- Je me suis mariée avec Betty le 8 août 1964. Cette femme a été la seule dans ma vie et le restera à jamais.

-J'ai été lieutenant général dans le corps des marines. J'ai servi sur le USS-MERLIN. Un paquebot pouvant contenir 2000 hommes sous mon commandement.

-J'ai fait la guerre du Vietnam et celle en Afghanistan

- Je dors avec une oreiller dans les bras qui a l'odeur de ma femme décédée. Je suis un tendre quand je veux.

-Je suis nul avec la technologie. Je suis capable de regarder un radar et des écrans d'un ordinateur mais un téléphone portable, c'est pire que du putain de japonais pour moi!

- J'écoute souvent du Elvis Presley

-Je sers encore mon pays mais c'est un secret. Une semi-retraite.

- Le dimanche matin, je vais à l'église catholique avec la bible de ma femme et son chapelet. Je n'ai jamais arrêté de prier Dieu. Je suis vieux que voulez-vous.

- Après la messe, je vais manger un gros brunch avec oeufs, jambon, bacon, saucisses, fève au lard, creton de veau, patates et pancakes. Je mange pas pendant 24h ensuite. C'est ma récompense de la semaine.

-Je m'entraine encore physiquement. L'âge m'a rattrapé, mais je maintiens mon 10 kilomètres chaque matin à 05h00. Une deux! Une, deux !

11 septembre 2001, Pearl Harbor, Hawaï. 10H28.

- Lieutenant général Watson vous avez un app…

Je levais la main avec le regard lourd pour que ce petit connard ferme sa grande gueule. Les tours s’effondraient en direct à la télévision. Mes hommes retenaient leurs souffles devant cet attentat. Le pentagone était touché également. Je les avais fortement de travers ces connards. Un silence dans la salle de contrôle du USS MERLIN. Un salue militaire dicté de ma voix forte pour nos hommes en cet instant. Le téléphone de mon poste qui sonne alors que je le prends pour parler à l’amiral Stanford lui-même. Alerte maximale lancée et déploiement des effectifs. Les États-Unis allaient entrer en guerre. C’était comme ça. C’était mon job. Je sortais quelques minutes de la salle en laissant les hommes me faire un salue sur mon passage. Je n’arrêtais pas. J’entrais dans ma cabine et je m’assoyais sur le lit pour prendre une grande respiration. J’étais usé. J’étais vieux, mais ça n’allait pas m’empêcher de faire mon devoir. Je levais les yeux pour regarder la photo de ma Betty et je la prenais dans mes mains.

- C’est repartie ma chérie… Cette fois je t’amène avec moi. Fais donc une petite prière pour nous hein tu veux bien? J’ai pas le temps pour ça maintenant…

Le bateau se mettait en marche alors que nous quittions le port de Pearl Harbor. Je n’appelais pas mon fils, il le ferait bien assez tôt.

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8 août 1964, San Antonio, Texas. Cathédrale de San Fernando.

Je me tenais droit comme jamais dans cette cathédrale. Il y avait du monde. Beaucoup de monde. Mon uniforme de marine que je portais fièrement. Je regardais mon meilleur ami et mon père avec un petit sourire c’était plus fort que moi. Les portes s’ouvraient alors que l’orgue commençait à jouer la marche nuptiale. Je me fichais des dix demoiselles d’honneur en robes vertes pâles avec des bouquets de fleurs blanches. Je n’avais de regard que pour elle. Betty Ann Margaret Marshall qui deviendrait Watson dans quelques minutes. Elle portait une robe blanche magnifique. Sa peau parfaite et son sourire qui en disait long. Nous avions vingt ans. Nous étions jeunes et beaux. J’avais déjà une bonne carrière dans le corps des marines. J’étais fier d’avoir une femme aussi sublime à mon bras. Elle était mon monde. Je lui faisais la promesse de l’aimer dans la richesse et la pauvreté, la santé et la maladie et jusqu’à ce que la mort viendrait nous séparer.

J’étais heureux avec Betty. J’aimais la faire danser après de longs mois en mer. Je profitais de sa taille et de son sourire alors qu’elle mettait du Elvis Presley dans la maison. Ce putain d’Elvis qu’elle faisait jouer à toutes les sauces. J’avais même fini par apprécier à force de l’entendre jouer. Ce soir-là, durant la réception. Je regardais ma femme dans les yeux en dansant lentement sur Can’t help falling in love. Elle y avait tenu et j’avais succomber. Personne ne pourrait jamais comprendre combien j’étais amoureux de ma Betty. Jamais.

La vie et ses petites merdes.

J’aurais aimé la voir sourire de douceur, mais malheureusement c’était compliqué. Betty a perdu trois enfants avant de nous donner Aaron en 1968. Le médecin disait qu’elle n’était pas faite suffisamment forte pour porter des bébés. Je n’en croyais rien, mais chaque nouvelle d’une grossesse me rendait plus hostile. J’avais peur de perdre ma femme qui était toute ma vie. J’étais heureux de faire la rencontre de mon fils et très ému. J’avais attendu de longues heures dans la corridor avant que l’infirmière ne vienne me poser cette petite chose grouillante et qui hurlait. Je débordait de patience et je me faisais la promesse d’en faire un bon patriote comme son grand-père et moi. Il serait un homme, un vrai! Cependant, j’étais un militaire et je partais souvent en mer durant des mois interminables. Betty était tout l’univers de notre petit Aaron. Je n’avais pas la patience de ma femme avec le petit et je tentais de lui instaurer la discipline dont il avait besoin. C’était ardu, mais il ne serait pas l’homme qu’il est aujourd’hui sans ça.

Le temps avançait beaucoup trop vite à mon goût. Ma femme gagnait des rides et moi je gagnais en … J’étais juste grognon. Il n’y avait que ma Betty pour me mettre le sourire et m’empêcher de gueuler après notre adolescent de fils qui faisait beaucoup trop de conneries à mon goût. À croire qu’il le faisait exprès en fait. Il adorait me chercher des merdes. J’étais fier de son choix après ses études cependant. Il entrait dans le corps des marines, mais il s’amusait beaucoup trop. Faire mumuse avec la fille du général n’était pas une bonne idée non plu et il jetait la honte sur nous! Qu’est-ce que j’avais fait au bon Dieu pour avoir un fils pareil? Le pire était qu’il m’annonçait qu’il voulait allé vers la musique. J’étais hors de moi. J’avais clairement manqué mon coup avec mon fils unique. Betty tentait de me calmer en me disant que si cela rendait notre Aaron heureux c’était la seule chose qui comptait. Il pouvait pas devenir médecin ou avocat à la place? Ah bordel …

Quelques années plus tard, il nous présentait la belle et charmante Rose. Au moins, il aimait les femmes! Ça aurait été le comble qu’il soit aux hommes. Je suis de la vieille école que voulez-vous et je voulais des petits-enfants bon! Peu de temps avant le mariage de mon fils et Rose, Betty tombait gravement malade. Un cancer des os rongeait son petit corps délicat. Elle allait mourir. Il n’y avait pas de traitement et elle me demandait de veiller sur nos petits-enfants pour elle. Seigneur que j’ai pleuré en la tenant dans mes bras. Ma belle Betty qui allait me quitter. Je me souviens encore du mariage. Elle ne voulait pas que les gens sachent et elle avait pris un peu de médicaments. Elle avait danser avec notre fils avant de m’offrir une dernière danse sur ses jambes maigres. Pretty woman avait été mon choix pendant que je la regardais avec les larmes dans les yeux. Ma Betty…

Adieu Betty …

Elle était là allongée dans le lit d’hôpital alors que je lisais un livre à voix haute. Elle avait toujours aimé que je lui fasse la lecture des nouvelles ou ce genre de chose alors qu’elle cuisinait sur un fond d’Elvis et c’était exactement ce que je faisais en cet instant. Je levais les yeux vers cette belle femme qui me regardait avec le regard vitreux. Je m’approchais avec douceur pour lui prendre la main avant de poser un baiser sur ses lèvres avec tendresse.

- Soit gentil avec Aaron pour moi s’il te plaît Eddy…

- Pour ça faudrait qu’il arrête de jouer du machin-truc pour ça

- Eddy …

-Bon d’accord. Je te le promets Bett … Je serai patient, courtois et gentil.

- Je ne t’ai pas demandé de livrer ton âme à Satan non plus. Je t’aime tellement Eddy.

- Je t’aime aussi ma chérie et je vais continuer de t’aimer jusqu’à ce que je crève.

Un sourire sur ses lèvres avant qu’elle ne parte à tout jamais. Ses yeux s’étaient fermés lentement sur sa chanson favorite d’Elvis qui jouait. Mes yeux se remplissaient de larmes sans fin alors que ces dernières tombaient sur le visage de mon grand amour. Je n’avais jamais eu mal à ce point. Je n’avais jamais souffert à cette intensité. Ma belle Betty. J’étais resté longtemps près de son corps. Oh Aaron était venu avec sa femme mais je n’en gardais qu’un souvenir sommaire. Je voulais ma Bett avec moi dans notre lit. Je rentrais chez moi pour retrouver la maison vide. Sa place vide et froide près de moi. Son parfum sur l’oreille car elle en mettait chaque soir pour me faire plaisir. J’ai pleuré toute la nuit en serrant son oreiller. Elle n’avait pas le droit de partir comme ça.

J’ai porté son cercueil avec Aaron. Je l’ai regardé retourné à la terre. Dieu avait un ange divin près de lui et je lui en voulais un peu pour ça. Je me jetais alors dans le travail. Je ne voyais pas d’autres choses à faire de toute façon. Le lieutenant général du corps des marines de la US Navy était seul désormais. C’était comme ça. C’était la vie. Je décidais de vendre notre maison pour m’installer à Houston au Texas. Je gardais cependant la bouteille de parfum de ma femme, sa robe de mariée et son bouquet car elle y tenait et une petite bible avec son chapelet. Les photos étaient bien sur de mise. Elle adorait les photographies de notre famille et je gardais cet aspect d’elle. Oh Betty, comme tu me manques chaque jour mon ange.

Kassandra et Lexie, mes petites princesses.

Je me souviens encore de l’appel au milieu de la nuit alors qu’un matelot me réveillait pour me dire de me rendre sur le pont. Le USS-MERLIN c’était chez moi. Je me rendais rapidement pour entendre la voix de mon fils ému à l’autre bout de l’appareil. Kassandra était née. Une belle petite fille dont je serai le grand-père. Betty devait jubiler sur son nuage. Elle avait toujours rêvé d’avoir une fille. Dès que c’était possible, je me rendais sur la terre ferme pour aller à la rencontre de ce petit bout d’amour. Oh déjà à trois mois, je la gâtais beaucoup trop selon Aaron, mais je n’en avais rien à foutre et mon fric restait mon fric.

J’étais fier de cette petite brunette. Elle était vachement intelligente plus le temps passait. J’aimais la garder chez moi quelques jours le temps de donner un petit moment à ses parents. Là, je lui montrais les cartes maritimes et les plans des gros bateaux de guerre. Elle en mangeait. Vous avez déjà vu une enfant aimé qu’on lui lise un manuel d’instruction d’un paquebot de guerre? Enfin bref, ça la rendait heureuse et encore plus lorsque je l’amenais une semaine ou deux sur le bateau. Elle était un peu comme une petite mascotte. Je lui avais enseigné les grades et elle avait bien vite compris que ici, Papy Watson était le patron. J’adorais l’entendre dire : Lieutenant général Papy Watson. Petite puce.

Alors qu’elle avait sept ans, une nouvelle petite demoiselle se joignait à la famille. La belle Lexie. Une autre brunette très mignonne que j’avais eu la chance de voir à l’hôpital cette fois car j’étais en permission. Je rentrais ensuite chez moi avant de revenir trop peu de temps après. Kassandra avait disparu. Aaron avait fait une crevaison et il était arrivé en retard à l’école. Ce n’était pas de la faute de mon fils et je gueulais comme un malade car il était suspecté. Aaron était un bon père même s’il était pianiste. Je sais, il n’y a aucun lien entre les deux mais bon! J’ai participé aux recherches comme j’ai pu. La petite semblait s’être volatiliser complètement. Pas de traces. Les recherches se faisaient comme de la merde et je décidais de prendre les choses en main. C’était comme une mission tactique en mer à l’aveugle. C’était de mon ressort mais malheureusement non … Rien … pas de traces. Les choses ont été difficiles entre Aaron et moi. Il ne poussait pas assez à mon goût et surprotégeait Lexie. Je n’étais pas d’accord. Lexie avait droit à son oxygène tant qu’elle ne faisait pas de conneries. Allez tenter de donner une once de raison à un père en crise vous … Bordel … C’était vachement la merde. Je demandais à Bett de veiller sur notre puce adorée. Elle était encore vivante et je le savais et si quelqu’un pouvait veiller sur elle et la garder en vie, c’était ma Betty.

Attendez … Comment ça la retraite? … Heu NON!

Après les événements du 11 septembre 2001, j’ai servi en Afghanistan. C’était pas la joie là-bas, mais le Vietnam ne l’avait pas été non plus j’ai envie de dire. Des bombes, du bétails et de la belle grosse merde. C’était en rentrant chez moi que je comprenais qu’on voulait me mettre à la retraite. Je n’avais pas envie. L’armée était toute ma vie depuis toujours. J’avais été un mini-militaire enfant avant de devenir lieutenant général. J’étais fier de ma carrière et je demandais à garder un pied sur le USS-MERLIN. C’était mon bébé ce gros paquebot de guerre. Je me rappelle encore lorsque je suis partie. Les coups de fusil et les salue de mes hommes. C’était intense mais c’était comme ça. Chaque bonne chose à une fin.

Je pouvais cependant passer d’avantage de temps avec ma belle Lexie. J’adorais l’amener un peu partout. Bien évidemment, elle avait eu la joie d’aller sur le USS-MERLIN avec moi chaque année comme sa sœur. Papy avait beau grogné fort, il ne mordait pas ses princesses. Je voyais Lexie grandir et je souriais en me demandant de quoi aurait l’air Kassandra aujourd’hui. Je ne comparais jamais les filles et jamais je ne parlais de l’aînée devant l’autre. Elles étaient différentes. J’étais là lors de la remise de diplôme de Lexie à l’applaudir un peu trop fort dans mon uniforme militaire. On restait lieutenant général jusque dans la tombe un point c’est tout!

Évidement, la crise familiale chez mon fils était vachement intense. Assez que la petite s’en alla. Je n’étais pas con, elle avait besoin d’argent et d’un toit au-dessus de la tête. Je l’aidais donc en douce en payant ses frais universitaires et son loyer. Si Aaron savait ça un jour, il allait entrer dans une colère noire, mais je n’en avais rien à foutre. En douce, je continuais les recherches de Kassandra en usant de mon pouvoir de militaire. Quoi? Retraite? Non semi-retraite finalement. Je continuais de travailler pour l’armée. Je donnais des cours et j’étais présent aux exercices. Parfois, je retournais même sur mon gros bébé. Cependant, plus le temps avançait et plus je m’ennuyais chez moi. Je trouvais que la famille était loin. Aaron avait même déménagé à Blue machin truc … Pourquoi pas moi aussi en fait? Je décidais donc de m’acheter une maison dans cette ville de … de … de gens bizarres.  C’était pas le Texas en tout cas. J’emménageais dans ma nouvelle maison avant de décider d’aller prendre une pointe de pizza dans un restaurant italien nommé le Bella … Bellagino? Bellachico? Bah le restaurant italien. La surprise de taille en voyant mon fils jouer du piano en public. Il avait donc repris goût à son existence. Je me levais pour l’applaudir en me fichant des autres. Son air en disait long.

- Papa ?

- Au moins, tu n’as pas fait une fausse note. Ta mère se serait retournée dans sa tombe.

Amen.   

L'équipe municipale de Blue Cove