Je n'en revenais pas, il avait finalement accepté. Mes pensées vagabondaient alors que l'eau chaude ruisselait sur mon corps. Jarod avait décidé de m'écouter, de me suite, laissant derrière lui ses idéaux dangereux. J'étais soulagée et reconnaissante, et surtout, j'y voyais une réelle preuve d'Amour. Je sortis rapidement de la cabine de douche et je m'habillai avant qu'il n'entre. Son regard me réchauffa le coeur tandis qu'il parlait. Il avait un sac peu rempli sur l'épaule et m'expliqua qu'il avait récupéré les quelques affaires qu'il avait laissées ici. C'était judicieux car lorsque le Centre, mon père ou Sydney auront remarqué ma disparition, le premier endroit à être fouillé serait ma maison. Et si l'on y découvrait des vêtements d'homme, le pot aux roses pourraient être découvert.
- J'ai retiré de l'argent depuis plusieurs semaines.
Joignant le geste à la parole, d'ouvrit une porte de placard de laquelle je sortis une sacoche remplie de billets.
- Ça nous filera un coup de pouce, mais il faudrait qu'on trouve un moyen d'avoir un compte intraçable.
Il fallait dire que côté financier, j'étais plutôt tranquille alors autant en profiter. Le fait qu'il insiste en disant qu'il serait là pour moi quoi qu'il arrive me tira une lueur dans le regard. Vingt minutes auparavant, je n'aurais jamais imaginé un tel dénouement à la conversation. J'esquissai un léger sourire qui laissait transparaître toute ma reconnaissance avant que je ne glisse ma main dans la sienne. Il fallait laisser penser que j'étais partie bosser comme n'importe quelle autre journée. J'entraînai mon caméléon vers l'extérieur de la maison, que je verrouillai, avant de nous diriger vers ma voiture.
- Tu es venu en voiture ? demandai-je en scrutant les environs.
J'imaginais que oui.
- On va se suivre jusqu'à chez toi, ensuite on ira garer ma voiture vers le port et on mettra notre plan en marche. Est-ce que ça te convient, Wonder Boy ?
J'attendis sa réponse avant d'entrer dans ma voiture, de mettre le contact et de commencer à me diriger vers le domicile de Jarod.
Durant le trajet, mes pensées partaient dans tous les sens, je me demandais où nous irions, à quoi ressemblerait notre vie. À la vérité, j'étais prête à aller n'importe où, du moment que c'était avec lui. Nos libertés respectives étaient à portée de main. Je ne songeai qu'à cela et j'avais grandement hâte.
La route ne fut pas bien longue jusqu'à la petite maison de Jay au bord de l'eau. Il aimait tant ce lieu, j'espérais que nous pourrions trouver quelques chose de similaire pour qu'il puisse s'épanouir. Arrivée devant chez lui, je descendis de la voiture, m'adossant contre celle-ci, bras croisés, attendant qu'il arrive.
(c) DΛNDELION
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Jarod Russel
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Je suivis miss Parker alors que nous quittions sa maison, les clés encore chaudes de l’usage récent tournant dans ma poche. L’obscurité nous enveloppait, paisible et sereine, en contraste violent avec l’agitation intérieure que je m’efforçais de dissimuler. Le moteur de sa Mercedes ronronna doucement lorsque je la vis s’installer derrière le volant, prête à mettre en marche notre plan. L’air frais pénétrait mes poumons, chaque inspiration me rappelant que tout ceci était bien réel.
Je rejoignis ma propre voiture, stationnée un peu plus loin, et jetai un dernier coup d’œil à la maison de Miss Parker. La façade de pierre, que j’avais appris à connaître presque aussi bien que la mienne, se découpait dans l’obscurité, une silhouette familière que je ne reverrais probablement plus. Il y avait quelque chose de définitivement étrange à penser que cet endroit, théâtre de tant de moments tendus et d’échanges secrets, allait bientôt devenir une simple page tournée dans l’histoire que nous écrivions ensemble.
Je montai dans la voiture, posant un instant les mains sur le volant, laissant le calme extérieur imprégner l’intérieur du véhicule. Mon cœur battait encore à un rythme irrégulier, mais l’hésitation n’était plus un luxe que je pouvais m’offrir. Prenant une profonde inspiration, je mis le contact, et le vrombissement du moteur me ramena à la réalité. Tout était prêt. Il ne restait plus qu’à suivre le plan, notre plan.
Les phares de la voiture de Miss Parker illuminèrent le chemin devant nous, traçant un sillon lumineux dans l’obscurité. Je m’engageai à sa suite, la distance entre nos véhicules assez courte pour que je puisse distinguer sa silhouette à travers la lunette arrière. Chaque virage, chaque ligne droite nous rapprochait un peu plus de la prochaine étape, de ce moment où tout basculerait, où nos vies changeraient irrémédiablement.
Tandis que nous roulions, le paysage défilait dans un flou indifférent, et mes pensées revenaient sans cesse à elle. À ce qu’elle représentait, à ce que j’étais prêt à sacrifier pour être à ses côtés. Mon regard s’attarda sur le rétroviseur, fixant un instant le passé qui s’effaçait progressivement à mesure que nous nous éloignions. Il y avait une certaine poésie dans ce moment, une douce mélancolie à laisser derrière nous ce que nous avions jugé superflu.
Le trajet jusqu’à ma maison se fit dans un silence pesant, seulement rythmé par le ronronnement des moteurs et le bruit des pneus sur l’asphalte. Je connaissais ce chemin par cœur, mais ce soir, tout semblait différent. Peut-être parce que je savais que ce serait la dernière fois que je l’emprunterais.
Lorsque la petite maison en bord de mer apparut enfin, une boule se forma dans ma gorge. Elle avait toujours été mon refuge, loin du chaos du monde, mais ce soir, elle n’était plus qu’une étape avant la liberté. Je garai la voiture à côté de celle de Miss Parker, coupant le moteur dans un dernier soupir mécanique.
Je sortis du véhicule, sentant l’air salin remplir mes poumons, une sensation à la fois réconfortante et amère. Miss Parker était déjà sortie, adossée à sa voiture, m’attendant patiemment. Il n’y avait plus de retour en arrière possible.
« — Je vais chercher mes affaires, » dis-je, brisant le silence d’une voix basse.
Elle hocha la tête, et je me détournai pour rejoindre la maison. J’ouvris la porte d’un geste automatique, pénétrant dans l’obscurité familière du salon. Tout ici portait la marque de ma vie passée, de cette solitude que j’avais entretenue comme une vieille habitude. Sans perdre de temps, je me dirigeai vers la chambre où mon sac m’attendait. Quelques vêtements, des objets personnels, des souvenirs. Tout ce qui comptait vraiment était déjà dans ce sac. Pourtant, je pris un instant pour observer la pièce, pour m’imprégner de ce que j’étais sur le point de laisser derrière moi. Un dernier coup d’œil, un dernier adieu silencieux.
Je pris le sac sur mon épaule et quittai la chambre, me dirigeant vers la porte d’entrée que je refermai derrière moi. Cette fois, c’était pour de bon. Dehors, miss Parker m’attendait toujours, son regard ancré dans le mien. Je lui adressai un léger sourire, chargé de tout ce que je ne pouvais pas dire. « C’est bon, j’ai tout ce dont j’ai besoin. » Elle acquiesça, et sans un mot de plus, nous rejoignîmes nos voitures.
« — Allons-y, » murmurai-je alors. Nos vies étaient sur le point de changer à jamais, et malgré l’incertitude, je savais que c’était la bonne décision. Le moteur rugi à nouveau, et bientôt, la maison disparut derrière moi alors que nous nous éloignions vers un avenir encore inconnu, mais ensemble.
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Alors que Jarod entrait dans sa maison pour récupérer ses affaires, je restai dehors, adossée à ma voiture. Le vent salin me giflait doucement le visage, me rappelant que cette décision était bien plus qu’un simple départ. C’était une rupture nette avec le passé. Ce passé si trouble, si houleux, pour l'un comme pour l'autre. Mes pensées s’embrouillaient. Un sentiment de soulagement m’envahissait, mais la nervosité me rongeait. J’avais toujours été en contrôle, et pourtant, maintenant, tout m’échappait. Ce saut dans l’inconnu avec lui me terrifiait, mais me remplissait aussi d’une douce excitation. L’idée de s'enfuir ensemble était plus qu'une fuite, c'était un acte de foi, en lui, en nous. Et je crois que jamais encore je n'avais eu autant la foi.
Je passai une main dans mes cheveux, tentant de calmer mon esprit enfiévré avant de sortir une cigarette et de l'allumer. Jarod allait enfin me suivre, et cette fois, nous laisserions tout derrière nous. Je fermai les yeux un instant, cherchant à repousser le doute qui menaçait de s’installer. Un instant plus tard, j'entendis la porte s'ouvrir et le léger grincement des pas de mon caméléon sur le gravier. Je rouvris les yeux, croisant son regard. Il avait ce sac sur l'épaule, prêt à partir, prêt à vivre quelque chose de nouveau à mes côtés.
Je lui adressai un sourire, essayant de cacher l’agitation qui brûlait sous ma peau et dans chaque millilitre de mon sang. Le Centre, mon père, toutes ces responsabilités pesaient encore sur mes épaules, mais je savais qu’il fallait que je me libère de ces chaînes. Je le devais pour moi, et pour lui.
- Alors c’est le moment, murmurai-je presque pour moi-même.
Je pris une profonde inspiration, relâchant la tension qui crispait mes épaules. Nous allions tout quitter. Mais pour la première fois, je ne me sentais pas seule dans cette décision. Je l'invitai du regard à monter dans ma voiture, et nous voilà en train de nous éloigner de sa maison. La sienne comme la mienne regorgeait de souvenirs de moments partagés dans le plus grand secret.
- On s'en tient au plan initial ? Une confrontation maritime qui tourne mal ? Je gare ma voiture au port, on met tout en scène ? On s'enfuit par quel biais ? On pourrait louer un bateau... On le prend d'abord, ensuite on fait la collision avec deux jet-skis, et on se barre ? Il faut les explosifs aussi... Allons chercher ça en premier, ensuite on va prendre un bateau dans un autre port... pour éviter les preuves quand ils enquêteront. Peut-être un bateau avec un zodiac, et après on prend un jet-ski dans le deuxième port où je vais laisser ma voiture.
Je réfléchissais à voix haute tout en conduisant, ce qui donnait une sorte d'amas d'idées et d'informations un peu désordonné. Mais l'esprit vif de Wonder-Boy lui permettrait de démêler tout cela, j'en étais certaine.
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Je fixais Miss Parker à travers le mince filet de fumée qui s’échappait de sa cigarette, chaque volute flottant un instant dans l’air avant de se dissiper lentement. L’odeur mentholée de son mégot se mêlait au parfum salin de l’océan tout proche, créant une étrange alchimie. Nous étions au bord du précipice, et pourtant, un calme inattendu régnait. Je l’observais en silence, m’imprégnant de chaque détail, comme si je cherchais à graver ce moment dans ma mémoire avant que la folie de notre plan ne nous entraine vers des rivages inconnus.
Je pris place côté passager, laissant ses mots résonner dans mon esprit. Chaque phrase, chaque idée qu’elle avait énoncée était d’une précision redoutable, presque irréelle. C’était ainsi que nous fonctionnions, non ? Toujours sur le fil du rasoir, entre le contrôle et le chaos, un équilibre instable. Mais maintenant qu’elle avait posé les bases, il était temps pour moi de centraliser le tout, de solidifier notre plan final.
Le moteur de sa voiture ronronnait sous ses mains, les feux arrière traçant une ligne rouge dans la nuit noire. Le silence entre nous, ponctué uniquement par le bruit des pneus sur l’asphalte, me laissait le temps de réfléchir. Je n’avais pas répondu tout de suite à ses propositions. Miss Parker avait un esprit vif, capable d’analyser des situations à une vitesse fulgurante. Mais moi, j’avais besoin de quelques instants de plus pour tout assimiler, peser chaque détail et minimiser le risque d’échec.
La côte de l’océan, avec ses vagues apaisantes, me rappelait la tranquillité que j’avais toujours recherchée sans jamais la trouver vraiment. Ma vie n’avait été qu’une fuite en avant. Pourtant, cette fois-ci, tout était différent. Pas seulement parce que Miss Parker était là, mais parce que ce choix, cette décision, c’était la mienne. Et ce choix me liait à elle, d’une manière que je ne pouvais plus ignorer.
Je jetai un coup d’œil dans le rétroviseur, observant la route qui disparaissait derrière nous, et un poids se posa sur ma poitrine. Je pouvais presque entendre les vagues se briser contre les rochers plus loin, chaque kilomètre nous rapprochant de cette confrontation inévitable.
Après quelques minutes de réflexion, je brisai finalement le silence. « — Si l’on veut que ça paraisse vraiment crédible, il faudra qu’on ajoute des éléments imprévus, des détails qui donneront l’impression que tout a mal tourné, même pour nous. »
Je tournai mon regard vers elle, le cerveau en ébullition. « — On pourrait faire intervenir un témoin imprévu. Un pêcheur local, par exemple. Quelqu’un qui nous surprendrait en plein milieu de la confrontation, mais qui ne comprendrait pas vraiment ce qu’il voit. Il verrait l’explosion, les débris, et c’est lui qui alerterait les autorités. Avec ça, leur enquête aurait un point de départ crédible, au lieu d’un simple accident arrangé. Qu’en penses-tu ? »
Je fis une pause, laissant l’air marin s’engouffrer dans l’habitacle. « — Quant aux explosifs, on doit s’assurer qu’ils laissent juste assez de preuves pour que ce soit plausible, mais pas assez pour qu’ils remontent jusqu’à nous. L’explosion doit ressembler à une erreur humaine, une fausse manœuvre, quelque chose de banal, comme une collision malheureuse. »
Mon regard s’intensifia en croisant le sien. « — Ce qu’il faut, c’est qu’ils croient que tout a échoué pour nous, que la traque s’est terminée dans le désastre. » Je pris une profonde inspiration avant de conclure. « — Et pour le bateau, je suis d’accord. On en loue un dans un autre port, à une bonne heure d’ici. Ça nous donne un périmètre de sécurité. Il faudra faire attention aux caméras de surveillance. Un brouilleur ne serait pas de trop. Par chance, j’ai une application pour ça sur mon téléphone. Ce n’est pas parfait, mais ça devrait suffire. »
Je la scrutai du regard. « — Alors, qu’est-ce que tu en dis ? » Mon silence suivant était lourd d’attente, cherchant à voir si elle accepterait cette version plus élaborée du plan.
Quelques minutes plus tard, l’échange fut interrompu lorsque nous arrivâmes enfin au port. Les phares de la voiture se reflétaient sur les vagues sombres, et Miss Parker coupa le moteur. Je fus le premier à sortir, laissant l’air marin remplir mes poumons. Le goût salé sur mes lèvres me ramena à la réalité, à l’ampleur de ce que nous étions sur le point d’accomplir. Je m’approchai d’elle alors qu’elle fixait l’horizon, probablement perdue dans ses propres pensées. « — Plus de retour en arrière maintenant, » murmurai-je, plus pour moi que pour elle. « — Ce port te semble convenir pour l’explosion finale ? »
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Une fois n'est pas coutume, j'avais baissé la vitre pour profiter de l'air frais nocturne et l'odeur saline de ce chemin qui bordait l'océan. Je conduisais en silence, écoutant d'une oreille distraite le ronronnement du moteur et le clapotis lointain des vagues. Jarod réfléchissait, comme d’habitude, pesant chaque idée que j'avais lancée sans même vraiment les trier. Il fonctionnait comme ça, lui : il prenait son temps, pour ensuite revenir avec quelque chose d’encore plus ingénieux. C'était toujours la même danse entre nous. Et pourtant, cette fois, il ne s’agissait pas simplement d’une mission du Centre ou d’un jeu du chat et de la souris. Nous étions les seuls joueurs maintenant, mais la fin de la partie approchait.
Sa voix perça finalement le silence. Mon caméléon avait cette capacité à tout rationaliser, à envisager chaque détail comme s’il était essentiel, comme s'il voyait les angles auxquels personne d'autre ne pensait. Il parlait de ce témoin imprévu, un pêcheur local qui pourrait renforcer la crédibilité de notre mise en scène. Je l’écoutais sans vraiment répondre tout de suite, laissant ses idées se frayer un chemin dans mon esprit. Il avait raison, évidemment. Il avait toujours raison quand il s'agissait de stratégie. Mais ce n'était pas seulement le plan qui me faisait hésiter. C’était l’immensité de ce que nous nous apprêtions à faire.
Une fausse explosion, une disparition calculée, laissant croire que tout avait tourné au désastre pour nous deux. C’était une solution. Peut-être la seule solution, pour qu’on puisse enfin être libres de tout cela. Je l’entendais parler des explosifs, de la manière dont ils devaient laisser juste assez de preuves, de l'illusion parfaite que nous allions créer. Tout ce qu’il disait était si précis. Et pourtant, ce qui me trottait dans la tête, c’était cette question qui revenait sans cesse : « Suis-je vraiment prête à tout quitter ? ». Cette décision de tout mettre en oeuvre ce soir avait été prise justement le soir-même, alors qu'en général, j'étais plutôt réfléchie.
Je jetai un coup d’œil vers lui, cherchant dans ses yeux une réponse à mes propres doutes. Je ne pouvais pas lui dire ce qui me pesait vraiment. Pas maintenant. Pas alors que nous étions si proches du but. Je pris une profonde inspiration et détournai le regard, fixant la route devant nous. C'était le moment de faire taire mes hésitations. Il fallait que je sois forte, comme toujours.
- Oui, ton idée est bonne, dis-je finalement, ma voix plus calme que je ne m’y attendais. Un témoin, ça rend tout plus crédible. Il faut qu'ils croient que c'était un accident, que tout s'est mal passé.
Je restai silencieuse un moment, laissant mes mots se poser entre nous. J’avais beau peser chaque détail, chaque stratégie, il y avait quelque chose de bien plus grand en jeu. Ce n’était pas seulement un plan pour nous échapper. C’était une rupture nette avec une vie qui, même si elle m’avait brisée, avait aussi été ma seule réalité.
- On loue un bateau dans un autre port, on jette l'ancre au large loin de la vue humaine, repris-je en tentant de me concentrer sur les aspects pratiques. On prend les explosifs là-bas, on les planque sur nous. Et pour le brouilleur, on va s’en servir pour éviter les caméras, mais il faudra être rapides. On simule une course poursuite où on vole chacun un petit bateau ou un jetski, et une fois loin, on s'arrête, on dispose les explosifs, on saute à la flotte et on fait tout péter. Une fois l’explosion déclenchée, on n’aura que peu de temps pour s’enfuir. On devra nager jusqu'au bateau. Il nous faut un équipement de plongée peut-être.
On ne pouvait pas se permettre d’être pris. Je serrai un peu plus le volant, la tension dans mes mains trahissant l’angoisse qui montait en moi. Nous allions le faire. Il n’y aurait plus de retour en arrière.
Quelques minutes plus tard, nous arrivions enfin au port. Les phares de la voiture illuminaient les quais désertés, les silhouettes des bateaux se dessinant faiblement sous la lueur de la lune. Je coupai le moteur et restai un instant immobile, les mains toujours crispées sur le volant, comme si lâcher prise signifierait renoncer à tout.
Je sortis finalement de la voiture, sentant l’air marin emplir mes poumons. Le vent s’engouffrait dans mes cheveux, me rappelant que tout était sur le point de basculer. Jarod s’approcha de moi, ses pas presque silencieux sur le gravier. Je savais qu'il observait mon visage, cherchant à lire mes pensées, comme il l’avait toujours fait. Mais cette fois, je n'avais pas envie qu'il voie à quel point l'angoisse me rongeait.
Je me tournai vers lui, un sourire léger se dessinant sur mes lèvres, plus pour me rassurer moi-même que pour lui.
- Alors, on y va ? murmurai-je.
C’était tout ce que j’avais trouvé à dire. Peut-être parce que je n’avais pas envie d’analyser davantage ce que ce moment signifiait vraiment.
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Je scrutais Parker. Ses derniers mots, légers comme un souffle, flottaient encore entre nous, chargés de cette tension palpable qui définissait si bien notre duo. Je ne pouvais que constater, malgré la situation, qu’elle n’avait rien perdu de son assurance légendaire. Mais derrière les apparences, plus trompeuses que jamais, je percevais aussi comme une faille. Sans un mot, elle avait réussi à mettre en doute ce que nous étions sur le point de faire. C’était presque comme si elle cherchait à retarder l’inévitable, comme si quelques secondes de silence étaient tout ce qu’il lui restait pour rassembler un tant soit peu de courage et franchir la ligne. Je ne pouvais lui en vouloir, car moi aussi, au fond, je ne pouvais m’empêcher de ressentir cette angoisse sourde qui, malgré tous mes calculs, me murmurait que cette fois-ci, je jouais plus gros que jamais et que je pouvais tout perdre, à commencer par ma liberté.
Ici, au bord de l’eau, l’air salin de la nuit semblait plus dense et commençait à peser lourd dans mes poumons. Je demeurais silencieux, observant avec une attention toute particulière les bateaux amarrés, leurs coques sombres luisant faiblement sous les reflets d’une lune timide. D’ici quelques heures (peut-être), l’un d’eux servirait à parfaire dans les moindres détails notre funeste mise en scène, une explosion maîtrisée, conçue pour se transformer en un tragique accident. C’était presque trop ironique de se dire qu’après des années passées à se courir après, nous allions disparaître ensemble, aux yeux de tous.
Je me rapprochai de l’embarcadère, m’appuyant un instant contre le garde-corps. Je sentais le métal froid glisser sous mes doigts, fixant l’horizon sans le voir, et faisant défiler dans mon esprit le film de notre plan final. Je pris une profonde inspiration, fermant aussitôt les yeux pour mieux m’ancrer dans ce moment. Si j’avais appris une chose avec le temps, c’est que les imprévus ne tardent jamais à surgir. Et ce plan, aussi bien ficelé soit-il, n’échapperait pas à la règle.
Après de longues minutes silencieuses de contemplation, je me tournai enfin vers Parker, mon expression se durcissant malgré moi à mesure que les implications de notre choix s’enracinaient dans mon esprit. Nous n’allions pas seulement lancer notre mise en scène ; non, nous étions en train de façonner une rupture nette avec tout ce que nous avions été jusqu’alors : un saut dans l’inconnu. Parker, malgré ses doutes silencieux, semblait prête à me suivre, mais pour combien de temps ? Et était-ce vraiment ce qu’elle voulait ? Étions-nous faits pour vivre tout ça, ensemble ?
Je me redressai, quittant le bord du quai pour revenir vers elle, et je m’arrêtai juste assez près pour que ma voix demeure basse.
« — Une fois que le bateau explosera, il n’y aura plus de retour en arrière possible. Nous serons morts aux yeux de tous. » Mes mots résonnèrent, peut-être plus lourdement que je ne l’aurais voulu. Une part de moi aurait presque souhaité qu’elle proteste, qu’elle recule. Mais elle demeura impassible.
« — C’est paradoxal, mais ce qui m’effraie le plus, c’est l’après. Nous n’avons connu que ça : le Centre, la captivité, les courses-poursuites, le danger… Crois-tu que nous sommes faits pour vivre une vie normale ? » Je pris quelques secondes pour sonder son visage, comme si je cherchais à y déceler une réponse muette à ma question. Puis je laissai mon regard se perdre de nouveau vers les bateaux.
« — On va s’en sortir », laissai-je entendre presque dans un murmure. Était-ce elle ou moi que je cherchais à convaincre à présent ?
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