Mon dieu ! Quelle journée j'ai passé ! Je suis claquée. J'ai besoin d'aller boire un verre pour me détendre avec mes amis. Je sais qu'ils sont au bar habituel alors je vais aller les rejoindre. J'ai besoin d'évacuer. J'ai passé une journée super longue à l'hôpital et surtout j'ai passé du temps avec Peter. Il n'allait pas très bien à cause de sa femme et j'ai fait du mieux que j'ai pu pour l'aider à remonter la pente et ne pas perdre espoir. Il est de mon devoir de faire cela même si mon cœur me dit de faire le contraire. J'aimerais qu'on débranche sa femme pour qu'il passe à autre chose dans mes bras mais je ne suis pas ce genre de personne. Encore heureux sinon je me devrais de changer de métier. Je veux sauver des vies pas en tuer.

Je sors donc de l'hôpital et me dirige dans les dédales de la ville. Soudain devant moi un accident se produit. Non mais c'est bien ma veine ça ! Juste devant moi comme par miracle ou je ne sais quoi. Je me rapproche rapidement des deux véhicules. Deux personnes dans chaque véhicule. Dans l'un des deux les gens ont l'air d'aller bien je leur demande donc de sortir du véhicule. Un public s'amasse autour de nous. Je crie alors que je suis médecin et qu'il faut de l'espace et appeler les secours. Et surtout s'éloigner des véhicules. Ils se sont rentrés dedans parce que le premier véhicule à freiner brutalement pour éviter je ne sais quoi. La voiture qui est arrivé après est bien amochée. J'essaie d'évaluer les blessures des deux personnes mais c'est compliqué. Surtout que je sais qu'il ne faut pas les bouger d'un pouce. J'ouvre la porte du côté passager et pose quelques questions. Il ne faut pas que je panique, mais n'oublions pas que je ne suis qu'en première année d'internat et que je n'ai jamais fait face à ce genre de situation sans un tuteur, et j'ai toujours eu les victimes dans un lit quoi. Soudain le conducteur sort du véhicule légèrement hystérique. Il a des morceaux de pare brise dans le bras et dans la joue. Il arrache celui qu'il a dans le bras et le sang se met à couler rapidement. Je m'approche de lui et déchire mon haut pour essayer de faire un garrot. Je parle calmement mais rien y fait. Je fini par y arriver mais j'avoue que je suis légèrement perdue. Surtout que personne ne vient m'aider. Ils prennent des photos et filment. Je ne sais même pas si les secours ont été appelé. Je dois m'occuper de lui en premier mais vérifier l'état de son passager.

On se calme monsieur s'il vous plaît. Il faut porter secours à la femme mais j'ai besoin de savoir que vous n'allez pas bouger.

Espérons que cela fonctionne.

Le Mexique avait été une expérience incroyable. Kassandra qui avait été exploitée toute sa vie avait découvert ce que c’était que d’être en vacances. Elle découvrait déjà la vie « normale » en général depuis ses deux mois de liberté, mais découvrir un pays aussi riche avec une culture et une Histoire aussi ancienne, et puis profiter d’avoir le droit de ne rien faire, s’amuser, utiliser une piscine pour autre chose que des simulations scientifiques… Elle avait adoré, et malheureusement, si les bonnes choses avaient une fin, mais la caméléone savait que le retour à la « réalité », qui en soit était déjà le paradis par rapport à l’enfer qu’elle avait connu au Centre, lui permettrait de mieux apprécier ses prochaines vacances avec son amoureux.
Pourvue de sa fausse identité, elle avait l’intention de se renseigner pour faire des études par correspondance afin de faire profiter de ses talents scientifiques. Ayant déjà, officieusement, plusieurs doctorats, il lui serait facile d’en obtenir un officiellement et de pouvoir travailler légalement. Elle savait Asher de retour au Centre et cela l’inquiétait. Elle marchait en ville, le regard perdu dans le vague et ses pensées tournées vers l’homme qu’elle aimait qui l’avait sauvée, quand soudain un bruit strident suivi d’un bris de glace la sortit de sa rêverie. Deux voitures venaient de se renter dedans, les airbags sortis. Elle vit alors les quelques passants se précipiter ainsi qu’une jeune femme brune qui s’adressait aux personnes de la voiture de devant qui semblaient aller mieux que ceux de derrière. Aussitôt, Kassandra se précipita à son tour vers la voiture et vit le passager retirer à mains nues le morceau de vitre qu’il avait plantée dans le bras.

- Dites-lui de s’allonger tout de suite ! lança-t-elle à la jeune femme qui venait de déchirer son vêtements pour faire un garrot. Le garrot, à cette hauteur ! ajouta-t-elle en lui montrant un emplacement du bras avant de foncer voir la voiture de derrière.

Le passager n’avait pas sa ceinture et si l’airbag lui avait sauvé la vie, il était bien amoché par le choc et était inconscient. Kassy vérifia qu’il respirait bien et qu’il n’avait aucune blessure visible. Le conducteur allait bien, même s’il était bien choqué.

- Ne bougez pas, je m’occupe de vous dans une seconde.

Kassie se retourna, cherchant auprès du « public » quelqu’un susceptible de l’aider. Mal à l’aise de voir que certains prenaient des photos et filmaient, de peur que ça ne finisse sur internet et d’être repérée par le Centre, elle essaya de ne pas montrer son visage.

- Vous, s’il vous plaît, venez m’aider à le sortir, je dois le mettre en position latérale de sécurité.

Espérons que cela fonctionne.

Une femme arrive et vient me prêter main forte. J'espère qu'elle est médecin et qu'elle ne vient pas juste pour faire son intéressante parce qu'elle a vu des séries qui se passent en milieu hospitalier. Mais laissons lui le bénéfice du doute. Elle se met directement à me donner des autres. Je prends un coup dans mon orgueil mais obéit en aidant l'homme à s'allonger et en mettant le garrot au niveau qu'elle me conseille. Je sais faire cela mais bon... Passons, ce n'est pas le moment de dire ce que je pense de sa façon de m'aider, il faut qu'on s'occupe des blessés.

Je la regarde porter secours aux autres et soudain elle demande à ce qu'on sorte la personne inconsciente mais il ne faut surtout pas faire cela ! Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas de blessure externe qu'il n'en a pas. Cela peut être très dangereux. Il faut l'examiner correctement avant cela et le bouger le moins possible ! Il faut lui bloquer la nuque et tout. Elle ne doit vraiment pas être médecin cette femme.

Non ne le bougez pas, il faut tout vérifier et bloquer sa nuque, il pourrait mourir si on le déplace. On ne sait pas s'il a subi un choc interne.

Je regarde autour de moi pour essayer de fabriquer une minerve mais je ne trouve rien de pertinent. Je m'approche de la jeune femme. Je ne la sens pas très à l'aise mais il faut dire que la situation n'est pas top. Je regarde le passager, prends son pouls et essaie de tâter un peu partout pour voir si je sens une fracture interne ou une bosse qui pourrait paraître suspecte. L'airbag a fonctionné mais cela a pu lui causer un traumatisme crânien ou un déplacement de vertèbre. C'est stressant de ne pas pouvoir avoir accès à tout ce que j'ai à l'hôpital... Je n'ai pas encore appris les interventions sur le terrain. Je ne suis qu'une première année moi...  Il faut une civière aussi !

L'idéal pour le bouger serait d'avoir une minerve et une civière pour bouger un minimum son corps. Mais je ne vois pas ce qui pourrait remplacer tout cela....

Espérons qu'elle aura une idée parce que moi là je crois que je panique un peu, enfin je me sens paumée et inefficace. En plus il y a trop de monde autour de nous. Je n'aime pas être filmée. Je n'arrive pas à comprendre comment les gens peuvent aimer filmer des accidents et regarder comment se déroulent les choses. Si seulement tout le monde pouvait partir cela serait un peu moins stressant aussi. Je n'ai vraiment pas le droit à l'erreur. Si jamais je fais un geste qu'il ne faut pas et que la vidéo apparaît sur le net les membres de l'hôpital pourrait voir mes erreurs et me virer...  Mais bon ne pensons pas à moi pour l'instant. Je continue de chercher une idée pour sortir le mieux possible le passager inconscient.

Kassandra avait cette capacité à s’adapter à toutes les situations, elle avait été entraînée à ça depuis son plus jeune âge. Aussi n’était-elle pas réellement stressée par ce qu’elle voyait. Enfin, bien entendu elle avait à coeur la survie des personnes accidentées, mais elle parvenait à réfléchir, prendre des décisions et agir sans être soumise à un stress insurmontable qui bloquerait ses facultés de réflexion. Après avoir conseillé la jeune femme, elle était allée voir l’autre voiture et voulut ensuite demander de l’aide pour sortir la personne inconsciente. La jeune femme était arrivée et Kassie ne l’avait pas entendue. Elle sembla s’opposer au fait de sortir le jeune homme inconscient. Sans pour autant arrêter ce qu’elle faisait, la caméléone prit le temps de répondre à l’inconnue.

- Comment vous vous appelez ?  - elle attendit qu’elle réponde – Lexie. Ecoutez Lexie, si je me permets de donner des indications, c’est que je suis sure de moi. J’ai fait les vérifications requises, hors cette personne est inconsciente, et risque peut-être de s’étouffer. Par ailleurs, la voiture est complètement ratatinée et a une fuite d’essence, si on attend l’arrivée des pompiers, elle risque de flamber avant. Les secours, pour l’instant c’est nous. Vous avez l’air de savoir plus ou moins ce que vous faites, et moi aussi je sais ce que je fais, alors faisons de notre mieux.

Lexie proposa une civière et une minerve mais de toute évidence, ce genre de choses ne faisait pas partie des objets obligatoires à avoir sur soi. Le gaillard que Kassandra avait désigné dans la foule s’approcha.

- Voilà ce qu’on va faire, monsieur et vous, Lexie, vous allez le sortir de la voiture, et moi je maintiens sa tête dans le même axe. Il faudra s’y prendre lentement et en douceur. Est-ce qu’on est prêts ? A trois. Un… deux… trois !

Et ensemble, ils sortirent le jeune homme inconscient pour le déposer au sol un peu plus loin.

La femme a l'air de savoir ce qu'elle fait et cela m'énerve un tout petit peu mais pour me défendre j'ai l'impression d'être nulle à ses côtés. Jalouse moi ? Ce n'est pas vraiment ça je dirais. Elle continue de donner des ordres et je décide d'obéir sans rien dire pour le bien des victimes. Je m'approche donc de la voiture avec l'homme pour sortir la personne inconsciente de là. Kassandra tient parfaitement bien la tête et nous finissons par y arriver en y allant tout doucement. Nous la plaçons à une distance raisonnable de la voiture. Une fois au sol je prends les constantes pour me faire une idée sur son état de santé. Elle n'a aucune réelle blessure visible, mais il y en a peut-être en interne...

Ne sachant pas trop comment continuer les soins sans le matériel adéquate tel qu'un appareil à échographie ou radiologie, je me tourne vers Kassandra.

Que pouvons-nous faire maintenant en attendant les secours ?

Je suis nulle sur le terrain... Sans mes petits outils qui facilitent la vie je ne ressemble pas du tout à un médecin... Il va falloir que je fasse des stages avec les médecins urgentistes qui accompagnent les pompiers... Parce que là... Comment je suis incapable de faire quoi que ce soit d'efficace ! Du moins c'est le sentiment que j'ai. Heureusement que je ne suis qu'en première année de médecine et que je ne peux que m'améliorer. Je finirai peut être un jour par devenir aussi à l'aise que la jeune femme en face de moi face à des situations de crise.

Pour éviter de montrer que je me sens impuissante et maladroite je me dirige vers une des victimes de l'accident pour reprendre les constantes et voir l'état des blessures. Je me concentre sur elle pour ne pas avoir à lever la tête surtout que je n'ai pas oublié que nous sommes actuellement filmés. Je fini par relever la tête pour voir ce que fait Kassandra et je suis ses instructions. Au final heureusement qu'elle est là... Et qu'elle sait ce qu'elle fait surtout. C'est sans doute un médecin ou quelque chose dans le genre.

Merci...

Oui je dis merci. Parce que grâce à elle j'ai pu aider et ne pas paraître trop ridicule... Et je n'ai pas paniqué ni rien...

Après un bref instant de mise au point, Lexie et Kassandra purent agir de concert, sur les indications de la caméléonne. Cette dernière remarqua bien que la jeune femme n’appréciait pas trop qu’on lui dicte sa conduite, mais elle eut l’intelligence de mettre sa fierté de côté pour pouvoir gérer la victime bloquée dans la voiture et inconsciente. Avec l’aide supplémentaire de l’un des badauds, le trio parvint à extraire l’homme et le déposer sur le trottoir dans une position adéquate. Lexie demanda quoi faire en attendant, et malheureusement, celle qui ignorait être sa grande sœur savait que le champs des possibles était limité. Comme l’avait remarqué la jeune étudiante en médecine, leur matériel était plus que limité. Mais fort heureusement, les secours ne tardèrent pas à arriver, la sirène se fit rapidement entendre alors que Lexie était partie s’assurer des constantes vitales d’une autre victime.
Kassie, quant à elle, avait fait de son mieux pour ne pas être trop filmée mais dans le feu de l’action, c’était les blessés qui accaparaient son attention et ses réflexions. Alors que les secours prenaient finalement en charge les blessées et qu’elle ait donné les renseignements qu’elle avait et expliqué brièvement ce que l’une comme l’autre avaient fait, elle s’éloigna de quelques pas, soufflant pour décompresser et s’adossant contre une vitrine. La foule de dispersa finalement et Lexie lâcha un remerciement. Un peu étonnée, Kassandra la regarda en secouant la tête.

- Vous n’avez pas à me remercier. Ni à remercier personne. Ce sont eux qui vous devront un merci. Ça fait longtemps que vous étudiez la médecine ? Quelle spécialité ?

Toujours avide de tout savoir, sa curiosité, qu’elle savait pourtant ne pas toujours être bénéfique, avait du mal à être canalisée.

- ça vous dit une glace ? demanda-t-elle finalement.

La dépanneuse était en train d’emporter les deux carcasses de véhicules accidentés, et Kassie se dirigeait déjà vers le camion de glaces le plus proche.

Je suis soulagée de voir enfin les secours arriver. Avec de la chance il n'y aura aucun mort. Je me sens totalement soulagée. Je remercie la femme inconnue pour son aide et pour m'avoir indiqué quoi faire car je n'ai vraiment pas l'habitude du terrain... Elle me dit de ne pas la remercier. Je suis surprise. Pour moi il me paraît naturel de remercier les gens qui nous aident... Elle se met à met à me poser quelques questions sur moi. Je suis surprise qu'elle s'intéresse à ce que je fais dans la vie.

Je suis en première année. Pour l'instant je n'ai pas de spécialité. Je suis dans le service de réanimation médicale et chirurgicale pour l'instant. Je ne sais pas encore quelle spécialité je vais prendre.

Effectivement je ne sais pas, il y a tellement de choix... Tout ce que je sais c'est que je veux me rendre utile et sauver des vies ou les aider à aller mieux. Le service où je suis actuellement me plait énormément. Je pense que j'aimerais essayer les urgences générales. Cela peut me permettre de toucher à tout et savoir ce que je désire faire. Mais bon ce n'est pas le moment d'y penser. Je ne vais pas me décider tout de suite. De toute façon je ne sais même pas si j'aurais le choix. La femme me sort de ma légère rêverie en me proposant d'aller prendre une glace. Avant même ma réponse elle se dirige vers le camion de glaces. Je me mets donc à la suivre.  

Volontiers pour la glace. Au fait je m'appelle Lexie, Lexie Watson. Et vous ?

Il serait temps de faire les présentations non ? J'aimerais quand même savoir à qui je parle. Cela serait plus simple. Je m'approche du camion et commande une glace menthe chocolat. J'ai hâte de la manger. Cela me permettra de reprendre un peu de sucre suite à ce qui vient de se passer. Sans le vouloir je me mets à dévisager la jeune femme à mes côtés. Je me demande bien ce qu'elle fait dans la vie pour avoir su gérer aussi bien les victimes de l'accident. Elle a un tel sang froid. Et elle a l'air d'avoir confiance en elle. Je crois que j'aimerais bien être comme elle.

Kassandra était ravie d’avoir pu aider son prochain, et désormais que les victimes étaient prises en charge, elle voulait s’éloigner au plus vite de ces nuisibles qu’étaient les smartphones, ayant peur de se faire repérer. Aussi avait-elle immédiatement proposé à sa collègue d’un jour d’aller manger une glace. Ayant un peu cerné la jeune femme, elle avait deviné qu’elle était en parcours pour devenir médecin ou spécialiste du moins. La demoiselle confirma cela et lui expliqua un peu où elle en était.

- Première année ? Ce doit être intéressant. Je suis sure que vous allez tirer votre épingle du jeu. Vous avez eu de bons réflexes ici.

L’étudiante se présenta alors, Kassie acquiesça poliment, tout sourire avant de reprendre la parole.

- Moi c’est K… euh Sandra, dit-elle.

Déjà qu’elle venait de pas mal s’exposer, mieux valait éviter de donner son vrai prénom. Il semblait de coutume de donner aussi son nom de famille, alors, machinalement, puisqu’elle n’avait aucune idée du sien, elle donna celui d’Asher.

- Sandra Collins.

A présent au pied du camion de glaces, Lexie commanda la sienne, et Kassie décida de choisir le même parfum, qu’elle n’avait pas encore essayé. Depuis qu’elle était sortie du Centre, elle avait essayé pas mal de choses diverses et variées qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de goûter, et les glaces en faisaient partie. Mais les choix de parfums étaient si vastes qu’elle avait l’impression qu’elle n’aurait jamais assez d’une vie pour tous les essayer. Elle paya le marchand et chacune put avoir son cornet. La caméléone goûta à sa boule menthe-chocolat et son regard se mit à pétiller comme celui d’une enfant.

- Waow, c’est vraiment délicieux !

Kassandra était parfois comme la petite fille de sept ans qui avait été arrachée à sa famille. Elle avait toujours sept ans dans sa tête, malgré l’apparence d’une femme de la trentaine. C’était comme si deux personnes se partageaient son corps et son esprit. Elle pouvait avoir les facultés d’une adulte avec le vécu qui était le sien, mais la naïveté de cette petite fille toujours présente.

Je suis soulagée de pouvoir enfin déstresser un peu. Le pic d'adrénaline que j'ai ressenti au moment du sauvetage commence à disparaître lentement. C'est pour cela que j'ai rapidement accepter de prendre une glace. Cela va nous permettre de vite passer à autre chose. Nous parlons alors de ma première année de médecine.

En effet c'est très intéressant mais cela me complique pas mal la vie car je n'arrive pas à me décider pour ma spécialité. Je vois tellement de cas différents... Tout m'intéresse pour l'instant car tout est nouveau pour moi. Et je sais que je vais vite devoir me décider... J'espère que je trouverai ma voie.

Et en effet pour l'instant je ne sais pas vers quoi me tourner. La neurologie, la cardiologie, la chirurgie et les urgences me plaisent beaucoup... Mais je vais devoir prendre une décision à la fin et j'espère que je ne me tromperai pas. Heureusement pour moi j'ai encore un peu de temps avant de choisir la voie qui me mènera vers mon avenir professionnel.

Sandra se présente en hésitant légèrement sur son prénom mais je ne lui en tiens pas rigueur. Je fais comme si je n'avais pas remarqué. Finalement nous prenons le même parfum de glace et je souris lorsqu'elle dit que c'est délicieux. A croire qu'elle n'avait encore jamais mangé ce goût. Ce qui serait totalement surprenant non ?  

Vous n'aviez jamais mangé menthe-chocolat ? C'est le meilleur parfum à mes yeux. Même si j'avoue ne pas avoir goûté encore certains parfums. Je suis habituée à celui-ci depuis très longtemps. Même si durant ma petite enfance j'avais une préférence pour la framboise. Je me souviens qu'à une période je ne mangeais que ça. Mais c'était il y a longtemps. J'ai grandi et j'ai préféré la menthe.

Ce souvenir me ramène bien loin dans le passé, ce passé si douloureux que j'essaie d'oublier... Je ne veux pas revenir sur les souvenirs d'enfance avec ma famille et ma sœur. Mais parler de glace me fait toujours cet effet ; cela me ramène forcément à ma grande sœur qui a disparu au moment de ma naissance. Une fois ma mère m'a avoué que la glace que j'aimais tant était aussi celle que préférais ma soeur...J'ai mis longtemps avant de reprendre goût à la glace car je voulais éviter tout ce qui me la rappelait. Enfin bref. Allez on parle d'autre chose, on reste joyeuse ! Il faut que je change de sujet sinon cela va se voir que j'ai un petit coup de blues ou je ne sais quoi.

Et tu fais quoi dans la vie toi ? Tu es aussi dans la médecine ? Vu tes compétences d'aujourd'hui c'est l'impression que j'ai eu.

Je ne me suis même pas rendue compte que je suis passée au tutoiement. Cela m'a paru tellement naturel et normal de le faire.

La biologie et la médecine avaient toujours beaucoup intéressé Kassandra et au Centre, elle faisait preuve de beaucoup de talent dans ces deux domaines de recherche. Elle était fascinée par les cellules qu’elle voyait au microscope, leur fonctionnement, par les maladies et les moyens de les combattre, et tout ce qui était lié à la science en général. Lexie semblait aussi s’intéresser à plusieurs domaines de la médecine, d’où sa difficulté à choisir. Kassie se demandait si elle pourrait choisir, si l’occasion se présentait.

- Je comprends, ce n’est pas simple, mais vous avez encore le temps de découvrir les différents aspects de chaque spécialité, et puis rien ne vous empêchera de vous spécialiser dans différents domaines de chirurgie. Sinon il reste la chirurgie générale. Je suis sure que vous trouverez votre voie. Votre famille doit être fière de vous, dit-elle en souriant.

Une famille. Elle cherchait encore la sienne. Ses parents étaient-ils encore en vie ? L’avaient-ils oubliée ? Et sa sœur, que faisait-elle ? Elle n’était même pas encore née quand Kassie avait été arrachée à sa famille. Elle ne se rappelait même plus du prénom que ses parents voulaient lui donner.

Les deux brunettes se retrouvèrent avec leur glace en main, Kassie découvrant le parfum menthe-chocolat, et comme toujours, son âme d’enfant reprit le dessus. Les glaces étaient vraiment (re)découverte incontournable depuis son évasion du Centre, elle adorait ça et avait l’impression d’avoir loupé quelque chose d’incroyable durant vingt-cinq ans d’enfermement. Lexie sembla s’étonner de la réaction de sa collègue d’un jour. Kassandra comprit alors que ce parfum semblait être très commun.

- Oh euh… oui je… j’étais passée au travers apparemment, dit-elle avec un petit rire. J’aime beaucoup celle au café avec les petits grains à l’intérieur, mais on n’en trouve pas partout.

Continuant à déguster sa glace, la caméléone écouta son interlocutrice parler de son enfance et des glaces. Elle aussi aurait aimé pouvoir parler de son enfance, mais ce qu’elle avait vécu n’avait rien d’une enfance traditionnelle. Soudain, Lexie lui demanda ce qu’elle faisait dans la vie. Une question somme toute troublante parce que Kassandra n’avait pas de métier ou de diplôme officiel à proprement parler, bien qu’elle sache exercer des dizaines de professions et ait passé haut la main l’équivalent de plusieurs doctorats.

- Eh bien… j’aide au dispensaire souvent, répondit-elle humblement. Mais peut-être que je vais faire comme toi, ça m’intéresserait.

Seulement pour entreprendre des études, il fallait un vrai nom de famille, des papiers d’identité, choses que Kassie ne pouvait prétendre posséder. Il faudrait qu’elle en parle à Asher à l’occasion.

La jeune femme pense que j'ai encore le temps de trouver la spécialité que je voudrais faire plus tard mais le temps passe si vite. Il va falloir que je me décide rapidement surtout que je vais avoir des stages à faire dans l'avenir et autant essayer d'aller là où je veux aller par la suite... Mais elle a raison, peut être que la chirurgie générale peut être une bonne idée... Soudain elle se met à parler de ma famille. Cela me fait une pointe au cœur. Il faudrait que je pense à les appeler pour leur donner signe de vie... Il faut dire que depuis que je connais la liberté d'être loin du fantôme de ma sœur je respire mieux. En général je les appelle une fois par mois, parfois un peu plus. Ils sont fiers de mon parcours mais en attendent encore plus. Kassandra saurait déjà quelle spécialité choisir, elle saurait déjà quels stages elle va faire. J'essaie de ne rien montrer et répond platement.

Médecine générale est une bonne idée. Merci pour ce conseil. Ma famille est probablement très fière oui, il faut dire que la médecine est un merveilleux métier...

Décidément parler de ma famille est compliquée pourtant je jure que j'aime mes parents mais je déteste cette sœur disparue depuis si longtemps et qui vit à travers moi... A chaque fois que je parle à mes parents il faut qu'ils glissent un mot à son sujet. Ils se sont imaginés tellement de choses à son sujet. Ils pensent qu'elle est encore en vie et ils s'imaginent des milliards de scénarios sur sa vie et donc nous comparent sans arrêt.

Heureusement nous mangeons une glace et le sujet de discussion change. Et j'en viens à la faire parler d'elle-même ; c'est bien mieux que de parler de moi. Elle aide au dispensaire, c'est quelque chose de très bien et elle compte peut être faire médecine. Cela pourrait être drôle qu'on travaille ensemble.  

Tu veux reprendre tes études et faire médecine ? C'est merveilleux ! J'aime cette idée que des gens sont prêts à reprendre des études un jour ou l'autre. Et cela pourrait être drôle qu'on se recroise à l'hôpital.

Oui cela pourrait vraiment être très sympa car je crois que je l'aime bien et qu'on pourrait peut être devenir amie par la suite. Je pense cela sans doute parce qu'elle m'a aidé à gérer la crise à laquelle nous venons de faire face, parce qu'elle ne m'a pas jugée sur le fait que je ne sache pas réellement quoi faire, peut être aussi parce que sans le vouloir elle m'a donné de bons conseils pour mes études. Cela faisait longtemps qu'une adulte » ne m'a pas aidé de la sorte. J'ai mes amis qui me conseillent ainsi que mes professeurs mais ce n'est pas pareil. Enfin je ne saurais pas expliquer. Bref, toujours est-il que je la trouve fort sympathique et que j'espère la recroiser sans vraiment en connaître la raison.

Si tu finis par faire cela j'espère qu'on se recroisera. Cela pourrait être fun. Et on pourrait à apprendre à mieux se connaitre.

Elle pourrait devenir une nouvelle amie, une amie un peu plus âgée que moi. C'est toujours bien ça. J'aime être entourée de gens plus âgés que moi pour mieux échanger. Et il faut dire que j'ai encore très peu d'ami fille. Je traîne plus souvent avec des garçons. Et le contact de femme me manque.

Kassandra avait senti que parler de sa famille mettait un peu mal à l’aise Lexie, elle l’avait compris à son regard et l’intonation de sa voix bien moins enjouée malgré la teneur du propos. Mais la caméléone continuait de sourire, ne voulant pas appuyer davantage sur ce point. Elle commençait à vraiment apprécier la demoiselle. En tout cas, la jeune interne semblait passionnée par ce qu’elle faisait, et Kassie aimait les gens passionnés. Elle-même l’était, bien qu’elle découvrait tous les jours de nouvelles choses fascinantes, bien que ces choses soient parfois une routine pour les gens « normaux », comme par exemple des parfums de glace qu’elle n’avait jamais goûté.

- Eh bien, je crois que oui. J’étais venue ici pour faire des recherches personnelles mais… comme je vais rester un peu, pourquoi pas entreprendre des études en effet.

Elle savait pertinemment qu’elle rattraperait le niveau rapidement, elle avait déjà l’équivalent de plusieurs doctorats, il lui suffirait de passer les examens en candidate libre.

- Ce serait vraiment chouette, oui, de se recroiser !

Kassandra était heureuse comme tout, l’idée d’avoir une amie était une chose tout simplement inimaginable au Centre, et à présent, Lexie lui proposait d’apprendre à mieux se connaître. La brunette sentit son coeur se gonfler de bonheur. Elle était si heureuse, sa vie était tellement plus belle à présent qu’elle était dehors.

- ça me ferait très plaisir. C’est quand la rentrée ? Je vais voir pour passer des équivalences de niveaux. Là d’où je viens, je n’ai pas de preuves des études que j’ai faites.

Kassandra avait de ce fait un nouvel objectif. Elle avait hâte d’en parler à Asher, elle savait que ça lui ferait plaisir qu’elle se lance dans quelque chose qui l’intéresse, histoire de ne pas trop « déprimer » sur ses recherches pour retrouver sa famille, qui s’apparentaient à chercher un grain de sel au milieu de l’océan. La demoiselle savoura sa glace, trop heureuse de découvrir ce parfum, et nul doute qu’en rentrant, elle passerait en acheter une boîte.

Elle est venue ici pour des recherches personnelles ? Cela me donne envie de lui poser plein de questions mais je ne la connais pas assez pour cela. C'est malgré tout intriguant. Je me demande ce qu'elle peut bien chercher. Elle a peut être été adoptée et cherche à connaître ses parents biologiques, ou alors... Elle cherche un de ses parents ou je ne sais quoi. Je sens que je vais essayer d'en apprendre un peu plus sur elle si jamais nous devenons amies mais pour l'instant c'est vraiment trop tôt. Et cela serait mal venue de ma part de lui poser dès maintenant la moindre question.

Tu comptes donc rester ici quelques temps ? Du moins assez longtemps pour reprendre des études ?

Cela me fait plaisir. Je ne sais pas pourquoi mais je l'aime bien cette jeune femme et je suis vraiment heureuse de savoir que je vais être amenée à la croiser à nouveau et tisser des liens avec elle. Surtout qu'elle confirme que ce serait chouette de se revoir. Je me mets à sourire de joie. Décidément elle est intrigante. Je me demande d'où elle vient pour ne pas avoir de preuves de ses études. Tout le monde en a forcément non ? On reçoit des diplômes et des bulletins d'inscription ou je ne sais quoi... Mais bon, elle était peut être dans un pays étranger... J'espère qu'elle arrivera à avoir ses équivalences.  

Tu as perdu les documents prouvant tes années d'études ? C'est dommage. J'espère que tu pourras malgré tout obtenir tes équivalences. La rentrée se fera en octobre. Je ne pense pas par contre qu'on sera dans la même promo mais on se croisera forcément à l'hôpital ou dans l'internat si jamais tu loges là-bas comme moi.

Je dis cela même si je ne pense pas qu'elle vivra là-bas. Elle doit déjà avoir un appartement ici. Je ne sais pas quel âge elle a mais elle a quelques années de plus que moi donc déjà une vie d'adulte avec un chez soi, sans doute un amoureux et un petit travail. Tout l'inverse de moi... Même si je suis également une adulte.

Tu vas dans quelle direction ? Parce que je pense qu'il ne faut pas que je tard à rentrer. J'ai encore des devoirs et je me lève tôt demain pour mon premier tour de garde... Ils ne nous font pas de cadeau...

Je dis cela comme si ça me déplaisait alors que non pas du tout. J'adore ce que je fais. Les devoirs ne me dérangent pas et surtout je sais que comme je commence tôt je verrais forcément Peter arriver. Et nous pourrons sans doute passer un peu de temps à parler...

Kassandra n’avait pas l’habitude de mentir, d’aussi loin qu’elle se souvenait, il était ancré en elle que c’était mal et qu’il ne fallait pas le faire. Aussi, se retrouver en face d’une personne sympathique à qui elle devait cacher son passé en tâchant de baratiner quelque chose de plausible lui était un peu inhabituel et compliqué, elle en venait même à culpabiliser, mais elle le savait, la prudence était de mise.

- Oui, pour l’instant. J’habite avec mon petit ami, on pense rester un moment…

La simple idée de pouvoir croiser à nouveau Lexie la mettait en joie et le sourire ne désemplissait pas malgré l’obligation de lui mentir sur certains détails.

- D’accord, je verrai si je peux passer des équivalences avant la prochaine rentrée alors. Tu pourras m’aider si j’ai trop de retard, dit-elle humblement.

Lexie fit remarquer qu’il était temps de rentrer, Kassie réalisa que le temps avait passé. Le temps passe toujours vite quand on partage des instants sympathiques.

- Oui, c’est vrai. Je vais par là, dit-elle en désignant, hélas la direction opposée à celle de l’hôpital. Je te souhaite une bonne soirée, bon courage pour tes devoirs et pour demain.

Des devoirs, Kassandra ne savait pas vraiment ce que c’était mais elle imaginait bien que c’était quelque chose qui prenait du temps et qu’ainsi, son interlocutrice n’avait sans doute pas le temps de s’attarder. Leurs glaces terminées, il était temps pour chacune de regagner leurs pénates et Kassie s’affairerait immédiatement à regarder comment faire pour elle aussi devenir interne en chirurgie.

- Merci pour cet agréable moment avec toi, Lexie. J’espère à bientôt.

Puis, elle prit la direction de l’arrêt de bus qui la reconduirait à la maison, sourire aux lèvres. C’était une bonne journée, elle avait contribué à sauver une vie, fait une rencontre intéressante et trouvé un nouveau but à atteindre. Le retour de vacances s’annonçait déjà prolifique.