Choisir la bague n'avait pas été une formalité, bien que l'acte en lui-même ne soit pas la chose la plus compliquée à laquelle Asher Collins eût été confronté. Demander Kassandra en mariage semblait si évident et le formuler intelligiblement et à haute voix l’était tout autant. Au départ, Ash n'y croyait pas, c'était un rêve un peu fou qui l’avait hanté à quelques reprises, sans pour autant en parler directement à l’intéressée. Puis les événements récents ont fait que cela devenait plus facile, plus confortable, plus évident et peut-être même plus pratique. Et c’est donc conforter dans sa démarche, qu’il avait osé se lancer et franchir un pas, que jamais il n’aurait cru franchir un jour, lui l’indécrottable solitaire. Mais il fallait bien plus que des mots et c’est pourquoi l’achat de la bague conféra un petit quelque chose de plus officiel à la démarche. Un quelque chose qui lui interdisait de se dérober à présent.

Le moment était donc venu de prendre à nouveau son courage à deux mains. Le petit écrin était ainsi posé sur la commode. Ash prit le temps d'observer les environs pour ne pas être pris au dépourvu. Par chance, Kassandra n’étant pas là, l’ancien militaire pouvait donc plus aisément se préparer sans avoir à surveiller les lieux toutes les dix secondes. Il avait décidé de l’inviter au restaurant, prenant le temps au passage de choisir le meilleur de la ville et il pouvait se le permettre avec le salaire que le Centre lui offrait. Il remit alors l’écrin à sa place, s’assurant ensuite, en un coup de fil, que la table était toujours réservée. Puis il remonta à l’étage pour fouiller ce qui lui faisait office de dressing.  Il lui fallait la bonne tenue pour l’événement, c’était indéniable. Mais il fallait également miser sur la sobriété sans pour autant tomber dans la simplicité. En somme quelque chose de décontracté, mais pas trop. Une exigence qui mettait certainement à mal la tenue d’un hypothétique cahier des charges et qui mettait en exergue la pression que se mettait Collins qui ne voulait offusquer personne. Mais qui ne pouvait cependant se résoudre à opter pour un costume, au risque de « peut-être » se faire rapidement griller. Il opta donc pour quelque chose de basique, à savoir le bon vieux jean « Lewis » bien taillé et la classique chemise blanche agrémentée d’un petit veston noir en soie.

L’affaire était pliée. Le militaire récupéra donc l’écrin contenant le précieux bijou qu’il déposa dans l’une des poches intérieures de son veston, au détriment de l’une des poches de son jean. Trop voyant si d’aventure Kassy posait le regard au mauvais endroit. Et c’est satisfait, que l’homme quitta la chambre pour regagner la pièce de vie, désertée à cette heure de la journée. Cependant, d’ici peu, Ash le savait par habitude, la porte allait s’ouvrir sur l’officieuse madame Collins, qui ne se doutait pas le moins du monde, que son fiancé avait organisé la soirée à venir. Mais avant toute chose et parce qu’il venait de se rendre compte que l’écrin laissait paraître une forme suspecte, l’ancien militaire n’eut d’autre choix que d’envisager, pour l’instant, une autre cachette. Son regard balaya donc toute la pièce, avant d'enfin se poser sur le placard à gâteaux, le bastion à gourmandises des deux amoureux. À n’en pas douté, dissimulé derrière les céréales, entre deux boîtes de cookies, le petit écrin noir passera inaperçu. À moins bien sûr que Kassy ne soit prise d'une petite fringale, ce qui n’était pas impossible après une journée éreintante.

Une fois l’action accomplie, notre homme prit à nouveau la direction du salon, espérant regagner le canapé avant l’arrivée de la jeune femme et dans une parfaite synchronisation, la porte commença à s’ouvrir. Une paire de talons se mit alors à marteler le sol sortant Asher de sa rêverie. Et c’est ainsi que la plus belle de toutes, fit son apparition, arrachant un léger sourire à son homme toujours émerveillé de la contempler ainsi, même après une journée de travail. Elle avait beau avoir opté pour la simplicité, elle n'en restait pas moins belle à tomber. « Quel veinard je suis ! » s’autorisa-t-il à penser en se levant pour venir l’accueillir. « - Bonjour vous ! » Il déposa ainsi un léger baiser sur les lèvres de sa fiancée. « - Tu dois te demander pourquoi je me suis un peu mieux habillé que d'habitude non ? » tenta-t-il innocemment en faisant un tour sur lui-même. « - Eh bien, laisse-moi te dire que ce soir, on sort. Je nous ai réservé une table dans un resto très en vogue ici, le Bellagio. Ça te va ? »

Kassandra pouvait désormais mettre des images, des mots, quelque chose de concret sur le mot « bonheur ». Elle était heureuse comme jamais elle ne l’avait été, elle partageait sa vie avec un homme merveilleux qu’elle aimait et qui, par chance, l’aimait aussi. Elle pouvait également mettre ses capacités intellectuelles au service des autres en ayant repris (ou plutôt entrepris) des études de médecine chirurgicale, et par la même occasion, elle avait pu se faire une amie : Lexie. Tout allait si bien, si c’était cette ombre qui planait, celle du Centre. Après tout, en vivant dans la même ville, il fallait s’attendre à rester sur ses gardes, mais dès le départ, la caméléone s’était dit qu’elle était « sous leur nez », ils auraient plu de mal à la trouver, s’attendant sûrement à ce qu’elle soit partie par monts et par vaux comme l’avait fait Jarod. Mais tout portait à croire que les caméléons devaient tous se retrouver à Blue Cove. Néanmoins, pour l’instant, la vie de Kassie était dans cette ville, elle y avait l’homme qu’elle aimait, son travail et même des amis.

Lexie, sa camarade d’internat en chirurgie, était devenue sa meilleure amie. Elles s’étaient rencontrées dans des circonstances dramatiques puisqu’elles avaient été témoins d’un accident de la route et avaient travaillé main dans la main pour aider à sauver les passagers en attendant l’arrivée des secours. Et c’était grâce à Lexie que Kassandra avait choisi de devenir chirurgien.
Cette journée au centre hospitalier universitaire de Blue Cove avait été synonyme d’angoisse pour beaucoup des camarades de la caméléone puisque les internes avaient eu des examens. Une formalité pour Kassie qui, malgré tout, essayait de ne pas trop exceller pour ne pas attirer l’attention sur elle, mais c’était parfois difficile de se forcer à mal répondre à des questions, ou de manière insuffisante. Malgré cela, elle restait la meilleure et tâchait d’aider ses petits camarades, surtout Lexie qu’elle savait en proie à beaucoup de stress. Elles aimaient travailler en binôme, c’était rassurant pour l’une et intéressant pour l’autre qui n’avait eu que peu l’habitude de travailler à deux.
Les résultats tomberaient la semaine suivante mais Kassandra n’était pas inquiète et avait mis son calme olympien au service de ses camarades le reste de la journée durant pour les rassurer afin qu’ils puissent reprendre leurs tâches sans encombre.

La journée s’était finalement terminée. Elle fut sommes toutes fatigante mais fort enrichissante. Le superviseur avait laissé à Kassandra l’opportunité de réaliser une intervention elle-même, sous sa coupe bien évidemment, et il avait été enchanté du soin qu’elle avait pris à réaliser l’opération. Pour elle, cela n’avait pas été bien difficile mais elle était heureuse de la confiance qu’on lui portait.
Elle arriva donc au charmant domicile qu’elle partageait avec l’homme qui faisait battre son coeur – une expression qu’elle avait apprise et qu’elle trouvait charmante une fois qu’elle eut compris qu’il s’agissait d’une métaphore -, et ouvrit la porte. Il était déjà là. Parfois, cela la surprenait mais elle se rappela automatiquement du planning de sa semaine qui, effectivement, lui laissait cette journée libre. Elle le vit approcher tout sourire et remarqua qu’il était fort bien habillé.

- Bonjour ! répondit-elle avec une voix et un sourire enjoués.

Elle savoura l’éphémère sensation de ses douces lèvres sur les sienne avant de le regarder tourner sur lui-même.

- Oui, j’allais te dire que tu es très élégant, j’aime beaucoup ce que tu portes.

La brunette n’eut pas le temps de se poser plus de questions qu’aussitôt, son amoureux, et fiancé puisqu’ils avaient décidé de se marier, déclara qu’ils sortaient.

- Ooooh on va au restaurant !

Ses yeux se mirent à pétiller, et si elle avait pu, elle aurait sautillé. Il n’en fallait pas beaucoup pour que Kassandra soit joyeuse, la simple idée de faire quelque chose de nouveau la mettait en joie. Aller au restaurant aussi. Alors si on alliait la nouveauté et le restaurant, c’était parfait.

- Très en vogue, ça veut dire chic ? Donc il faut que je mette une robe et des talons. OK, c’est parti, j’ai le temps de prendre une douche pas vrai ?

Tout en parlant, elle déposa ses affaires sur la console et prit la main d’Asher pour qu’il vienne avec elle dans la salle de bain. Aussitôt, elle enclencha l’eau et retira ses vêtements.

- Raconte-moi ta journée, qu’est-ce que tu as fait ? Du roller ? Si j’avais été en congés, je serais allée faire du roller c’est sûr. Au fait, je sais même pas si tu sais en faire, remarqua-t-elle avec un petit rire avant d’entrer dans la douche.

Aussi loin qu’il s’en souvienne, jamais Asher n’avait goûté au bonheur aussi intensément et sur le long terme qui plus est. C’était si beau, si doux, si intense et si simple pourtant. Le genre de plénitude que de nombreuses personnes cherchent à acquérir par le biais de substances illicites en vain. Alors c’était donc ça ? Une drogue ? Et Kassandra était devenue la sienne ?

« C’est chimique. Tout un cheminement physiologique et… » avait commencé Jarod, quelques jours plutôt. Car oui, dans le secret et à l’abri des regards, les deux hommes s’étaient rencontrés suite à la demande formulée par Asher qui voulait en apprendre davantage sur le Centre et plus encore sur la Fitzgerald. Le caméléon semblait le plus à même de répondre aux questions du militaire, qui se refusait à mêler Kassy à tout ça, une fois encore. « - Je n’ai pas besoin de grandes explications Jarod. Déjà mon cerveau n’est pas équipé pour et puis je suis du genre à préférer la simplicité. Je vais l’épouser. Je lui ai déjà demandé. À la base c’était pour faciliter les démarches administratives… » Jarod le coupa alors instiguant l’étonnement auprès d’Asher et l’agacement d’avoir ainsi été coupé alors qu’il se confiait, lui qui n’était pas du genre à le faire, excepté avec Kassandra. « Fais-le pour de vrai. Elle a le droit plus que quiconque au bonheur pour de vrai. Le Centre a fait de nos vies un enfer ou la réalité devait chaque jour affronter le faux. La vie n’est pas une simulation et tu peux le lui prouver. » Et pour la toute première fois depuis leur rencontre, Ash se surprit à ressentir de l’affection pour l’homme qui lui faisait face. « - Donc tu penses qu’il faut que je fasse tout ce qu’il faut ? Genre le genou à terre, la bague et tout ? » Bien-sûr, Jarod n’était pas au fait de tout cela, mais il encouragea le compagnon de son amie autant qu’il le put. Et c’est ainsi qu’ils se quittèrent. Quelques heures plus tard, Asher Collins faisait le tour des bijouteries du coin avec la ferme intention de trouver « la bague » qu’il désirait plus que tout, passer au doigt de Kassandra.

Fin prêt, et juste avant l’arrivée de la jeune demoiselle qui partageait présentement sa vie, Ash envoya un message à la seule personne dans la confidence, lui faisant part de l’avancée du plan et du choix de la bague. Il confia également à Jarod, qu’il avait choisi le Bellagio pour se lancer. Ce qui lui valut un « bon choix » de la part du caméléon avant que ce dernier ne le mette en garde sur les réservations et le fait, qu’il faille s’y prendre bien plus à l’avance pour avoir une table. Confiant l’enseignant de l’ICP, passa outre l’avertissement du caméléon et se retrouva bien con, lorsqu’on lui fit savoir que l’établissement était complet ce soir. Une chance que « super Jarod » ait quelques contacts. Il ne restait alors qu’à peaufiner les derniers détails si tentait qu’il ait le temps de le faire. Kassandra avait des examens à passer aujourd’hui, ce qui rendait l’horaire d’arrivée imprévisible et réduisait grandement la perspective d’en faire plus. C’est pourquoi faute de mieux, il préféra rejoindre le canapé, paré de ses plus beaux atours, ou du moins d’une tenue qui laissait à présager une sortie ce soir. Il espérait juste que sa compagne ne serait pas exténuée, sinon quoi, c’est tout son romantique plan, qui tombait à l’eau et la perspective d’un excellent repas qu’il devait à Jarod qui plus est. La poignée de la porte s’abaissa et voilà qu’une silhouette familière prenait vie à l’extérieur. Ash se redressa aussitôt le sourire aux lèvres. La demoiselle lui avait manqué, c’était indéniable et ce même pour quelques heures de séparation. Preuve qu’il ne pouvait désormais plus se passer d’elle et si jadis un tel constat l’aurait fait flipper, aujourd’hui sa vision de la vie différait suffisamment pour le défaire de cette peur irrationnelle de l’attachement. Il lui sourit alors avant de poser délicatement ses lèvres sur les siennes et de lancer les hostilités. « - Mais je suis toujours élégant ma chère… À ma façon j’en conviens. » lança-t-il en continuant à étaler le déroulement de la soirée qu’il avait prévu. « - Oui mademoiselle, une petite sortie au restaurant. » La voir ainsi réagir lui fit plaisir et ce même s’il savait maintenant qu’il ne fallait pas grand-chose pour faire plaisir à la jeune femme, qui, rappelons-le, apprenait à découvrir la vie et n’était pas encore au fait de tous les codes qui régissent l’individu en société. Mais il émanait d’elle une telle candeur qu’il était difficile de ne pas être attendri même pour un gaillard de la trempe d’Asher Collins.

« - Alors de ce que je sais, en vue ne veut pas nécessaire dire « chic » C’est…. à la mode, populaire, dans le coup. Tu comprends ? Jarod ne m’a pas dit que c’était chic, mais bon vu la galère que c’est pour avoir une place, j’imagine que c’est quand même un tant soit peu guindé. De toute façon quoique tu mettes tu es à tomber mon amour. » Il lui fit son plus beau sourire. « - Par contre pour les talons si c’est une épreuve, mets des ballerines ou des trucs plus confortables. » La demoiselle déposa ensuite ses affaires avant de se saisir de la main de son compagnon pour que ce dernier la suive jusque dans la salle de bains. C’était devenu une habitude par la force des choses, que l’un prenne sa douche avant l’autre et raconte sa journée. Sauf que cette fois, Ash ne pouvait se résoudre à trop en dire, de peur de gâcher la surprise. « - Alors euh… pour ce qui est du roller à ma connaissance je sais en faire, mais ça remonte à s’y loin. » Il la vit innocemment rentrer dans la cabine de douche et commença de ce fait à ramasser ses affaires pour les mettre à laver. « - Un de ces quatre on pourra en faire si tu veux. Quant au reste, je n’ai pas fait grand-chose pour ne rien te cacher. Je ne bossais pas aujourd’hui, alors je suis resté ici, à profiter du jardin et de la superbe terrasse. Et je me suis rendu compte de la chance que nous avons d’avoir notre chez-nous. C’est sûrement la première fois que ça m’arrive, mais d’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours rêvé d’avoir une belle vie et avec toi j’ai l’impression que c’est enfin possible. »

KIl n’en fallait pas beaucoup à Kassandra pour sourire et manifester une joie presque enfantine qui prêtait à sourire, et qui, bien souvent, en effet faisait sourire Asher. Mais ce que le bel ancien militaire ignorait sans doute, c’était que ce sourire qui manifestait la joie de la caméléone était bien souvent induit par lui, par ses attentions, ses mots, la gentillesse… Kassie n’avait jamais, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, eu la chance qu’on se préoccupe autant de son bien être. Oh bien sûr au Centre, Stanley faisait tout pour qu’elle ne manque de rien et faisait de son mieux pour qu’on ne la maltraite pas trop, et quand cela arrivait, c’était indépendant de la volonté du précepteur qui était loin d’avoir tous les pouvoirs, mais jamais avant de connaître Asher, la brunette n’avait eu ce sentiment qu’on s’occupait d’elle uniquement pour son bien, sans rien attendre en retour. Par de travail, pas de simulation difficile à gérer émotionnellement ou physiquement, rien. Et la demoiselle avait identifié cela comme étant de l’Amour : vouloir faire plaisir à l’être aimé sans rien attendre en retour. C’était exactement ce qu’elle voulait pour Asher. Elle l’aimait. Aimer était si beau. C’était de loin la plus belle, la meilleure chose qu’elle ait appris de toute sa vie.

Ce soir donc, il l’avait invitée au restaurant, un restaurant visiblement très à la mode car il était difficile d’avoir une réservation sans s’y prendre bien en avance. Mais apparemment, Ash’ avait réussi cet exploit, comme quoi, il n’y avait pas que les caméléons qui étaient capables de prodiges. Kassie identifia ce genre d’endroit comme l’un de ceux où il fallait venir « bien habillé », et par là, cela voulait dire donc vêtu de vêtements qualifiés de « classes ». Pour les femmes, c’était donc plutôt des robes, ou jupes et chemisiers, avec des chaussures à talons. La demoiselle avait dû apprendre les divers codes vestimentaires, et cela avait été une épreuve au vu de la multitude de choix qui existait. Au Centre, elle avait toujours la même tenue, qu’on lui changeait régulièrement, mais jamais de choix de couleurs ou de forme. Asher rectifia en disant que ce n’était peut-être pas forcément un endroit chic, mais finalement, il sembla se ranger de son avis.

- Non non, je veux faire tout ce qu’il faut pour que cette sortie soit parfaite.

Elle ne voulait surtout pas lui faire honte. Elle se savait suffisamment marginale comme ça au vu des normes et des codes qui régissaient la normalité, et auxquels elle n’entendait pas encore tout, alors Kassie voulait au maximum éviter de mettre dans l’embarras l’homme qu’elle aimait.

- Les talons ne sont pas une épreuve, je trouve que c’est joli, assura-t-elle.

Elle réalisa alors qu’il évoqua le prénom de Jarod et cela la fit sourire.

- ça y est, vous êtes amis ? Comment on dit déjà ? Cul et chemise ? demanda-t-elle en ricanant comme une enfant. Ça me fait plaisir que tu lui parles.

Sans attendre, il se retrouvèrent dans la salle de bain pour que l’interne en chirurgie à l’hôpital de Blue Cove puisse prendre une bonne douche et se débarrasser de l’odeur de l’hôpital et se délasser après une journée éprouvante. Une fois dans la douche, profitant de l’agréable chaleur de l’eau, Kassandra avait demandé à son amoureux s’il savait faire du roller. Elle se rappela de cette sortie au parc où elle avait de nouveau rencontré David et où elle lui avait parlé du mariage, demandant si l’on pouvait faire du roller à un mariage.

- Oh oui, j’aimerais beaucoup en faire avec toi. Tu sais, c’est mon activité préférée. En dehors des câlins avec toi, bien sûr, ajouta-t-elle avec un air espiègle.

Tandis qu’elle se savonnait avec un gel douche qui sentait délicieusement bon la pêche, Asher expliqua qu’il avait simplement profité de la maison. Une fois rincée, Kassie ouvrit la porte et s’emmitoufla dans une douce et épaisse serviette blanche. Son regard brillait d’émotion face aux paroles de l’ancien militaire.

- C’est pareil pour moi, tu sais. Jamais je n’aurais pu imaginer avoir la chance de vivre dans un tel endroit, plus encore avec une personne que j’aime et qui m’aime.

Sentant l’émotion la gagner et ses larmes perler sur ses joues, elle vint se coller doucement contre le torse musclé de son amoureux.

- Je t’aime tellement. Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as fait pour moi.

La caméléone finit par essuyer ses larmes à l’aide de la serviette éponge en se reculant un peu.

- Excuse-moi, j’ai .. euh… comment tu dis déjà ? Plombé l’ambiance ?

Elle avait encore un peu du mal à se familiariser avec les expression argotiques ou le second degré, mais elle progressait à son rythme. Les équations étaient un domaine plus facile pour elle.

- Allez, je m’habille.

Elle se rendit vers l’armoire qui détenait les vêtements qu’elle avait pris plaisir à aller acheter avec sa paie et sortit trois robes différentes qu’elle montra à Asher.

- Choisis, mon amour.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Asher n’avait jamais manifesté pour quiconque, si ce n’est Ray, un intérêt quelconque. Et à la mort de ce dernier, en colère d’avoir perdu sa seule attache dans ce monde, le jeune garçon qu’il était alors, se fit la promesse d’une solitude à la hauteur de son désespoir. Mais l’on ne peut lutter contre sa véritable nature et même si les amitiés étaient incertaines ensuite à l’armée Ash se montra brave et intègre avec ses frères d’armes. Mais une fois encore tout pris fin, ramenant le militaire qu’il n’était plus, à sa solitude initiale. Ça ressemblait à une histoire sans fin et peut-être était-ce mieux ainsi. Après tout c’est toujours plus simple de se complaire dans ce que l'on connaît le mieux, plutôt que de se risquer à découvrir des nouveaux horizons. C'était sans compter sur le destin, qui durant un soir de pluie, changea du tout au tout l'existence de ce cher Ash qui cessa dès lors de se complaire dans la solitude et manifesta à nouveau de l'intérêt pour quelqu'un.

Mais bien au-delà de manifester de l’intérêt à Kassandra, il savait, sans être capable de définir ce qu’était l’amour dans ses grandes lignes, qu’il éprouvait à l’égard de la jeune femme un sentiment qui outrepassait tout ça. Pour elle, il était prêt à toutes les folies, même à celle d’entrevoir de passer le reste de son existence à ses côtés et pas seulement pour lui assurer une sécurité et un toit. Il en avait désormais l’intime conviction, Kassy était le prochain chapitre de sa vie et cette demande en mariage aussi spontanée et imprévue soit-elle, était aussi et surtout l’occasion de concrétiser tout ça. Et pour ce faire, Ash avait mis les petits plats dans les grands en optant pour un restaurant réputé – avec le concours de Jarod – L’ancien militaire était allé jusqu’à faire un effort sur sa tenue, lui qui d’ordinaire n’accordait que trop peu d’importance à ce genre de détail. Sauf ce soir de toute évidence. « - Kassy, quoi que tu fasses, cette soirée sera parfaite je n’en doute pas. » Elle voulait tellement bien faire que ça en était touchant. Et en un sens, lui aussi ne voulait pas lui faire honte, car il s’estimait chanceux qu’une telle personne puisse l’aimer et voir en lui une part si enfouie, qu’il avait fini par en ignorer l’existence.

« - Ok c’est noté. Les talons ne sont pas une épreuve. Au pire si besoin votre chevalier servant se tient à disposition pour que vous puissiez vous appuyer contre son épaule milady. » Et dans un geste trop théâtral pour être vrai, il tenta un semblant de révérence avant de se redresser, conscient du potentiel abstrait de la scène qui signa l’émergence d’une autre scène abstraite. « - Avec Jarod ? Je n’irais toutefois pas dire que nous sommes les meilleurs amis du monde, mais on discute un peu, de temps en temps. Et non nous ne sommes pas cul et chemise comme tu le laisses entendre. » Il est vrai que les deux hommes s’étaient vu une ou deux fois auparavant. D’abord sur la réserve, Asher ne pouvait nier les innombrables similitudes entre les deux caméléons, ne serait-ce que par leur caractère. Et si celui de Jarod semblait un peu plus affirmé, il n’en demeurait pas moins, sur bien des aspects, semblable à celui de Kassandra. « - Vous vous ressemblez tous les deux, c’est marrant. Peut-être qu’on pourrait l’inviter un de ces quatre à venir dîner ici. De ce que j’ai compris il est pompier en ville. Et si ça se passe bien, là tu pourras dire que nous sommes cul et chemise. »

La proposition expédiée, l'ancien militaire bougon suivit la belle brune jusque dans la salle de bains. Ayant déjà pris une douche, il la laissa se déshabiller et resta à proximité de la cabine pour continuer la conversation là où elle avait été laissée. Il était question de roller et de câlins, chose qui éveilla à nouveau l’attention de l’ancien militaire qui sentait le sourire espiègle de sa petite amie, prendre vie de l’autre côté de la paroi. « - Avoue que c’est difficile de rivaliser avec les câlins surtout les miens ! » Et alors que la légèreté dominait jusqu’alors l’échange, Ash se laissa aller à quelques touchantes confessions sur leur nouvelle vie et le bonheur qu’il ressentait en partageant tout ça enfin avec quelqu’un qu’il pouvait se targuer d’aimer. Kassy ouvrit alors la porte, s’emmitoufla dans une serviette, le regard brillant comme à chaque fois qu’elle semblait émue.

« - Peut-être que c’était écrit. » laissa entendre l’enseignant de l’ICP en recueillant la demoiselle contre lui. Et toujours avide de confession, elle laissa entendre ce que son cœur semblait lui dicter. « - Moi aussi ! » renchérit Ash alors que déjà la jolie brune essuyait ses larmes avec sa serviette tout en se reculant et en présentant quelques excuses balayées presque aussitôt par l'intéressé. « - Non, tu n’as pas à t’excuser. Et ce n’est pas parce que quelques larmes coulent que l’ambiance est plombée. Tu as juste laissé parler ton cœur. Moi aussi je t’aime Kassy, plus que tout au monde. Voilà c’est dit, maintenant on va s’activer un peu parce que j’ai peur que la table nous passe sous le nez. Je te laisse t’habiller. » Il ne s’attendait certainement pas à ce qu’elle lui sorte trois robes différentes et lui demande de choisir entre la rouge, la bleue et la noire.

« - Tu sais, je ne suis pas une référence en matière de mode. De ce que je sais, le noir a tendance à flatter la silhouette. Le bleu est ma couleur préférée, mais bien au-delà de mes préférences, s’il faut choisir je dirais la rouge. C’est une couleur que tu portes merveilleuse bien. » Tâchant de se montrer convaincant, il lui laissa ensuite un peu d’espace pour qu’elle puisse se changer et achever sa petite préparation tandis que lui regagner le salon, puis la cuisine où il récupéra l’écrin pour le cacher dans la poche de sa veste. Et l’air de rien il s’en alla prendre place sur le canapé, attendant sagement sa belle.

Ce qu’elle entrevoyait de la vie lui plaisait, et c’était grâce à Asher. Là où d’autres trouveraient ennuyeux comme la pluie le fait de se lever chaque matin, d’aller travailler, de rentrer chez soi retrouver l’amour de sa vie, Kassandra vivait là un réel bonheur. Elle se sentait utile, elle se sentait aimée, elle ne se sentait pas contrainte et faisait les choses par pur plaisir et envie. Pour elle, le bonheur, c’était ça : être libre de faire les choses, parce qu’elle en avait l’envie ou le besoin, et non pas parce qu’on l’y contraignait avec un quelconque chantage moral ou de la contrainte physique. Elle se sentait également soutenue et encouragée par Asher, l’homme qu’elle aimait, et également par Lexie sa meilleure amie.

Conscience de cette chance qu’elle avait d’être libre, en vie, en bonne santé, aimée et capable de travailler pour subvenir à ses besoin, Kassandra savourait chaque jour que la vie lui offrait, chaque jour de liberté et de joie. Et ce soir-là était comme un petit bonbon, puisqu’elle avait la belle surprise d’entendre que son amoureux l’invitait au restaurant. C’était pour elle une vraie fête, là où d’autres encore seraient blasés. Mais pas Kassandra, non, elle, elle voyait du bonheur dans les moindres petites choses. Et ce restaurant n’était pas n’importe lequel puisqu’il était difficile d’avoir de la place au pied-levé ! Elle voulait être à la hauteur car elle avait compris que les gens se devaient d’être bien habillés, et par « bien », il fallait comprendre « d’une certaine façon qui fasse élégante », et non pas juste couvrir sa pudeur. Asher semblait moins regardant, mais Kassie voulait bien faire. Hors de question de reculer devant une paire de talons. Elle avait passé des heures à marcher dans toute la maison avec jusqu’à réussir à ne pas perdre l’équilibre. A présent, elle était parfaitement à l’aise avec plusieurs paires de chaussures de différentes hauteurs. Elle rit à la proposition de son « chevalier servant » comme il se plaisait à se nommer.

- Merci bien, brave chevalier !

La caméléone avait toutefois souligné dans le dialogue de son amoureux un certain contact avec Jarod. Il était son ami le plus ancien en quelques sortes et cela lui fit plaisir qu’Asher puisse l’apprécier un tant soit peu.

- Je retiens que vous vous parlez, et je trouve ça super chouette. Oh oui, invite-le à la maison !

Elle s’observa dans la glace de la salle de bain avant de sauter dans la douche.

- Ah oui, tu trouves qu’on se ressemble ? demanda-t-elle étonnée.

Profitant de l’agréable eau chaude qui la délassait de sa journée, Kassie laissait une pointe d’espièglerie agrémenter la conversation.

- Tes câlins sont fantastiques, mon coeur, mais je ne peux pas les comparer, je n’en connais pas d’autre, dit-elle en riant.

Puis, sortant de la douche salvatrice, l’échange de parole fut un peu plus sérieux, un peu moins léger, mais toujours aussi touchant. Elle qui n’avait pas été habituée à être autorisée à dire ce qu’elle pensait, trop longtemps brimée et même battue lorsqu’elle était, enfant, un peu trop rebelle et revêche au goût de Raines, Kassandra était reconnaissante envers l’homme qu’elle aimait de toujours faire preuve d’une telle compréhension, de tant de douceur, de gentillesse et d’encouragement à son égard. Elle lui sourit et le remercia du regard avant d’obtempérer et le laissa choisir la robe parmi les trois plus chic qu’elle avait.

- La rouge, très bien. C’est la couleur de l’amour et de la passion, tu le savais ? demanda-t-elle en laissa sa serviette sur le lit pour enfiler des sous-vêtements, et enfin la robe.

Elle rapporta la serviette dans la salle de bain qu’elle accrocha au porte-serviette, jeta un coup d’oeil dans le miroir puis arrangea ses cheveux avec deux ou trois coups de brosse, mit un peu de rouge à lèvres et ressortit.

- Voilà je descends ! lança-t-elle joyeusement à son amoureux qui, lui, était déjà en bas.

Elle enfila donc une paire d’escarpins noirs, et les voilà prêts à partir.

- Je peux conduire ? demanda-t-elle avec un grand sourire enfantin.

La caméléone ignorait d’où cela lui venait, mais elle adorait les voitures, la mécanique, et bien sûr conduire des voitures. Elle savait aussi qu’Asher avait tendance à être protecteur avec son cher pick-up, mais Kassie avait déjà prouvé qu’elle était apte à ne pas l’abîmer…
Qui serait au volant lorsqu’ils confieraient la clé au voiturier du Bellagio ?

C’était important, assez pour mettre les petits plats dans les grands et se donner la peine de faire quelques efforts pour sortir du quotidien. Asher aussi voulait bien faire, pas juste pour la forme, mais aussi (et surtout) pour Kassandra. Il voulait lui offrir la plus belle des surprises et se laissait prendre au jeu d’un semblant de vie parfaite. Et avec tout ce qui lui était tombé sur la gueule durant ces dernières années, il se sentait plus légitime que quiconque à prétendre au bonheur et plus encore à l’offrir à Kass qui elle aussi avait subi, si ce n’est plus que l’ancien militaire. Cette femme méritait tout ce que le monde pouvait offrir de meilleur, c’était incontestable. Elle irradiait de bienveillance et ce même après tout ce qu’on lui a fait subir. Et pourtant la jeune femme n’était pas emplie de colère et prête à tout pour obtenir vengeance. Non, elle voulait vivre sa vie tout simplement et venir en aide aux autres. On lui avait tout pris, mais elle voulait rendre au centuple. C’est tout bonnement incroyable, assez pour susciter l’admiration d’Ash qui se demandait parfois si vraiment il était digne d’elle, lui qui avait laissé la colère dicter une bonne partie de sa vie.

« - Je serais toujours ton chevalier servant » Et à bien y réfléchir, quoiqu'un peu désuète sur les bords, cette phrase sonnait juste, assez pour en faire un crédo. Et de ce fait, la place qu’il occupait au Centre, semblait être la meilleure des couvertures pour continuer à œuvrer dans l’ombre. « - Hum… » Il tâchait de revenir peu à peu dans la réalité, pour reprendre la conversation là où il l’avait laissé. « - Oui vous vous ressemblez un peu je trouve. Et je vais sûrement aller loin dans mon délire, mais je pense qu’il y a quelque chose entre lui et Mademoiselle Parker. Il m’a parlé d’elle quand j’ai évoqué le fait qu’elle t’avait tiré dessus. Et c’est là que j’ai cru que j’allais le frapper. Il cherchait presque à la défendre. L'espace d’un instant, j’ai eu la folle impression que c’était toi qui parlais de moi. C’est insensé hein ? » Et pourtant l’ancien militaire n’était pas loin d’une vérité qui dépassait tout le monde, y compris les personnes concernées. « - Enfin bref. On ferme la parenthèse Jarod pour ce soir si tu le veux bien? » Et c’est ce qu’ils firent pour ne penser qu’à eux ce soir. La magnifique demoiselle rejoignit alors leur chambre et se risqua à demander l’aide de son rustre pour choisir la robe qu’elle devait porter pour l’occasion. Le blondinet opta pour le rouge en arborant des arguments dont lui seul avait le secret mais qui firent sourire, comme à chaque fois, l’interne en médecine. « - Bien sûr que je sais que le rouge est la couleur de l’amour et de la passion. C’est peut-être aussi pour ça que je me suis laissé séduire plus facilement par cette robe tu ne crois pas ? De toute façon quoi que tu mettes Kassy, tu seras sublime et moi chanceux d’être aux bras d’une aussi belle demoiselle. » Le vil flatteur, après ce dernier compliment entreprit toutefois de mettre les voiles pour laisser un peu d’espace à sa compagne – et aussi accessoirement pour s’en aller récupérer l’écrin qui l’attendait dans l’un des placards de la cuisine.

La descente de Kassandra se passa de commentaires et le regard qu’Asher portait sur elle, en disait long sur son ressenti en voyant sa fiancée vêtue d’une robe rouge près du corps, assez pour flatter chacune de ses formes. « - Je pourrais hurler comme un loup devant la lune, tellement tu es belle. D'ailleurs, je suis assez content, j’ai bien choisi. » Sans plus attendre, il lui tendit son bras après qu’elle eut enfilé sa paire d’escarpins – puisqu'elle y tenait. – Et alors qu’il se pensait préserver d’une catastrophe, la demoiselle émit une dernière demande qu'il ne pouvait ignorer. « - Tu veux conduire ? Mon pick-up ? » Il hésita un court instant avant de souffler et de lui tendre enfin les clés de son sacro-saint pick-up. « - Ça c’est une belle preuve d’amour que je t’offre. » Et c’est ainsi, qu’ils quittèrent leur nid d’amour pour une sortie en amoureux dans l’un des restaurant le plus en vue de tout Blue Cove.

Si Kassandra était touchée et émue d’entendre Asher dire qu’il serait toujours son chevalier servant – après tout, personne, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, n’avait été aussi tendre et attentionné avec elle - , elle se crispa légèrement en entendant son amoureux évoquer Mlle Parker dont Jarod, d’après lui, était épris. Ravie de savoir l’homme de sa vie et l’un de ses amis les plus proches se rapprocher, entendre ce constat qu’elle-même avait pu faire, ne lui plut guère. Si la caméléone ne souhaitait du mal à personne, pas même à Parker, cette femme lui avait tiré dessus dans le but de la faire rester au Centre. La souffrance endurée quand la balle s’était logée dans son épaule avait été l’une des pires de sa vie et Kassie avait eu la peur de sa vie de ne pas pouvoir s’échapper. Elle en était venue, l’espace d’une seconde, à se demander si, dans l’éventualité où elle se ferait attraper par le Centre, elle n’en viendrait pas à tout arrêter. N’était-ce pas pire de vivre une nouvelle fois l’Enfer, quand on avait goûté au Paradis ? N’aurait-il pas mieux valu, dans ce cas, ne jamais quitter l’Enfer ?
La brunette hocha la tête quand son compagnon lui demanda de refermer la parenthèse Jarod. Il n’y avait rien à ajouter de toute façon. Tout ce qu’elle souhaitait à son ami, c’était de trouver le bonheur, tout comme avait réussi à le trouver en la personne d’Asher.
Le sourire revint sur ses lèvres lorsqu’ils discutèrent du choix de la robe. L’enseignant lui avait donc dit d’opter pour la rouge. Et visiblement il savait que c’était la couleur de l’Amour et de la passion. Kassie hocha la tête.

- Oui bien sûr, tu savais, excuse-moi. Vois-tu, moi je ne n’ai pas toujours su, expliqua-t-elle.

Elle rougit légèrement lorsqu’il lui dit qu’elle serait de toute façon sublime.

- Waow, tu n’y vas pas un peu fort ?

C’était un mot qui lui paraissait immense juste pour elle. Elle avait appris les notions de beauté quand elle avait lu le dictionnaire, et elle n’avait pas l’impression de rentrer dans ces critères-là. Bien sûr, avec de jolis vêtements, du maquillage et les cheveux arrangés, n’importe quelle femme était à son avantage, mais de là à employer de tels qualificatifs ! Pour elle, être elle n’était pas synonyme d’être belle, et elle se dit alors qu’Asher devait vraiment être très amoureux. Elle comprenait mieux l’expression « l’Amour rend aveugle ». Cette idée la fit sourire.
Elle acheva de s’habiller non sans prendre une étole pour cacher la peau marquée de cicatrices de son dos qui pouvait apparaître avec la forme de la robe, et rejoignit son prince charmant .

Kassandra se mit rire face à la réaction de son petit ami, puis finalement lui demanda d’un air mutin si elle pouvait conduire le pick up. Contre toutes attentes, Asher accepta et le regard de la brunette s’emplit d’étoiles tandis qu’elle saisissait les clés qu’il lui tendait, sautillant de bonheur.

- Merci mon coeur !

Elle alla se mettre derrière le volant, puis démarra une fois son cher et tendre à l’intérieur.
Le trajet ne dura qu’une vingtaine de minutes tout au plus. Kassie gara le pick up dans le parking du restaurant et rangea les clés dans son sac afin d’épargner les poches d’Asher. Puis elle prit son bras et ils entrèrent dans le restaurant où l’ambiance était absolument divine. Kassandra avait les yeux pleins d’étoiles et observait chaque détail de l’intérieur du Bellagio. En effet, tout semblait raffiné, les gens avaient tous fait un effort vestimentaire, de la musique douce et charmante se faisait entendre. Tout était sublimes et le sourire de la demoiselle ne désemplissait pas. Le serveur s’enquit de leur réservation et alla les installer rapidement.

- Comme c’est beau ! s’extasia Kassandra.

Il était certain que dans ce genre d'endroit, on ne servait pas de frites de patates douces.

Asher qui voulait pourtant bien faire – en allant jusqu'à sociabiliser avec Jarod – ne s’était pas rendu compte que la simple évocation de Mademoiselle Parker, avait presque aussitôt fait resurgir le souvenir désagréable d’une nuit qui l’avait été tout autant. Et puisqu'il n’avait pas toutes les informations en sa possession et qu’il avait œuvré de son côté, il était loin de se rendre compte à quel point le simple fait d’évoquer Mademoiselle Parker, pouvait être aussi douloureux pour la petite brunette. « - Mais ouais c’est une bonne idée on va fermer la parenthèse Jarod. » Une initiative qu’elle éprouva d’un hochement de tête. Après tout, rien ni personne ne devait venir mettre à mal cette soirée. Alors l’ancien militaire s’employa à dégainer dès à présent des sujets sans polémiques. Il joua même le jeu du choix de robe, optant pour celle en rouge, qui en plus de flatter la silhouette de la jeune femme, lui allait bien au teint et qui avait, semblerait-elle d’autres propriétés. « - Oui très chère, les couleurs ont un langage. Et comme effectivement le rouge représente l’amour et la passion, je me voyais mal te dire de prendre la robe noire. » Il lui offrit un clin d’œil espiègle avant de lui faire entendre à quel point elle demeurait sublime qu’importe la couleur. Un compliment qui eut pour effet de la faire rougir presque aussitôt. Elle n’était vraisemblablement pas au fait de sa beauté et douter d’elle, assez pour trouver le propos de son compagnon exagéré.

« - Non non et non ! Ce n’est pas trop fort. Après on te dira toujours que genre la beauté c’est subjectif. Peut-être bien, mais je mets au défi n’importe qui sur cette planète, de ne pas te trouver belle. On t'as rabâché tout pleins de conneries Kassy. On t’as rabaissé et déshumanisé quotidiennement. Je sais que tu manques encore de confiance et que parfois tu penses que j’exagère quand je te complimente. Oui je t’aime et oui je suis fou amoureux de toi, mais même sans tout ce tralala, je puis t’assurer que je t’aurai trouvé magnifique. Car tu es une très belle femme Kassandra. Belle, intelligence et talentueuse dans ce que tu entreprends. » Il acheva toutefois son soliloque pour lui laisser le loisir de terminer sa préparation. Il espérait l’avoir convaincu, assez pour qu’elle cesse au moins de douter des qualificatifs qu’il égrenait pour la complimenter.

Parés pour la grande aventure et après avoir laissé les clés à la jeune demoiselle, le couple quitta son nid douillet pour regagner le centre-ville de Blue Cove. Kass œuvrait derrière le volant en suivant les indications d’Ash qui continuait toutefois à l’observer du coin de l’œil. Il tenait à ce pick-up c’était indéniable et par habitude il lui était difficile de laisser le volant et ce même à Kassy. Toutefois et sans encombre, le pick-up rouge parvint à pénétrer le parking attenant au restaurant. Kassandra ferma le véhicule tandis qu’Asher réajustait sa veste sentant déjà le bras de sa fiancée saisir le sien. Il vérifia furtivement s'il avait encore l’écrin dans sa poche et si cela n’était pas trop visible puis ils pénétrèrent les lieux. « - Jarod connaît la propriétaire et il ne m’en a dit que du bien. » Et il est vrai qu’en observant les lieux et la décoration ô combien chaleureuse, il était facile de comprendre pourquoi l’établissement avait bonne réputation. « - Ouais c’est… sublime. Wow ! » Le serveur les conduisit sans attendre à leur place. Jarod avait contacté Lexa, il est vrai et il s’était bien gardé de faire savoir à Asher qu’il prenait en charge tout le repas. « - C’est la première fois de ma vie que je vais dans un resto aussi classe. » On leur apporta les cartes tout en leur dévoilant le menu du jour et les vins italiens mis à l’honneur. « - Tu veux du vin ? »

Kassandra ne s’était pas attendue à l’ardeur dans le propos de son fiancé quand il s’était évertué à lui faire comprendre qu’elle devait accepter ses compliments. Elle était toujours un peu gênée d’en entendre, parce qu’on ne l’avait jamais réellement gratifiée de ce genre de chose lorsqu’elle était au Centre. Autant elle se savait intelligente, elle avait rapidement compris que c’était à cause de cela, d’ailleurs, qu’elle s’était retrouvée ainsi prisonnière, autant l’aspect physique n’avait jamais été pris en compte. Pour tout dire, avant de sortir, elle avait à peine conscience de son reflet dans le miroir tant la beauté n’avait aucune importance. On ne lui avait jamais appris à assortir des vêtements puisqu’elle avait toujours les mêmes, une sorte de combinaison un peu semblable à celles des prisonniers. On ne lui avait jamais dit quelle coiffure allait le mieux avec son visage, on lui donnait des élastiques pour attacher ses cheveux ou on les lui coupait sans lui demander son avis, pour un côté pratique. Un fois, enfant, on lui avait rasé tout un côté du crâne pour mettre des électrodes. Et que dire du maquillage ? Elle avait découvert cela à sa sortie du Centre, fascinée par ce qu’elle voyait sur les affiches où, bien sûr, les couleurs étaient exagérées. Elle avait gentiment accepté d’être la cobaye d’une jeune maquilleuse qui s’entraînait dans une célèbre enseigne de vente de cosmétiques et parfums de diverses marques, et c’était cette jeune fille qui lui avait appris les bases et quelles couleurs allaient le mieux avec son teint et ses yeux. Kassie le faisait plus par amusement que par vanité, elle ne se trouvait pas jolie, personne ne lui avait jamais dit avant Asher. Ou peut-être ses parents, mais comme elle n’en avait aucun souvenir, pour elle, c’était inexistant. En tout cas, les mots d’Asher lui allèrent droit au coeur, si bien que pour une fois, elle ne savait plus quoi dire. Ce fut donc le souffle coupé par l’émotion qu’elle acheva de s’habiller, ravie à l’avance de passer cette soirée au restaurant.

Ce qui la ravit tout autant, ce fut que son amoureux accepte de lui laisser le volant. Elle savait que ça lui coûtait, mais elle savait aussi qu’elle était tout autant capable que lui de conduire cet engin, elle le lui avait déjà prouvé. Et puis ce pick-up était spécial pour elle, c’était le lieu où elle s’était réfugiée pour échapper au Centre, cachée à l’arrière sous une couverture. Ce souvenir la fit sourire avec nostalgie tandis qu’elle se garait.

Le restaurant était incroyable, Kassandra n’en avait jamais vu de tel ! Tout était beau et raffiné, la décoration, la musique, l’ambiance général, le personnel, les tables, tout ! Elle se dit qu’elle avait bien fait de mettre une robe et des talons, prenant conscience qu’être habillée autrement n’aurait pas été bienvenu.

- Moi aussi, répondit-elle en riant quand Asher déclara que c’était la première fois qu’il se rendait dans un restaurant aussi classe.

Pour la caméléone, c’était assez évident mais parfois elle avait tendance à l’oublier. Les cartes posées, le bel enseignant lui demanda si elle voulait du vin. Dans un tel restaurant, il fallait certainement en boire.

- Oui, pourquoi pas…

Elle essaya de se souvenir si elle avait un jour lu quelque chose sur les vins italiens, et parcourant la carte des yeux, aucun mot de fit « tilt » à sa mémoire photographique.

- Tu choisis alors, dit-elle en souriant.

Boire du vin, pour elle qui avait découvert l’alcool depuis seulement quelques mois. Elle savait qu’il ne faudrait pas excéder un ou deux verres afin de ne pas se retrouver saoule. Elle savait que les gens n’étaient pas eux-mêmes quand ils étaient en état d’ébriété, elle l’avait vu lorsqu’elle avait travaillé au dispensaire. Elle se demandait néanmoins pourquoi les gens faisaient cela. Franchir les limites, ce n’était pas drôle. On lui avait parfois fait franchir celles que son corps pouvait tolérer lors de simulations, si bien qu’elle s’était plusieurs fois retrouvée blessée ou en mauvaise posture, comme cette fois où elle avait fait une crise d’hypothermie quand elle avait été soustraire à la surveillance de Stanley.
Kassie préféra regarder le menu pour voir un peu ce que pouvaient bien être les spécialités italiennes. Tous ces mots terminant en « i », en « o » et en « A » l’amusèrent beaucoup et elle parcourait les noms et descriptifs avec un sourire non dissimulé.

- Cosa ci consigliate? demanda-t-elle au serveur avec un accent parfait.

Elle venait de lui demander ce qu’il leur conseillait, et le jeune homme souriant lui répondit en italien également.

On pourrait croire qu’après avoir fait la guerre, côtoyé la mort à de nombreuses reprises, que le fait de ne pas ressentir la douleur, faisait d’Asher Collins un homme dénué de peur. Mais non, la réalité était tout autre. Pour dire vrai, ce fut le cas durant de nombreuses années. La peur avait déserté sa vie, comme la sensation de douleur, sans qu’il ne soit capable de comprendre comment et pourquoi tout d’un coup il sortait des normes. A cela était venu s’ajouter la solitude et il est vrai que sans personne à ses côtés, ni but et sans le souci d’avoir quelque chose à perdre, Ash pouvait aisément faire quelques bras d’honneur à la peur. Oui, il ne craignait rien ni personne et n’avait de cesse de se marginaliser un peu plus. Mais tout ça c’était avant de croiser la route d’une jeune demoiselle qu’il s’apprêtait aujourd’hui à demander en mariage. Kassandra était tout pour Ash et en peu de temps, elle était devenue le centre de son univers. Avec elle, la vie avait une toute autre saveur et un sens qui plus est. Et si la douleur n’existait toujours pas, la peur de perdre Kassy était quant à elle présente. Et il y pensait quotidiennement sans jamais le laisser paraître. Le Centre représentait un véritable danger lui aussi, un de ceux que l’on ne peut ignorer. Une fois encore la peur toquait à la porte de l’ancien soldat qui en arrivait à se demander ce qu’il serait prêt à faire si le Centre lui enlever Kassandra ?

« Ma vie n’aurait plus aucun sens à nouveau. Sauf qu’après avoir ainsi gouté au bonheur, je ne pourrais pas supporter d’en être privé » Ces mots, il les avait tapés comme ça, un soir de pluie, attendant patiemment le retour de Kassandra. « Ma vie sans elle n’a pas de sens, pas besoin de tergiverser davantage. Et si on me l’enlève, je suis prêt à tout… » Il n’était jamais allé plus loin dans sa rédaction, mais avait toutefois conservé ces quelques mots sur le bureau de son ordinateur portable sous le nom de « trucs » et il avait assez confiance en sa compagne, pour se dire qu’il n’avait pas besoin de cacher ce fichier.

Les deux amoureux prirent donc la route et regagnèrent le fameux restaurant que toute la ville semblait s’arracher. Kassy qui maitrisait la conduite, parvint à se garer sans encombre. « - Ok ! J’ai compris. » Il devait le reconnaître et ce même s’il tenait un peu trop à son pick-up. La conduite de Kassandra était irréprochable. « - Je dois le reconnaître, tu sais conduire et je ne devrais donc plus rechigner à te confier les clés. » Et c’est sur cet aveu qu’ils s’en allèrent découvrir le Bellagio. Un restaurant qui si la décoration était notée, se verrait pourvoir de quelques étoiles. Jamais Ash n’avait fréquenté pareil établissement, il se sentait donc un peu restreint dans son costume, mais tâchait de ne rien laisser paraître pour ne pas mettre à mal l’enthousiasme de la brunette à ses côtés.

« -Même les chaises sont hypers confortables. » tenta-t-il toujours avec humour après lui avoir demandé si elle voulait prendre du vin. Demande qu’elle accepta avec le sourire obligeant son Asher à observer dans le détail la carte des vins. « - Je vais te faire une confidence. En fait c’est Jarod qui s’est proposé de … » Il se tue pour observer les lieux, comme si tout d’un coup il se sentait observé « - … Il s’est proposé de tout payer. Donc je me disais que l’on pourrait éventuellement se lâcher gentiment. Et je dis ça parce que la plupart des bouteilles présentes sur cette carte, sont à un certain prix… » Un serveur s’approcha alors tout sourire du couple sûrement pour s’enquérir de leur commande. Et avant même qu’il n’ouvre la bouche, la caméléone le devança et commença à faire entendre des mots en italien, qui bien sûr n’avaient aucun écho auprès du bourru monsieur Collins qui vit ensuite le serveur répondre lui aussi en italien. Ainsi ils échangèrent, laissant sur le carreau ce pauvre Ash qui ne connaissait de l’Italie que les pattes et les pizzas. Puis après quelques secondes, le serveur esquissa un dernier sourire, récupéra les cartes et s’éloigna.

« -Euh… Je n’ai rien contre la VO, mais je préfère le sous-titre. Qu’est-ce que tu … Attends déjà depuis quand tu parles italien ?

Kassie était si heureuse de se trouver au Bellagio avec Asher. Elle l’aurait été n’importe où du moment que son homme y était aussi, mais si l’on ajoutait le fait d’être dans un restaurant et donc en extérieur, plus ou moins, son bonheur était entier. Leur table était près d’une baie vitrée où ils avaient tout le loisir d’observer les lumières des décorations extérieures tout en profitant de l’air frais de l’intérieur climatisé, la douceur de son éclairage et de sa musique. Et le confort des chaises, comme l’avait souligné avec humour Asher. Kassandra ne put que hocher la tête en riant de bon coeur. Il ne se doutait sûrement pas d’à quel point il avait raison, car sa compagne avait connu bien moins confortable. Puis, l’ancien militaire devenu enseignant se pencha pour lui faire une confidence. Au début, elle pensait qu’il allait encore plaisanter, mais il semblait tout à fait sérieux.

- Tu plaisante ? C’est encore du second degré c’est ça ?

Visiblement non, il était sérieux. Avant de sortir du Centre, la caméléone ne comprenait encore très bien cette importance qu’avait l’argent dans cette société, mais en devant travailler pour le gagner, elle comprit rapidement que, hélas, c’était ce qui faisait tourner le monde et qu’il n’était pas facile d’en gagner assez pour se permettre des petits loisirs payants si souvent qu’on le voudrait.

- Tu crois que c’est raisonnable ?

Puis elle songea que Jarod était dehors depuis plus longtemps qu’elle, et que s’il proposait, c’était qu’il pouvait se le permettre.

- OK… Mais on n’exagère pas, d’accord ? On fait pas comme au dinner la première fois que tu m’y as emmené et qu’on a pris un exemplaire de tout ce qu’il y avait sur la carte.

Le serveur était ensuite revenu vers eux pour s’enquérir de leurs choix ou questions, et sans s’en rendre compte, Kassie avait échangé avec lui en italien. Le jeune homme avait suggéré le menu dégustation du jour qui permettait de découvrir plusieurs plats et cela semblait parfaitement adéquat. Il avait récupéré les cartes et s’était éclipsé tandis que le bel Asher s’étonnait.

- Quoi ? répondit-elle en riant. Tu te moques de moi, je ne parle pas italien. Menu dégustation, c’est de l’italien ?

Puis elle réalisa que les mots qu’elle avait prononcées n’étaient effectivement pas les mêmes. Elle perdit son sourire amusé, songeant qu’elle en avait même oublié les langues qu’elle parlait. A moins que…

- J’ai dû… j’ai dû l’apprendre là-bas… je crois. Je me souviens pas, avoua-t-elle un peu penaude.

Elle se demanda alors quelles autres compétences elle avait pu acquérir sans s’en rappeler.

- Promis, je ne te parlerai pas en italien. Je sais pas pourquoi j’ai fait ça. Peut-être le contexte… Excuse-moi mon amour.

Le serveur arriva avec un apéritif et quelques amuses-bouches à base d’olives et de tomates avant de les laisser seuls de nouveau.

Les étoiles plein les yeux, la demoiselle se muait en l’enfant qu’elle était restée au grès des années. C’était si beau et attendrissant à la fois, comme la promesse d’un nouveau jour qui se lève, avec la perspective de découvrir encore de nouvelles choses. L’imagination n’avait plus de frontières avec Kassandra, n’était-ce pas là que résidait la magie ? Asher lui avait cessé d’en être un, allant jusqu’à se demander s’il l’avait été un jour. Sa vie, du moins les premières années, étaient semblables à un immense puzzle et il lui manquait encore tant de pièces pour comprendre et voir paraître le motif de ce puzzle. Mais pour l’heure, il préférait s’oublier totalement pour se concentrer sur Kassy et lui offrir tout ce dont il avait été privé, de l’amour. Il avait donc mis les petits plats dans les grands et fait ce qui lui semblait être correct.

Le couple avait donc rejoint le restaurant et la table qui leur été réservé par les bons soins de Jarod. Asher n’en revenait toujours pas d’être dans un tel endroit et quelque part, il se sentait un peu privilégié tout ça grâce au caméléon – en partie – Et même si ça l’embêtait de le reconnaître tout haut, il appréciait la démarche et lui était redevable en un sens.

« - Ah non du tout, ce n’est pas du second degré. Ton pote Jay-Jay connaît du beau monde de toute évidence. » Il la sentit toutefois légèrement mal à l’aise, comme si le fait de profiter un peu, la déranger. Et il est vrai, qu’ils n’avaient pas la même notion de l’argent et si pour Ash cela n’était pas un problème de se lâcher un peu, pour Kassandra c’était une toute autre histoire. « - Tu crois vraiment que si ce n’était pas raisonnable, il me l’aurait proposé ? » questionna l’ancien militaire bien décidé à faire taire la culpabilité qui venait d’assaillir Kassandra qui après quelques secondes de flottement, sembla se raviser, bien qu’étant encore un peu sur la réserve. C’était une petite victoire dont Ash saurait se contenter malgré tout.

« - Promis, pas de démesure. Et puis au dinner ça n’était pas pareil. Déjà c’était pour la bonne cause. Il me paraissait essentiel de te faire découvrir toutes ces choses merveilleuses que sont les burgers, les milkshakes et j’en passe. Et puis je dois admettre que c’était abordable. Là je doute qu’on s’en tire avec une addition à deux chiffres. On va rester sobres, promis. »

Asher, fut ensuite surpris de constater que sa fiancée parlait italien, avec tant d’aisance et ce même s’il n’était question de quelques mots. Il fut d’autant plus abasourdi lorsqu’elle lui confessa ne pas parler la langue de De Vinci. « - Non attend tu me charries Tu as échangé avec le serveur et il avait l’air de saisir tout ce que tu lui disais. » Si le sourire perdurait sur le visage avenant de l’ancien militaire, Kassy elle sembla gênée l’espace d’un instant.

« - Hey ! Déjà on va commencer par les bases. Pas d’excuses. Et puis moi je trouve ça cool que tu sois capable de parler plusieurs langues. Ça m’impressionne et j’aime quand tu m’impressions. » Il lui saisit alors la main et lui sourit alors que le serveur revenait à leur table pour y déposer appétitif commandé et ce qui allait avec. « - Merci ! » se permit l’enseignant de l’ICP alors que déjà le serveur repartait.

« - Alors portons un toast ! Je vais te servir avant pour que tu me dises si tu aimes. » Il prit son verre et y versa un fond de vin avant de le lui tendre. Il en fit de même avec son verre. « - À nous deux et à cette soirée pleine de surprise ! »

Être dans ce restaurant magnifique avec le non moins magnifique Asher Collins qui faisait battre son coeur, au sens figuré bien entendu, était magique pour Kassandra. Elle était sure de passer une belle soirée, comme tous les moments qu’elle partageait avec cet homme qui, en plus d’être son sauveur et celui qui lui avait fait découvrir les frites de patates douces, était aussi celui qui lui avait appris ce qu’était l’Amour. Elle fut des plus surprises d’apprendre que Jarod et lui se parlaient, alors que le professeur de sports de combat avait maintes fois laissé entendre ses réticences envers l’autre caméléon. Kassie fut donc ravie de constater à demi-mot qu’il avait changé d’avis. Elle-même avait longtemps été en colère après Jarod mais elle avait fini par comprendre et pardonner.

- OK, alors on a un deal. On accepte son invitation, mais on reste raisonnables. Ça me va.

Le souvenir de ce repas gargantuesque au dinner à l’américaine la fit sourire. Elle qui n’avait, du moins dans son souvenir, jamais mangé de burgers ou de frites, Asher lui avait fait goûter toute la carte, y compris les dessert, si bien qu’elle en avait eu mal au ventre pendant deux jours. Mais c’était une belle découverte, et ils avaient désormais leurs petites habitudes, notamment celle de commander des frites de patates douces, que Kassie avait adoré.

Et là, au Bellagio, la caméléone découvrit qu’elle parlait italien. Son cerveau était visiblement encore plein de ressources qu’elle-même ignorait. Elle en déduit qu’on l’avait conditionnée au Centre à apprendre des langues étrangères. Elle avait du mal à se souvenir de quand ou de pourquoi. Quelle simulation avait pu se dérouler en langue italienne. Ça l’ennuyait de ne pas réussir à se rappeler, elle avait l’impression qu’on lui avait volé des morceaux de sa mémoire, comme si on avait retiré des disquettes d’un vieil ordinateur. Elle soupira quand Asher lui rappela qu’elle ne devait pas s’excuser, puis sourit de nouveau en l’entendant dire qu’il était impressionné.

- Ah oui ? Bon… Je propose qu’on essaie des restaurants de toutes nationalités pour voir quelles autres langues je parle ? lança-t-elle avec humour.

Entre temps, le serveur était revenu leur apporter le vins et les amuse-bouche.

- Merci, dit Kassandra en choeur avec Asher.

L’ancien militaire la servit avant que le serveur ne puisse le faire, et ce dernier s’éclipsa alors. La jolie brune observa le liquide au fond de son verre, il avait une belle couleur. Elle avait lu quelques articles sur la dégustation du vin et constatait que celui-ci était de grande qualité rien qu’à voir comment lui se comportait sur les parois du verre. Elle goûta donc une gorgée comme son amoureux le lui avait demandé.

- Très bon et fruité aussi.

Une fois qu’il s’était servi et qu’il avait achevé de remplir le verre de sa petite brune, ils trinquèrent.

- A nous et à cette soirée pleine de surprise, répéta-t-elle avec un sourire amusé.

Elle reprit une gorgée se délectant du goût si particulier du vin, puis observa les petits canapés avec curiosité.

- Il y a de jolies couleurs. Je crois que c’est de la courgette et de la tomate là. Et là des olives ? Je ne savais pas qu'il y en avait des vertes !

Elle en prit un qu’elle porta à sa bouche pour y goûter. Ses yeux se mirent à pétiller.

- Hum, il faut que tu goûtes ! dit-elle en lui tendant l’autre moitié du canapé.

Certes Jarod n’était pas le meilleur ami d’Asher et à en juger par le caractère de l’ancien militaire, il était fort peu probable que cela change. Asher était un solitaire par nature et ce même en étant avec Kassy, sa propension à se faire des amis, était la même ( nulle.) Mais, il ne pouvait nier que, passé outre une jalousie qui n’avait lieu d’être, il lui était redevable d’avoir sauvé Kassandra. « - J’accepte le deal. Et puis peut-être que ça l’incitera à nous inviter encore si on se tient tranquille. » Il marqua une pause, avant de comprendre, au vu de l’expression qui prenait vie sur le visage de sa compagne, qu’elle adhérait moyennement. « - Je plaisante. Nous allons être raisonnables. Jay jay n’a rien à craindre. » Mais être raisonnable signifiait-il se contenter de peu de choses ? Pourraient-ils au moins se payer une salade pour combler une éventuelle fringale ? Une appréhension réelle pour l’estomac sur pattes qu’était et demeure Asher Collins. « N’oublie pas l’essentiel Ash. La bague qui traine dans ta poche. Focalise-toi là-dessus au lieu de te prendre la tête pour rien. »

Le Bellagio n’en demeurait pas moins un magnifique restaurant, à la décoration raffinée et à l’ambiance chaleureuse. Quelques notes de piano résonnaient encore aux oreilles des clients, conférant à l’atmosphère une ambiance des plus romantiques, en parfaite adéquation avec l’instant prompte à la découverte. Et pour cause, Kassy se découvrait de nouvelles facultés linguistiques. D’abord ébranlée par la découverte, la jeune femme fut vite rassurée par son compagnon qui n’avait pas son pareil pour éloigner les sujets fâcheux.

« - Et puis t’avoir c’est tout aussi pratique que d’avoir Google traduction. » Devant le sérieux de la demoiselle, il tâcha de modérer son second degré, mais de toute évidence, il en fallait bien plus à Kassandra qui à son tour, arbora la carte de l’humour en proposant à son compagnon d’aller essayer tous les restaurants proposant de la cuisine étrangère, histoire de voir combien de langues elle pouvait se targuer de parler. « - C’est le genre de deal que j’accepte sans négociation. Il va donc falloir que l’on mène nos petites recherches. On sait déjà qu’il y a au moins un resto italien à Blue-Cove. On a plus qu’à prier pour que ça soit bon. »

Si pour l'instant ils ne pouvaient juger la cuisine, Kassy et Ash pouvaient donner un premier avis sur le vin que l'ancien militaire se fit un plaisir de servir dans les verres à disposition. « - J’ai lu quelques trucs sur la dégustation du vin. Déjà il faut faire confiance à ses sens. Ça commence par la vue, ensuite le nez et enfin la bouche. » Il prit son verre en main et fit mine de l’observer.

« - Bon je passe les étapes ! » Impatient qu'il était, il grilla toutes les étapes de la dégustation pour ensuite venir entrechoquer son verre contre celui de sa charmante compagne qui elle aussi avait passé les étapes rébarbatives de la dégustation d’un vin en bonne et due forme. « - Oui, à nous deux et à cette soirée pleine de surprise. » Tout sourire, il la regarda observer le plateau sur lequel trônaient de petits canapés qui leur faisaient de l’œil depuis leur arrivée.

« - J’avoue que les couleurs donnent envie d’y goûter. Je suis sûr que le rouge , c'est à la tomate. D'ailleurs, comme je ne manque jamais de courage, je me porte volontaire pour tester. » Ce qu’il fit sans se faire prier tandis que Kassy en attrapait un de son côté. « -Tomate parmesan ! C’est à tomber par terre. Tiens ! » Il lui fit gouter sa trouvaille tandis que la jeune femme lui faisait gouter la sienne. « - Hum c’est vrai que c’est délicieux ! » Et ils continuèrent à se partager chaque canapé, heureux de découvrir ensemble de nouvelles saveurs.

« - J’ai envie d’une pizza tout d’un coup ! » fit-il entendre lorsque le serveur revint à leur table. Tout sourire face à tant d’entrain, il lui fit part de la suggestion du jour « - Et bien va pour une pizza à la Napolitaine ! » L’homme s’enquit ensuite de la commande de la jeune femme et s’en alla une fois contenté, tandis qu’Asher mettait la main dans sa poche pour récupérer l’écrin qu’il garda en main, sous la table.