- Né en Russie et parlant le russe avec ses parents et ses fils, il n’a jamais totalement perdu son accent
-  Il est plutôt bon cuisinier, surtout pour les plats cuisinés de base par sa mère. Ses fils adorent les desserts russes d’ailleurs.
- Il a toujours des bonbons dans son bureau dans un petit bol.
- Il joue toujours avec un stylo quand il ne fait rien de ses doigts
- Il garde dans une poche de son blouson la médaille du WTC
- Fan de moto il se déplace presque uniquement avec sa Triumph, mais possède aussi un pick-up au cas où il ne puisse pas la prendre

Je n’ai pas vraiment de souvenir de la Russie. Il faut dire que je n’avais que cinq ans en 1984 quand nous sommes arrivés à New York. Je parlais déjà anglais et même si je parle toujours le russe avec mon père je me suis très bien habitué à la société. Disons que ça me changeais un peu du communisme, même si je n’avais pas encore vraiment l’âge de comprendre. Bien sûr j’aime mon pays d’origine, mais je ne sais pas, je me sens plus américain que russe.

Bien sûr je suis allé très vite dans une école publique du quartier. Ce n’était pas la meilleure qui soit, mais j’y étais bien. Mon naturel assez froid m’a cependant un peu joué des tours au début. Les autres enfants ne savaient pas vraiment si j’étais gentil ou pas et puis j’avais un accent russe assez prononcé, que je n’ai jamais totalement perdu. Je pense, aujourd’hui avec le recul, que les parents leur disaient de faire attention parce que j’étais russe. C’est un peu l’histoire de mon enfance et de mon adolescence. Cela m’a beaucoup dérangé lorsque j’étais plus jeune, mais aujourd’hui j’en rigole et je passe à autre chose quand on me le fait remarquer. Bref, en ce qui concerne ma scolarité, j’étais plutôt bon élève. Pas le premier de la classe, mais je me débrouillais par trop mal. Du moins suffisamment pour voir la fierté dans les yeux de mes parents.

J’ai tout de même fini par me faire quelques amis avec qui j’ai passé de bon moment. Puis, est arrivée l’adolescence et là c’est une autre histoire. J’ai commencé à vraiment me rendre compte que notre vie n’était pas aussi rose que ça. Nous avions quitté la Russie pour fuir le communisme, mais au final on se retrouvait à devoir nous justifier en permanence. Toujours devoir montrer pâte blanche pour tout. Encore que parfois cela ne suffisait pas. Mes parents ont toujours voulu avoir leur propre commerce, on avait l’argent pour acheter un petit local, mais ils n’ont jamais pu obtenir les autorisations. Je ne pourrais plus dire qu’elles étaient les raisons avancées, mais j’ai bien compris que c’était notre nationalité qui dérangeait. Puis j’avais des voisins chinois, japonais, allemands ou italiens et ils avaient à peu près tous les mêmes problèmes. Ça était dur pour moi de digérer cette injustice. Je ne suis même pas sûr de l’avoir fait totalement. Mais, même si cela me touchait, j’avais d’autres problèmes qui me prenaient plus de temps. Il n’était pas question de savoir ce que je voulais faire, je savais que si tout se passait bien, à dix-huit ans j’aurais la nationalité américaine et je savais déjà que je voulais entrer dans la police. Non, le souci venait d’ailleurs, de moi. Du moins c’est comme ça que je le voyais à l’époque. Très vite, au moment des premières amours j’ai compris que je n’étais pas vraiment comme les autres. Je regardais les filles, bien sûr, mais pas que. Et puis je suis tombé amoureux pour la première fois. Un jeune de deux ans mon aîné. On est pas resté ensemble longtemps, mais on continue à se donner des nouvelles de temps en temps. Après pour moi c'était un peu plus facile à l'époque. Je ne suis pas homo, je suis bi. Alors, le cacher et être tranquille était plus simple. Même si ce n'étais pas agréable.

Il y a eu deux filles ensuite, mais pareil rien de sérieux, l’âge sans doute. Puis il y a eu Kate. Celle qui deviendra ma femme l’année de mes vingt et un ans. J’étais dans la police de New York depuis deux ans à ce moment, comme prévu. On était ensemble depuis cinq ans déjà et elle a accepté de m’épouser. J’étais l’homme le plus heureux du monde, vraiment. Je me souviendrais toute ma vie de la cérémonie, en plein été 2000. Le bonheur tout simplement... Puis il y a eu le 11 septembre. J’étais de service et puis, vu la situation, nous sommes tous intervenus. Kate venait de m’annoncer, la veille au soir, qu’elle attendait notre premier enfant. Malgré ça, malgré la peur de ne pas le connaître, je n'ai pas hésité une seule seconde à me porter au secours des gens. Comme tous les autres. Aujourd’hui encore, j’en fais pourtant des cauchemars. J’ai même pensé à arrêter un moment, mais finalement je me suis relevé, j’ai continué, gravis les échelons. J’ai passé le concours interne pour devenir inspecteur et j’ai réussi. J’ai rejoint les stup’ et j’ai pu aider quelque peu avec la mafia russe, parler leur langue et s’appeler Azarov ça aide un peu quand même.

Nous étions en 2007 et je n’ai jamais cherché à aller plus haut dans la hiérarchie. J’étais à ma place en quelque sorte. Mon travail me plaisait et j’ai eu de bonnes affaires assez satisfaisantes. J’ai été malheureusement blessé en service deux fois au cours des années qui ont suivie, ce qui n’était pas vraiment au goût de ma femme qui avait peur de me perdre et de se retrouver seule avec nos deux gars. Mes fils, c’est une autre histoire ça aussi. Anthony né en 2002 et Chris en 2005. Je pourrais tout faire pour ces deux anges. Ils sont toute ma vie et j’ai encore mal quand je les revois inquiets à l’hôpital. Même s’il n’y a que ma première blessure qui était grave, la seconde beaucoup moins. Les voir ainsi, me demandant pourquoi je ne pouvais pas rentrer à la maison, ça me fendait le cœur. Alors, une fois encore, en 2011 j’ai pensé à tout stopper. Et puis finalement c’est eux qui m’ont convaincu de continuer. Ils étaient fiers de dire que leur père est inspecteur.

Les années ont continué de passer, mon couple c'est un peu dégradé, mais rien de définitif à l'époque, puis les ennuis ont vraiment commencé. Début 2017, les premières enquêtes des affaires internes, de la drogue qui disparaissait des scellés. Les enquêtes qui piétinent, puis qui reprennent et qui s'arrêtent de nouveau. Faut dire qu'ils ne sont pas trop apprécié et puis personnellement je ne savais vraiment rien, alors je risquais pas de les aider. Leur manège a duré un peu plus d'un an. Quand un jour ils sont venus me chercher dans mon bureau. Ils m'ont accusé de voler la drogue et de la revendre à des dealers du coin. Je me suis senti profondément trahi par la police de New York. Moi qui ai toujours suivi les règles, les procédures, moi qui ai toujours été intègre et honnête. Je me suis retrouvé du jour au lendemain sur le banc des accusés. Puis comme j'avais des problèmes de couple, ils ont pas cherché plus loin, j'avais besoin de fric alors je me suis servi. Comme si c'était aussi simple... J'ai bien des collègues qui ont essayé de me soutenir, mais rien à faire. Je me suis retrouvé à Rikers en mars 2018. Là, ma femme a demandé le divorce et j'ai pas eu le courage de le lui refuser. J'ai même pas négocier les pensions alimentaires.

Cinq mois ont passés, mais pour moi c'était des années. Être flic et derrière les barreaux c'est pas bon pour sa santé. Puis un jour, un des agents des affaires internes est venu me voir avec mon chef. J'étais officiellement innocent. Le coupable ? Mon équipier. Cinq mois en prison pour rien, c'est ce que je retiens de cette année. Je suis sorti fin juillet, réintégré sur le champ. Mais je ne suis pas retourné au bureau. J'ai réussi à obtenir une indemnisation pour les mois d'incarcération et puis j'ai demandé ma mutation dans une autre ville. Chicago, c'est là que j'ai demandé à partir. J'ai quitté les stup' aussi. J'ai pas encore chercher à savoir si je serais à l'anti-gang ou simplement la division détective avant de faire mes valises. J'ai demandé dans les deux et j'ai finalement eu l'anti-gang.

Une fois sur place, mes souvenirs sont extrêmement flous. Après m'être réveillé, à l'hôpital de Detroit en mars 2020, sans savoir ce que je faisais là, je suis retourné à New York auprès de mes enfants le temps de ma convalescence. Ce n'est qu'une fois que je pouvais à nouveau voyager que j'ai refait le chemin inverse, retournant chercher mes affaires à Detroit, dans l'appartement de luxe que j'occupais avec un compagnon. J'ai récupéré aussi ce que j'avais au poste de police sur place. C'est ainsi que j'ai découvert que j'étais monté en grade et que j'étais finalement devenu lieutenant à la tête de l'anti-gang.

C'est après ça, après avoir réglé tout ce qu'il fallait à Detroit que je suis reparti quelque temps à Chicago. J'y ai découvert que mon ex-coéquipier, celui à cause de qui j'avais passé quelques mois en prison, avait profité de son évasion pour venir avec des hommes de mains. Ils m'ont enlevé et torturé pendant une quarantaine d'heures avant que je ne sois retrouvé, à moitié mort. Ce qui me donna l'explication pour les cicatrices qui parcourent mon dos dans toute sa hauteur, ainsi que celle fait au niveau d'un de mes reins, évité de justesse par la lame employée.

J'y ai appris que c'est dans cette ville que j'ai rencontré l'homme que j'ai finalement suivi jusqu'au Michigan. Que c'est lui qui m'a encouragé à passer le concours pour monter en grade. Je ne vais pas mentir, apprendre tout cela en si peu de temps fait vraiment un sacré choc. J'ai mis plusieurs semaines, voir même plusieurs mois pour me remettre. D'autant qu'avant la fin de l'année j'ai eu une greffe de poumon. À ce moment-là j'ai vraiment cru que ma carrière été fini, que je resterais à la maison sans pouvoir plus faire le boulot qui me plaît.

J'ai vraiment déprimé à la maison, le temps de ma convalescence qui a pris près de deux ans au final. Heureusement, j'avais mes enfants et leur mère. Que j'ai par ailleurs épousé à nouveau. C'était vraiment un petit mariage, juste nous, nos parents, Anthony et Chris ainsi que deux témoins. Pas de grand mariage, pas de fête. Peut-être qu'un jour on le fera.

Finalement, après deux ans à me remettre sur les rails, après avoir lutté contre ma santé pour pouvoir rester dans l'institution où j'ai passé ma vie, j'ai non seulement conserver ma place, mais aussi gagné une promotion au mérite cette fois. Je me suis donc retrouvé, en début de cette année 2022, capitaine de police. Seulement, les choses ne pouvaient pas être si simple que cela. Le soir où j'annonce cela à ma femme, cette dernière m'explique qu'elle vient de saisir l'opportunité de travailler dans le Delaware, au bureau du procureur fédéral. Les jours suivants ont donc été dédiés à la recherche d'une maison pas trop loin de là où elle représenterait la justice. Notre choix c'est finalement porté sur une petite ville, non loin de la capitale de l'état, en bordure d'océan. J'ai donc vu avec ma hiérarchie pour rejoindre le poste de police de la ville. Nos fils nous ont suivi tous les deux, surtout parce qu'ils n'avaient pas vraiment le choix au final. N'ayant que vingt et dix-sept ans.

Nous avons donc pris la route peu de temps après la saint-valentin pour le Delaware. Famille à nouveau réunie, heureuse et espérons le… loin d’ennuis comme ceux que j’ai vécu ces dernières années.

L'équipe municipale de Blue Cove