Voilà une semaine qu’Asher avait atterri au service des urgences suite à un accident de voiture, une semaine qu’il avait failli mourir, une semaine qu’il était plongé dans ce coma que seul son corps et son cerveau pouvait désormais stopper. La balle était dans son camp, comme s’était plu à le dire de manière hautement philosophe le chirurgien titulaire. Kassandra avait été appelée, principalement comme renfort car ce soir-là, d’autres accidentés de la route, provenant d’un autre carambolage, avaient été admis, mais quand elle avait su que e retard de son fiancé était dû à son état, elle avait insisté pour assister à la fin de son opération. Ce fut probablement ce qui sauva la vie de l’ancien militaire, car « Sandra » avait repéré un hématome sous-dural en plus d’un débris de cervicale qui se promenait un peu. Le titulaire pensant la cause perdue, laissa pratiquer l’interne, se disant que cela la ferait travailler. Contre toute attente, le patient respirait encore malgré toutes ses autres blessures. Mais il était dans le coma. Quand le chirurgien eut compris qu’il s’agissait en fait du fiancé de son élève, il lui passa un sacré savon, mais face au brio avec lequel elle avait fini par sauver la vie du patient Asher Collins, il avait fini par ne plus rien dire.

Néanmoins, pour la ménager et non la punir, soi-disant, Sandra Collins était affectée aux soins basiques, sutures, désinfections et autres petites choses fort peu passionnantes pour une interne en chirurgie qui avait déjà en réalité la capacité d’être chef de service. Mais à la vérité, toutes les pensées de la caméléone allaient vers son fiancé dont les battements cardiaques étaient retransmis par une machine, quelques étages au-dessus. Kassie y passait toutes ses pauses et parfois même les nuits, ne voulant le laisser seul sous aucun prétexte. Néanmoins, il fallait qu’elle travaille pour éviter de devenir dingue.

La journée avait commencé somme toute comme n’importe quelle journée aux urgences, il avait fallu prendre le relai de l’équipe de nuit. Kassandra était donc affiliée pour au moins deux semaines aux premiers soins. Dossier suivant. Une profonde coupure à la main.

Comment les gens font ça… soupira-t-elle intérieurement.

Les accidents plus ou moins légers qui conduisaient les gens aux urgences étaient la plupart du temps des accidents bêtes. Elle se dirigea vers le box, ouvrit le rideau et entra.

- Brooklyn Burgess ? Bonjour, je suis Sandra Collins, interne en chirurgie, je vais m’occuper de votre main si vous le voulez bien.

Elle enfila rapidement des gants avant de s’approcher.

- Bien, je vois que vous avez comprimé la plaie. Restez assis. Je vais même vous demander de vous allonger, vous semblez avoir perdu du sang, il faut éviter une chute.

Elle l’invita du regard à s’allonger complètement sur le fauteuil, puis approcha un chariot métallique sur lequel se trouvaient un champs stérile et divers instruments et produits.

- Je vais commencer par nettoyer la plaie, ensuite je regarderai si le nerfs médian est touché ou exposé. Si oui, cela nécessitera une exploration chirurgicale. Avez-vous senti des fourmillements dans les doigts ?

Tout en parlant, la caméléone passa un peu de solution saline pour commencer le nettoyage de la plaie.

Kassandra essayait toujours d’adopter une attitude positive, d’être souriante avec tous les patients, même les plus récalcitrants. Après tout, s’ils se retrouvaient à l’hôpital, c’était qu’ils souffraient de quelque chose, ce n’était pas drôle du tout pour eux, voire même anxiogène, alors autant essayer de leur apporter un peu de douceur. Néanmoins avec ce qu’elle vivait en ce moment, la caméléone avait parfois du mal à être aussi enthousiaste qu’à l’accoutumée, néanmoins, elle faisait de son mieux pour donner le chance, car après tout, les patients qui croisaient son chemins n’y étaient pour rien dans ses malheurs.

- Enchantée BB, répondit-elle avec un sourire, sans quitter la plaie des yeux.

Il fut d’abord réfractaire, puis accepta plus ou moins docilement de s’allonger. Le sourire de Kassie se transforma en sourire en coin. Elle savait qu’il aurait un petit malaise, c’était toujours le cas. Au début, l’adrénaline les faisait tenir, et puis une fois rassurés d’être dans le lieu adéquat avec la personne chargée de les soigner, la « pression » redescendait et c’était là que les choses normales reprenaient leur cours : le corps manquait un peu de sang, alors il faisait une réaction pour manifester ce manque.

- Ne vous en faites pas, ce ne sera pas long. Avec quoi vous vous êtes coupés ? Il faudrait que je fasse une prise de sang.

Alors qu’elle envoyait avec une petite pompe en plastic du sérum physiologique pour nettoyer la plaie, BB déclara ne pas avoir senti de picotement.

- En effet, c’est bon signe.

L’interne ne remarqua pas qu’il la regardait à nouveau, elle était concentrée sur sa tâche, épongeant le liquide avec des compresses stérile. Le saignement s’était arrêté, elle avait placé devant elle une immense loupe sur pied avec des lampes intégrées pour lui permettre de mieux voir la plaie.

- Vous avez de la chance, le nerfs n’est pas exposé. Je vais vous faire quelques points de suture. Avez-vous des allergies à certains médicaments ?

Elle fit rouler en arrière le tabouret sur lequel elle était assise pour aller chercher le matériel manquant, notamment deux seringues, deux aiguilles et quelques tubes.

- Je vais vous injecter un peu lidocaïne autour de la plaie, c’est un anesthésiant local.

Alors qu’elle prépara la seringue, elle l’entendit lui redemander son nom. Légèrement gênée, elle camoufla néanmoins cet état autant que possible. Elle avait beaucoup de mal à mentir, mais pour son identité, ce qui revenait à dire sa sécurité, elle y était obligée.

- Oui, c’est ça. Pourquoi ? Je vais commencer, le prévint-elle.

Puis, la brunette reporta son attention sur la plaie. Elle se repositionna au-dessus de la loupe et commença à injecter à divers points autour de la plaie, l’anesthésiant.

La question, somme toute anodine, de son patient l’étonna, mais Kassandra était loin de se douter du potentiel danger que représentait celui qui se faisait appeler « BB ». Du moins, le danger qu’il pouvait représenter pour elle, puisque la Division et le Centre étaient étroitement liés. Innocente qu’elle était.

- Non, je vous assure, nous ne nous sommes jamais vus, répondit-elle avec douceur.

En plus, elle lui avait donné son pseudonyme, Sandra Collins. Une abréviation de son prénom, et le nom de famille de son sauveur devenu son fiancé. Naïve, elle pensait que cela pourrait suffire. Pour le moment en tout cas, depuis deux ans qu’elle était sortie, ou plutôt qu’elle s’était évadée, du Centre, cela avait suffi.
Alors qu’elle préparait le matériel pour la suture, elle posait quelques questions d’usage au patient, notamment comme cela lui était arrivé. Plutôt classique.

- Songez à porter des gants en caoutchouc la prochaine fois, ça aurait pu vous éviter une entaille aussi profonde. Vous travaillez dans quoi ?

Tout était prêt, la plaie nettoyée, elle s’assura qu’il n’avait aucune allergie et commença à injecter en divers points l’anesthésiant local une fois que Brooklyn eut donné son accord.

- Ne bougez plus maintenant, d’accord ?

La lampe était bien fixée au-dessus de la plaie, Kassie avait ses lunettes de protection et la loupe de la lampe devant elle, elle commença à suturer.

- Avez-vous eu vos vaccins anti-tétaniques ? Si vous n’en avez jamais eu ou que votre rappel remonte à plus de cinq ans, je vous conseillerais d’accepter le vaccin.

Elle n’avait aucune idée encore de s’ils en avaient en stock, auquel cas elle devrait le faire revenir à l’hôpital.
Appliquée, l’interne ne chirurgie procédait aux sutures. La plaie était plutôt longue, il lui fallut faire quatre points. Elle procéda à des points ne laissant pas de marque ou le moins possible, en avance qu’elle était sur le programme puisqu’elle connaissait déjà toute la théorie depuis bien plus longtemps que son arrivée à l’hôpital de Blue Cove.

- J’ai fini les points, annonça-t-elle en déposant le matériel dans un haricot métallique. Je vais vous faire un bandage, il faudra éviter de fermer la main pendant la durée de la cicatrisation.

Elle retira la lampe-loupe et alla chercher de quoi panser la main de son patient.

- Il faudra aussi refaire le pansement tous les deux jours et bien sûr éviter de le mouiller. On pourra retirer complètement le bandage d’ici une semaine. Dix jours maximum, mais les tissus de la mains se régénèrent plutôt vite en général. Je vais vous prescrire du paracétamol pour la douleur. Est-ce que vous avez des questions ?

Comme souvent, le praticien médical apprenait à connaître son patient en posant quelques questions. C’était ce que faisait la caméléone envers Brooklyn, se renseignant sur sa profession. Elle sourit.

- Comme ce doit être intéressant. Ça fait partie des métiers qu’on fait par passion, vous devez vous plaire à votre poste, non ?

Le patient n’avait pas l’air de savoir pour son vaccin anti-tétanique, et paraissait enclin à faire un rappel, ce qui rassura Kassandra, car elle ne voulait prendre aucun risque, surtout avec une telle blessure.

- Parfait, je vais aller le chercher. Voulez-vous en profiter pour faire un bilan sanguin complet ? Je comprends que vous n’êtes pas du genre à avoir votre carnet de santé sur vous, et je me dis que puisque vous êtes là, ça pourrait être l’occasion ?

Une petite prise de sang n’avait jamais tué personne, d’autant qu’il s’était profondément entaillé la main, alors que pouvait bien représenter une petite aiguille par rapport à ça ? Elle prépara en amont le matériel au cas où il dirait oui. Il y avait toujours des kits de prises de sang dans les salles de consultation. Il accepta, ce qui rassura l’interne qui nota le nom du patient sur des étiquettes qu’elle colla sur deux tubes.

- Parfait, vous faites bien.

Elle lui plaça le garrot sur le bras dont la main était valide, prépara ses tubes, toucha délicatement du bout des doigts le pli du coude pour sentir la bonne veine puis approcha avec l’aiguille.

- Serrez le poing. Voilà. Je vais y aller, prenez une grande inspiration, et… soufflez.

Elle venait de piquer la veine.

- Vous pouvez desserrer le poing.

Elle appliqua un premier tube sur le cathéter. Puis un second et retira le garrot. Tout se passa en une minute à peine.

- Voilà. Est-ce que ça va ? Je vais les apporter au labo et je reviens avec votre vaccin.

Toujours rassurante dans son intonation et dans ses geste doux, elle libéra le patient et partit avec la prescription et les tubes. Elle ne mit pas plus de dix minutes à revenir.

- J’espère ne pas avoir été trop lente. Vos résultats ne devraient pas tarder.

Kassandra se rassit sur le tabouret pour préparer le vaccin. Elle prit un coton qu’elle imbiba de solution désinfectante avant de l’appliquer sur l’épaule du patient.

- Vous êtes prêt ?

Une fois l’aval de BB donné, elle piqua.

- Et voilà, c’est déjà fini. Vous vous sentez comment ?

Elle rangea rapidement le matériel.

- Je vais vous faire patienter une quinzaine de minutes pour être sure que vous ne fassiez pas de mauvaise réaction.