J'étais restée au commissariat tard, tranquille dans mon bureau. Il me fallait rouvrir l'enquête sur la fête de la ville deux ans auparavant, qui avait été écourtée par la découverte d'un corps, un squelette plutôt. Monsieur le maire était furax ce jour-là. Notre chef m'avait annoncé qu'on récupérait l'enquête et je devrais en aviser Lisa. Mais il était tard et je ne savais pas si elle avait déjà quitté les locaux ou non. Je la verrais probablement demain. Je soupirai en songeant au bordel qu'était ma vie. J'avais pu trouver une place au Centre pour ma fille, c'était mon dernier espoir pour essayer de la sauver. Pour ce faire, étant donné que mon petit salaire de flic ne suffisait pas, Andrew m'avait trouvé un deal. J'avais toujours su qu'il trempait dans des trucs pas nets et j'avais toujours peur qu'il entraîne mon frère là-dedans, mais je n'avais pas idée d'à quel point il était enlisé dans la criminalité... je m'étais retrouvée impliquée dans une véritable chasse à l'homme... ou plutôt à la femme, et enceinte qui plus est. J'avais été horrifiée car je ne voyais pas comment cette fille pouvait être si dangereuse, enceinte jusqu'aux yeux... et elle avait accouché devant nous, avec l'aide d'une tierce personne qui semblait la connaître. D'autres essayaient de la faire s'échapper, chose qu'ils ont réussi à faire, et la CIA était intervenue. J'avais réussi à filer avant de prendre part à un échange de tirs. Là, j'avais compris que j'étais réellement passée à l'ennemi. Je culpabilisais, mais ma fille avait des soins médicaux adaptés grâce à cela alors... Et il y avait ma rencontre avec Cole, un plan cul ultra sexy et doué de tous ses membres, rencontré dans un bar. Il s'avérait qu'il travaillait pour cette fameuse Division. J'étais dans la merde.
Un énième soupir s'échappa de ma gorge alors que je contemplais les photos qui avaient été prises au parc avec le cadavre déterré par les grues des installations pour la fête de la ville voilà deux années.
J’avais vraiment adoré ma journée. Après deux très longs mois, j’avais enfin pu reprendre le terrain et bon sang, je revivais vraiment. J’étais aussi contente de retrouver ma coéquipière. Ce n’était pas une mauvaise personne pourtant, je restais persuadée que cette dernière cachait quelque chose de grave. Mon instinct de flic me trompait rarement sur ce genre de ressenti. Je ne savais pas quoi penser d’elle pour le moment, mais je menais ma petite enquête. J’étais encore au bureau car je devais taper un rapport de mon intervention du jour. Il y avait eu un cambriolage dans une bijouterie et nous avions entamé une course poursuite avec les voleurs que nous avons réussi à coincer dans une rue qui terminait par un cul de sac.
Il était tard et je savais qu’Allison était encore là. J’enfilais mon blouson et je sortais du commissariat. Je me dirigeais vers le café Smith et j’allais nous prendre deux lattés à la pistache. Cette boisson était dingue et leur café donnait vraiment un coup de fouet impressionnant. Je pouvais tenir une nuit sans problème grâce à ça. En plus des cafés, je prenais deux petites pizzas et je retournais sur mes pas. La soirée était vraiment très calme.
Une fois revenue, je me dirigeais directement vers le bureau d’Allison. J’avais vu de la lumière donc je savais qu’elle était encore là et je savais aussi qu’une enquête avait été réouverte. Je me raclais la gorge pour ne pas lui faire peur et j’entrais avec ma commande dans mes mains. Je posais le tout sur le bureau et je prenais un gobelet de café que je lui tendais. « Tiens, je t’ai pris un latté à la pistache et j’ai aussi ramené de la pizza. » Je retirais mon blouson et j’allais la rejoindre en prenant mon gobelet à mon tour. Je m’avançais ensuite vers elle afin de regarder toutes les photos qu’elle avait disposé et j’en prenais une. « Tu crois vraiment que l’on va réussir à le coincer depuis tout ce temps? » Au fond de moi, j’espérai que oui mais je savais aussi que ce genre d’enquête était toujours délicate et très compliquée, voir parfois impossible, à résoudre.
Deux mois sans ma coéquipière, je devais dire que j'avais apprécié. Non pas que je n'aimais pas Lisa, mais je devais reconnaître qu'être seule ne me faisait pas de mal. D'autant que parfois, Andrew m'appelait pour des missions à la con et que je devais justifier mon départ précipité auprès de la jeune policière.
Elle était de retour après visiblement quelque chose de difficile. Il en fallait pour arrêter de bosser pendant huit semaines, surtout lorsqu'on était flic, mais c'était confidentiel et je n'avais pas osé demander. Si elle voulait m'en parler, elle le ferait
Je la vis débarquer dans mon bureau avec du ravitaillement et j'esquissai un sourire. Nous avions cela en commun : notre goût pour les créations caféinées du café Smith.
- Oh merci, tu déchires ! lançai-je joyeusement en prenant l'un des deux gobelets qu'elle venait de poser sur mon bureau.
Et en plus il y avait de la pizza. Visiblement elle avait compris qu'on en aurait pour une partie de la nuit, voire même toute la nuit.
- Mais tu sais Lisa, si tu le sens pas, tu peux rentrer chez toi... Je sais que tu viens de reprendre, je veux pas t'épuiser à la tâche à peine rentrée. On a déjà eu une bonne journée.
Les photos étaient disposées sur mon bureau et elle était déjà en train de les regarder.
- Je sais pas si on va y arriver, mais écoute, on est payées pour essayer, alors essayons, répondis-je simplement en haussant les épaules. Et puis tu sais, souvent après un crime, les meurtriers se reposent sur leurs lauriers, et c'est avec ce relâchement qu'ils font des conneries.
C'était déjà arrivé par le passé. La seule différence ici était qu'aucun autre meurtre ressemblant à celui-ci avait été répertorié. La mort de la personne datait déjà au moment où le corps avait été trouvé puisque seul un squelette était présent, et toujours pas identifié à ce jour.
- Le crâne montre des signes de fracture avec objet contondant. Il a été trouvé près de la fontaine sur la place. Il faudrait faire voir les caméra de surveillance depuis plusieurs années pour essayer de trouver une piste... On en a pour des lustres. Il a sûrement été enterré de nuit, déjà.
Je ne savais pas quoi dire de plus pour le moment, alors je bus une gorgée de cet incomparable latte à la pistache qui me faisait saliver rien que d'en parler.
Allison cachait quelque chose et je ne savais pas quoi. Elle était une excellente policière et j’en apprenais vraiment beaucoup avec elle. Mais je ne sais pas, j’avais le pressentiment qu’elle jouait un double jeu. J’avais prévu d’enquêter sur elle mais je devais la jouer discrète sur ce coup-là. Mais pour le moment, je n’étais vraiment pas sur ça. Je devais m’occuper de mon retour et de ma santé mentale. Cet enlèvement m’avait vraiment traumatisé et nous aurions pu nous faire tuer avec ma sœur. Je devais donc faire un pat après l’autre et me remettre doucement à travailler. Pour ma psychologue, j’étais prête.
« Mais de rien! » Je buvais une gorgée en fermant les yeux. Bon sang, cette boisson était absolument fantastique. Je me doutais parfaitement qu’on allait en avoir pour des heures voir même pour toute la nuit. On allait donc avoir besoin de carburant. Allison avait l’air de se soucier de moi ou elle avait juste envie d’être seule, je ne savais pas vraiment comment le prendre. Je décidais de le voir plutôt positif et tant pis si je me plantais. Je lui fis un petit sourire. « C’est vraiment très gentil de ta part de te soucier de moi, mais je vais bien, je me sens capable de passer la nuit à t’aider. »
Je prenais une photo et je la regardais. La victime avait eu une belle fracture du crâne. Je levais les yeux vers elle pour écouter ce qu’elle me disait. « Comme tu dis on peut toujours essayer. Oh oui… C’est dans ce genre de situation qu’ils pensent qu’ils ne seront pas pris. Mais tu penses qu’on aurait encore les enregistrements? Car normalement ça s’efface au bout de deux ans. » Je ne savais pas vraiment par où commencer ou en fait si.
« Mais tu as raison, on devrait commencer par les enregistrements et se les répartir. Comme ça on gagnera un peu de temps. » J’allais allumer mon ordinateur et je me mettais sur le logiciel des caméras. J’entrais la date et je commençais à visionner les enregistrements. « Bon sang, les images sont de mauvaises qualités, je sens que ça va être compliqué. » Mais on devait tout tenter pour mettre ces enfoirés derrière les barreaux.
Quoi de mieux qu'une boisson caféinée pour passer une nuit à travailler sur une enquête ? J'avais vraiment apprécié le geste de Lisa. Ma coéquipière me rappelait moi à mes débuts. Je lui avais proposé de rentrer, mais elle voulait absolument me prêter main forte, alors je m'étais contentée d'acquiescer avec un sourire. Après tout, je n'étais pas sa mère, elle se connaissait, si elle jugeait qu'elle pouvait bosser, allons-y.
Nous voilà à observer des photos. Le corps avait été trouvé à l'état de squelette donc il se décomposait sûrement depuis un moment.
- Je trouve étonnant que l'odeur n'ait pas attiré l'attention au tout début. Pour les enregistrements...
Je haussai les épaules.
- Il faut tenter. Le légiste avait évalué la mort à environ une dizaine d'années. Au début de l'enquête, nous avions établi une liste de toutes les personnes disparues cette année-là. Mais ça reste très approximatif. L'enquête avait été suspendue à cause d'événements plus urgents, mais apparemment, maintenant on a le temps...
Lisa se mettait déjà au travail en cherchant les vidéo de surveillance.
- Tu sais qu'on a des experts pour ça, tu vas te casser les yeux pour rien.
Je relisais les rapports des débuts d'enquête. Ce n'était pas allé bien loin.
- Au fait Lisa, je ne sais pas si ta soeur te l'a dit, mais on s'est parlé l'autre jour... Enfin... Disons qu'elle m'a carrément agressée verbalement. Elle a des tendances paranoïaques ?
Cette rencontre m'avait laissé un goût amer. La soeur de Lisa était journaliste et s'était plue à me dire qu'elle pouvait descendre ma réputation, que je ne devais pas entraîner sa soeur dans quoi que ce soit. J'avais été abasourdie et surtout fortement agacée par son comportement.
- J'étais pressée en plus. J'avais un dossier médical à récupérer, je dois avouer que me faire tomber sur le poil de la sorte, j'ai pas apprécié.
Je me doutais que la nuit allait-être longue et par conséquent, je savais que le café allait-être le bienvenu pour que l’on puisse tenir toute la nuit. Je ne savais pas ce qu’ils mettaient dans leur café, mais je pouvais rester éveillée toute la nuit sans le moindre problème. Et puis très franchement, même si j’étais persuadée que ma collègue cachait quelque chose, je ne l’appréciais pas mal. En plus, j’en apprenais vraiment beaucoup quand j’étais avec elle. Elle avait beaucoup d’expérience et j’adorai sa façon de travailler. J’avais donc trouvé tout à fait normal de lui offrir un café pour commencer notre nuit.
« Oui, à la vue de l’emplacement où le corps a été trouvé, je dois dire que je trouve ça très surprenant… »
Ça me semblait quand même un peu trop gros pour que ce soit un coup monté. Plus elle me parlait plus l’espoir que je ressentais pour résoudre cette enquête s’en allait. Mais j’étais une personne déterminée et mes supérieurs me disaient que c’était ça qui faisait ma force. J’étais plus que certaine que la réponse était sous notre nez. Tout en l’écoutant, je me mettais sur l’ordinateur dans le but de trouver des réponses.
« Oui mais parfois, un simple détail peu échapper au meilleur des experts. »
Je levais la tête pour écouter ce qu’elle avait à me dire et mes yeux devinrent ronds comme des sous-tasses. Pardon ?? J’avais bien compris ce qu’elle venait de me dire ?? De quoi ma sœur se mêlait? Alors ça non, ça ne passait pas et je ne pouvais pas laisser passer une telle impolitesse. Elle avait pété un plomb où quoi? Notre enlèvement ne lui avait donc pas servi de leçon? Cette situation n’était vraiment plus possible, il fallait vraiment qu’elle aille consulter un psy.
« Attends pardon?? Je ne suis même pas au courant de cette histoire… C’est arrivé quand? Je comprends tout à fait et ta réaction et tout à fait justifiée. Normalement non mais elle s’est faite enlevée et je suis partie à son secours sauf que je me suis fait prendre moi aussi et on a passé un très mauvais moment si tu vois ce que je veux dire… Elle est traumatisée et il faut vraiment qu’elle se soigne comme j’ai fait moi car il est clair que seule elle ne pourra pas s’en sortir. Je vais aller lui parler et crois moi elle ne va pas passer un bon moment… »
Je continuais à examiner les rapports en attendant que Lisa fasse avancer l’enquête avec les vidéos de surveillance. Je m’enfonçais de plus en plus dans la paperasse, essayant de tirer des conclusions des quelques éléments dont nous disposions. Les années passaient, mais le mystère restait intact, comme un mauvais souvenir dont on ne pouvait se défaire.
Je n’étais pas entièrement surprise par la réaction de Lisa. Elle tenait beaucoup à sa sœur, et je savais que la situation était compliquée pour elles deux. C'était un peu hypocrite de ma part de juger la soeur de Lisa en me rappelant combien moi-même j’étais partie en vrille après le divorce. Tout avait été un tourbillon de confusion et de douleur, et je pouvais comprendre comment une telle expérience pouvait affecter quelqu'un, même après tout ce temps.
Je la regardais taper furieusement sur le clavier, perdue dans ses pensées, essayant de ne pas penser au stress croissant que je ressentais. La menace constante du Centre et de ses exigences pesait sur mes épaules comme une épée de Damoclès. Ma vie était une série de compromis entre ce que je devais faire et ce que je voulais faire, et chaque décision me poussait un peu plus vers l’abîme.
- Je suis désolée pour ce qui arrive à ta sœur, Lisa, enfin à vous deux, dis-je finalement, ma voix douce malgré la fatigue. C’est difficile à gérer, et je comprends que ça puisse te mettre dans une position délicate. Peut-être que… peut-être que ce n’est pas le bon moment pour discuter de cela, mais sache que je suis là pour toi aussi.
Je marquai une pause, tentant de formuler mes pensées sans paraître trop évasive ou distante. La vérité était que ma propre vie était tellement compliquée que j'avais du mal à offrir un véritable soutien à quelqu'un d'autre, même si je voulais bien le faire. Avant de me retrouver dans la merde avec mon ex, ma fille malade, j'étais une bonne personne, j'aidais les autres, j'avais des valeurs... J'avais l'impression d'avoir perdu tout cela.
- Quand tout cela sera terminé, nous pourrons parler plus en profondeur. Peut-être que ça nous aidera à avancer, à la fois dans cette enquête et dans nos propres vies.
Lisa, concentrée sur son écran, ne semblait pas avoir entendu ma tentative de réconciliation. Je comprenais son agacement. Ce n’était pas facile de jongler entre la loyauté envers sa famille et ses obligations professionnelles. J’espérais qu’elle trouverait un moyen de résoudre ce conflit familial sans laisser ses émotions interférer avec notre travail. Je pris une gorgée de mon latte, appréciant le coup de fouet qu’il me donnait, cette caféine mêlée la la douceur de la pistache et du lait d'avoine, un délice. Les premières lueurs de l’aube commençaient à poindre à l’horizon, et la fatigue me pesait de plus en plus. J’avais l’impression que les réponses que nous cherchions étaient cachées sous une épaisse couche de mystère et de désespoir.
La nuit avait été longue, et l'enquête semblait avancer à peine. Mais tant que Lisa et moi pouvions travailler ensemble, même dans cette tension sous-jacente, je restais optimiste quant à notre capacité à résoudre cette affaire. Les heures passaient, et la vérité, aussi insaisissable soit-elle, était notre seule boussole dans cette quête interminable.
J’étais vraiment furieuse envers ma sœur. De quel droit cette dernière avait fait ça? Je n’allais pas voir ses supérieurs moi et pourtant, j’en aurai des choses à leur dire sur son comportement. Je pouvais donc très bien comprendre que ma collègue n’ait pas apprécié l’approche D’Ivy. A sa place, j’aurai réagi pareil. Tout en tapant un peu trop fort sur mon clavier, j’écoutais ce que cette dernière me disait. Elle était vraiment adorable dans ce qu’elle me proposait. Pourtant, je sentais que cette dernière me cachait quelque chose. Je ne cessais de me demander de quoi il pouvait bien s’agir car Allison était une très bonne policière. Je ne la voyais vraiment pas en policière corrompue.
Sur le coup, je ne lui avais pas répondu, j’étais trop concentrée sur ce que je faisais. J’avais juste cessé de taper pour prendre une gorgée de ma boisson avant de m’y remettre. Sur la vidéo, un truc attira mon attention. Je plissais les yeux et je cliquais sur l’image que j’essayais d’agrandir. Mais je ne pouvais pas y aller trop fort car l’image devenait toute floue. « Franchement, je veux bien… Je n’ai personne à qui parler et je t’avoue que si tu es d’accord de m’écouter, ça me fera du bien. Mais on verra ça plus tard. Regarde, j’ai trouvé une voiture qui fuit le lieu un peu trop vite à mon goût et maintenant que l’on a du bon matériel, je suis certaine que l’on peut trouver un moyen de lire la plaque Qu’est-ce que tu en penses? » J’espérais vraiment que cette piste pourrait nous aider car je commençais vraiment à sécher Aucune image était exploitable Les vidéos étaient vieilles et la qualité était vraiment catastrophique. Je me levais pour lui laisser la place et je profitais pour aller manger un morceau de pizza.
Malgré la dose de caféine, la fatigue commençait vraiment à se faire sentir. Mais je devais tenir le coup car il était absolument hors de question qu’on laisse filer l’enfoiré qui a fait ça. La victime devait très probablement avoir une famille qui devait avoir besoin que l’on réponde à leurs interrogations afin de pouvoir faire leur deuil. On devait aussi coincer l’enfoiré qui était responsable de cet acte. Je ne comprenais pas comment on pouvait tuer une personne et reprendre le cour de sa vie comme si de rien n’était. Il ne fallait vraiment pas être net.
La révélation que j'avais faite à Lisa concernant ma rencontre plutôt musclée avec sa soeur journaliste avait semblé générer une certaine colère en elle. Intérieurement, cela me rassurait car je n'avais pas besoin que la journaliste paranoïaque vienne semer la zizanie dans notre partenariat professionnel, à ma coéquipière et moi. Même si Ivy avait raison sur la dangerosité du Centre, c'était son comportement, et non le mien, qui mettait en danger sa soeur, car clamer haut et fort qu'elle savait ce qu'ils trafiquaient était le meilleur moyen de se prendre une balle dans la tête. Très sincèrement, leurs agissements n'étaient pas mon combat, ils avaient proposé de soigner ma fille en échange de mon aide, et même si aller contre mes principes et tout ce qui avait fait que j'avais embrassé la carrière de flic me révulsait, savoir que mon enfant avait un espoir de s'en sortir était comme un phare dans la tempête.
Lisa justifiait l'attitude de sa frangine par le traumatisme qu'elles avaient vécu, et je devais reconnaître qu'il y avait de quoi être affecté, mais il y avait de l'aide qui existait pour ce genre de choses... Je hochai la tête à la réponse de ma collègue. Je l'appréciais bien, elle était sérieuse et dévouée, je me revoyais en elle, une dizaine d'années auparavant.
- Bien sûr Lisa, tu peux me confier ce que tu veux. On est une équipe.
Mais immédiatement après, elle me montra quelque chose sur la video de surveillance, un départ un peu trop précipité pour que ce soit honnête.
- Mais t'es un vrai génie toi ! Dire que les mecs ont repassé ces vidéo sans le voir... Bravo Lisa !
Je notai les détails de la vidéo, le moment exact où on voyait la fuite, pour pouvoir demander au service concerné d'approfondir les recherches et nous trouver des données fiables à exploiter. Je recopiai tout sur un e-mail que j'envoyai au service logistique avec la référence de la vidéo.
- Voilà, à la première heure, ils vont se mettre dessus. Je pense qu'on peut aller se coucher, on n'aura rien de plus cette nuit.
Je regardai ma montre. Quatre heures du matin.
- Merci beaucoup Lisa, beau boulot ! Est-ce que tu veux qu'on aille prendre un petit déj, ou on rentre directement dormir quelques heures avant de revenir ?
Allison me proposait de devenir mon oreille attentive et très franchement, j’étais vraiment soulagée de sa proposition. Mais avant ça, il fallait que l’on trouve quelque chose de concret sur ces vidéos. Je passais tout ce que je pouvais au peigne fin et il était absolument hors de question que je baisse ma concentration. « Merci, je dois bien avouer que j’apprécie de savoir que je peux me confier à toi. » Un détail finit par retenir mon attention et je le disais immédiatement à Allison. Cette dernière cria presque de joie en voyant ce que j’avais trouvé. Merci la technologie.
« Un vrai génie je ne pense pas. On va dire que j’ai juste été attentive. On dirait que les personnes ont la flemme de tout regarder avec attention et après ben, ils passent à côté de trucs important. » Aller se coucher, cette phrase tournait en boucle dans ma tête, c’était vraiment une excellente idée. Je commençais vraiment à fatiguer. Je terminais mon morceau de pizza et j’allais jeter le carton dans la poubelle. « Parfait, je t’avoue que je ne suis pas contre aller me coucher. C’est drôle car d`habitude, ce café me donne un tel coup de fouet que je peux rester éveillée 48h sans le moindre souci. »
Cette dernière me proposait d’aller prendre un bon petit déjeuner. Un sourire se dessina sur mes lèvres, j’avais besoin de me confier à elle et je décidais de mettre ma fatigue de côté. « Tu sais quoi, finalement l’idée du petit déjeuner me tente bien. J’ai super faim et j’ai vraiment besoin de me confier à quelqu’un si ta proposition tient toujours. » Car oui, me confier à une personne qui était totalement neutre me ferait du bien. Et puis, je savais qu’Allison était une personne de bons conseils.
Ces heures passées dans mon bureau avec Lisa avaient eu un effet positif sur notre partenariat. En effet, avant, je voyais cette nouvelle équipière un peu comme une épine dans le pied. Non pas qu'elle n'était pas compétente, bien au contraire, mais j'avais pris l'habitude de travailler seule et surtout avec tout ce qui se passait dans ma vie, ma fille malade, mon ex relou, Andrew qui m'avait refilé un plan foireux pour soigner ma petite mais en me faisant tremper dans de drôles de magouilles... Ce n'était pas le moment d'avoir quelqu'un d'un peu trop consciencieux dans les pattes. Pourtant, avoir travaillé avec elle cette nuit m'avait redonné goût au travail d'équipe, Lisa s'était montrée redoutablement efficace et je retrouvai mon vrai travail de flic, celui de ceux qui veulent protéger et servir leur patrie.
L'heure matinale allait de paire avec nos yeux fatigués malgré l'excitation d'avoir trouvé quelque chose et après avoir accepté d'écouter les problème de ma jeune consœur, je lui proposai un petit déjeuner. Elle sembla ravie de la proposition et accepta.
- Bien, c'est parti alors !
Je me levai, enfilant mon blouson en simili cuir, rangeant mon arme et ma plaque sur moi avant d'inviter du regard Lisa à quitter la pièce.
- Tu connais le dinner ouvert 24h/24 ? Ils font de super assiettes brunch.
Ni une ni deux, nous sortîmes du commissariat, saluant le gardien de nuit au passage. Nous entrâmes dans le restaurant. À cette heure-ci, très peu de personnes étaient là. Installées rapidement sur des banquettes rouges, une serveuse nous apporta des cartes et nous servit une tasse de café bien chaud avant de nous laisser regarder le menu.
- Tu vas voir, le lieu paie pas de mine, mais tout est super bon.
Je connaissais par coeur la carte mais je regardai quand même, des fois qu'il y ait des nouveautés.
J’avais eu un gros coup de fatigue moral pendant un instant. Mais pour finir, l’énergie mettait revenue par suite de ma découverte. J’étais fière de moi, comme ça l’enquête allait pouvoir continuer. Même si pour moi, il était clair qu’Allison cachait quelque chose, j’avais mis tout ça de côté pour me concentrer sur mon travail. Allison était un très bon exemple. Cette dernière était une excellente policière et j’en apprenais vraiment beaucoup avec elle. Je trouvais dommage qu’elle cache quelque chose, qui, je le présentais, était grave. Elle me proposa un petit déjeuner et j’acceptais avec plaisir. J’avais faim et je rêvais d’un bon café.
« Je te suis. » Je mettais mon blouson à mon tour et je prenais mes affaires. Je prenais soin d’éteindre l’ordinateur. « Oui, je connais, je passe très souvent devant mais je ne me suis jamais arrêtée manger. » On se dirigeait ensuite vers la sortie du bâtiment. On n’avait pas besoin de marcher longtemps pour arriver au restaurant. Une fois installée, je retirai mon blouson et je prenais la carte. Je la regardais tout en écoutant ce que cette dernière me disait. « Oh je n’en doute pas une seconde. Je sais qu’il ne faut pas se fier aux apparences. »
Tout semblait vraiment délicieux. Une serveuse vint nous servir des tasses de cafés et je fermais les yeux en souriant. J’adorais l’odeur de cette boisson. Je fermais la carte et je regardais Allison. « Je suis bien tentée par l’assiette brunch et toi? Je suppose que tu dois avoir tes habitudes si tu viens ici souvent. » Je la regardais en souriant. « En tout cas, le café sent vraiment super bon. Car je dois bien avouer que je suis toujours un peu sur la réserve de la qualité du café sans les diner. Je suis trop droguée du café Smith. » Dis-je en riant.