Et merde. Cette fois-ci, le CPE ne t'avait pas manqué. Il t'avais intercepté en entrant au lycée, en te demandant quelle était ton excuse cette fois. à ton haussement d'épaule, il t'avait emmené et laissé dans le bureau du proviseur. Puis avait convoqué tes parents. En urgence. T'avais eu beau protester, rien ne l'avait stoppé. Tu te demandais quelle mouche l'avait piqué ce matin. D'habitude, le CPE laissait couler tes absences et retards injustifiés, qui commençaient à s'accumuler depuis quelques mois. Ah. C'était ça le problème. Qu'ils s'accumulaient sur la longueur. Comme t'étais un bon élève, il pouvait sûrement pas laissé ton dossier s’alourdir pour des absences. T’espérais qu'aucun de tes parents ne seraient à la maison, qu'aucun d'eux ne verrait le message.
Tu baillas. T'étais fatigué. Hier soir, ou ce matin aux premières heures, t'avais réussi à t’endormir après de longues heures passées à te tourner et à te retourner dans tes draps. Malheureusement pour toi, ton sommeil avait été loin d'être réparateur.Il avait été peuplé d'images terrifiantes que tu voudrais oublier. Résultat tu t'étais réveillé encore plus fatigué que la veille. Ce qui avait été en partie la cause de ton retard aujourd'hui. L'autre étant un manque de motivation énorme. Tes cauchemars t'avais drainés émotionnellement; tu t'étais pas senti prêts à affronter le lycée. Et vu comment la journée se déroulait, t'aurais mieux fait des rester sous ta couette.
Tu tapotas nerveusement l'accoudoir de la chaise du bout des doigts. T'avais besoin de te détendre. De fumer. Le silence qui s'était installé entre toi et le proviseur de ton lycée était bien lourd et te mettais mal à l'aise. Penché sur ses dossiers, il ne faisait pas attention à toi. Un instant, tu pensas à fumer devant lui, sur le rebord de la fenêtre. Très mauvaise idée. Il te descendrait devant tes parents. Tu voulais à tout pris éviter ça. Devant eux, tu maintenais l'illusion que tout allait bien. Même si tu savais que ta colère, ta tristesse, étaient bien visibles et transparaissaient dans tes gestes.
La porte s'ouvrit sur ton père. Ton air se renfrogna. Tu retiens un soupir. T'avais décidé de bien te comporter, et ne pas alourdir encore plus son cas.
"Bonjour Principal Kelly je suis Anthony Black le père d'Alexander."
Tu fixas ton père. T'étais soulagé que ce soit lui qui soit présent et non ta mère. Elle avait son caractère. Tu savais qu'elle t'aurait tué sur place d'un simple regard noir. Tu détournas les yeux en croisant ceux de ton paternel, vers la fenêtre. Tu te préparais mentalement à toutes les questions qui allaient pleuvoir. T'allais jamais autant mentir en une matinée. Tu pouvais juste pas leur avouer ce qu'il se passait. Et encore moins au proviseur. Du coin de l’œil tu vis le proviseur se leva et serrer la main de ton père.
"Bonjour. Je suis ravi de faire votre connaissance. Installez-vous je vous pris."
Tu souris amèrement en l'entendant parler. Ravi était un grand mot, non? Généralement rencontrer les parents était signe de problème.
"Vous savez pourquoi vous êtes convoqués je présume?"
Pendant tout l'échange entre ton père et le proviseur, ton regard était scrupuleusement figé sur un point fixe du bureau du dirlo. Tu ne voulais pas avoir à croiser celui, sévère et jugeur du directeur. Ni celui de ton père. Tu ne savais pas quelle tête il faisait, mais de ce que tu entendais, il avait l'air calme. Juste étonné par cette soudaine convocation. Si lui était surpris, toi, tu savais qu'elle finirait par tomber un jour ou l'autre.
"Oui j'ai cru comprendre que mon fils a eu certaines absences et que vous souhaitiez que nous en parlions ensemble. Je dois dire que je suis surpris de cette situation. Alexander a toujours été un bon élève, mais ces derniers temps je ne sais pas..."
Tu serras la mâchoire ainsi que ton poing reposant sur l'accoudoir, avant de les relaxer. Ces derniers temps hein? Ce n'était pas que "ces derniers temps". Mais ça, ton père ne pouvait pas le savoir. Même si tes parents voyaient que quelque chose clochait, ils ne pouvaient pas deviner tout ce que tu cachais. Au lieu de t'accrocher à eux, tu te laissais couler, les repoussant toujours plus. Si ça n'avait pas été pour ta jumelle, tu te serais déjà noyé de ce cadeau empoisonné qu'était la drogue.
"Nous sommes tous surpris de votre attitude Alexander."
Tu sortis de tes pensées lorsque tu te rendis compte qu le directeur s'adressait directement à toi. Pour réponse, tu ne fis qu'hocher la tête. La conversation t'avais totalement échappée. Qu'avaient-ils racontés? à vrai dire, tu t'en foutais, ça ne devait pas être très important. Tout ce que tu savais, c'était que t'avais pas eu à en placer une. Et ça, c'était pas mal.
"J'espère que vous allez vous reprendre et rapidement."
Tu faillis, rétorquer au principal qu'il aille se faire foutre. Faillis. Tu te mordis la lèvre et te contrôlas. Jusqu'à là, tout était allé comme sur des roulettes. Il n'était pas question de tout gâcher maintenant. Sa dernière remarque t'avais juste piqué. Que croyait-il? Que ça te faisait plaisir d'être constamment à bout de nerf? D'être épuisé? D'avoir l'impression de ne rien contrôler? Tu le regardais, des éclairs dans les yeux, les poings dans tes poches de nouveaux serrés. T'avais envie de crier, de retourner son bureau. Là encore, tu n'en fis rien. T'avais juste hâte de sortir de ce foutu bureau.
Finalement, vous sortiez enfin. T'étais soulagé. Aujourd'hui, t'aurais pas à avoir cours et honnêtement, tu aurais pas supporté le contraire. T'aurais juste séché. Une fois de plus. Alors que t'avais reçu un avertissement. Ouais. Pas la meilleure chose à faire.
Le trajet dans la voiture fut silencieux. T'étais tendu et pour la seconde fois de la journée, tu redoutais la conversation à venir. Avec un peu de chance, t'allais pouvoir t'en dérober. Tu fronças les sourcils en voyant que vous ne vous dirigiez pas vers la maison, mais vers la maison de quartier que dirigeaient tes parents. Quelle idée derrière la tête avait ton père? La voiture s'arrêta. T'en descendit et suivis ton géniteur. L'endroit était quasiment vide. ça faisait un bail que t'y étais pas allé.
"Bon à présent nous sommes seul et dans un endroit neutre. Dis moi ce qui t'arrive ? Je t'en pris. J'aimerais comprendre ce qu'il t'arrive pour pouvoir t'aider. Tu te comporte comme-ci ta mère et moi étions tes ennemis ces temps-ci."
Tu le fixas, sans bouger ni répondre. Il était vraiment inquiet. En même temps, comment ne pouvait-il pas l'être? Il y avait eu un temps où tous les quatre, vous étiez très proches, avant que l'incident n'arrive. Ta soudaine distance n'avait échappée à personne. Tu l'entendis soupirer.
"Si tu as besoin d'évacuer ta rage prenons nos gants et vas y lâche ta rage sur moi, mais ne me laisse pas dans l’ignorance. Quelques chose te ronge je le sais, je le sens."
Tu attrapas les objets lancés par ton père. Un instant, tu songeais à juste te barrer. Tu voulais pas avoir cette conversation. Tu ne voulais rien lui dire. Tu regardas les gants. Il voulait se battre. Ce n'était pas une mauvaise idée au fond, t'avais besoin de te défouler un peu. Beaucoup même. Ton père avait raison. Depuis un an t'étais différent, et pas pour le mieux. Même avant, tu galérais avec tes émotions. Là, t'avais l'impression d'être contrôlée par elles. Pire, d'être bouffé par elles.
"Tout va bien p'pa, le rassuras-tu, c'est juste... la crise d'adolescence. Y a vraiment pas de quoi s'inquiéter. "
Ouhlala. C'était pas ton meilleur mensonge. Même toi t'y croyais pas. T'enfilas les gants et les protections. À la suite du brun, tu montas sur le ring. Tu savais d'avance que ton paternel allait te mettre au tapis direct. Ça faisait trop longtemps que tu t'étais pas entraîné. À son signal, tu te mis en garde, t’enchaînas les coups et essayas de te défendre. T'allais pas mentir, à chaque coups porté, la tension que t'avais ressentis dans le bureau du principal disparaissait un peu.
T’allais pas mentir, donner des coups, se défouler un peu était agréable. Tu transformas la tension, ta colère et tristesse en des coups qui fondaient l’air. Peu importait s’ils faisaient mouche ou non. Ce n’était pas ton but de te défouler sur ton père, de lui mettre une raclée. De toute manière, même si tu le voulais, tu pourrais pas. Ton paternel était bien meilleur que toi, c’était indéniable. D’ailleurs, t’étais étonné d’être toujours debout et non au tapis. Plus les secondes passaient, et plus tu te prenais au jeu. Tu souris. Tony avait eu une bonne idée en t’amenant ici plutôt qu’à la maison. T’osais pas imaginer ce qu’il se serait passé dans ce cas-là. Au mieux vous auriez eu une conversation à sens unique. Au pire… tu serais partis de la maison sur une dispute, te noyant un peu plus dans tes paradis irréels et creusant plus votre relation déjà bien abimée.
"Je vois que tu as encore la main. Tu as toujours été doué sur le ring. Je sais que ça ne vaut pas tes carnets de dessins et tes toiles, mais l'activités physique fait autant de bien au corps qu'à l'esprit."
Tu souris chaleureusement, en même temps d’être gêné par les compliments. C’était un miracle que t’aies encore la main comme il disait. Les mouvements de ton père étaient rapides. Tu ne pensais même plus à attaquer. Juste à esquiver. Ça faisait presque un an que t’avais pas franchis les portes de l’assos. Ne parlons même pas de s’entraîner sérieusement. Un an… tu perdis ta concentration alors que ton regard se voila et que tes pensées se tournèrent vers Joan. Ta copine te manquais terriblement. Elle te manquait et ne reviendrait pas. Après tout ce temps, les dernières images que t’avais d’elles te hantais toujours, même si floutées par ta mémoire. Tu fus ramené brutalement à la réalité par un des points de ton père. T’avais pas réussi à parer à temps. Perdant l’équilibre par la force du coups, t’atteris violemment dans les cordes. Tu retiras un de tes gants et, avec ta main maintenant libre, tu la passas sur la zone touchée.
Ton père se rapprocha de toi en souriant. Tu le lui rendit, bien que légèrement sonné.
“Tu encaisse bien, mais je pense qu'on va en rester là au ta mère va me tuer. -En effet, tu souris,ça serait dommage.”
Reprenant ton souffle, tu te laissas glisser jusqu’au tapis. La fraicheur du ring te fis le plus grand bien.
“Bon une petite douche et on part se prendre un Hot-Dog ? Tu en dis quoi ? -Excellent programme!”
Tu retiras rapidement l’autre gant et enleva les protections avant de les lancer vers Tony. Puis, tu te relevas et filas sans un mot vers la douche.
*** Une quinzaine de minutes plus tard, t’étais dehors à attendre ton père près de la voiture. Malheureusement, la patience ne faisait pas partie de tes qualités. Tu tapotas d’un doigt la porte passager de la voiture. T’avais envie de fumer, et c’était pas une envie qui passait facilement.
Pour la première fois depuis longtemps, t’étais bien calme -presque serein- en compagnie de l’un de tes parents. Passer du temps avec ton père t’avais manqué.