Après une nuit plutôt agitée je me réveille en sursaut au son de mon réveil. Il est 4h30 du matin... Eh oui, aujourd'hui je me lève tôt car je vais à l'hôpital. Je commence à 7h. J'aime arriver en avance pour boire un café avec les collègues le temps de faire les transmissions. Je sais que j'apprends encore ce métier mais en vrai les internes font presque exactement la même chose que les professionnels. J'appréhende énormément cette nouvelle journée car je sais que je vais m'occuper de Madame Jane Stanford. Quel est le problème avec me direz-vous, et bien sachez qu'il n'y en a aucun. Enfin si, ça situation est triste car elle est dans le coma suite à un accident mais ce n'est pas cela le problème. Je dirais plutôt que c'est son mari... Peter... Il est tout le temps à l'hôpital, il a arrêté de travailler pour veiller sur son épouse mais... Comment vous expliquer ? Au départ nous parlions de sa femme, de son état et de tous les soins qu'on lui apporte chaque jour. Et puis j'ai essayé de le faire parler de lui, pour lui apporter du soutien, pour lui faire évacuer la pression qu'il a sur ses épaules. Et nous avons dérivé sur d'autres sujet, comme ses passions, ce qu'il fait en dehors de l'hôpital.
Nos regards ont changé, nous parlions de moins en moins de Jane. Et j'avoue avoir craqué pour lui... Mais je ne lui ai encore jamais avoué car je ne peux pas le faire. Tout d'abord par respect pour sa femme, ensuite parce que je suis l'interne qui est en charge de son épouse... Mais mon dieu comme j'aime passer du temps avec lui. Le regarder sourire, me plonger dans son regard, ses bras protecteurs m'ont fait craquer... Oui j'ai déjà été dans ses bras, pour le consoler. Le pire c'est que j'aime aussi son comportement vis à vis de sa pauvre femme dans le coma... J'aimerais qu'on s'occupe de moi comme il le fait avec celle qu'il aime. Et vous savez quoi ? Depuis quelques temps j'ai remarqué qu'il ne se comporte plus de la même façon avec moi. J'ai l'impression que nous sommes plus proche, plus intime mais je me trompe peut être... Je ne suis pas douée pour voir qu'on m'aime ou qu'on m'apprécie. J'ai toujours peur qu'on voit en moi quelqu'un d'autre, comme l'ont fait si souvent mes parents.
C'est pas tout ça mais je vais être en retard moi à rêvasser ! Je file vite sous la douche et dix minutes plus tard j'en ressors. J'ai lavé mes cheveux, je les essuie rapidement et m'habille ensuite. J'attache correctement à la va vite mes cheveux tout en allant dans le coin cuisine de ma chambre d'interne. Je chauffe mon café et le bois presque d'une traite. 6H sonne. Je quitte enfin mon petit studio / chambre et me dirige vers les vestiaires pour me mettre en tenue de travail. Je rejoins ensuite l'équipe et écoute les transmissions. Comme prévu on me donne encore la chambre de Madame Stenford. Je dois aller prendre ses constantes et on m'a demandé de l'examiner pour voir si des escarres apparaissent, il faut également changer sa perfusion et lui administrer tout un tas de choses. Elle a eu une petite réaction, à cause de cela je vais devoir prendre les constantes toutes les heures ou deux heures. J'y vais donc d'un pas léger car il est encore trop tôt pour les visites. Elles commencent à 9h.
Premier tour effectué. J'en ai profité pour la regarder un peu, Jane est une très belle femme, je me demande quel caractère elle avait... Mon bip se met à sonner, je dois aller assister un médecin pour une consultation. J'y vais de ce pas. Deux heures plus tard je suis de retour devant la porte de la chambre de ma patiente. J'entends alors la voix de Peter. Il est déjà arrivé... Je toque et entre.
Bonjour...
Je n'ose pas encore le regarder. Je ne suis pas prête. Je m'approche du lit et pose enfin mon regard sur lui. Il est beau mais il a l'air d'avoir peu dormi...
Encore une nuit à ne pratiquement pas dormir. Plus les jours passaient, plus Peter n’arrivait pas à fermer l’œil. Il désespérait de plus en plus de voir Jane se réveiller. En plus qu’il avait encore et toujours peur de se rendre à l’hôpital maintenant. Non pas qu’il ne voulait pas voir sa femme. C’était loin de là. Il ne voulait simplement pas croiser la jeune interne qui s’occupait pratiquement tout les jours de son épouse. La situation devenait insoutenable pour le brun. La jeune femme ne quittait plus ses pensées et il se sentait coupable. Il était marié nom de dieu. Il ne devait pas se développer des sentiments pour une inconnue… encore plus lorsque sa femme est dans le coma…
Se levant alors que le soleil n’est même pas encore dans le ciel, Peter se prépare comme à son habitude. Une bonne douche, des vêtements neufs, un café bien mérité et il part faire un tour dehors. Il n’aime plus rester dans son appartement. Tout lui rappel Jane. Il aimerait tant la sauver, mais le destin n’a pas l’air de vouloir l’aider. Quand bien même qu’il dépense une fortune pour elle, elle ne se réveille pas et, d’après les médecins, elle n’a pas l’air d’être sur le point de se réveiller, ce qui le rend maussade.
Ses pas le mènent au parc près de chez lui. Il avait souvent l’habitude de venir ici se balader avec sa tendre épouse. Maintenant, il vient pour se rappeler des bons souvenirs. Il s’assoit sur un banc et attend, la plupart du temps, que les heures d’ouvertures de l’hôpital soit enfin arrivé. Ce qui, bien souvent, prend des heures et des heures. Il reste donc sur place à regarder autour de lui, sans vraiment voir quoi que ce soit. Il n’est plus lui-même. Il n’est que l’ombre de sa propre personne.
Lorsque, enfin, l’heure d’ouverture pour les visites à l’hôpital arrive, il s’y dirige à petit pas. Il n’est pas presser, mais en même temps, il se sent coupable. Toujours de la culpabilité. C’est le seul sentiment qu’il ressent depuis quelques mois. Il s’en veut de ne pas être à la hauteur et de ne pas pouvoir sauver sa femme. Il s’en veut d’avoir de l’attirance envers l’interne qui s’occupe de son épouse. Il s’en veut de devenir faible, de désespérer et d’être pratiquement sur le point de faire une connerie auprès de la jeune infirmière. Il se sent de plus en plus attirer envers elle et a peur que cela ne transparaitre un jour. Il a peur de lui avouer.
Une fois dans la chambre, il pousse un soupire de soulagement. Il n’a pas encore vu Lexie, l’interne. Elle ne devrait pourtant pas tarder. Il est pratiquement sûr que ce sera encore elle qui sera chargé de Jane, comme d’habitude. Et, comme prévu, elle ne tarde pas à entrer dans la pièce. Peter ose à peine relever le regard de sur sa femme, mais il n’aura pas vraiment le choix.
- Hey… Tu as bien dormi ?
Ah oui, bravo.. Mais pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il aille lui poser une question aussi conne… Il l’a lui posait à chaque jour. Dès les premières paroles, c’était la première chose qu’il lui demandait. C’était devenu une routine, mais il se sentait de plus en plus mal lorsqu’il parlait avec elle. Il ne le montrait pas, bien sûr, mais c’était la réalité. Il avait honte d’éprouver de l’attirance envers elle et essayait de se punir d’une certaine manière.
- Est-ce qu’il y a du nouveau ?
Il regarda à nouveau le visage de l’endormie et souffla tout bas du bout des lèvres :
L’heure des visites a sonné. Peter sera forcément présent dans la chambre de sa femme maintenant… Je suis impatiente de le voir mais j’ai tout aussi peur. Chaque jour, à chaque fois que je le vois, mes sentiments pour lui grandissent même si je lutte pour que cela n’arrive pas. L’angoisse de le voir monte de plus en plus à mesure que je m’approche de la chambre de Madame Stanford. Je reste quelques secondes derrière la porte puis me décide à entrer après avoir frappé. Il est si dur de regarder cet homme si triste de voir sa femme dans le coma. La fatigue se lit sur son visage. Lui est mort d’inquiétude pour Jane et moi je suis morte d’inquiétude de le voir et de laisser transparaitre mes sentiments ; cela est tellement inapproprié.
Je n’ai pas assez dormi… Tout comme toi on dirait…
Je n’aurais peut-être pas du dire cela. Et le tutoiement me gêne. Cela nous rapproche un peu plus, comme si nous nous connaissions réellement. Cela retire le côté professionnel dans un sens. Je m’approche de sa femme pour commencer la prise de constantes. Je dois me concentrer lorsque je passe juste à côté de Peter et que je sens son odeur par inadvertance. Il sent si bon. Mais bref. D’abord la tension, puis la température et enfin relever les chiffres qui se trouvent sur la machine. Ne rien oublier pour éviter de recommencer. Je suis totalement tendue et je n’aime pas ça. Cela ne me ressemble tellement pas. Une fois que j’ai tout noté il faut que je m’attelle aux autres tâches. Le silence est si pesant mais je n’ose pas parler. Je change la perfusion. Il ne me reste plus qu’à examiner Madame Stanford pour voir si elle a des escarres.
Est-ce que tu pourrais m’aider à la bouger ? Il faut que je l’examine pour éviter qu’elle n’ait des escarres…
C’est étrange de demander cela à son mari mais il le fallait. Je n’ai pas envie qu’il me regarde faire et je n’ai pas envie qu’il quitte la chambre non plus. Et puis à deux cela sera bien plus simple. Je rapproche le chariot et dispose correctement divers produits. Il y a de la pommade, des compresses et tout un tas d’outil pour si jamais il faut la soigner. Je préfère tout avoir à portée de main pour la manipuler le moins possible. Décidément je n’aime pas ce silence il faut que je parle avec lui… Mais… Je ne sais pas… Aller je me lance.
Tu es là depuis le début des visites ? Tu as pris un café ? Si tu as besoin je peux aller t’en chercher un à la cafète.
Ou peut-être que nous pourrions y aller ensemble… Passer du temps à parler de tout et de rien et surtout ne pas parler de son épouse dans le coma. Cela pourrait lui faire du bien également de parler d’autre chose, et moi cela me permettrait d’oublier à quel point je suis idiote de tomber sous le charme d’un homme marié à une femme que je dois soigner…