Il y a des journées qui paraissent anodines, tout devrait se passer comme prévu, et un tout petit détail vient changer cette anodine journée la rendant pas si anodine du tout. Aujourd'hui ce petit détail fut une flaque gelée par le froid du milieu de la nuit, une toute petite flaque de rien du tout. Juste assez grande pour me faire perdre le contrôle de ma moto sur le chemin de retour après ma soirée à travailler au New Nebula. Tout s'était passé en un instant. J'avais essayé de garder le contrôle mais étant dans un virage, ce fut simplement impossible. Ce fut ma jambe et mon épaule gauche qui prit la majeure partie de l'impact. Ma tête, enfermée dans mon casque, heurta également le sol, me laissant pendant plusieurs minutes dans une brume désorientée, à peine consciente. Et la seule chose qui me vint en tête fut ma moto.

Jody......

Oui je sais, pas vraiment un sens des réalités très bien placé. Mais c'est en général le cas quand vous vous ramassez sur le béton de la route. Même en ne roulant pas très vite, je devais être à peine au dessus des 30 km/h. Ce qui me parut durer quelques minutes aurait pu être plus, ou moins, j'avais à peine conscience de ce qui était arrivé, l'adrénaline, la douleur, le choc à la tête. Mais au bout de ce temps, une voix lointaine parvint à mes oreilles, une silhouette se dessina juste après au dessus de moi gémissant et me tenant l'épaule. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'on me disait hormis un mot: "ambulance". Et elle ne tardit pas à arriver, ou peut être que oui, je n'en savais rien. Tout se passa dans le même brouillard, je restais dans une semi-conscience floue.

On m'embarqua sur une civière après déchiré un bout de ma veste et de mon pantalon. Je tentai de protester pour mes vêtements, et un des ambulanciers m'expliqua quelque chose que je ne compris pas et de toute façon, je n'avais pas la force de résister. Et je perdis conscience pour le reste, jusqu'à me réveiller dans une chambre d'hôpital avec cette charmante tenue. Je jetai un coup d'oeil autour de moi mais c'était sur moi que je notais les bandages ainsi qu'un truc planté dans mon bras. Instinctivement, j'essayai de bouger ma jambe et mon épaule, pas agréable mais supportable, espérant que ça voulait dire pas casser pour retravailler rapidement. Et ensuite la réalisation de la moto, ma veste et le pantalon déchirés et mon naturel repris le dessus.

Putin de bordel de merde, fais chier!

Et comme une bonne grosse blague, à peine quelques secondes après, une jeune femme entra dans la chambre. Aucune chance qu'elle n'avait pas entendu ça, mais pas question de me sentir gênée pour autant. Mon attrait de la chair ne put s'empêcher de remarquer que cette infirmière avait beaucoup de charme. Et une des règles à laquelle je ne dérogeais jamais, c'est de savoir faire son entrée.

Je suppose que vous avez entendu ma poésie, et que j'ai eu de la chance à la lotterie des infirmières.

Ce ne fut qu'après avoir dit ça en observant son visage qu'un léger picotement me prit dans la nuque. Ce visage m'était vaguement familier, bien que j'étais incapable de mettre un nom ou quoi que ce soit d'autre dessus.

Je suis aux urgences aujourd'hui et j'enchaine les cas. Du plus anodin au plus grave. Cela va du mal de ventre suite à une intoxication alimentaire à une arcade sourcilière pétée. Un petit garçon qui a chuté et a qui je fais trois points de suture. Mais également un bras cassé. Un ouvrier qui s'est retrouvé coincé sous une machine. Je l'ai fait transférer en chirurgie orthopédique. Quand on m'emmène une nouvelle urgence. Un accident de moto. Je m'en occupe immédiatement. Luxation de l'épaule, brûlure de frottement au niveau de la jambe et du bras et un léger traumatisme crânien. Je replace l'épaule et soigne sa jambe. Elle s'est bien abimée. La jambe a un bel hématome également. Je la perfuse et injecte des antidouleurs et des antibio au cas où. La plaie avait des petits cailloux dedans. Nous avons fait attention en lui retirant le casque. Aucune fracture mais elle va devoir reposer sa jambe quelques jours et surtout son épaule.

Je reviens une heure après pour prendre les constantes quand je l'entends se réveiller. Je souris à ce qu'elle dit juste avant que je n'entre dans la pièce. Je suis soulagée de voir qu'elle est réveillée et qu'elle semble aller bien. Je m'approche et m'installe à côté d'elle.

- En effet, un très joli poème. Il ne faut pas le dire mais oui... Par contre... Je suis la plus gentille et la plus douce des médecins internes. Mais nous le sommes toutes...

Petit sourire avant de prendre sa tension. Je ne suis pas infirmière mais docteur... Cependant je ne lui en veux pas, l'erreur est humaine. Sa tête me dit quelque chose mais je suis tellement concentrée sur mon travail que je ne fais pas le lien immédiatement. Je note les constantes et je la regarde ensuite.

- Vous souvenez vous de ce qui est arrivé ? Votre épaule s'est déplacé mais j'ai tout remis en place. Il va falloir la garder au repos quelques jours et prendre des anti douleurs. Vous avez des brûles et la peau déchirée au niveau de la jambe.

En parlant j'allume une petite lampe pour regarder ses yeux.

- Et je confirme, vous avez un léger trauma crânien. Rien de bien méchant. Puis-je vous demander quel jour nous sommes ?

Je demanderais ensuite son identité. Je ne veux juste pas poser toutes les questions d'un coup. Je ne veux pas qu'elle se sente agressée ou perdue. Je souris à nouveau. Tout en me demandant d'où je la connais...

- Je suis bête, j'ai oublié de me présenter. Je m'appelle Lexie. Et vous ? Nous n'avons pas eu le temps de regarder si vous aviez des papiers d'identité sur vous.

Voilà, ainsi les présentations sont faites et je vais voir si elle n'a pas de trou de mémoire.

Je n'avais jamais vraiment été fan des hôpitaux, de tout ce blanc qui pouvait en arriver à me donner la nausée, tout ce malheur ou mal-être courant dans les couloirs ou attendant sur une chaise de pouvoir être soulagé. Les seules visites que j'avais accepté étaient souvent de cas de force majeur, pour moi ou pour d'autres. Et la dernière personne en date que j'étais venu voir dans cet hôpital précis était Jane, la femme...l'ex-femme décédée de mon frère. Le souvenir était encore trop frais comme une cicatrice qui n'avait pas fini de disparaître. Heureusement pour moi, la médecin qui me visitait semblait vraiment chaleureuse et prévenante en plus d'être mignonne.

Quand elle me révéla que je l'avais prise pour une infirmière, je ne pus m'empêcher de me sentir un peu gênée sans trop le montrer. Peut être par orgueil, mais plutôt à cause d'un sentiment de culpabilité  de par mon identité de militante entre autre féministe. Tomber dans ce genre de cliché me prouvait que je n'étais pas si "déconstruite" que je le prétendais. Mon réflexe fut d'endosser une carapace d'humour, mon moyen le plus habituel pour dissimuler mes émotions.

Je n'en doute pas une seule seconde.

Je lui rend son sourire, un sourire un peu gêné me sentant obligé de m'excuser d'une manière ou une autre sans avoir le courage de l'exprimer avec des mots. Elle me demande alors si je me souviens de ce qui m'a amené ici et pendant qu'elle m'explique mes blessures j'explore comme je peux les souvenirs de l'accident et ce qui s'en était suivi. C'était assez flou mais je me souvenais, jusquà l'arrivée des ambulanciers où cela devenait plus confus avant de s'éteindre quand j'étais arrivée à l'hôpital. Et puis maintenant.

Plus ou moins, je me souviens de l'accident jusqu'à l'arrivée de l'ambulance. Après ça c'est trop confus.

Ce n'est seulement après lui avoir répondu que je réalise avoir nettement moins de douleur que j'aurais pensé ressentir après cet accident. Je me sentais plutôt...légère et un peu groggy. Mes yeux furent un peu surpris par la lumière qu'elle mis devant mes yeux mais s'y habituèrent assez vite. Il me fallut quelques secondes pour retrouver la date, réfléchir activement semblait encore un peu difficile et éprouvant.

Hmmm.....le 7, non , le 8 mai 2023? Je crois.

Normalement je me serais plainte ou j'aurais râlé de devoir rester au calme pendant plusieurs jours, ne pas bouger, travailler ou juste rester active ça avait le don de me rendre folle. Mais là c'était le visage de cette médecin qui me troublait, cette impression de la connaître persistait tout au long de ses questions. Jusqu'au moment où elle me dit son prénom, un prénom que je connais mais mes neurones ne sont pas au top de leur performance.

Lexie, Lexie....oh....

Et là le franc tombe, Lexie, hôpital, son visage. La copine de mon frère. Si j'avais pu éviter une situation et une personne en particulier, ce serait elle et cette situation...compliquée. Je tentai de garder un sourire malgré mon envie d'être partout sauf ici avec elle. Celui-ci devait plutôt ressembler à un rictus forcé qu'à un sourire.

Là je crois que c'est le moment où je me présente. Donc...Vickki, Vickki Stanford, je suppose que ça te dit quelque chose. Enchantée...Lexie.

Je n'avais rien contre elle personnellement, mais plutôt à la place qu'elle occupait et encore plus par qui occupait cette place dans ma famille avant elle. Mais le plus paradoxal était que ne pas l'accepter signifiait forcément m'opposer au bonheur de mon frère à qui je tenais extrêmement fort.

Je passe ma vie dans cet hôpital. Et je dois dire que j'aime être ici même si parfois je vois des choses qui me rendent triste ou en colère. J'ai vu des choses tellement horribles... Je ne peux sauver tous mes patients... Et même si cela peut sembler étrange, je n'arrive pas à me remettre de la mort de Jane. Il est vrai que je suis amoureuse de son mari... Que je suis heureuse à ses côtés... On s'est rencontré alors qu'il lui rendait visite... Nous avons lutté mais... L'amour a été plus fort. Pourtant, j'ai toujours souhaité que Jane se réveille... Il voulait demander le divorce... Cela aurait pu bien se passer. Ou... Je me serais effacée pour le laisser vivre avec elle si c'est ce qu'il désirait... Mais la vie en a décidé autrement... Elle est décédée... Nous en avons parlé avec Peter... Je sais qu'une part de lui est brisée... Mais... Je suis là pour lui... Je ne désire pas la remplacer, elle aura toujours une part de son cœur... J'ai été à l'enterrement, mais en tant que médecin car je tenais à être présente. Peter et moi ne voulions pas parler de nous... Ce qui était tout à fait normal. Mais je crois que depuis... Il en a parlé mais je ne suis pas sure... Il me semble qu'il en a parlé à sa sœur...

Enfin bref... Occupons-nous de cette jeune femme qui a eu un accident de moto. Je lui souris et rectifie sa petite erreur. Il est si facile de se tromper, de me prendre pour une infirmière. Je ne leur en tiens jamais rigueur. Je lui pose ensuite quelques petites questions. Je l'écoute attentivement.

- Vous avez perdu conscience dans l'ambulance. Il est normal d'avoir des blancs, rien d'inquiétant je vous rassure.

Je regarde ses réflexes oculaires à cause de son trauma crânien. Ils réagissent correctement. C'est parfait. C'est vraiment un bon point. Je lui demande la date. Elle vise plutôt juste. On m'aurait posé la question, même moi j'aurais eu un doute...

- Nous sommes bien le 8 mai. C'est encore une bonne réponse. Tout semble allez pour le mieux. Le traumatisme crânien est assez petit.

Je continue de parler en me présentant. Sa réaction me surprend. Pourquoi est-ce qu'elle répète ainsi mon prénom ? Et pourquoi son visage semble changer légèrement ? Elle ne sourit plus sincèrement... Est-ce que je la connais ? Ou est-ce qu'on a parlé de moi ? Je plisse légèrement les yeux et soudain... Vickki Stanford... Mon dieu ! J'ouvre grand les yeux.

- Je... Hum... Enchantée... Cela me dit effectivement quelque chose... Vous êtes la sœur de Peter... Je suis désolée que notre rencontre se fasse dans ces conditions.

Je suis totalement gênée... Je soigne la sœur de l'homme que j'aime... Je n'en reviens pas de me trouver face à elle pour de vrai... Et sans Peter... Ce n'est pas comme cela que nous aurions du nous rencontrer... Surtout que je dois rester professionnelle... Mais comment ? J'ai plein de questions et je pense qu'elle en a plein elle aussi...

Il y a des situations où les probabilités sont tellement infimes que vous en arrivez à vous demander si c'est pas une blague du destin ou du grand barbu, avec ou sans cornes. Après il y a différents types de blagues, et celle-ci était plutôt du genre sale blague de sale gamin ayant décidé de me mettre dans la situation que j'aurais le moins désiré au monde. Une fois que je compris qui était cette médecin, que j'avais pris pour une infirmière, mon cerveau chercha immédiatement tous les autres endroits où je pourrais être et tous les moyens que j'aurais de fuir cette situation. Me retrouver dans une chambre d'hôpital à cause d'un accident stupide avec comme médecin la nouvelle copine de mon frère qui travaillait dans le même hôpital où avait décédé mon ex-belle soeur pour qui j'avais une affection trop grande que pour accepter qui que ce soit d'autre à sa place. Je jurais sur tous les panthéons et autres divinités que mon esprit pouvait nommer intérieurement.

Au moins, avant de réaliser tout ça, elle avait pu me rassurer en me disant que mon traumatisme crânien était plutôt léger, même si je ne savais pas encore que cette bonne nouvelle ne serait que de courte durée.

Et bien ça c'est une bonne nouvelle, et elles sont toutes bonnes à prendre là maintenant.

Au moins, ça voudrait dire que je pourrais peut être reprendre le boulot plus rapidement, le bar, Becky, et les habitués me manquaient déjà. Ca n'aurait pas forcément été le cas, mais rien que l'idée de devoir rester en place pour une durée prolongée me tapait déjà sur les nerfs. Et ce fut après ça que le franc tomba, d'abord pour moi et ensuite pour elle. Immédiatement après avoir compris, mon corps s'était affalé et presque enfoncé dans le matelas de ce lit d'hôpital, cherchant consciemment et inconsciemment une échappatoire qui n'existait pas. Je l'écoutais, avec un regard probablement devenu beaucoup plus froid et rempli de mon absence d'envie d'être dans cette configuration saugrenue, verbaliser ce qu'elle réalisait tout en s'excusant qu'on se rencontre ainsi. Si seulement elle savait, je n'avais pas beaucoup de sang froid en temps normal, et là assommée à coup d'anti-douleurs avec les nerfs déjà usés par la promesse de devoir resté immobile plus longtemps que je pouvais l'accepter, je faisais mon maximum pour rester calme et polie.

Ouais, pas autant que moi à mon avis, mais bon, apparemment il faut bien faire avec, hein.

Pour elle c'était les conditions, pour moi c'était la rencontre tout court et en plus dans une situation où je pouvais pas simplement et me lever et me barrer. Un de ses mots me restaient ironiquement en tête, "enchantée", pas sûre de partager ça et je me demandais même si elle le pensait vraiment. Le pire c'est que j'aurais bien voulu ne pas lui en vouloir et être capable de l'accepter, mais je pouvais pas, c'était au dessus de mes forces. Et ne pas l'accepter c'était clairement me mettre en obstacle au bonheur de mon frère, celui qui compte le plus pour moi et je me détestais du plus profond de mes tripes pour ça. Sauf que les émotions et moi, c'est plus le style guerre nucléaire que la petite dispute gentille.

Je propose au moins qu'on se tutoye, histoire de partir sur de meilleures bases, même si tu fais comme tu veux, mais moi je pourrais pas te vouvoyer vu votre.....relation entre toi et mon frère.

Gentille bordel! Sois sympa pour une fois dans ta vie et pas la peste de service! C'est ce que j'essayais de me convaincre, mais comme à mon habitude mes émotions prenaient le pas et j'étais plus spectatrice de la situation qu'autre chose, les mots s'alignant tout seul. C'était comme être assise sur le siège passager en essayant de reprendre le volant avec les mains et pieds liés et la ceinture attachée. Je devrais pas lui en vouloir, je lui en voulais même pas personnellement, c'était la mort de Jane que j'arrivais à pas à oublier et qui me déchirait le coeur et le peu d'humanité qui me restait. J'essayai de toutes mes forces de marmonner un truc mais c'était comme arracher sa tétine à un enfant têtu. Le son était à peine audible mais les mots sortirent quand même.

Je suis désolée, c'est pas contre toi. C'est......compliqué.

Je voulais la regarder, mais c'était pas possible, mon regard la fuyait, peut être par orgueil ou amour propre, je ne savais pas ayant même du mal à mettre des mots sur toutes ces émotions et pensées qui s'agitaient de simplement être face à elle.

Je l'informe sur son état de santé qui est plutôt rassurant je dois l'avouer. Elle a eu de la chance... En général, les accidentés de la route ne s'en sortent pas aussi bien... Elle devait avoir de bonnes protections. Je lui souris, ravie de pouvoir lui apporter de bonnes nouvelles.  

- Hélas, je ne sais pas dans quel état est votre moto. Je pourrais me renseigner auprès des ambulanciers qui vous ont amenés ici afin de voir si un dépanneur est arrivé sur les lieux...

Je sais que les gens qui conduisent des motos aiment leur engin comme s'ils étaient un membre de leur famille. J'ai vu des hommes pleurer d'avoir détruit leur véhicule mais se moquer totalement de leur état de santé, sachant pertinemment que tout va se réparer avec du temps... Cela me fait souvent sourire.

Mais l'ambiance change d'un seul coup. Elle me regarde avec tellement de froideur en comprenant qui je suis... Je ne comprends pas trop mais je tente de garder le contrôle de mes émotions, de rester plus ou moins professionnelle... Outch... Sa façon de me parler... Il faut faire avec ? La gêne m'envahie... Je n'étais pas prête à la rencontrer... Je crois que je comprends... Elle n'accepte pas ma relation avec Peter... Et je dois dire que je la comprends...

- Je vais mettre de côté mon rôle de médecin... Je veux bien qu'on se tutoie... Je te comprends...

Elle devait surement beaucoup apprécier Jane... Et me voir, dans cet hôpital... Cela ne doit pas l'aider. Mais j'espère qu'un jour elle finira par m'accepter. Je ne veux pas que ce soit la guerre entre nous et surtout, surtout, je ne désire pas qu'elle se dispute avec son frère. La famille est bien trop importante. Et je sais de quoi je parle... J'ai retrouvé depuis peu ma grande sœur que je pensais morte. Morte quelques jours après ma naissance... Mais finalement, par le plus grand des hasards, je l'ai retrouvée dans ce même hôpital...

- Tu as le droit de m'en vouloir... Je comprends que ce soit compliqué. J'ai lutté contre mes sentiments... Lui aussi... Mais... Je te demande pardon... Pardon de te mettre dans ce genre de situation... Désires-tu que j'appelle un autre médecin ? Pour te laisser tranquille ?

Je ne sais pas quoi lui dire pour lui montrer que je la comprend réellement et que je ne lui en veux pas. Jane est... Était sa belle sœur... Elles étaient surement complices... Elles devaient s'entendre à merveille... Je ne sais pas grand chose de Jane et de comment elle vivait dans la famille de Peter... Je n'ai jamais osé le questionner dessus... Car je n'en ai pas le droit... Et à présent, me voilà face à la sœur de Peter... Dans une position assez délicate. Elle est alitée, coincée dans un lit d'hôpital... Cela ne doit pas être simple pour elle... Surtout que c'est dans cet hôpital que Jane s'est éteinte...

Elle me rappelle ma moto, que je n'ai absolument pas oublié et que je croise tous les doigts que je peux pour qu'elle soit pas trop amoché. Ma pauvre petite Jody, je me remémorais l'accident et je gardais espoir qu'elle soit pas plus que rayée, avec un peu de chance. Mais cette médecin était déjà tellement gentille et attentionnée que je veux pas la presser de quoi que ce soit. En même temps, je peux difficilement refuser sa proposition. Je lui réponds donc avec une mine un peu gênée.

Elle bougera pas toute seule, donc ça presse pas, surtout que devez avoir beaucoup à faire, mais si vous pouvez demander à un moment, j'avoue que ce serait génial.

C'est après ça qu'on comprit qu'on se connaissait sans se connaître et que je m'étais nettement et rapidement refroidie, à contrecœur. La mort de Jane était encore trop pénible et accepter Lexie comme belle soeur restait difficile pour moi. C'est pas elle, c'est pas sa relation avec mon frère, c'est juste sa place dans ma famille et qui était là avant elle. Elle essaye de faire preuve d'empathie, et c'est très généreux de sa part, mais mes émotions rendent la chose presque impossible.

Merci...de comprendre...

Rien que dire ça me demande un effort considérable, juste parce que je sais pas les gérer mes émotions, ça déborde de partout et je sais pas quoi faire dans ces cas là. Et pourtant c'est pas sa faute, c'est pas la faute de mon frère, c'est juste ma peine à moi et je me déteste pour ça. Elle parle, s'excuse, s'explique, et chaque chose qu'elle dit est à coté de la plaque, elle n'a pas compris que c'est beaucoup plus simple et stupide à la fois. C'est moi quoi. Elle me propose même de partir et là je réagis au quart de tour, me relevant en partie de mon llit dans un élan de tendre la main pour l'arrêter.

NON! RESTE! Je me rends compte que j'ai crié Sorry, je voulais pas crier comme ça. Si tu t'en vas maintenant on fera quoi aux repas de famille? Non, honnêtement t'y es pas du tout. C'est pas toi, c'est pas mon frère, c'est pas votre relation.....

Je marquai un temps d'arrêt. M'ouvrir, c'était vraiment pas mon fort, ça me faisait peur jusqu'aux tripes en vrai. S'ouvrir, c'est s'exposer soi et ses faiblesses, et c'est prendre un risque, et ça m'avait pas beaucoup réussi. Mais si je disais rien, cette situation pourrie ferait que s'envenimer plus avec mon don pour me foutre les gens à dos. Mon visage est probablement en train de se tordre tellement j'ai du mal avec tout ça.

D'abord, je crois c'est mieux que tu trouve une place assise peu importe, le lit c'est bien.

J'attendis le temps qu'il fallut qu'elle s'asseoit avant de reprendre. Je commencai involontairement par un soupir.

Franchement, tout ce que t'as dit, c'est pas ça. C'est...bien plus simple et ridicule. J'essaye de la regarder dans les yeux, mais j'y arrive pas, tant pis. Ce que c'est vraiment, c'est con je sais, c'est...ta place dans la famille et....qui il y avait avant...et j'y arrive pas putain!

C'était déjà bien que c'était sorti, à ma manière, brut, maladroitement, à me flageller au passage. Mais c'était ça le problème, c'était moi et juste moi. Le dernier mot j'avais élevé la voix à nouveau sans le vouloir en tapant dans mon lit parce que c'était trop dur, tout simplement. J'avais levé les yeux au plafond dans une tentative un peu désespérée de pas la regarder et pas montrer mes émotions. Je voulais pas savoir ce qu'elle en pensait, ça me faisait trop peur, je fermais les yeux pour pas pleurer.

J'ai toujours des petites attentions pour mes patients... Carla par exemple, je lui apporte des écouteurs avant d'entrer dans l'hôpital pour qu'elle se concentre sur les paroles des chansons et puisse chanter dans sa tête afin de ne pas ressentir les émotions des autres. Elle est si sensible à cela... Pour d'autres, je leur apporte des petites friandises... J'autorise des visites en dehors des heures. Et pour cette jeune femme, je propose qu'on prenne des nouvelles de son véhicule... La relation entre un humain et une moto est si particulière... Je rigole à ce qu'elle me dit. Il est vrai qu'elle ne bougera pas... Mais je ne sais pas s'ils vont la réparer si y en a besoin... Et donc si elle sera en état quand ma patiente sortira de l'hôpital.  

- Ce sera avec un grand plaisir ne vous en faites pas. Cela ne me gêne pas du tout, au contraire.

Et là... Mon dieu... Même l'air ambiant de la pièce change... Plus rien ne va... Stupeur... Vickki... La sœur de mon tendre amour... Ma... Ma future belle sœur. Je suis gênée. J'imagine ô combien cela doit être difficile pour elle de me voir, et de me laisser la soigner... Et puis... Elle était surement proche de sa belle sœur... Cela ne doit pas être simple de voir que Peter l'a remplacé rapidement... Avant même qu'elle ne décède... Et maintenant qu'elle est morte... Cela doit être si difficile pour Vickki... Je m'en veux de lui faire subir cela. Il vaut sans doute mieux que nous changions de médecin... Que je cède ma place à quelqu'un d'autre. Mais quand elle voit que je vais sortir elle se met à crier. Je sursaute et me retourne lentement. Je la regarde avec incompréhension. Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire...  

- Durant les repas de famille, je me tiendrais... Comme si j'étais une amie de Peter... Le temps que vous appreniez à me connaître et trouviez la force de nous pardonner... Nous aurions dû attendre... Et ne pas vous le cacher surtout... Nous nous y sommes mal pris...

Si ce n'est pas Peter, notre relation ou même moi... Cela a un rapport avec... Jane... Et cela démontre bien qu'elles devaient être très proches... Elle a sans doute peur que je prenne sa place... Que je tente de l'effacer de la mémoire des gens. Mais cela n'est pas du tout mon but. Et s'ils veulent en discuter, ils le peuvent. Je ne m'y opposerais jamais. Elle a été la femme de Peter. Il l'a aimé d'une force... Et l'aimera sans doute toujours... Et je l'accepte.

Je m'approche de ma future belle sœur et m'assois sur le bord du lit. Sa grimace me fait également grimacer. Elle n'aime pas me savoir proche d'elle ? Et voilà qu'elle soupire... Je ne devrais vraiment pas rester. Je ne veux pas être un poids pour elle, je ne veux pas lui rappeler des souvenirs douloureux... Je la regarde alors avec bienveillance, l'invitant en silence à expliquer ce qui est simple et ridicule.

- Vickki... Je comprends. Je prends la place d'une personne que vous aimiez. Sans qu'elle n'ait rien pu faire... Je ne cherche pas à prendre sa place, je ne cherche pas à ce que vous cessiez de penser à Jane... Tu as le droit de ne pas aimer qu'un jour je puisse devenir ta belle sœur. Je le respecte totalement. Si cela peut t'aider, je ne suis pas ta belle sœur... Je suis juste la copine de ton frère... Et je sais qu'il aimera à jamais Jane, ta belle sœur. Elle le sera toujours, ta belle sœur. Mais je serais peut-être un jour une seconde belle sœur. Mais il est trop tôt pour penser à cela... Vous pleurez votre perte... Et je ne désire pas ajouter un poids à cette douleur...

J'ai attrapé doucement ses mains pendant que je parlais. Je pense que je vais discuter avec Peter... Lui dire que nous devons prendre notre temps pour sa famille, pour lui... Je vais surement retourner dans ma chambre d'étudiante... M'installer avec lui est dans le fond trop tôt. Ils ont besoin de temps... Je saurais me montrer patiente. Je souhaite construire quelque chose de solide et d'agréable avec eux.

J'appréciais beaucoup que ce médecin me propose d'elle-même d'aller se renseigner de l'état de ma Jody, ma moto, précieux compagnon auquel j'étais très attaché. Malgré cet attachement, cette soignante n'était pas obligé de le faire et j'avais gardé cette inquiétude pour plus tard afin de me concentrer d'abord sur les conséquences que j'avais moi de cet accident. Et je gardais l'espoir que Jody, comme moi, n'ait rien de grave car il m'aurait été particulièrement pénible de devoir m'en séparer. J'y étais attachée comme on pouvait l'être d'une personne avec qui on était proche, un peu comme une personne pouvait être attachée à son animal de compagnie aussi fortement qu'un de ses proches. Je la remerciai et oublia une seconde que tout le monde ne nommait pas sa moto.

Alors un grand merci à vous, pouvoir savoir dans quel état est ma Jody me rassurera pour sûr.

Un instant pendant lequel je réalise qu'elle se posera sûrement la question si je parle bien de ma moto. Et je me rattrape avec une rapide explication.

Jody, c'est le nom que j'ai donné à ma moto. Je sais que c'est pas très commun. Mais elle compte beaucoup pour moi.

Après cet échange, nous avions échangé nos prénoms et noms de famille, donnant lieu à une surprise mutuelle qui était émotionnellement très compliquée pour moi. Celle que je devrais considérer comme ma belle-sœur mais je ne le pouvais pas. J'aurais aimé réagir chaleureusement et être accueillante mais le deuil de Jane à la fois récent et qui était particulièrement douloureux pour moi faisait que la place qu'elle et Peter désirait la faire occuper dans la famille ne me convenait pas. Malgré tout, quand elle me propose de partir, je ne peux pas la laisser partir, dans une détermination à affronter cette complication familiale à chaud. Ne pas le faire aurait été comme fuir ma responsabilité dans ce drame familial à résoudre. Et ce n'était pas mon genre. En réaction à mon commentaire elle déclara qu'elle n'agirait que comme une amie de Peter. Je ne pouvais dire qu'ils s'y étaient bien pris, mais mon sens aigu de l'injustice me criait que je leur faisais vivre à eux deux, et surtout à elle, une injustice évidente.

Mais c'est bien le problème, il n'y a rien à pardonner bordel! J'ai aucun droit de vous empêcher d'être heureux ou d'afficher votre relation. Ok, c'était pas parfait, peut être. Mais....mais vous avez pas à payer ou subir....ma merde à MOI!

J'étais un bordel sans nom émotionnellement parlant, à la fois incapable de la laisser prendre la place de Jane et en même temps une culpabilité gigantesque me bouffait de l'intérieur parce que tout ça était injuste. Moi compliquée et bornée? Probable. Ca allait pas changer demain la veille de toute façon. Mais l'idée qu'elle et mon frère ait à subir ce bordel, mon bordel, ça n'aurait pas dû arriver. J'en avais envie de me taper la tête contre un mur.

Elle avait dit comprendre, et je lui avais un peu frontalement, juste un peu, montré qu'elle était à côté de la plaque sur le pourquoi du comment. Expliquer serait compliqué pour moi, bien que l'explication était tristement simple. J'insistai pour qu'elle s'asseye et elle accepta. Après cela je m'étais ouverte à elle à ma manière, brutement, sans nuance, et sans empêcher d'exploser émotionnellement dans mon explication. Cette culpabilité je l'avais exprimé aussi calmement que je le pouvais. Et Lexie me répond. Sa réponse est d'une empathie et d'une bienveillance qui a le don de m'énerver contre moi-même encore plus, car elle arrive à faire ce dont je me considère être incapable. En même temps, son attitude me touche sincèrement et profondément tout en expliquant pourquoi mon frère a pu tomber amoureux d'elle.

Ce qu'elle dit vient directement parler à cette peine que je porte de par l'absence de Jane. Au fil de ses mots, j'arrive à trouver la force de la regarder dans les yeux alors qu'elle mes mains dans les siennes. En vrai, ce qu'elle suggère me convient, bien que j'aimerais pouvoir lui dire "belle soeur" là maintenant tout de suite! Mais c'est trop pour moi. Dans les derniers mots qu'elle prononce, une larme se met à couler sur une de mes joues et je retrousse machinalement mes lèvres, deux signes du débordement d'émotions qu'elle provoque en moi par tant de compréhension et ce qu'elle est prête à faire pour notre famille et pour moi surtout. Tout en la regardant dans les yeux, je pose une main sur son épaule et après un bref instant d'une ou deux secondes mon visage exprime ce bordel émotionnel sans nom sur mon visage avant un geste impulsif, irréfléchi et un peu maladroit. Sans y réfléchir, mes muscles me portent vers elle pour la prendre dans mes bras. Et je lui dis très faiblement mais avec un ton sérieux comme une promesse que je lui fais.

Un jour....Lexie....un jour.....je te le jure...mais c'est vrai....c'est trop tôt....et je me déteste pour ça.....profondément....je te le promet....un jour....je le ferai....

Je romps ce contact physique par une certaine pudeur mal placée. Montrer mes émotions, c'est pas mon truc. Ca l'a jamais été. Je m'essuie cette trace de larme en tournant la tête comme si j'aurais aimé le cacher. Je renifle ce qui a commencé un peu à couler dans mes narines par la même occasion. Et je la regarde avec un léger sourire, ne pouvant m'empêcher de reprendre cette habitude d'auto-défense dans ce type de situation: l'humour.

Par contre, va pas dire à mon frère que je t'ai prise dans les  bras ou que j'ai pleuré. J'ai une réputation à défendre dans la famille après tout. Mais...sache que...enfin...je veux dire....merci Lex'.

Ce petit surnom était venu tout seul, j'avais souvent eu l'habitude de raccourcir le nom des gens ou de donner des surnoms à un peu tout le monde. Par exemple, quand je travaille au bar, je finis presque toujours par surnommer les clients. Les habitués ont tous eu droit au leur et les oppositions avaient été rares, et je ne leur avais pas trop laissé le choix non plus.

Je parle de sa moto et elle me parle d'une femme... Je ne comprends pas du tout sur le coup et je la regarde surprise. Il y avait quelqu'un d'autre avec elle sur la moto ? Mais on n'a ramené qu'une seule victime... Il faut que je prévienne les secours, il faut qu'on aille à la recherche de cette fameuse Jody ! Je m'apprête à sortir précipitamment quand elle s'explique et je pousse un soupir de soulagement. Oh purée, Jody c'est sa moto ! Comme j'ai eu peur sur le coup !

- Sympa comme prénom. Nous vous en faites pas, je prendrais rapidement de ses nouvelles.

J'ai envie de rire face à la situation. Non pas pour me moquer d'elle, non. Juste pour détendre l'atmosphère et rire de ma bêtise. C'est bien connu que les voitures et les motos ont des prénoms. J'aurais dû y penser immédiatement. Mais finalement, j'ai bien fait de ne pas rire car les présentations se font... Il s'agit de ma future belle sœur... L'ambiance change totalement et je suis gênée. Je propose de partir mais elle refuse. Elle a raison, nous devons faire avec... Cependant, je comprend combien cela peut être dur pour elle... Je pourrais cependant me comporter comme une simple amie de Peter. Ne pas causer de souci. Je comprends parfaitement qu'elle puisse nous en vouloir. Nous n'avons pas vraiment bien agi, nous n'avons pas fait les choses comme il fallait... C'est juste que tout s'est fait un peu malgré nous... Et pour le meilleur... Il est l'homme de ma vie, je le sais. Et il s'est rendu compte que j'étais la femme de sa vie... Même si cela ne l'empêche pas d'aimer Jane... Je suis dans une situation très compliquée... Sa femme vient juste d'être enterrée et nous sommes ensemble depuis quelques temps déjà... Je n'avais pas encore rencontré sa famille, nous voulions attendre un peu... Mais le destin a voulu que je rencontre aujourd'hui sa sœur... Dans cet hôpital... Celui où elle rendait visite à sa belle sœur... La femme que je remplace désormais dans un sens... Je n'ai pas envie de prendre sa place, je ne souhaite pas avoir la même relation qu'elle avait avec la famille de Peter... J'espère juste qu'ils m'accepteront et m'apprécieront... Avec le temps... Peut-être que les choses iront mieux... C'est ce que je tente de faire comprendre à Vickki. Je grimace quand elle se met à crier. Elle culpabilise... J'imagine bien combien cela peut être dur pour elle... Elle devait avoir une belle relation avec Jane... Et aujourd'hui elle n'est plus et elle se retrouve malgré elle avec une nouvelle belle sœur...

- Vickki... Ce n'est rien... Je... Vous avez le droit d'être en colère...

Et perdue. Ou déçue... C'est tout à fait humain d'être dans son état. Je ne sais pas comment je réagirais si Kassandra trouvait un autre homme pendant qu'Asher est dans le coma... J'aurais été en colère... Triste... Je leur en aurais voulu et j'aurais surement refusé d'apprendre à connaître son nouveau compagnon avant un petit moment. Mais aimant sincèrement ma sœur, j'aurais fini par faire un pas en avant et je pense que j'aurais fini par apprécier pour de vrai la personne. Mais je ne serais jamais dans cette situation. Tout du moins je l'espère car Asher est l'homme de sa vie je n'en doute pas. Donc... Je peux comprendre Vickki au vue de comment j'aurais réagi à sa place... C'est normal de ressentir tout cela.

Je tente de lui expliquer ce que j'ai compris et surtout lui faire comprendre qu'avec du temps les choses changeront surement. Et surtout, surtout, que je ne remplacerai jamais Jane. Vraiment jamais. Ce sera une autre relation, tout autre chose. Oh non... Je suis entrain de la faire pleurer... Je m'en veux... Ce n'était pas le but... Le geste qu'elle a me touche énormément. Elle fait un pas vers moi. Enfin un geste de la main. Je lui souris doucement et la serre dans mes bras quand elle nous approche l'une de l'autre. Je l'enlace, sans trop serrer et continue de sourire. Je suis profondément touchée par ce petit geste. Ce n'est pas rien.

- Ne te déteste pas... Ne culpabilise pas d'avoir ce genre d'émotions, de te sentir perdue ou autre. Sincèrement, tu n'as rien à te reprocher. Nous prendrons le temps qu'il faut.

Et je lui laisserai l'espace qu'elle désire. Elle sera celle qui fera les pas en avant, à son rythme. Je resterai présente au besoin et je m'adapterai pour que tout se passe au mieux. Je ne veux pas briser la famille Parker, cette famille qui sera un jour la mienne aussi. Et j'aimerais être en plutôt bon terme avec les membres de cette famille... Je me redresse correctement et je souris en rigolant un peu.

- Notre premier petit secret ! Même si je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Un câlin ? Des larmes ? Non je n'ai rien vu de tout ça ici... De rien Vickki. Tu n'es pas obligée de me remercier, vraiment. Sinon moi aussi je te dis merci. Merci de ne pas m'avoir repoussée sans qu'on puisse se donner de chance.

Parce qu'effectivement, elle aurait pu me repousser et ne pas chercher à dialoguer avec moi, à faire le point sur ce qu'il en est... Je souris un peu plus quand je me rends compte qu'elle m'a donné un surnom. Je crois que notre relation vient d'avancer d'un pas... Mon cœur s'empli de joie. Lex... Pas Lexie... Cela me fait vraiment plaisir, mais alors à un point ! Cela donne une petite intimité entre nous je trouve...

Je vois l'étonnement sur son visage au moment de lui dire le nom de ma moto, comme assez souvent avec la plupart des "non-motards" pas au fait de ces petites traditions caractéristiques. Je souris légèrement mais le plus discrètement possible car je ne veux pas l'embarrasser un peu pour la remercier de sa gentillesse et sa générosité à aller s'enquérir de l'état de ma pauvre Jody. Mais ne pas la taquiner me coûte, l'envie m'en démange sérieusement mais je me résous à ne pas céder à cette vilaine petite tentation.

Merci à vous.

Ce moment fut le dernier de la partie de notre échange....amical ou au moins poli et respectueux. J'avais réalisé de par son nom le lien qui existait entre nous et j'avais été complètement prise de cours, je me sentais même piégée car j'aurais tout fait pour éviter cette rencontre si je l'avais pu. Cela me fait traverser cette tempête émotionnelle qu'elle prend de manière personnelle même si elle fait preuve d'une bienveillance qui m'apaise un petit peu. Je ressens un mélange de tristesse causée par le décès de Jane encore trop récent, l'injustice de ce que je fais vivre à mon frère et Lexie, et la colère contre moi-même de ne pas arriver à passer au delà de tout ça. Et comme toujours quand je suis aux prises avec mes émotions, elles débordent de partout et ma maladresse sociale pète le plafond disant brutement ce que je ressens sans prendre de gant. Mais la manière de réagir de Lexie est extrêmement respectueuse, douce et empathique. Je m'attendais à beaucoup de choses comme de la colère, de l'indignation ou de la tristesse, mais clairement pas à ça. Elle me dit que j'ai le droit d'être en colère, mais il n'y a qu'une seule personne contre qui je suis en colère.

La seule contre qui je suis en colère c'est moi.....

L'attitude de Lexie réussit à m'adoucir et m'apaiser, partiellement, mais l'émotion est trop forte pour s'estomper totalement. Et ce qui me prend le plus par dessus tout, c'est la culpabilité de ne pas avoir la force de ne pas les laisser vivre leur amour ouvertement face à notre famille, et face à moi. Je me dis qu'à leur place je me détesterais ou en tout cas c'est ce que je me disais au début car l'empathie de Lexie me fait diminuer l'intensité de cette culpabilité envers moi-même. Elle m'invite et m'encourage à ne pas m'en vouloir, mais ça je n'y arrive pas mais rien que moins m'en vouloir elle a réussi à accomplir ce que je pensais strictement impossible. Bien sûr, mon amour propre ou égo mal placé se pose en obstacle à le lui dire, mais j'essaye tout de même de lui exprimer une certaine gratitude, à ma manière. Elle le mérite amplement.

Je vais essayer, franchement ta pommade maison a déjà pas mal aidé.

Je ne sais pas comment elle a aussi fait pour que je m'ouvre à elle comme ça, aussi fortement et profondément. J'en avais même versé une larme sous réserve d'une clause de confidentialité informelle entre elle et moi. Cette Lexie avait un vrai don pour parler aux gens, à l'inverse de moi, et je dois dire que malgré la situation je commençais à l'apprécier même si ça m'aurait coûté un bras de l'avouer. Sa manière de se réjouir de ce premier petit secret entre nous m'arrache un sourire d'amusement, en plus de me toucher sincèrement par son remerciement de ne pas l'avoir repoussé. J'avais l'impression que mon attitude y ressemblait pas mal mais si elle le sentait comme ça je n'allais pas dire non. Et à cet instant précis, une idée me traverse la tête et j'en ouvre grand les yeux de la révélation que cela crée dans mon esprit. Je réalise que le problème que j'ai est plus de la relation qu'elle a avec Peter mais l'idée de la voir elle seule et ailleurs que dans un hôpital, évidemment, me rebutait nettement moins à l'idée.

T'as déjà entendu parler du bar le New Nebula? Hypothétiquement, si on considère qu'ici on est sur ton terrain à toi, ce bar c'est mon terrain à moi. Si tu viens un de ces jours, j'accepterai de dire qu'on est quitte.

Ouais, j'aurais pu juste lui demander ou proposer gentillement, mais j'étais pas encore totalement à l'aise avec elle du coup j'avais essayé de trouver un peu de quoi la forcer. Bien joué Vickki, pas du tout inapproprié. J'espèrais que cette maladresse ne la rebuterait pas à l'idée même si je pourrais toujours essayer de me racheter en lui faisant un ou deux verres gratuits sous le comptoir. Mais je réalisais autre chose, un détail qui de tous était le plus inavouable pour moi, en vrai je pouvais clairement reconnaitre certains aspects de sa personnalité qui avait fait que j'avais été si proche de Jane. Elle lui ressemblait indéniablement sur sa gentillesse et son empathie et ça je ne pourrais jamais en vouloir à mon frère de ne pas avoir su résister.

Oh mon dieu... La sœur de Peter... Je n'avais certainement pas prévue de la rencontrer ainsi... Et pas sans Peter... On devait faire les présentations officielles plus tard... C'est trop tôt... Jane n'est enterrée que depuis peu... Ils n'ont pas eu le temps de faire le deuil... La discussion avec Vickki est très dure. Nous sommes dans le mal toutes les deux. Je culpabilise et elle aussi... Je comprends ce qu'elle ressent. Je ne pourrais dire comment j'aurais réagi à sa place mais surement que j'aurais réagi de la même façon. Voir son frère avec une autre femme alors que son épouse est décédée... Et savoir qu'on était déjà ensemble avant même qu'elle ne rende l'âme. Cependant, elle n'a pas à être en colère contre elle. Il est normal d'avoir du mal à accepter qu'une autre femme entre dans la vie de son frère alors qu'il a été marié de nombreuses années avec une autre... Elle a le droit de ne pas vouloir sympathiser avec moi car elle était déjà amie avec Jane. Il y a tellement de raisons de nous en vouloir qu'elle ne devrait pas se flageller. La situation est réellement compliquée.   

- Tu ne devrais pas... Ne sois pas en colère contre toi. Ce que tu ressens est légitime. Je t'assure que c'est normal...

Je préfère qu'elle prenne le temps qu'il faut pour voir si elle peut accepter la situation ou non. Et si cela n'arrive jamais, et bien je l'accepterai et nous trouverons une solution car je ne quitterai pas son frère. Je l'aime d'un amour sincère. Vickki finira surement par voir que je ne veux pas de mal à son frère, qu'il est réellement heureux. Et que malgré l'amour qu'on ressent l'un pour l'autre, il a été amoureux et l'est encore de Jane. Et qu'il a tenté de faire les choses bien.

Au final, la discussion prend un autre tournant qui semble mener vers quelque chose de plus agréable, de plus sympathique. Cela me fait plaisir. J'apprécie grandement son câlin et ce petit secret que nous avons. Cela détend tellement l'atmosphère. Et voilà qu'elle me propose d'aller la voir dans son bar. Mon sourire s'élargit un peu plus.  

- J'en ai entendu parler mais je n'y suis jamais allée. Je viendrais avec plaisir. Tu bosses donc là bas ? Faudra me parler des cocktails que tu aimes faire.

Cela pourrait être sympa. Bien évidemment je viendrais seule. Pour ne pas lui mettre la pression. Et quand on aura lié des liens, enfin si on tisse des liens, je pourrais emmener ma sœur. Cela pourrait être super sympa ! Soudain... CODE BLEU ! Je dois filer. On a besoin de moi... Eh mince... Fais chier...

- Je... Je dois y aller je suis vraiment désolée... On a un arrêt cardio-respiratoire... Je repasserais plus tard, promis ! Et je te donnerais des nouvelles de Jody !

Tout en parlant je fais demi tour pour aller vers la porte. Je ne cours pas mais je marche vite. Je lui fais un dernier sourire et un petit signe de la main avant de refermer la porte et direction la personne qui a besoin d'être réanimé. Je file comme une flèche. Sans plus penser pour l'instant à cette rencontre surprenante.

Une femme assurée fonçait droit sur June et sa maman. Elle avait lâché un "désolé" pour s'excuser. Cela pouvait arriver. Les deux femmes ne lui en tenait pas rigueur. Elle avait un air joyeux et semblait être noyée dans ses pensées. La maman de Myers s'exprimait :

Elle est pressée cette femme. Mais ne t'inquiète pas, je n'ai pas mal. Je te connais trop bien. Elle avait l'air dans ses pensées. Ça arrive. Ça me rappelle une histoire. J'ai des illuminations parfois. C'était en période de fêtes de l'année dernière. Ça m'a marqué car l'homme que j'ai croisé était d'une impolitesse incroyable. Je n'avais jamais vu ça. Il avait l'allure d'un ourson , une belle tête d'ange et au final c'était un vrai démon... Je n'aime pas critiquer mais là c'était le summum de l'impolitesse. En plus, j'ai eu mal. Tu te doutes que ce n'est pas le même gabarit que cette jolie jeune femme. Alors je te raconte, tu me connais, j'étais en vadrouille pour faire du shopping. Les vitrines étaient illuminées. Je rentre dans une boutique. Tu vois le genre de boutiques avec la clochette qui fait ding quand tu rentres. C'était une boutique vraiment vintage avec même des vieux livres. Je suis bête. Je t'en avais déjà parlé. C'était la veille de Noël. Il y avait un magnifique sapin avec un faux renne trop réaliste. Alala c'était trop beau. J'en ai gardé une photo. Je me souviens les vendeurs disaient même qu'ils mettaient au soir un verre de lait de poule pour le père noël, pour sa tournée. Une boutique magique hors du commun. Tu avais vraiment l'impression que le papa noël existait. Trop fort ! J'en sors les mains vides mais toujours admirative. Je contemple leur vitrine et là hop un mec me fonce dedans mais d'une rapidité. Un accro du portable. Je lui dis qu'il ferait mieux de regarder son chemin, pas le portable, que ça se regarde posément. De toutes façon, je n'ai pas eu de "pardon". Il m'a répondu d'aller me faire voir, que je devais me mettre à la page. Il m'a même dit "la vieille". Pardon, je te saoule à radoter. Je suis stressée du rendez-vous et quand je stresse je pars dans mes délires. Bon on y va. On va être en retard. Moi je te distrait avec mes blablas.

Les deux femmes accélèraient le pas. June écoutait mais elle pensait à la santé de sa mère. Elle connaissait déjà l'histoire de toutes manières.