✓ Tu parles de toi au masculin et au féminin. Si physiquement tu es une femme, tu as cessé de te définir intérieurement comme ça. Tu n’es rien qu’un tas de cendre, et c’est déjà beaucoup pour toi.
✓ Tu mens comme tu respires. Les rêves de ton enfance, l’innocence de tes jeunes années, tu as réinvesti tout ça pour parfaire tes facettes.
✓ Tu adores la pluie, le bruit des gouttes sur le métal, l’odeur de l’eau orageuse sur le sol chaud, la sensation que ça lave de toutes tes pensées.
✓ Tu cultives et travailles ton physique, ton corps fin, fragile, ton visage pâle, tes cheveux qui sont souvent une gêne. Tu veux incarner la fragilité et la douceur pour rassurer les gens. Pour éviter de devoir t’en prendre à eux.
✓ Tu n’as jamais tué. Cette perspective t’effraie même si tu fanfaronnes pour dire que toi, tu n’as pas besoin d’arriver à ces extrémités pour t’en sortir.

Ton histoire est aurait dû être un conte de fées. Tu étais née dans l’amour de parents qui venaient de se rencontrer, qui étaient prêts à avoir une belle et longue vie ensemble. Pas forcément attendue à cet instant, ils avaient ouvert leur cœur à la nouvelle d’une grossesse aussi rapide.
Tu étais née le jour de l’été, et on t’avait offert le prénom de Désirée. Ta famille installée dans un quartier de Philadelphie t’avait offert le début d’une histoire que tout le monde présageait de normale, quoiqu’heureuse.

Enfant, tu fus une petite fille pleine de vie, riant à grand éclat et toujours prête à sortir et à se promener. Ta mère était artiste peintre et tu tombas aussi rapidement dans l’art. Ton père travaillait en ville, pour assurer la vie de ses deux femmes. Et tu évoluais dans un quartier calme, sûr et où d’autres enfants grandissaient en même temps que toi.

Tu avais 5 ans, la première fois qu’il y eut une dispute entre tes parents. Tu avais été expédiée en triple vitesse dans ta chambre et tu n’avais pu qu’écouter les paroles des adultes à travers la porte de ta chambre rose et décorée. Tu avais 5 ans, tu n’en compris pas un mot, mais quelque chose changea ce jour-là. Les cris, le soir, devinrent petit à petit habituels. Les années passant, ta mère s'épuisa et tu commenças à mettre des mots sur ce qu’il se passait. Tes parents étaient fatigués, et ta joie de vivre ne suffisait plus pour les ressourcer.

Tu redoublas de vigueur les années suivantes. Fille modèle, première en classe, obéissant à tous les ordres, débrouillarde, silencieuse, intelligente. Rien n’y fit. Tu voyais leur couple prendre l'eau et tu n’en parlas à personne. On te l’avait expressément demandé. Et si le mot d’ordre dans la maison était « aucun mensonge sous ce toit », il y a avait une entorse à ce principe : celui de ne rien dire sur ce qu’il se passait entre tes parents.

C’est à 9 ans qu’un matin, tu découvris que ta mère était partie. Comme ça, sans un mot, sans affaire, sans ses papiers. Elle avait juste disparu et elle ne t’avait même pas emmenée avec elle. Ce jour-là, tu vis ton père furibond briser deux portes et partir en ville. Il ne revient que 48h plus tard. Les voisins étaient venus te demander si tout allait bien et tu avais hoché la tête avec ce sourire doux qui était le tien.

3 ans. C’est ce qu’il fallut à ta vie déjà branlante pour devenir un cauchemar. Sans ta mère, ton père coula. Sa colère se retourna sur son boulot, sur la maison, et par effet de bord sur toi. Il ne t’avait jamais touchée, mais la pression était invivable. Tu étais devenue muette dans ta propre maison, un fantôme qui évoluait à côté d’une tornade en perpétuelle progression. 3 ans. Tu tins comme ça 3 ans, sans que personne ne se rende compte de rien.

C’est à l’Église que le drame se passa. Tu venais de passer ta première communion et les mots du prêtre te firent longuement réfléchir. Tu avais pour principe de ne pas mentir, mais tu étais capable de te rendre compte que ta vie était un énorme tissu de fables et de détournements. Ce soir-là, tu tentas d’en parler à ton père, parce que tu n’avais personne à qui t’adresser. Ce fut la première vérité qui brisa ta vie.

Le lendemain, le dos en sang, la dignité en morceau, le corps déchiré, tu quittas à ton tour la maison. Seconde vérité. Tu annonças au prêtre de ton Église ce que ton père t’avait fait. Le sable dans l’engrenage, tout se mit à déraper. On te retira au foyer parental, on ne retrouva pas de nouvelle de ta mère, et c’est dans une aile psychiatrique d’un foyer pour jeunes qu’on te plaça le temps que tu te remettes sur les rails.

Dernière vérité. Tu annonças ne plus vouloir être toi. Tu acceptas une main invisible tendue vers toi, et tu intégras la Division, abandonnant tout derrière toi. June, qu’on te renomma parce que tu étais née en ce mois-là. Camden, le quartier dans lequel était le foyer. La fin d’une histoire qui aurait dû être bien plus belle. Et le début d’une autre.

Si quelque chose fut surprenant pendant tes années de formation, ce fut la froideur avec laquelle tu traversas les épreuves. Pas que tu ne fusses pas brisée, mais que tu avais déjà été cassée, tu n’irais pas pire maintenant. De froideur, tu évoluas à compétitrice acharnée, et c’est là que tu trouvas ta voie. En voulant être la première dans ce monde de jeune comme toi, tu oubliais le reste et tu redevenais autre chose.

Si les années laissèrent une certaine impression à tes professeurs, ce fut surtout de la jalousie, de la rancoeur et parfois même de la colère que tu tiras à tes condisciples. T’isolant toi-même, tu continuas sur ton chemin en sachant pertinemment ce que tu cherchais au fond de toi. S'autodétruire, une bonne fois pour toutes. Une fois que tu aurais volé en morceau, tu verrais ce que tu pourrais bien reconstruire par dessus.


✓ Ne sait pas ce qu’est devenue sa mère
✓ Son père a été condamné à quelques années de détention
✓ Garde des cicatrices des coups de ceinture sur son dos, y a perdu sa virginité le même jour.
✓ A mis beaucoup de travail et d’efforts dans sa formation à la Division. Elle n’est pas excellente partout, mais personne ne peut nier ses efforts, parfois au delà de ses limites, souvent avec un entêtement surprenant.

L'équipe municipale de Blue Cove