On était passé à un cheveu, un cheveu de récupérer les deux caméléons échappés. Ces idiots, pourtant dotés d’une intelligence pourtant incroyablement supérieure à la moyenne, s’étaient jetés dans la gueule du loup. Et ils avaient libéré l’un d’entre eux. A ce train, le Centre ne disposerait bientôt plus de suffisamment de caméléons pour ses expériences, ce qui, je devais le reconnaître, me passait au-dessus, mais pire que tout, plus la liste des évadés s’allongeait et moins vite je pourrais recouvrer ma liberté. Mon contrat ressemblait plus à un enchaînement à vie qu’à un CDI. Dire que j’avais réussi à toucher Kassandra à l’épaule, j’aurais pu la choper, mais non, cette petite fouine avait réussi à s’enfuir avec le gamin, et le pire dans tout ça, c’était qu’une des élèves de l’Institut qui portait le nom de ma mère avait été témoin. J’étais remontée comme jamais, j’étais folle de rage et je soupçonnais quasiment tout le monde. Sûrement un peu de paranoïa due au stress et au sentiment d’échec dont je n’avais pas l’habitude et que je détestais avoir. Je sortais du bureau de mon père. Il était furax, et pour cause, la Tour lui demandait des comptes, et par conséquent, il m’en demandait. On passait vraiment pour des bras cassés, mon équipe et moi, cela me rendait folle. Il nous fallait un plan d’action et vite. Ça et Jarod qui me narguait par message, j’étais vraiment énervée. J’entrai donc dans le bureau de Sydney, sans frapper comme à mon habitude, laissant la porte claquer derrière moi. J’avais une cigarette au bec, comme souvent, et mon rapport sur cette fameuse soirée où nous nous étions faits berner comme des bleus… On voyait bien que je n’étais plus chef de la sécurité…
- Sydney ! lâchai-je avec une voix pleine de mécontentement. J’ai besoin de vos lumières. A votre avis, est-ce qu’ils vont recommencer à se pointer dans la gueule du loup ? Est-ce qu’on devrait faire une réunion avec Stanley ?
Stanley Goodman qui avait été le précepteur de Kassandra.J’étais, sans le montrer, assez désespérée. J’en avais ma claque, un an que je coursai Jarod, six mois que Kassandra s’était ajoutée à la « liste », et maintenant le gamin Caël… Est-ce qu’on allait avoir droit à une évasion tous les six mois ? Je lâchai sur le bureau de la préceptrice de Jarod le dossier en question avec mes notes et espérait qu'elle pourrait trouver des idées.
(c) DΛNDELION
Trust can kill you or set you free...
Dernière édition par Mlle Parker le Ven 19 Juin - 5:37, édité 3 fois
J’étais passablement énervée… comme bien souvent, il fallait le reconnaître, lorsque je devais travailler jour et nuit, et c’était mon cas depuis environ un an, depuis que j’avais, comme une idiote, accepté de traquer un caméléon… pour me retrouver avec deux sur les bras au bout de six mois, et maintenant un troisième. Se pouvait-il réellement qu’un de ces dégénérés s’évade tous les six mois ? Quel était cet algorithme infernal qui sévissait au Centre ? Je rejoignais donc Sydney dans son bureau qui m’accueillit avec sa face doucereuse et ce sourire en toutes circonstances que je ne supportais pas quand j’étais dans un tel état de nerfs. Comment faisait-elle pour avoir toujours l’air aussi calme quand la situation était critique ? Elle l’était, bon sang ! Sa question m’énerva d’autant plus. Comment pouvait-elle m’aider ? En faisant son boulot !
- Oh je ne sais pas… Peut-être en m’aidant à cueillir des fraise ? commençai-je avec une voix aussi doucereuse et ironique que la sienne. Ah non, ce sont des caméléons que nous devons cueillir ! ajoutai-je aussitôt avec plus de dureté dans la voix.
Je soufflai bruyamment en m’asseyant sur la chaise en face d’elle, nous étions donc séparées par son bureau sur lequel j’avais posé le dossier de mon rapport sur cette fameuse nuit, qu’elle n’avait même pas regardé. M’avait-elle seulement écoutée quand j’avais demandé si nous devions convoquer l’autre précepteur. Grand dieu, ce n’était pas le jour de m’agacer encore plus. Je tirai sur ma cigarette, libérant mes deux mains pour pousser le rapport vers elle. Après tout, j’avais été là, pas elle.
- Lisez. C’est vous la psy ! Ça vous inspire quoi ? Qu’est-ce qu’on doit faire selon vous ? Ils ont déjoué le nouveau système de sécurité. Quel est votre conseil d’expert ?
Je repris ma cigarette entre mes doigts pour faire tomber un peu de cendre au sol. Evidemment il n’y avait pas de cendrier sur son bureau… J’étais surprise qu’elle n’y ait pas pensé, vu le temps que je passai ici à essayer de lui tirer les vers du nez.
- J’en ai ma claque de leurs petits jeux. Vous avez l’air de prendre tout ça à la légère, Sydney, mais je vous rappelle que nos têtes sont dans le viseur. Que croyez-vous qu’il va se passer si on continue à enchaîner les échecs ? Personnellement, je n’ai pas tellement envie de le savoir. Je suis certaine que vous avez une petite idée de comment Jarod fonctionne, depuis le temps que vous l’étudiez. Et Stanley Goodman, quel nom à la con, est-ce qu’il vous a parlé depuis ce soir-là ? A-t-il dit quelque chose sur Kassandra ? Et sur Caël ?
(c) DΛNDELION
Trust can kill you or set you free...
Dernière édition par Mlle Parker le Ven 19 Juin - 5:36, édité 2 fois
J’avais parfois du mal à comprendre Sydney, la suivre. Non pas qu’elle m’endormait avec son charabia de psy, ça, y avait longtemps que je ne cherchais plus, mais j’avais bien souvent l’impression que chaque fois que Jarod nous filait entre les doigts, elle en était fière. Est-ce que Stanley Goodman était pareil ? Sincèrement je n’espérais pas parce que si, au moment où j’irais le cuisiner, il m’affichait cette même mine de parent super fier de son marmot qui a enfin fait caca sur pot, je ne répondrais plus de mes actes ! J’en avais plein le dos de cette mission à la con, je ne parvenais toujours pas à comprendre comment un établissement tel que le Centre avait pu subir non pas une, deux , mais bien trois putain d’évasions ! C’était impensable.
- Je ne vous demande pas de conseil sur des techniques de capture, Sydney ! soupirai-je en insistant sur son prénom.
Oui, j’avais vraiment l’impression qu’elle me menait en bateau.
- Dites-moi une chose, Sydney, demandai-je en m’accoudant contre son bureau. Comment une psychiatre de talent telle que vous, qui suis son poulain depuis sa plus tendre enfance, a-t-elle pu se faire berner à ce point ?
Mon regard se fit insistant et s’était planté dans le sien avec un air légèrement provocateur. C’est vrai quoi, on pouvait aisément douter de ses capacités, ou alors de sa dévotion envers le Centre.
- Donc votre conseil, si je comprends bien, c’est d’attendre sans rien faire que l’un d’eux se plante et se fasse un peu trop remarquer ?
Je me mis à applaudir bruyamment mais au ralenti.
- Quelle idée de génie Sydney, vraiment !
Puis, je commençais à poser des questions sur Goodman. Après tout, les deux derniers dégénérés étaient sous sa coupe tour à tour.
- Et avant le dernier, est-ce qu’il avait paru suspect pour l’évasion de Kassandra ? J’ai besoin d’info avant d’aller le cuisiner. Donnez-moi un os à ronger Sydney, un petit effort que diable !
C’était épuisant, j’avais parfois l’impression d’être la seule à travailler d’arrache-pied pour qu’on puisse enfin tous passer à autre chose. A croire que son petit protégé ne lui manquait pas ou quoi ? Il me vint soudain une idée. Plutôt que d’aller questionner Stanley, peut-être que si j’allais m’occuper du cas de Mélanie, sa nouvelle protégée, ça lui donnerait un comportement suspect, ou peut-être que la gamine saurait me donner des infirmations qui me faisaient défaut présentement ? Là, il fallait mettre les bouchées doubles, j’étais dans une impasse et il fallait que mon équipe et moi puissions donner quelque chose à la Tour.
(c) DΛNDELION
Trust can kill you or set you free...
Dernière édition par Mlle Parker le Ven 19 Juin - 5:36, édité 1 fois
J’avais parfois du mal à cerner Sydney. Vraiment. Elle avait beau être psychiatre, celle qui analysait les autres, elle n’en demeurait pas moins celle qui était la plus difficile à cerner dans l’équipe, du moins, c’était mon point de vue. Moi, j’étais toujours claire dans mes intentions et mes objectifs, je ne laissais jamais de place à l’ambiguïté de mes propos ou faits. Mais ma collègue préceptrice, je ne la trouvais pas aussi claire que ça. Elle n’avait pas l’air de prendre au sérieux la menace qui pesait sur nous si nous tardions un peu trop à ramener au bercail les brebis égarées. Je vins donc à lui poser une question qui me brûlais les lèvres depuis des mois et qui, dû à mon exaspération, sortit. Pourquoi, comment avait-elle pu passer à côté d’un plan d’évasion qui avait sans doute mis des mois à se préparer dans la tête de son petit protégé ? L’intelligence supérieure, ben voyons, elle était un peu facile cette excuse. Je me contentai de hocher la tête en soufflant un gros nuage de fumée. A son tour, Sydney me demanda mon idée et j’avais presque l’impression qu’elle me défiait. Je souris d’un air carnassier en me penchant un peu vers elle.
- Oh nous sommes complémentaire, je n’en doute pas. Mon idée ? La voilà : je pense qu’ils sont restés à Blue Cove. Jarod nous a fait faire un tour du pays depuis des mois, mais j’ai comme l’impression que depuis sa petite virée avec sa copine de cavale, le troupeau est resté près de la bergerie. J’ignore pourquoi, c’est à vous de me dire s’ils ont un petit syndrome de Stockholm à exploiter, mais en tout cas, j’ai fait envoyer leurs photos à tous les trois : Jarod, Kassandra et Caël, aux centres de sécurités des aéroports, gares et gares routières. Ils doivent m’appeler si l’un d’eux ou tous les trois se pointent. Ce n’est toujours pas le cas. Donc pour moi, ils sont toujours en ville.
Je tirai une nouvelle fois sur ma cigarette avant de reprendre, de la fumée sortant de ma bouche à mes paroles.
- Si je m’écoutais, je ferais fouiller chaque habitation de la ville. Vous avez une idée pour mettre en œuvre un système de fouille ?
J’étais assez frustrée de constater que Sydney n’avait rien de plus à me dire sur son collègue Goodman. Quoi, ils ne discutaient pas entre précepteurs, de leurs précieux petits génies ?
- Allons, ne me dites pas que vous n’êtes pas en bons termes avec Stan G ? Vous ne faisiez pas des réunions pour comparer les QI de vos petits protégés ?
J’aurais bien aimé qu’elle ait des choses à me dire avant que j’aille interroger Goodman… Puis je la vis poser sa main sur un carnet.
- Qu’est-ce que c’est ? demandai-je, curieuse avant de furtivement brandir ma main libre pour attraper le carnet.
J’avais parfois l’impression que cette chère Sydney me prenait pour une cruche, qu’elle se jouait de moi, mon sixième sens n’était pas serein avec elle. Et cette fois-là en faisait partie. Pourtant, elle jouait à merveille la comédie, feignant ne pas comprendre ou ne pas abonder dans mon sens quand j’expliquais que j’avais l’impression que les déglingués du bocal étaient à Blue Cove.
- Surprenant ? Vous vous fichez de moi, ma chère Sydney ? Récapitulons… L’enlèvement du gosse sous notre nez dans les sous-sols, puis la présence de Jarod au pic-nique… Je l’ai vu et je vous ai appelé pour que vous m’aidiez, vous n’avez rien fait. Parfois je me demande si vous voulez vraiment qu’on les ramène… Ou peut-être pensez-vous protéger votre cher Jarod en faisant cela ? Mais au contraire, plus on attend et plus sa vie est en danger, parce que si ce n’est pas moi qui le ramène, quelqu’un d’autre se chargera de sa traque et quand nos boss en auront marre de se faire mener en bateau, ils décideront que finalement ces caméléons ne sont plus utiles et ils tireront à vue. Ce n’est pas ce que nous voulons, n’est-ce pas ?
Et par « nous », j’entendais « vous » ! Puis, je me mis à rire.
- Qui parle de mettre la ville à feu et à sang ? Il suffit d’ouvrir l’oeil et le bon. Et par là, j’entends frapper aux bonnes portes. Je suis certaine que le Centre corrompt d’autres personnes que le charmant maire Washington, n’est-ce pas ? Il me faudrait une liste de ceux à qui on peut plus ou moins demander des services.
Elle évoqua alors Novàk et je dus reconnaître que l’idée de faire appel à la Division n’était pas mauvaise. Je hochai la tête lentement d’un air pensif. - C’est une idée…
Mon attention avait été attirée par ce cahier qu’elle tenait fermement et qu’elle ne m’avait pas laissé attraper. La chipie ! Voilà qu’elle jouait sur les mots. Je plantai mon regard d’acier dans le sien. - Eh bien, on devient possessive. Néanmoins, tout ce qui se passe au Centre appartient au Centre. Même les coloriages de votre cher Jarod. Par ailleurs, ce n’est pas très professionnel pour une psychiatre de s’attacher à un patient, je me trompe ?
Bon, au moins m’avait-elle donné une piste, une bonne idée. Plutôt que d’aller enquiquiner ce mou du genou de Goodman, j’allais plutôt collaborer avec Novàk !
- Je vais à la Division Sydney, si vous avez du nouveau, appelez-moi immédiatement.
Sans attendre, je soufflai un dernier nuage de fumée en sa direction avant de me lever et de quitter son bureau. On avait du pain sur la planche, il fallait agir.