La liberté ! On la savoure encore plus lorsque durant la moitié de votre vie, on vous en a impunément privé. Jarod en avait conscience, il lui restait tant à apprendre, mais au moins il était libre à présent et pourrait, de ce fait, mettre à profit son temps pour jouir des bienfaits de l’indépendance. À commencer par prendre ses propres décisions sans chercher à obtenir l’aval de quiconque. Parfois, par habitude, sûrement, son regard recherchait la petite lueur rouge d’une caméra en marche. On l’avait observé durant la moitié de sa vie, il était donc difficile pour lui, de ne pas avoir la sensation d’être épié. Par chance et parce qu’il était dehors depuis plus d’un an, cette désagréable sensation s’étiolait peu à peu.
Et puis, il avait aussi ce job qui lui prenait beaucoup de temps et l’empêchait ainsi de trop penser au Centre et à celles et ceux qu’il avait laissés derrière lui. Et accessoirement, il cessait (du moins en apparence) de trop songer à une certaine demoiselle avec laquelle il vivait une bien étrange relation. Mais ce travail avait permis à Jarod, plus encore depuis son retour, de se trouver de véritables camarades d’infortune qui avaient consenti à accepter les excuses du caméléon après son départ précipité suite au décès du capitaine.
Malgré tout et plus encore, malgré les apparences, il est bien difficile de faire taire cette odieuse petite voix qui n’avait de cesse rappeler à Jarod que contrairement à d’autres, il pouvait se targuer de vivre ; une culpabilité qui gagnait en intensité à chaque fois qu’il passait devant le portrait de Tony et les quelques fleurs déposées tout autour. Le caméléon se revoyait au cœur de l’incendie, incapable de progresser à cause de la fumée engendrée par l’infernal brasier. À cette température, l’équipement commençait à se déformer et la respiration était incertaine. Tout s’était passé si vite, trop pour le caméléon qui n’était parvenu à sauver son capitaine, mais plus encore son ami.
« Tu es de corvée ! »
La voix de Buck, la nouvelle recrue de la caserne, acheva de sortir Jarod de ses pensées. — Euh aux dernières nouvelles c’est au bleu que revient le privilège de laver le camion. Le chien fou de la caserne fit mine de ne pas comprendre. — Et puis Nash m’a laissé la journée ; j’ai fait trop d’heures selon lui. Buck leva un sourcil s’offusquant de ne pas avoir été prévenu tandis que Jarod fixait, l’air de rien son portable. Son sourire s’effaça presque aussitôt alors que déjà Buck tentait de s’enquérir de la situation. L’ancien cobaye du Centre rangea immédiatement son portable. — Je suis désolé. Il faut que j’y aille. On a besoin de moi. Sans rien ajouter, le pompier d’un jour récupéra ses affaires. Une fois chez lui, il s’en alla prendre une douche avant de se changer. Puis il consulta les horaires de bus, afin d’être sûr d’en avoir un qui pourrait rapidement le mener jusqu’à sa prochaine destination, à savoir le domicile des Black où il n’était pas retourné depuis les funérailles de Tony.
Fin prêt, il rejoignit l’arrêt de bus pour ensuite embarquer et prendre la route. Durant tout le trajet, il tenta de remettre ses idées en place et de préparer un semblant de discours selon les circonstances. Lexa menait sa vie sur tous les fronts, mais peinait à converser avec Alexander ; assez pour se sentir obligé de faire appel à Jarod. Le caméléon, encore sous le jonc de la culpabilité n’était pas à l’aise avec tout ça, mais se voyait mal refuser d’apporter son aide à la veuve de Tony. Observant le paysage extérieur défilé sous ses yeux, il abandonna sa recherche du discours parfait, privilégiant la sincérité de l’échange.
Arrivé sur place, l’officieux compagnon de mademoiselle Parker se défit des lunettes de soleil qu’il portait sur le bout du nez. Hésitant l’espace d’un instant et observant le semblant de jardin, il se laissa convaincre et toqua à la porte. Personne ne vint lui répondre, l’obligeant à réitérer son action. — Il y a quelqu’un ? Lexa ? C’est Jarod !
C'est sa journée tranquille, sans cours et sans personne à la maison pour venir le faire chier. Du moins c'est ce qu'il pensait. Toujours est-il qu'après avoir mangé, il remonte dans sa chambre, son antre où il se sent globalement en sécurité. Mettant son casque sur les oreilles il se laisse emporter par la musique, son esprit divaguant sans que le jeune homme ne soit tenté de l'arrêter. Il se redresse pourtant du lit où il s'était allongé, coupant le son, ayant cru entendre toquer à la porte.
Pendant quelques secondes, il espère n'avoir que rêver, mais cela recommence et cette fois il entend parfaitement la voix qui accompagne les coups sur la porte. Il soupire parce que Jarod n'est pas vraiment celui qu'il a le plus envie de voir. Il n'est pas idiot, il sait bien que l'homme n'aurait rien pu faire pour sauver son père, mais malgré tout, il se demande pourquoi ce n'est pas ce dernier qui est sortit de cet immeuble. Si sa première réaction serait de faire comme s'il n'était pas là. Mais il sait très bien que sa mère va apprendre qu'il est passé et que Xander était à la maison. Elle risque de ne pas apprécier. Aussi, il pose son casque et descend pour ouvrir la porte.
- Hey… M'man est pas là.
Il ne sourit pas vraiment, même s'il tente de ne pas se montrer trop désagréable. Il se décale un peu, histoire de le laisser passer si jamais il veut entrer.
- Elle sera là dans quoi… une heure, si tu veux l'attendre…
Alexander se gratte la tempe rapidement. C'est qu'il n'est pas super à l'aise, mais il sait que sa mère lui fait confiance et que son père appréciait Jarod. Il regarde l'homme en face de lui avalant un peu sa salive avant de reprendre la parole.
- Ça fait longtemps que t'es pas venu ici. Qu'est-ce qui t'amènes ?
Jarod Russel
Citrouillon
▻ ARRIVE(E) LE : 07/01/2017
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I l hésitait encore, même en poussant la petite barrière blanche menant à la propriété des Black. Soudainement, il se sentait comme indigne de fouler ce sol que Tony ne pourrait plus jamais fouler. C’était injuste, tellement qu’il demeurait incapable de passer outre et de se sentir reconnaissant d’être vivant. N’était-ce pas encore trop tôt pour revenir ici ? Il leva les yeux au ciel, plus par incapacité à prendre une décision que par croyance. Et quand enfin l’hésitation s’estompa, le caméléon saisit l’instant et s’arma d’un courage qu’il savait aussi temporaire que l’accalmie dans sa tête. Il devait le faire, pour Tony, mais aussi pour Lexa et les enfants. Et c’est en martelant ce nouveau leitmotiv qu’il toqua une première fois contre la porte close. Laissant filer le temps, il dut presque mécaniquement se résoudre à recommencer avant de se rendre compte que la voiture de Lexa n’était pas garée dans l’allée.
— Crétin ! laissa-t-il échapper à son attention. Bien sûr qu’elle n’était pas là ; elle avait un établissement à faire tourner. Sans grande conviction, l’ancien cobaye du Centre réitéra son action contre la porte qui, avant qu’il ne tente quoique ce soit, s’ouvrit l’obligeant à laisser son bras retomber contre son corps. Xander venait de se présenter dans l’entrebâillement de la porte. Le sourire n’était pas au rendez-vous ; comment aurait-il pu l’être après le drame que venait de vivre la famille ? Jarod l’observa un court instant avant d’enfin se lancer.
— Je viens de remarquer l’absence de la voiture dans l’allée. J’aurais sûrement dû appeler en amont. Le jeune homme venait toutefois de se décaler pour laisser passer le collègue de son père si d’aventure il se décidait à entrer. — Peut-être que je vais l’attendre. Il entra presque aussitôt, analysant et les lieux et la situation. Le langage corporel de Xander le trompait, assez pour que Jarod en vienne à se demander s’il devait directement aborder les sujets fâcheux. Par chance, car elle subsiste, Alexander fut le premier à reprendre la parole amorçant une prémisse de discussion.
— Effectivement, ça faisait longtemps. Avec ce qui est arrivé, je… C’était finalement plus dur que prévu pour celui que le Centre avait si longtemps considéré comme le meilleur de tous. — Je te dois des excuses à commencer par le fait de ne pas être revenu vous voir toi et ta sœur après ce qui s’est passé. La conversation était lancée…
Vraiment, c'est maintenant qu'il se rend compte qu'appeler avant de passer aurait été une bonne idée. Il manque de soupirer le jeune homme, mais se retient de justesse gardant pour lui ses remarques. Il laisse donc entrer le pompier et referme la porte derrière lui avant de le précéder pour aller vers le salon. Il se fige pourtant un instant quand Jarod commence par lui présenter ses excuses. Comme si Alexander avait besoin de ça. Il hausse les épaules, presque blasé par la situation.
- Ça aurait rien changé d'toute façon. Rien ne le ramènera…
Il soupire cette fois et fini son chemin vers le salon faisant signe à l'invité surprise qu'il pouvait prendre place où il le voulait. Restant quelques instants débout comme un con dans l'encadrement de la porte il cherche un peu quoi dire avant de finalement lui demander enfin ce qu'il veut boire.
- Tu préfères quoi ? Café, bière, thé ?
Attendant la réponse, il se rend alors dans la cuisine pour chercher ce qu'il faut, dont un verre et une bouteille de soda pour lui avant de revenir tout poser sur la table basse et prendre place en face de Jarod.
- En vrai, j'ai même plus envie d'entendre parler des pompiers… et si maman avait pas eu son restau, j'aurai demandé à partir… mais je suis coincé dans c'te foutue ville
C'est sans doute en partie au moins pour cela qu'il craque complètement. Tout ici lui rappel la petite amie et le père qu'il a perdu. Il ne parvient pas à prendre du recul sur la situation et le pire c'est toutes ces personnes pourtant bien intentionnées qui ne cesse de répéter que tout ira bien, quand lui a juste envie de hurler. Il ne parvient pas à soutenir le regard de l'homme en face de lui, parce qu'il lui en veut toujours un peu quand même. Puis il a tout de même honte de ce qu'il est en train de devenir. Alors, il fuit les regards, comme il tente d'échapper à la réalité...
Jarod Russel
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I l avait refusé le suivi psychologique, comme cela était préconisé après la perte d’un collègue. Tout n’était pas dû à une fierté mal placée. À la caserne, tout le monde savait que Tony et Jarod s’appréciaient autant qu’ils se respectaient. Ainsi, il était facile d’imaginer à quel point cette perte était douloureuse pour le dernier arrivant. Cependant, tous ignoraient à quel point Tony avait changé la vie de Jarod ; et cette ignorance le préservait d’un affut de questions et d’un peu trop de curiosité. Mais le caméléon s’était toutefois plié aux ordres de son supérieur hiérarchique en acceptant de prendre quelques semaines de congés ; cela avait au moins le mérite de l’exempter de passer par la case « thérapeute ».
L’impuissance, face au désespoir de l’épouse de Tony, acheva de convaincre Jarod qu’il demeurait préférable de prendre de la distance. Sa culpabilité n’ayant de cesse de s’accroître, il se refusait à imposer cela à Lexa et ses enfants. Alors il avait disparu au prétexte de gérer son deuil et de revenir plus fort. Mais cela n’était pas si simple et il en saisissait la pleine mesure aujourd’hui en présence d’Alexander qui restait poli malgré la situation.
Le jeune homme semblait blasé par les dires de son interlocuteur qui s’en voulait de ne pas avoir davantage préparé cette rencontre. Cela lui aurait évité de tomber dans l’écueil des échanges sans profondeur et des phrases policées que l’on fait entendre pour combler les blancs d’une conversation qui peine à démarrer. Bon joueur, le caméléon acquiesça, mais la réalité des propos de Xander raviva le désarroi du pompier qui en arrivait à se demander si c’était une bonne idée d’être venu.
Prends sur toi ! Fuir ne va certainement pas arranger les choses.
Finalement, Xander guida son indésirable invité jusque dans le salon avant de lui offrir, comme le requiert la convenance, à boire. Jarod avait-il seulement envie de boire ? Non ! Mais il ne pouvait se résoudre à répondre par la négative à l’interrogation de l’adolescent. — Si tu as une bière, pourquoi pas. N’étant pas en service, il pouvait se le permettre, même si dans le fond, ce n’était peut-être pas une heure pour s’enfiler une bière. Le fils de Tony n’attendit guère plus longtemps pour disparaître dans la cuisine, laissant le caméléon seul dans la pièce. Mal à l’aise, il détourna le regard des photos et tâcha de s’asseoir. Il n’en demeurait toujours pas moins troublé, se demandant comment il allait aborder la vraie raison de sa présence.
Par chance, Xander ne se fit pas désirer et revint avec les boissons ; du soda pour lui et une bière pour l’invité qui n’eut pas le loisir de poser les jalons d’une conversation douloureuse. En effet, le jeune garçon venait de mettre les pieds dans le plat. Jarod surprit, mais soulagé, porta un regard bienveillant sur Xander, qui pour la première fois depuis son arrivée, exprimait son mal sans détour.
— Je vais être honnête avec toi. Si je suis ici, ça n’est pas pour rendre visite à ta mère. Elle s’inquiète pour toi, autant que pourrait le faire ton père. Écoute, je sais que tu m’en veux et qu’à n’en pas douter, je ne suis pas la personne adéquate pour cet échange. Mais avant tout, je voulais que tu saches que ton père était bien plus qu’un collègue ; il m’a littéralement sauvé et de ce fait, je lui serais toujours redevable. Xander, crois-moi, si j’avais pu échanger ma place avec lui, sans la moindre hésitation, je l’aurais fait. Mais il n’était pas assez naïf pour se dire que ces mots allaient suffire. L’espace d’un instant, il sentit le doute l’envahir lorsqu’il songea à raconter sa propre histoire, du moins ce qu’il en savait. Il s’exprimait rarement là-dessus, si bien qu’il pouvait compter sur les doigts d’une main, les personnes au fait de son passé.
— J’étais très jeune lorsque l’on m’a appris la disparition de mes parents, trop pour comprendre. Mais je la sentais monter en moi ; cette injustice qui ne m’a jamais vraiment quitté. On nous enlève les personnes qui comptent le plus et par la suite, on nous demande de continuer à avancer. Ça n’a aucun sens n’est-ce pas ? Et puis il y a celles et ceux qui n’ont de cesse de nous dire que tout ira bien. Ces personnes sont bienveillantes pour la plupart, mais ne comprennent pas qu’il faut du temps. Mais avant d’aller de l’avant, il faut pouvoir mettre des mots sur ses maux et ne pas tout garder pour soi. Le regard de Xander était fuyant, assez pour Jarod émettre l’hypothèse qu’il avait peut-être visé juste. — J’ai conscience que je ne peux rien exiger de toi Xander, mais je ne peux me résoudre à te laisser tomber alors qu’il est évident que tu vas mal ; assez pour ta mère se tourne vers moi.
Alors là, ce serait mentir que de dire qu'il s'attendait à cela. Il reste figé comme son interlocuteur déballe la véritable raison de sa présence. Alexander ne sait pas comment réagir, le verre presque aux lèvres, mais sans boire, comme si le temps s'était arrêté complètement. À mesure que les phrases que prononce Jarod arrivent à ses oreilles il se crispe un peu plus l'adolescent. Il ne sait pas ce qu'il doit faire, hurler, le virer de la maison ou bien se mettre à pleurer d'entendre à nouveau parler de son père ou de honte parce qu'il pensait vraiment pouvoir cacher son addiction plus longtemps que cela.
Lentement et en silence, l'adolescent posa son verre sans y avoir touché au final. Il n'avait soudain plus envie de boire, ni de rien faire non plus. D'autant que Jarod continue de parler, de dire des choses qui touchent le jeune bien plus profondément qu'il ne veut bien l'admettre. Comment ? Pourquoi les mots qu'il entend là lui font à la fois si mal et tant de bien ? Enfin quelqu'un d'honnête avec lui…
Sa mâchoire et sa gorge se serrent, il peine à avaler sa salive et pour articuler ce n'est pas mieux. Il marmonne un « pourquoi » plus qu'il ne le prononce vraiment. Depuis la mort de son père, Xander se dit qu'il est devenu l'homme de la maison, qu'il doit rester fort pour sa sœur et sa mère, mais au fond, il a encore l'impression d'être un enfant à qui on a retiré un repère, un pilier. Il ne sait pas autorisé à faire son deuil et c'est peut-être ça qui le perd petit à petit.
- Je… pourquoi elle est pas venue me voir ? Pourquoi, maman envoie quelqu'un d'autre ?
Il soupire, se lève du siège qu'il occupait et fait quelques pas. C'est qu'il sent une forme de panique l'envahir. Il ne sait pas ce qu'il doit faire, alors il prend son verre pour s'occuper les mains et va dans la cuisine sans un mot de plus pour le vider dans l'évier. Seulement, il le garde en main, le serrant de toutes ses forces pour ne pas hurler, ne revenant à lui que lorsque la pression est telle que le verre cède contre sa paume, accompagné par une suite de jurons.
Jarod Russel
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C' était un moment difficile à vivre, plus encore pour le jeune Alexander. Et même si dans un coin de sa tête, Jarod avait imaginé ce qu’il pourrait lui dire, force est de constater qu’il y a tout un monde entre la théorie et la pratique. Et c’est d’autant plus difficile lorsqu’il est question du deuil d’un ami et de la culpabilité ressenti par cette perte. Jarod avait beau avoir vécu un nombre incalculable de situations par le biais des simulations imposées par le Centre, il peinait aujourd’hui à savoir comment s’adapter. Malgré tout, la seule résultante qui persistait demeurait dans le fait qu’il lui fallait être honnête avec son jeune interlocuteur ; même si pour se faire le caméléon devait consentir à se livrer.
Si les mots semblaient faire défaut au fils de Tony, ses gestes en disaient long et trahissaient une détresse qui ne laissait point son auditeur indifférent. Avait-il choisi les bons termes ? Devait-il se murer dans le silence pour laisser davantage d’espace à l’adolescent ? Avait-il besoin d’espace ? Le caméléon tâchait de rester impassible sur ses multiples questionnements, mais redoublait d’observation pour tâcher de ne pas se montrer trop maladroit à l’avenir.
Le simple fait d’évoquer à nouveau Tony dans cette maison résonna étrangement, comme si à tout moment, ce dernier allait apparaître dans la pièce. Jarod s’en voulut de le penser, car ce n’était pas rationnel et en bon cartésien qu’il était, il ne pouvait se résoudre à de telles divagations. « Si seulement », songeait-il alors en se surprenant lui-même à envisager une telle alternative. Cela lui mettait du baume à cœur, il est vrai, tout en le déchargeant pour un temps de sa culpabilité. Malgré tout, il ne devait pas oublier ce pour quoi il était là.
— Alexander… commença-t-il en le voyant poser le verre qu’il n’avait pas touché. Ainsi, le caméléon continua à s’exprimer, pris d’une soudaine fulgurance. Rien n’était calculé, il parlait avec son cœur et ses tripes sans chercher à anticiper le moindre scénario. Pour la première fois depuis longtemps, Jarod agissait par lui-même sans chercher à être quelqu’un d’autre.
— Ta mère souffre tout autant que toi mon grand. Et j’imagine qu’en de telles circonstances, elle se sent incapable de t’aider. Je ne dis pas que je suis la meilleure personne pour le faire, mais je veux essayer ; je le dois à ton père. Et alors qu’il se sentait un peu plus à l’aise dans sa prise de parole, Jarod vit l’adolescent se lever, reprendre son verre en main et regagner la cuisine. L’espace d’un instant, le pompier se dit qu’il serait plus judicieux de le suivre. Et alors qu’il s’apprêtait à le faire, son hôte réapparut, explosant au passage le verre qu’il tenait encore entre ses mains. Sans réfléchir, ne laissant parler que son instinct, Jarod se rua sur l’adolescent et lui prit la main et l’entraina dans la cuisine pour la passer au-dessus du lavabo. Silencieux, le caméléon se lava consciencieusement les mains avant d’examiner la blessure. Le saignement était modéré bien que la coupure semble large de prime abord.
— La coupure est importante, mais rien de grave n’est à déplorer. Puis il passa la main du blessé sous l’eau pour nettoyer la plaie. — Tu as du savon ou de l’eau oxygénée ? Il posa alors son regard sur le jeune homme. — Ça va ? La question pouvait paraître anecdotique, mais ne l’était pas. Jarod venait littéralement de tendre la main au jeune homme et espérait que ce dernier la saisisse au passage.
La blessure tire, lui fait ressentir une douleur dont il se serait bien passé. Pas simplement parce que la peau est ouverte. C'est aussi et même surtout, parce que cela lui rappel qu'il est encore en vie, qu'il peut encore ressentir des choses. C'est sans véritablement s'en rendre compte qu'il laisse le pompier s'occuper de sa main. Les mots de ce dernier lui tournent en tête sans que le jeune puisse dire ce qu'il en pense réellement. Parce qu'ils sont justes et c'est peut-être ça le problème ?
Ce n'est finalement que lorsque l'eau toucha la plaie, lui tirant une grimace, qu'Alexander réagit enfin complètement. Il vient se gratter la nuque de son autre main, clairement mal à l'aise de devoir être soigné par Jarod alors que ce dernier venait juste lui parler. Il réfléchit un peu en l'entendant lui demander s'il a de quoi s'occuper de cette blessure un peu mieux.
- Je crois… dans la salle de bain... je suis même pas sûr. Tu connais la maison je te laisse chercher.
De toute façon, il ne risque pas d'aller bien loin. Il garde la main au-dessus de l'évier, regardant les morceaux de verre sur le sol qu'il va bien devoir ramasser. Il soupire, c'est qu'il commence à en avoir marre de lui-même, de ce qu'il est en train de devenir, ou ce qu'il est déjà d'une certaine façon.
Alexander ne répond à la dernière question de Jarod que lorsque ce dernier revient avec ce qu'il aura pu trouver. Seulement, il ne peut pas lui dire que ça va, parce que ce ne serait pas vrai, tout simplement.
- Mon père… ma copine… C'est qui la prochaine personne que je vais devoir perdre ? Qu'il dit sans même redresser la tête, regardant une tâche fictive sur le sol de la pièce. Tu veux savoir si je vais bien ? La réponse est non et ça n'ira jamais mieux…
Jarod Russel
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J arod était mal à l’aise à l’idée de devoir s’imposer, mais il avait bien compris que pour aider l’adolescent, il allait devoir le secouer un peu. Car tant que l’abcès n’était point percé, rien n’irait en s’arrangeant ; et cette famille, plus que n’importe quelle famille, avait besoin que ça s’arrange. Mais pour l’heure, c’est la coupure de Xander qu’il fallait soigner, même si pour lui, cela n’avait guère d’importance. Le caméléon examina donc avec attention la plaie large. Heureusement, bien que les apparences tendant à prouver le contraire, ce n’était pas si méchant. Le sang coulait encore, mais modérément.
« — Ne bouge pas ! » lâcha Jarod en quittant la cuisine pour regagner la salle de bains et trouver de quoi soigner le jeune homme. Ce n’était pas la première fois qu’il venait ici, il pouvait ainsi se targuer de connaître assez bien les lieux pour ne pas perdre trop de temps à chercher ce dont il avait besoin présentement. Ainsi, il revint rapidement sur ses pas pour ne pas laisser Alexander seul trop longtemps. Il réitéra sa précédente question (restée sans réponse) avant de reporter son attention sur le jeune homme et de commencer à nettoyer sa pluie. Ne s’offusquant point du silence, il œuvra à retirer tous les petits débris de verre avant de désinfecter à nouveau la plaie et de préparer un premier pansement. Et alors qu’il s’apprêtait à lui faire savoir qu’il n’aurait pas besoin de points de suture, le fils de Lexa reprit la parole. Ce ne fut que quelques mots, suffisant malgré tout pour commencer à entrevoir un échange.
« — On ne peut jamais savoir ce qui va nous arriver et parfois on aimerait être pourvu du don d’omniscience pour protéger au mieux les personnes que l’on aime. Le fait que tu te sentes mal est normal et ma question était idiote. Mais tu ne peux pas t’enfermer dans ta douleur, ça va te détruire. Xander, ta mère et ta sœur ont besoin de toi plus que de quiconque et tu ne peux pas leur imposer ton autodestruction. C’est quoi la prochaine étape ? Et ne me dis pas que tu n’y as pas songé. »