Le temps pour se préparer ce matin-là, fut plus long que d’habitude. Saoirse n’a pas pour habitude de se pomponner avant de sortir de sa chambre d’internat. Pourtant, elle est toujours vêtue d’une robe de couleur, et de ses cheveux coiffés détachés ou en queue de cheval. On dirait qu’elle est entourée d’un halo de perfection, comme si elle se réveillait comme ça tout les matins. On se rend compte qu’elle fait des efforts uniquement lorsqu’elle a un rendez-vous important dans la journée, et c’est pour ça qu’elle a mis plus de temps aujourd’hui. Saoirse laisse une odeur sucrée derrière elle, une odeur parfumée à l’aide de framboise, discrète et pourtant reconnaissable entre toutes les odeurs ternes qui se trouvent à l’intérieur du Centre. Une robe orangée recouvrant son corps, ses cheveux bouclés tombant dans son dos ; ce n’est pas au laboratoire qu’elle se rend lorsqu’elle entre dans l'ascenseur du premier étage ; elle veut descendre, passer le rez-de-chaussée et arriver au sous-sol.
“ - Pas la peine de te demander où tu vas ? “ Un jeune homme d’à peine son âge est debout, à côté d’elle, en train de la regarder de haut en bas. Elle le connais de vu pour être un étudiant de l’institut. “ - Ce ne sont pas vos affaires…” “ - Qu’est-ce que tu lui trouves, sérieux ?” Il est choqué, parle comme s’ils étaient amis mais il n’en est rien. Parce que Saoirse n’a pas vraiment d’amis, de gens proches à qui parler. “ Il a pas d’cheveux, et il trimballe son camping-car à longueur de journée.”
Saoirse ne peut s’empêcher de tourner ses yeux sur le garçon. Elle se met elle-aussi, alors, à le dévisager, mais son visage semble toujours autant impassible à tout ce qu’elle pourrait ressentir au fond d’elle-même. La jeune femme ne peut pas concevoir qu’on pense, qu’on dise autant de mal du Docteur Raines, comme on le fait autour d’elle. Parce qu’elle n’a pas les yeux assez ouverts pour comprendre ce qu’est réellement cet homme, le mal qu’il peut faire autour de lui. Elle n’est qu’un pantin articulé qu’il manipule depuis tant d’années, qu’elle est persuadée l’aimer à sa juste valeur. Mais Saoirse se trompe, contrairement à tous les autres. Elle ne peut qu’avoir du mal à avaler sa salive, parce qu’elle ne peut rien répondre à ça. Alors, elle détourne son visage pour regarder de ses grands yeux la porte de l’ascenseur, le numéro qui vient juste de changer pour dire qu’ils ont changés d’étages. Elle sait que la machine va s’arrêter pour laisser descendre l’autre jeune, mais elle s’attend à une nouvelle réplique de sa part avant que les portes ne s’ouvrent. Elle n’avait pas tord.
“ - Tu sais que t’aurais plus de chance pour te faire sauter, avec nous ?” Outrée, elle comprend tout de même ce qu’il veut dire par ce pronom personnel. Il parle des jeunes hommes qui se trouvent à l’institut. Les gens de son âge, par un dinosaure sans coeur. “ Penses-y quand tu seras avec le grabataire à perdre ton temps, comme d’habitude…”
Le garçon passe les portes, disparaît au rez-de-chaussée pour vaquer à sa vie, laissant Saoirse avoir les yeux qui s’humidifient à cause de ce qu’il vient de dire. Elle n’aime pas ressentir, n’aime pas avoir un sentiment, une émotion au bord du coeur. Il vient d’appuyer sur un bouton douloureux qu’elle aurait voulu faire disparaître à l’instant où il avait posé le doigt dessus. Saoirse se pense sauvée lorsqu’elle voit les portes de l’ascenseur commencer à se refermer. Elle a jeté un coup d’oeil vers le panneau lumineux, quelqu’un d’autre a appelé un ascenseur en haut, mais il descendra au sous-sol avant de montrer cherche le prochain occupant. Elle ferme les yeux, soupire pour se calmer.
Sursaute en ouvrant ses paupières lorsqu’elle entend les portes se bloquer, s’ouvrir de nouveau parce qu’une main féminine s’est glissée entre les deux pour arrêter les fermetures des portes. Elle regarde, Saoirse, et voit le visage de Mademoiselle Parker apparaître. De nouveau, et automatiquement, elle déglutit avec difficulté. N’as pas besoin de bouger pour lui laisser de la place. Pourtant, Saoirse aurait voulu se coller à un peu pour ne pas avoir à approcher cette femme. Elle ne dit rien, attend de voir si cette dernière va appuyer sur un bouton, dire quelque chose, ou descendre dans la même direction que la sienne. Son coeur bat plus fort qu’avec l’homme à ses côtés.
Mlle Parker
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J’avais du travail par-dessus la tête et étais d’une humeur de chien. Il fallait dire que j’étais soumise à tout un tas de cauchemars ces derniers temps, dont concernant un foutu accident plus réaliste que nature… Je tenais les caméléons, les deux, Jarod et Kassandra, je les avais au creux de ma main, et ce foutu toit s’était écroulé sur moi, me blessant grièvement. Et comble du comble, ce fut grâce à l’aide des caméléons que je m’en étais sortie. Ils m’avaient emmenée à l’hôpital, sans cela, je serais sans doute morte. Une part de moi était en colère à cause de cela : je leur étais en quelque sorte redevable. Une autre part disait que le simple fait de ne pas les avoir épinglés cette fois-là était en quelques sortes le règlement de cette dette. Je ne savais que penser. Toujours était-il que mon instinct avait été bon : Asher Collins avait bien quelque chose à voir là-dedans, il aidait Kassandra. Du moins, dans mon rêve. Ça semblait fou. Mais j’avais envoyé quelqu’un fouiller l’adresse qu’il avait donnée en arrivant. Un mobil-home vide. Il s’était tiré ailleurs ou avait menti, c’était certain. De toute façon, il me fallait tout reprendre à zéro maintenant. Alors que j’étais si près du but, je le sentais, c’était rageant.
Arrivée au Centre, je me dirigeais vers l’ascenseur d’un pas décidé pour regagner les sous-sols et rejoindre mon équipe. Je voyais déjà Broots et Sidney avec leurs voix doucereuses me souhaiter un bon retour. Foutaises, je commençais à soupçonner Sidney de se réjouir de la cavale de son petit protégé. Mais je reconnaissais aussi que je commençais à virer parano avec tout ça. Je faisais beaucoup de cauchemars ce qui ne m’aidaient pas à me reposer. J’avais besoin de réponses aussi sur le plan personnel, et cette affaire prenait beaucoup trop de place dans ma vie, voilà pourquoi j’étais pressée d’en finir.
Un jeune homme sortait de l’ascenseur que je voulais prendre, hors de question pour moi d’attendre le prochain, je n’étais pas le genre de personne à attendre. Je balançai ma main pour retenir les portes et entrai alors qu’elles n’avaient pas fini de se rouvrir. Je tombai nez à nez avec une demoiselle dont le visage ne m’était pas inconnu. C’était le rat de labo de Raines. Cette gamine ne m’inspirait pas plus confiance que son mentor. Je soupirai intérieurement en me retournant face aux deux portes métalliques de l’ascenseur qui se refermait.
- Bonjour, lâchai-je.
Il fallait bien être polie malgré tout. Ça m’arrivait rarement, mais j’étais déjà suffisamment sur les nerfs comme ça pour essuyer une remarque de cette petite demoiselle « je-sais-tout ». Elle était à peu près aussi flippante que les dégénérés qui étaient enfermés dans les sous-sols et sur lesquels le Centre faisait ses expérience. Cette fille avait créer des bestioles bizarres, à ce qu’on m’avait dit. Je finis par me demander si je devais l’interroger aussi, voir si elle avait eu des contacts avec les deux caméléons échappés avant qu’ils ne se volatilisent. J’hésitais... Je me raclai la gorge en lissant ma veste de tailleur hors de prix couleur anthracite.
- Vous viendrez me voir dans mon bureau tout à l'heure. J'ai à vous parler.
L'ascenseur descendait à une vitesse bien trop lente à mon goût. J'avais remarqué que l'un des bouton indiquant l'étage du sous-sol était enclenché. Il fallait une clé spéciale pour y accéder car pas tout le monde en avait le droit. Je faisais partie des personnes ayant des laissez-passer, évidemment, et de toute évidence la petite dégénérée aussi, après tout, n'était-elle pas la protégée de Raines ?
Saoirse & Mlle Parker
codage par Laxy Dunbar.
Trust can kill you or set you free...
Dernière édition par Mlle Parker le Ven 14 Juin - 19:49, édité 1 fois
La voix de mademoiselle Parker résonne et Saoirse doit prendre son courage pour ouvrir la bouche et bouger ses lèvres. Laisser entendre sa voix pour lui répondre, mais la façon dont elle parle montre bien la différence entre les deux femmes. La plus jeune n’a rien qu’aussi fort, rien d’aussi imposant que la personnalité de celle à ses côtés. Peut-être qu’elle l’envie un peu, que c’est pour ça qu’elle est tant apeurée par elle, Saoirse. Parce qu’elles sont si différentes, parce que mademoiselle Parker est tout ce qu’elle aurait voulu savoir savoir, savoir être. Une personnalité que la femme mûre, comprend, accepte. Elle sait vivre, mademoiselle Parker, elle sent la vie à plein nez. Et ça la rend jalouse, parce qu’elle aussi aimerait pouvoir en faire autant, ne pas retenir sa respiration à chaque fois qu’elle croise quelqu’un. Pouvoir soutenir les regards des autres sans avoir envie de se cacher dans son laboratoire, pendant des heures, plonger dans la science pour oublier de vivre.
“ - Vous viendrez me voir dans mon bureau tout à l'heure. J'ai à vous parler.” “ - Pour quoi faire ?”
Surprise, elle n’a pas pu retenir ces mots lorsqu’elle a tourné la tête pour regarder directement mademoiselle parker. Un milliard de questions se mettent à tourner dans son esprit car elle ne voit pas une seule bonne raison qui pourrait faire vouloir à la femme que Saoirse se rend dans son bureau. Mais le plus jeune s’est reprise bien vite en sentant le regard de l’autre se poser sur elle, si bien qu’elle-même a tourné ses yeux pour les reposer sur les portes d’acier devant elle.
“ - Très bien…” Vaincue sans avoir même essayé de se battre, Saoirse tente de ne pas laisser son coeur gagner à cause de sa course folle. Veut se contrôler, et accepte les conditions de mademoiselle Parker sans obtenir la moindre réponse à sa question. “ je vous rejoindrais après mon rendez-vous.”
Ses doigts ont serré la clé qu’ils tiennent. Clé de l’ascenseur pour descendre dans les sous-sols. Là où elle ne connaît rien de spécial, là où elle ne voit pas le mal alors qu’il entoure tout autour d’elle comme si le diable en personne y vivait. Saoirse est aveuglée. Par l’amour, ou à cause de la façon dont elle a été éduquée ? Elle aurait du ouvrir les yeux depuis longtemps, aurait du se rendre compte que tout n’est pas bon, qu’il y a plus de choses mauvaises que seines, au Centre.
Ce rendez-vous n’a pas été long, au final. Parce qu’elle n’a pas mis longtemps à se rendre au bureau de mademoiselle Parker, alors qu’elle aurait voulu passer plus de temps sur les affaires du Docteur Raines. Mais ce dernier n’a pas hésité une seule seconde à la renvoyer lorsqu’il a eu connaissance de la demande de la femme dans l’ascenseur. Son oeil sournois avait pétillé comme s’il avait voulu savoir, entendre lui-même, la raison qui pousserait Parker a appelé dans son bureau sa propre protégée. Il est vicieux mais sait que les autres peuvent l’être aussi. Alors, Raines a changé les plans. N’a pas daigné passer plus de temps avec la plus jeune, pour la renvoyer d’où elle venait pour toquer à la porte de cedit bureau. Et lorsque ce fut fait, lorsque son coeur s’est mis à battre si fort qu’elle avait l’impression de l’entendre au creux de ses tympans, Saoirse s’est mise à paniquer.
Parce qu’elle attend derrière la porte qu’on lui ouvre, qu’on lui dise d’entrer. Se demandant s’il n’est pas trop tôt pour venir, après tout, si mademoiselle Parker avait voulu qu’elle vienne aussi tôt, elle ne l’aurait certainement pas laissé filer après l’avoir coincé dans l’ascenseur, puisqu’elles sont toutes les deux sorties au même étage. Son coeur bat à en rompre sa poitrine, en attendant, sans savoir que les questions sur Jarod vont tomber. Elle n’est pas même au courant de sa disparition. Saoirse n’est pas le genre de femme que l’on met au courant des problèmes environnants.
Mlle Parker
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J’étais toujours mal à l’aise face à Raines et tout ce qui se rapprochait de lui, et la petite Saoirse n’échappait pas à cette règle. Et tout comme à Raines, je ne lui faisais pas confiance. Cette gamine devait vraiment être dérangée pour vouer un tel culte à ce monstre. Toujours était-il que je me devais de résoudre mon enquête au plus vite, j’en avais besoin, il me fallait une victoire, quelque chose de positif, et surtout, ramener les deux dégénérés du bocal au Centre me permettrait de recouvrer ma liberté et me tirer loin de tout ça. J’en avais besoin, j’aimais mon père par-dessus tout mais j’avais besoin d’autre chose. Croisant donc la créature de Raines dans l’ascenseur, ce fut tout naturellement que je l’intimais à me rejoindre dans mon bureau. Il fallait que j’interroge toutes les personnes du Centre, sans exception, afin de pouvoir dénicher des indices. Et s’ils me mentaient, je le saurais, mon intuition était souvent salutaire dans ce genre d’entrevue. La gamine me répondit qu’elle viendrait après mon rendez-vous. Sans doute le docteur Raines, qui d’autre ?
- Bien, vous saluerez Raines de ma part, répondis-je ironiquement.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent finalement et je sortis pour me rendre à mon bureau. J’en profitai alors pour préparer mes questions, à la façon d’une journaliste. De toutes façons, ce serait les mêmes que j’avais déjà posées à d’autres, du moins ceux qui connaissaient l’existence des caméléons. Pour les autres, j’avais d’autres moyens de leur mettre la pression pour leur faire cracher le morceau, comme l’archiviste Daphné Kringle qui, sous ses airs innocents, m’avait bien l’air de cacher quelque chose… Ou bien étais-je en train de virer parano ? Cette histoire me hantait jour et nuit, au sens propre. Sans compter Jarod qui s’amusait bien souvent à me faire parvenir des petits cadeaux cryptés et énigmatiques, ou m’appeler à pas d’heures… Soudain, l’on toqua à ma porte. Saoirse était-elle déjà là ? Son entretien fut donc expéditif.
- Entrez ! criai-je nonchalamment.
J’attendais qu’elle ouvre la porte et avance vers moi. Je ne me donnai pas la peine de me lever ni même de la regarder tout de suite, achevant d’écrire ce que j’étais en train de rédiger.
- Asseyez-vous, marmonnai-je à son intention.
J’attendis qu’elle s’exécute. L’entretien pouvait commencer. Je levai vers elle un visage rayonnant avec un petit sourire carnassier. Si elle me mentait, je le saurais, et ça barderait pour son petit cul.
- Bien. Que savez-vous des caméléons ? Et par « caméléons », je n’entends pas les lézards qui changent de couleur. Je sais que vous savez, et je veux savoir TOUT ce que vous savez.
Je m’avançai en m’accoudant sur mon bureau, scrutant de mes yeux bleu d’acier son regard, le moindre de ses rictus, la moindre de ses réactions.
- Est-ce que les prénoms de Jarod ou Kassandra vous évoquent quelque chose ?
Elle me craignait, j’en étais quasiment sure. Il fallait au moins cela pour faire cracher le morceau à quelqu’un. Si j’avais regardé Broots comme je regardais présentement Saoirse, il se serait pissé dessus, c’était certain. J’attendais, prête à écrire chacune de ses réponses. Ou non, tout resterait dans mon esprit et je ne voulais pas prendre le risque de perdre une miette de ses réactions. Je posais donc mon stylo hors de prix sans quitter du regard mon interlocutrice.
La voix de mademoiselle Parker retentit derrière la porte. Forte, presque agressive à sa façon. Si Saoirse n’avait pas directement été envoyée par le Docteur Raines, peut-être qu’elle aurait prit ses jambes à son cou pour remonter par l’ascenseur, retourner à l’Institut et ses cachers dans ses laboratoires jusqu’au moment où la femme aurait décidé de venir la chercher. Ou la faire chercher. Mais les doigts de Saoirse se sont posés sur la poignée, l’ont baissée, ont poussé la porte jusqu’à passer dans le bureau de mademoiselle Parker. Honnêtement, Saoirse ne cherche pas pas à savoir, à comprendre comment est composée la pièce. Ce qui fait de ce bureau, la parfaite représentation de cette femme forte, au caractère bien trempé, qui est devant elle. Assise, à griffonner de son écriture élégante sur une feuille de papier. Elle attend debout jusqu’à ce qu’on lui dise de s’asseoir. Glisse ses mains sur ses courbes pour obliger le tissu à suivre sa peau lorsqu’elle s'assoit, pour ne pas plisser cette robe qu’elle a choisi particulièrement. Son coeur bat bien différemment que lorsqu’elle est en face de Raines. Il bat même bien plus fort encore que lorsqu’on l’intimide à l’Institut.
“ - Bien. Que savez-vous des caméléons ? Et par « caméléons », je n’entends pas les lézards qui changent de couleur. Je sais que vous savez, et je veux savoir TOUT ce que vous savez.”
Si Saoirse n’avait pas pu s’empêcher de sourire très maigrement à l’entente de ces petites bêtes, c’est simplement parce qu’elle en a quelques uns dans un vivarium, au laboratoire. Est-ce que mademoiselle Parker joue avec ce mot, parce qu’elle connaît les sujets d’études qu’a fait Saoirse ? La plus jeune sait très bien qu’on l’a prise pour une ahurie lorsqu’elle travaillait encore tout son temps sur les animaux et leur ADN. Est-ce une blague, ou simplement une façon de lui montrer le côté sérieux de cet entretien ? Car Saoirse n’a pas besoin de cette courte explication plus cynique que réaliste, pour avoir peur de cette femme accoudée à son bureau.
“ - Est-ce que les prénoms de Jarod ou Kassandra vous évoquent quelque chose ?” “ - Je ne sais pas qui est cette Kassandra…” Parvient-elle à répondre, avec plus de facilité, face à quelque chose, quelqu’un, qu’elle ne connaît pas. Raines a toujours su lui apprendre à se taire, par rapport à ce qu’elle sait sur le bout des doigts. “ Mais Jarod… il est un de ces caméléons. “
Saoirse sait que mademoiselle Parker n’avait pas besoin d’entendre ça pour le savoir. Les deux femmes l’une en face de l’autres, bien qu’une soit soumise et l’autre dominante, sont toutes les deux très intelligentes. Peut-être pas sur les mêmes points, mais la plus âgée connaît l’Homme. Ses réactions, ses mensonges, et ses trahisons. Si Saoirse n’est pas capable de le faire car elle n’a pas connu assez de personnes, ni-même assez d’émotions ou de sensation, pour les reconnaître chez les autres. Pourtant, elle sait bien que mademoiselle Parker sait déjà de quoi elle parle.
“ - J’ai eu l’occasion de le rencontrer, mais il y a bien longtemps de ça.” Elle répond honnêtement, même si elle pense bien à omettre le fait que c’est pour le compte du Docteur Raines qu’ils se sont rencontrés. “ C’est un homme gentil, et très intelligent. Sur des centaines de points, il l’est bien plus que la majorité d’entre nous.” Saoirse s’inclut dedans, comme elle inclut mademoiselle Parker. Elles sont loin d’être bêtes, mais Jarod dépasse de loin leurs capacités. “ Mais je n’ai pas eu la chance de le rencontrer ces derniers temps… pourquoi me posez-vous ces questions ? “ Elle semble s'inquiéter, dans ses mots, mais son corps ne réagit pas. “ Lui est-il arrivé quelque chose ?”
Saoirse n’a pas la moindre idée que Jarod, et cette Kassandra, se sont échappés. Elle a finit de travailler avec lui il y a longtemps, elle ne l’a pas revu de ce temps. Peut-être trop longtemps pour elle, qui avait dit vouloir être amie avec lui. Mais cette visite là n’était qu’un travail pour le Docteur Raines. Le genre de travail dont elle ne doit pas parler. Pas même à mademoiselle Parker.
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La créature de Raines était face à moi et elle ne semblait guère rassurée ce qui me confortait dans l’idée que je pourrais peut-être en tirer des informations. Elle était proche de Raines, elle était intelligente, plus que la moyenne, je le savais, aussi étais-je persuadée qu’elle avait, quelque part caché dans sa petite boite crânienne, des renseignements précieux. Si Raines ne lui avait rien dit directement, elle avait forcément vu ou entendu quelque chose, peut-être même fouiné par elle-même. Je le savais, les gens intelligents étaient curieux de nature et j’étais persuadée que la jeune Saoirse ne coupait pas à la règle. Je m’étais empressée de lui demander ce qu’elle savait des caméléons. Son léger sourire m’étonna. Se moquait-elle de moi ? Ce n’était pas dans son intérêt, elle était bien trop intelligente pour s’y risquer. Ou était-ce de l’inconscience ? Je n’en savais rien, je voulais mes réponses. Elle ne répondit pas directement à la première question, mais commença par dire qu’elle ne connaissait pas Kassandra, ce qui me fit comprendre qu’elle connaissait Jarod. Au moins un sur deux, c’était déjà cinquante pourcent du travail. Je me mis à griffonner sur mon carnet tout en continuant à l’écouter, braquant mon regard dans le sien. Elle avoua connaître Jarod, savoir qu’il était un caméléon. Et la suite me conforta dans l’idée qu’elle savait bien plus de choses que la plupart des débiles qui travaillaient ici.
- Quand l’avez-vous rencontré ? Je veux une date précise. Dans quelles circonstances ? Où exactement ?
Saoirse connaissait l’intelligence de Jarod « sur des centaines de points » ce qui me laissait à penser qu’elle avait sûrement travaillé sur l’une des simulations qu’il avait faites. Sans doute une initiative de Raines. Pourquoi ? Quelles étaient ces recherches ? Il fallait que je sache. Le fait qu’elle parle de lui comme d’un « homme » m’indiquait que leur rencontre avait eu lieu dans un périmètre d’une dizaine voire quinzaine d’années maximum. Ce pouvait être l’année dernière comme plus ancien mais dans tous les cas, je devais savoir pourquoi elle l’avait vu, ce qu’ils s’étaient dit, sur quoi ils avaient travaillé. « Bien longtemps » était une notion relative. Tandis que j’avais abaissé trois secondes les yeux sur ma feuille pour ajouter quelques annotations, mon interlocutrice me demanda s’il était arrivé quelque chose à Jarod. Je plongeai alors mon regard d’acier dans le sien avec un sourire carnassier.
- Rien qui ne vous concerne, très chère.
Je m’accoudai un peu plus sur mon bureau.
- Quand vous vous êtes rencontrés, c’était une initiative de Mr Raines, n’est-ce pas ? Quel était le propos de cette rencontre ? Que vous a-t-il dit ?
La curiosité est quelque chose que Saoirse ne fait que découvrir récemment. Grâce à cette inconnue du nom de Lexie, qui a tout lancé avec un bonbon piquant et une bouteille de jus de légumes à laquelle Saoirse ne s’était jamais intéressée. Deux choix qu’elle a fait, mais qui l’engage sur d’autres. Aujourd’hui, la jeune femme serait incapable de prendre des décisions importantes par elle-même ; mais elle commence tout juste à vouloir expérimenter quelques goûts simples de la vie. Et ce n’est pas son intelligence qui la pousse à être curieuse -il n’y a vraiment que la science pour la passionner, la faire se poser des questions-, c’est sa faiblesse comparée aux autres. L’impression de vide à l’intérieur de son coeur, de sembler manquer quelque chose en passant à côté.
Les questions de Mademoiselle Parker sont précises, elles s'enchaînent sans vraiment laisser le temps à Saoirse d’y répondre. Rien qui ne la concerne, et pourtant, la brune se retrouve assise dans ce bureau. Souvenir qui lui donnera surement des sueurs froides lorsqu’elle y pensera de nouveau. Être face à la femme droite et sûre d’elle, ce n’est pas quelque chose de rassurant. Au contraire, l’étudiante a l’impression d’être plus petite à chaque seconde qui défile sous le regard sombre de Mademoiselle Parker. Saoirse, elle a cette impression d’avoir fait quelque chose de répréhensible.
“ - Quand vous vous êtes rencontrés, c’était une initiative de Mr Raines, n’est-ce pas ?” Saoirse a eu un léger battement de sourcil à l'entente de son nom. Le docteur avait vu juste ; elle est perspicace. “ Quel était le propos de cette rencontre ? Que vous a-t-il dit ? “ “ - Rien de vraiment important…” Souffle-t-elle sans avoir besoin de réellement chercher ses mots. Après tout, Raines a fait son travail en amont, même à l’époque, pour couvrir son secret face à ce genre de questions. “ Dr. Raines a pensé que me faire rencontrer Jarod serait un bon exercice pour me sociabiliser.” Elle hausse les épaules, comme si elle gardait une distance entre ses dires et ce qu’elle ressent réellement. “ J’étais l’expérience ce jour-là… pas Jarod.”
La vérité est toute autre, mais ce mensonge a couvert sa venue même à l’époque où cela s’est produit. Personne n’aurait de mal à croire qu’elle a eu besoin d’apprendre d’autres êtres humains pour savoir s’en sortir. Et à en juger par ce qu’elle est aujourd’hui ; l’expérience a totalement échoué. Du moins, c’est ce qu’elle pense. Car malgré les explications de Jarod, Saoirse n’a pas été capable de suivre son exemple. Elle monte les premiers échelons qui mènent à la hauteur où le Caméléon se trouve aujourd’hui. Si ce n’était qu’elle, qui avait échouer. Mais ce jour-là, Saoirse avait récupéré bien plus d’informations sur la façon dont fonctionne les émotions et sentiments de Jarod, que jamais. Des choses qui lui ont été considérablement importantes pour les expériences qui ont suivies.
Chose sur laquelle elle travaille aujourd’hui. Chose dont elle ne parlera pas. Petit chien de Raines, mais surtout gardienne de secrets.
“ - C’était il y a un an, à quelques jours près.” Saoirse poursuit en donnant la date exact à mademoiselle Parker, sans avoir de mal à s’en souvenir. “ Nous avons juste beaucoup parler… De tout, et de rien à la fois. “ Elle hausse à nouveau les épaules, mais ne dévie pas son regard de celui de la femme face à elle. Saoirse est plus assurée lorsqu’elle raconte la version du Docteur Raines. “ Il m’a parlé de ses amis, Angelo, vaguement de cette dite Kassandra…” La plus jeune se souvient très bien que Jarod a glissé le nom de Mademoiselle Parker lors de cette conversation. Elle se dit que user de ce détail servira peut-être à la faire sortir plus rapidement de ce bureau. “ Il m’a dit que vous étiez amis, fut-un temps… est-ce pour cela que vous me posez toutes ces questions ?”
Mlle Parker
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J’étais face à une créature dotée d’une intelligence remarquable, je le savais et je devais me montrer prudente, dompter mon impatience sans quoi je risquais de passer à côté d’informations capitales. Saoirse était la « chose » de Raines, Raines n’était pas mon allié, par déduction, Saoirse ne l’était plus que lui. Il l’avait façonnée, elle lui était dévouée et je devais la jouer fine pour obtenir les informations que je voulais. Néanmoins, je décelais chez elle une once de crainte à mon égard, ce qui s’avérerait sans doute un avantage. En même temps, rares étaient ceux qui ne me craignaient pas, il fallait l’avouer.
Je commençai donc mon petit interrogatoire, posant des questions précises et espérant obtenir des réponses tout aussi précises. Je ne la quittai pas des yeux sans pour autant négliger de rédiger ce que je jugeais utile sur mon bloc notes. Je tachai de rester ferme et concentrée. Je fronçai légèrement le sourcil quand la première réponse de ma jeune interlocutrice fut un « rien de vraiment important ». Je posai sèchement mon stylo la table dans un bruit légèrement sourd pour rétorquer froidement.
- C’est moi qui détermine ce qui est important.
Je repris finalement mon stylo et notai. Sociabiliser Saoirse. Raines était vraiment un vieux farfelu complètement toqué. Pourquoi est-ce que cette gamine aurait été l’expérience, dans quel but ?
- Quel était le but de la manœuvre ? Pourquoi vouloir vous sociabiliser ?
Quelle idée avait bien pu traverser la cervelle atrophiée de ce vieil enfoiré ? Je mourais d’envie de soupirer mais me retins. La date, il me fallait la date de cette rencontre, et lorsqu’elle tomba, les yeux bleu acier se plantèrent dans ceux de Saoirse tels des aiguilles. Un an plus ou moins ? Sûrement un peu plus qu’un peu moins car cela faisait une année maintenant que le caméléon Jarod avait disparu. Ainsi donc, Saoirse était l’une des dernières personnes, hormis Sydney, à l’avoir vu. Intéressant.
- Bien, je veux savoir le contenu de cette conversation composée de tout et de rien.
Elle évoqua Angelo, ce caméléon qui avait un esprit remarquable mais un comportement assez étrange, digne d’un enfant autiste. Et Kassandra, la seconde à s’être évadée. Coïncidence ? Je n’eus pas le temps de pousser ma réflexion que la remarque de Saoirse manqua de me faire bondir. « Amis, fut un temps... ». J’eus cette désagréable sensation d’un bond de mon coeur dans ma poitrine. Il était vrai qu’enfant, j’avais passé du temps dans les sous-sols avec lui. Une période que j’avais oubliée jusqu’à récemment. Juste après, ma mère était morte… Je ne répondis pas à la question de la demoiselle.
Saoirse est intelligente et pourtant elle ne semble pas voir où veut en venir Mademoiselle Parker. Principalement parce qu’elle ne connaît pratiquement rien aux relations humaines ; comment aurait-elle donc pu comprendre ce qui uni Jarod et la femme qui est assise face à elle ? Elle écoute les questions, retiens les réactions de cette femme aux cheveux bruns et au regard sévère. La regarde écrire sur ce papier comme elle-même avait-pu écrire sur le caméléon à l’époque. Est-ce que qu’il avait ressenti, à ce moment ? Car Saoirse n’aime vraiment pas la sensation que Mlle Parker lui fait ressentir. Elle a l’impression de s’enfoncer un peu plus dans ce dur fauteuil à chaque fois.
“ - Je suis atteinte d’ICD.” Dit-elle en voulant hausser les épaules comme si c’était quelque chose de tout à fait naturel, mais son malaise le lui interdit. “ L’insensibilité Congénitale à la Douleur.” Saoirse trouve le courage de se redresser, légèrement, en appuyant ses petits poings aux doigts serrés contre ses cuisses. “ J’ai toujours pensé que cela pouvait avoir affecté mes relations avec les autres. Comme si ce syndrôme avait pu toucher bien plus que mes nerfs, vous voyez ?”
Elle revoit toute cette longue scène avec Jarod, comme si c’était hier. Est-ce simplement parce que Mlle Parker la pousse à fouiller dans ses souvenirs ? Pas spécialement. Car depuis sa rencontre avec Lexie, Saoirse se pose tout un tas de questions existentielles. Elle a même replongée ses pupilles dans ses anciens dossiers sur Jarod -sans se douter de sa disparition. Le Docteur Raines avait bien gardé ce détail, comme si ça pouvait être important pour ses recherches.
Dites recherches dont Saoirse ne parlera pas à Mademoiselle Parker. Elle a été entraîné pour se taire à ce sujet, a déjà des mensonges bien préparés pour éviter les questions un peu trop personnelles. Le vieil homme à la bouteille d’oxygène est intelligent, il est prêt à tout et à déjà tout prévu pour tenter de passer au travers des mailles du filet. Si toutes ses expériences étaient légales et faites aux yeux de tous, ils n’auraient pas à se cacher ainsi. C’est ce que Saoirse commence seulement à se dire ; il lui aura fallu du temps pour ouvrir ne serait-ce qu’un peu ’une paupière sur ce qui se passe ici.
“ - Le Docteur Raines a pensé qu’en me faisant rencontrer Jarod, qui parvenait à tisser nombreux liens avec les autres tout en étant coupé de relations humaines, pourrait m’être utile.” En réalité, elle travaillait aussi sur la personnalité de Jarod, pour découvrir ses réactions, sa façon de voir le monde, de le comprendre, et de l’expliquer. Ainsi elle aurait été sur la bonne voie pour faire un clone parfait. “ C’était un total échec. C’est pourquoi je n’ai pas revu Jarod depuis…” Mensonge, caché sous une belle couverture dorée. “ Vous pensez que j’ai quelque chose à voir avec sa disparition ?”
Son coeur manque un battement lorsqu’elle fait ce constat. Sa réaction doit se lire dans ses yeux, parce qu’elle ne peut quitter la silhouette de Miss Parker du regard. Saoirse est loin d’être bête, pourtant, elle aurait été complètement incapable d’aider Jarod, ou qui que ce soit, à le faire sortir. Si elle avait été dans le coup, seul le Docteur Raines lui aurait dicté ses actes. Mais lui-même n’aurait pas eu de bonne contrepartie à voir Jarod s’éloigner du Centre et ses activités.
Mlle Parker
Nettoyeur
▻ ARRIVE(E) LE : 27/02/2019
▻ LOCALISATION : Blue Cove / Sur la piste des caméléons
Je voulais des réponses, je voulais un coupable et je voulais résoudre cette enquête qui avait bien trop duré, pour pouvoir remettre les caméléons dans leurs cages et reprendre ma vie en main, loin du Centre. Je tenais quelqu’un, Saoirse. En fait, je voulais tellement faire tomber Raines que j’espérais plus que tout que sa créature pourrait m’y aider. Mais je savais aussi qu’elle était d’une intelligence hors norme, un peu comme les caméléons ou comme ces dégénérés de l’Institut qui portait le nom de ma mère. Je devais être prudente, ne pas mettre la charrue avant les bœufs, ne pas me griller. J’avais cependant l’avantage en sachant pertinemment que j’impressionnais, et la demoiselle Rowling semblait l’être aussi, bien qu’elle parvenait malgré tout à me tenir tête, et ça m’énervait, il fallait le reconnaître. Quelque chose était louche, j’avais l’impression qu’elle me cachait des choses et pourtant, elle avait l’air de dire la vérité. J’aurais bien aimé avoir un détecteur de mensonge mais j’étais presque sure que ce tordu de Raines lui avait appris à contrer ce genre de machines.
Alors que je demandais quel était le but de la rencontre entre la demoiselle et Jarod, celle-ci me parla de son syndrome. Insensibilité à la douleur. Dommage, je ne pourrais pas la torturer. Cette blague me fit rire intérieurement, et je me mis soudain à imaginer Raines découvrant cela chez Saoirse, sans doute était-ce pour ça qu’elle lui plaisait, une sorte de monstre comme lui… Je revins à la conversation, elle avait l’air de me prendre pour une demeurée et ça m’agaçait.
- Je sais ce qu’est l’ICD, miss Rowling, répondis-je sèchement.
Puis, quand je demandai pourquoi, elle m’expliqua l’idée. Je ne comprenais pas ce que ça pouvait bien avoir d’important pour Raines de Saoirse sociabilise. Il exploitait cette fille comme les autres chercheurs exploitaient les caméléons, pourquoi faire une expérience sociale avec elle, alors que la vocation du Centre était bien loin de cela ? Saoirse avança alors que l’expérience fut un total échec et je ne pus retenir mon sourire.
- Ah oui ? demandai-je comme si ça m’intéressais.
Je n’en avais cure, évidemment.
- Développez sur la conversation que vous avez eue. Qu’a-t-il dit sur Angelo et Kassandra ?
Jarod et Kassandra s’étaient fait la malle, il ne manquait plus qu’Angelo fasse de même et ce serait le bouquet ! Et je remarquai bien qu’elle n’avait pas répondu à ma question sur leur conversation. Je commençai à perdre patience, cette fille détenait des clés du mystère complexe que je cherchais à résoudre mais j’étais incapable de savoir exactement lesquelles et comment déverrouiller tout ça. Quel beau bordel. Et dire que si je lui flanquais mon poing dans la gueule elle ne sentirait rien… Quel dommage. Saoirse & Mlle Parker
Quand l’agent parle, c’est Saoirse qui a un frisson dans le dos, sur tout le long de sa colonne vertébrale. Cette sensation, elle a pu la sentir. Contrairement à la douleur, la peur, elle la sent lui parcourir les veines. Surtout face à cette femme imposante. Et si le prodige des sciences veut être convaincante dans ce mensonge préalablement conçu par le Docteur Raines lui-même, Saoirse ne doit pas montrer qu’elle a peur. Elle doit tenter de tenir tête à cette femme qui n’a qu’un seul but ; retrouver Jarod. Peut-être se bat-elle pour quelque chose de bon. Mais une petite voix lui murmure à son oreille ; qu’est-ce qui pourrait bien être bon pour Jarod, au Centre ?
” - Développez sur la conversation que vous avez eue. Qu’a-t-il dit sur Angelo et Kassandra ? ” - Rien de bien intéressant, malheureusement il me semble…”
Elle répond du tac au tac, Saoirse, et même si elle tente de cacher qu’elle est mal à l’aise face à cette femme qui est tout ce qu’elle aurait aimé devenir, il est certain que son stress se voit à travers ses yeux. Ou à travers ses manies ; elle joue avec le pan de sa robe comme si c’était un bout de tissu qui méritait qu’on lui porte tant d’attention, tant de douceur au toucher.
” - Pour être honnête avec vous, ce n’était pas ma principale occupation.” La jeune femme hausse les épaules pour tenter de se détendre ; lâche sa robe, roule des épaules dans le sens des aiguilles d’une montre. ” Il ne m’a cité ces noms que pour me donner des exemples d’amis qu’il a pu avoir… comme lorsqu’il a prononcé le vôtre, d’ailleurs.”
Mademoiselle Parker ne s’était pas attardé sur ce détail lorsque Saoirse en a parlé un peu plus tôt. Est-ce pour tenter de découvrir elle-même quelque chose, qu’elle relance le sujet ? Pas vraiment. C’est surtout pour se cacher derrière un autre sujet que celui d’Angelo et de Kassandra. Ces noms sont ceux de dossiers à ses yeux, comme tous les autres. Il n’y a que Jarod, parmi les Caméléons, qui a un visage sur ce nom. Parce qu’elle l’a rencontré, parce qu’elle l’a touché. Parce qu’il a su lancer les premières vibrations qui vont bientôt créer une onde de choc que même Raines n’avait pas envisagé. Impossible à calculer, et à éviter. Elle est dans les petits papiers du Docteur, mais son besoin de liberté ne va que la lancer un peu plus loin sur les nombreux chemins de la vie.
” - Je ne suis qu’un rat de laboratoire, Mademoiselle… pensez-vous réellement que je puisse connaître des informations qui auraient pu vous échapper ?” Elle demande, Saoirse, et sa voix n’a jamais parue autant sincère face à la brune. ” J’aurais déjà couru voir le Dr Raines si j’étais au courant de quelque chose… parce que lui aussi, veut désespérément le retour de Jarod.”
Mlle Parker
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Je soupçonnai Saoirse d’essayer de m’embobiner. Elle ne répondait pas avec précision à mes questions malgré mon insistance, elle avait l’air de tourner autour du pot mais de manière plus subtile qu’un suspect ordinaire. Cette fille avait une intelligence hors norme elle aussi, sans quoi Raines ne se serait pas intéressé à elle. Je devais rester prudente et méfiante, je ne devais rien laisser paraître, même si je manquai d’exploser quand elle insinua que Jarod avait cité mon nom lors de leur conversation passée alors qu’il évoquait ses soi-disant amis… Je n’étais pas… Et merde elle avait presque réussi à me faire sortir de mes gonds, mon visage qui s’était probablement crispé et ma mains qui manqua de briser mon stylo en deux durent en être des preuves évidentes. Serrant les mâchoires, regardant ailleurs l’espace d’une seconde, je braquai à nouveau mon regard dans le sien avec un sourire en coin.
- Ne jouez pas à ça avec moi, jeune fille.
Je pris une grande inspiration. J’avais sûrement fait le tour des questions avec elle. Elle prétendait n’être qu’un rat de laboratoire n’ayant que peu d’information, mais j’étais persuadée du contraire. Le cerveau humain était capable de beaucoup. Pour le coup, j’aurais bien aimé avoir le Professeur Kindness pour qu’elle expérimente quelques uns de ses trucs barbares sur elle, histoire de voir si l’on pouvait en tirer quelque chose… Mais Saoirse ne ressentant pas la douleur, je ne savais pas si ce serait d’une grande utilité.
- Bien, je pense que nous avons fait le tour. J’imagine que vous viendrez me trouver si quelque chose d’autre vous revenait ? hasardai-je avec ironie.
Je plongeai de nouveau mon nez dans mes notes sans plus la regarder, lui faisant comprendre avec une impolitesse calculée d'un simple geste de la main qu’elle pouvait dégager de mon bureau. J'avais encore beaucoup à faire. Saoirse & Mlle Parker
Saoirse se rend compte qu’elle a touché un point sensible lorsqu’elle a vu la réaction physiquement de Mademoiselle Parker, lorsqu’elle a clairement dit que Jarod l’avait cité comme une de ses anciennes amies. Si Saoirse ne voit pas le mal dans ces propos, c’est parce qu’elle n’est pas à la place de cette belle brune à la main sévère. Elle ne voit pas les choses ainsi ; qu’est-ce qu’on penserait de l’Agent du Centre, si on apprenait la relation qu’elle avait pu avoir, ou non, avec le fugitif expressément recherché ? Saoirse, elle a toujours l’impression de manquer un bout de l’histoire, ce morceau qui lui permettrait de tout comprendre. Comprendre pourquoi Jarod avait tant le besoin de sortir de cet endroit, comprendre pourquoi Mademoiselle Parker veut tant l’y faire revenir. Et lorsqu’elle parle, cette femme, ça fait tout de suite retomber Saoirse au fond de ce fauteuil. La pression que la brune met dans la prononciation de ses mots, met mal à l’aise la plus jeune.
” - J’imagine que vous viendrez me trouver si quelque chose d’autre vous revenait ? ” - Tout comme je vous l’ai dit…”
Saoirse, sentant la fin de l'entretien arriver, se sent soudainement plus à l’aise. Plus sereine. Ses muscles se sont détendus comme si elle avait été dans un véritable effort pendant tout ce temps. Et lorsque le signe de main de Mademoiselle Parker est fait, aussi impoli soit-il, Saoirse sait que c’est le moment de s’éclipser. S’enfuir de ce bureau sans fenêtre, semblerait-il même sans air pour respirer. Si Mademoiselle Parker a obtenu des informations qui pourraient lui être utiles, ou non, Saoirse est surtout contente de sortir de ce bureau,refermant la porte derrière elle comme si elle n’était jamais venue jusque là, c’est surtout parce qu’elle a réussi à garder les secrets de Raines aussi loin que possible de l’enquête. Saoirse, qui a étrangement toute confiance dans le docteur Raines, se rend de plus en plus compte que ce n’est pas le cas de tout le monde. Au contraire, et l’inverse est vérité aussi ; si Raines avait véritablement confiance en Mademoiselle Parker, Saoirse n’aurait pas eu à mentir. Pour une fois, elle pense bien s’en sortir ; mais Mlle. Parker est coriace, vicieuse et puissante.
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Jeu 30 Mai - 13:09
