cette musique. Tu as peut-être une piste à creuser non ? »