« Putain … » S’il eût fallu résumer la situation à ce moment présent, il n’aurait pas été de trop de rajouter « … de merde » à la fin de l’exclamation d’Asher. D’ordinaire, il lui en fallait plus pour perdre patience, sauf lorsqu’il était question de David Bass, qui n’avait pas son pareil pour emmerder son petit monde et qui semblait en plus prendre un malin plaisir à faire tourner son prof en bourrique. Le prof de sport était d’ailleurs tellement agacé, qu’il congédia presque aussitôt les quelques élèves qui s’apprêtaient à l’aider pour ranger tout le matériel utilisé lors de la séance d’aujourd’hui. En de telles circonstances, il préférait le faire lui-même pour se défouler un peu. Il pouvait ainsi balancer les balles de dodgeball contre le mur et sans ménagement, songeant à la façon dont il pourrait le faire à David, si l’occasion se présentait un jour. Toutefois, la séance de défoulement ne dura pas plus de cinq-minute, car il fallait encore ranger le reste des installations et préparer le cours suivant avant d’une fois encore se soustraire à l’art du rangement qu’il ne maîtrisait pas encore. Cela faisait partie « des petites contraintes » du métier et si d’ordinaire il laissait volontiers le soin aux élèves de le faire à sa place, cette fois Asher prit sur lui. Et puis c’était l’excuse parfaite pour être seul, pour souffler et proférer quelques insultes à un David Bass invisible.
Une fois tout à sa place, l’enseignant regagna la pièce qui lui faisait office de bureau. Quelques cartons trainaient encore sur le canapé en cuir sur lequel, il était censé recevoir. Mais puisque de toute évidence personne ne venait, il lui trouva une autre utilité. L’on pouvait également constater qu’hormis ce canapé de bonne facture, un bureau et de quoi s’assoir, il y avait peu, preuve d’une envie de ne pas s’investir. Et comment le pourrait-il alors qu’il savait son poste précaire ? L'éducation physique n’étant pas une priorité pour les hautes instances de l’aveu d’Elisabeth Fitzgerald elle-même, qui faisait de son mieux pour assurer un poste à Asher. Mais finalement, était-ce une fatalité ? Après tout, il suffisait d’observer son bureau pour comprendre que Collins n’en avait rien à faire d’être ici, du moins c’est ce qu’il n’avait de cesse de se répéter avant de se souvenir que Fitzgerald était en possession d’informations sur son passé et que pour y avoir accès, notre cher Asher devait récolter des informations pour la femme « en noir » comme il se plaisait à l’appeler. C’était tout bonnement du chantage, mais avait-il vraiment le choix ? Il aimait à penser que « oui » mais les réminiscences qui l’assaillaient depuis peu, semblaient avoir tout remis en question. Comme si soudainement, le passé d’Ash s’était mis à le hanter, alors que jusqu’alors, il vivait « bien » sans.
Les heures avaient beau défiler nous étions encore loin de la fin de journée. Toutefois, il était temps pour le prof de sport, de s’octroyer une petite pause, salutaire qui plus est, car déjà son estomac faisait entendre son mécontentement. Il récupéra donc son badge et ses clés pour verrouiller son bureau comme il était d’usage. Et le voilà regagnant l’ascenseur pour rejoindre le réfectoire, qui il fallait le reconnaître, était assez agréable pour apprécier y passer du temps. Nous étions bien loin des réfectoires que l’on pouvait trouver dans la plupart des collèges et lycées américains. Ici le confort des élèves ( et accessoirement celui des enseignants) était primordial, tout comme la bonne alimentation. Petit défaut pour Ash qui appréciait un peu de junk food de temps en temps et qui était moyennement séduit par le menu végétarien qui sévissait une fois par semaine. Mais soit, puisqu’il fallait se sustenter et reprendre un peu d’énergie. C’est donc pourvu de son plateau et de son badge, que l’enseignant passa, devant les élèves. Il ne s’attarda pas et opta pour une salade, ce qui se rapprochait d’un hachis parmentier et un yaourt. Tt c’est sans grande conviction, qu’il s’approcha des tables. Les professeurs avaient un espace qui leur était alloué, une table un peu plus en retrait des autres. Il remarqua aussi la présence d’un collègue, ce qui le surprit, lui qui avait l’habitude de manger avant tout le monde.
« - Je peux ? » tenta-t-il avant de prendre place sans attendre que la réponse ne se fasse entendre. « - Asher Collins, le prof de sport ! » se sentait-il obliger de faire entendre histoire d’être un minimum sociable.
- Et m'sieur, z'êtes sûr qu'on parle du praseodymium là ?
Ce langage était parfois insupportable. Comment son élève préféré pouvait-il être ami avec ....Ca ? A y réfléchir, et en l'observant, Russell se fit la réflexion que David n'était pas un mauvais élève. Même, il était redoutablement bon, quand il faisait un effort. Mais c'était bien là le problème. David ne semblait jamais vouloir faire d'effort, et préférait se laisser aller. Même si des dires des autres professeurs, il n'y avait bien qu'en sport ou en science que David se donnait un peu plus la peine. La preuve avec ce qu'il reprit. Russell dû reconnaître les faits, il n'était pas si mauvais. Mais tout de même.
Mais finalement, Russell poursuivit son cours en ignorant plus ou moins David. Le plus énervant aussi chez ce garçon, c'est que si Russell aimait lancer des défis, David adorait y répondre, et semblait toujours ou presque avoir la bonne réponse. Mais son comportement était irréfutablement alarmant pour un élève, et Russell peinait à le supporter. Au moins il savait quoi faire pour le dompter. Des défis.
Russell termina son cours à temps, donna ses devoirs, fouilla un instant son sac pour s'assurer qu'il aurait de quoi poursuivre son travail de chercheur tout à l'heure. Puis il alla manger. La cantine était au moins qualitative. Même si ça restait de la nourriture de cantine. Il se rendit compte qu'il avait un peu trop pris son temps et que déjà, la cantine était bien remplie. Roulant des yeux, il alla tout de même s'asseoir avec son plateau. Il sortit des feuilles, pour les corriger. Travailler et manger en même temps, pourquoi pas ?
Là, un autre homme vint s'asseoir devant lui. Russell le dévisagea un instant avant de comprendre qui il était, notamment parce que celui ci se présenta :
- Oh. D'accord. Enchanté.... Russell Linzy. Professeur de sciences et diverses et variés.
Mais surtout de science en général. Russell n'avait pas l'habitude de causer à table, mais il se dit qu'il pouvait bien faire un effort pour cette fois.
Mais il se contenta de ça, et retourna dans ses travaux. Tombant sur la feuille d'un élève qui lui fit rouler des yeux. Il marmonna son nom "David Bass". Comme s'il n'en avait pas déjà eut assez pour ce matin, de dose de Bass. Même s'il savait que la copie serait bonne, le seul souvenir de cet élève l'agaçait toujours un peu. Probablement parce que Russell était quelqu'un d'exigeant, et que David ne fasse parfois aucun effort était désagréable.
Asher Collins
Prof de l'ICP
▻ ARRIVE(E) LE : 21/08/2017
▻ LOCALISATION : The Centre, Blue Cove
▻ OREOS : 865
▻ LOISIRS : Découvrir les petits plaisirs de la vie
Le réfectoire semblait être le semblant de lieu qu’il appréciait assez pour que le temps passé y soit agréable. D’ailleurs, hormis la « cantoche » pouvait-il prétendre apprécier un endroit au Centre ? Si ce n’est les extérieurs, mettant ainsi en exergue la fin d’une journée, ( ou le commencement). Mais il préférait ne retenir que la perspective d’une liberté à venir lorsqu'il franchissait le grand hall pour rejoindre l’extérieur. Pour dire vrai, le Centre lui paraissait chaque jour un peu plus hostile et il y trouvait de moins en moins de plaisir à s’y rendre, surtout depuis l’arrivée impromptu d’une petite tornade brune dans sa vie. Kassandra était l’une de leurs anciennes « pensionnaire » et avait ainsi narré son histoire à Asher lorsqu'elle fut assez en confiance pour le faire. Tant de personnes avaient souffert ici et il était difficile, en prenant place dans le réfectoire auprès de jeunes « privilégiés » (pour la plupart) par leur situation familiale, d’ignorer tout ça. Mais eux continuaient à rire à gorge déployée, à s’amuser comme le font les jeunes de leur âge. Foutus petits cons insouciants, préservés d’une réalité qui porterait atteinte aux intérêts du Centre, si elle venait à être ébruitée. Une perspective avortée à bien des égards, en partie parce que cela pourrait mettre des gens en danger. Mais plus encore, parce que si Asher Collins venait à ignorer les ordres de la Fitzgerald, il était quasi certain de ne jamais avoir accès à des informations sur son passé. Il lui fallait donc prendre sur lui et continuait à jouer son rôle. Jusqu’à quand ? Telle était la question. Toujours est-il qu’il devait dès lors se restaurer pour faire taire son estomac et ne pas attirer sur lui plus de regard.
Depuis son arrivée au sein de l’équipe pédagogique, l’on ne peut pas dire que Mr Collins s’était donné la peine de faire connaissance avec ses confrères. Dès le premier jour, Elizabeth Fitzgerald s’était chargée des présentations, ne laissant que peu d’espace à Ash, qui se contenta des formalités de bases, lui qui n’était pas le genre de type à aimer attirer l’attention sur lui, et encore moins le genre de personne à aller vers les autres pour sociabiliser. Bien sûr, il lui arrivait d’échanger avec certains de ses collègues, mais il sentait bien que sa présence ici, n’était pas apprécié à sa juste valeur et que les « têtes d’ampoules » comme il se plaisait à nommer ses collègues une fois chez lui, auraient certainement préféré rester entre elles plutôt que d’accueillir un homme pourvu d’une intelligence inférieure à la leur et pratiquant une matière dont les élèves pouvaient aisément se passer selon leurs propres critères. Asher lui-même était de cet avis contrairement à la Fitzgerald qui n’avait de cesse de vanter les bienfaits d’activités physiques, comme si tout d’un coup elle était devenue le chantre de ce domaine. Chassant de ses pensées sa supérieure qu’il devait revoir sous peu pour lui communiquer quelques informations, le prof de sport prit la direction de la table réservée au corps professoral. Une table qu'il allait devoir partager avec un collègue en pleine correction à en juger par les copies qu’il annotait. Par politesse et parce qu’ils n’avaient pas encore eu le loisir de se rencontrer et d’échanger, l’ancien militaire fit le premier pas et se présenta tâchant de réunir toute la bienveillance dont il était capable. « - Enchanté également Russel ! » Il se posa face à son collègue, tâchant de ne toucher aucune de ses copies. « - Tu prends de l’avance sur tes corrections ? » Il n’avait pas l’habitude de faire la conversation à un étranger, mais semblait prêt à faire quelques efforts pour distancer la gêne qui menaçait de s’immiscer entre eux après les premières présentations. L’homme était déjà retourné à ses corrections, preuve que ses priorités étaient ailleurs. Ash aurait pu s’en offusquer s’il n’avait pas entendu, murmurer entre les deux de son collègue, un nom familier qui le fit rebondir à nouveau. « - Davis Bass ! À ce que je vois, je ne suis pas le seul à subir. »
Causer ce n'était pas non plus son dada. Causer, c'était souvent difficile quand il n'en avait pas envie. Il aimait sa solitude. Et il ne causait souvent que par intérêt. Il était rare que Russell fut proche de quelqu'un, encore plus parmi les professeurs de l'Institut. A vrai dire, il avait accepté ce poste de professeur parce qu'il avait envie de voir ce que cela donnait s'il enseignait à ces jeunes les bienfaits de la science. Mais finalement, il s'était donc retrouvé devant un type, qu'il avait reconnu comme étant le professeur de sport. Russell ne sous estimait pas le fait que le sport devait être une matière intéressante, mais lui même n'en pratiquait pas réellement. Il espérait juste que le professeur ne le noierait pas de conversations, de long en large en travers. Il se contenta d'un hochement de tête quand l'autre lui demanda pour les corrections.
A vrai dire, quand on était chercheur et professeur, il devenait difficile de se contenter de travailler sur son temps de travail. Donc, il profitait de sa pause repas pour s'occuper de ses actions de prof. Mais l'autre sembla entendre ce qu'il marmonna et réagit. Là, Russell ne fut pas surpris d'apprendre que Bass avait un tel comportement que d'autres professeurs avaient du mal avec lui. Il eut un minuscule sourire, avant de regarder Collins.
- Je ne le subis pas. Disons qu'il.... Pourrait faire mieux et ne s'en donne pas la peine.
Et pourtant, ses contrôles étaient tellement excellents. Sauf lorsqu'il n'en avait pas envie. Il arrivait que Russell lui donne des copies à la note lamentable, parce que monsieur n'avait pas envie de montrer ce qu'il savait faire. David était de ce genre d'intelligence capricieuse, qu'il fallait flatter pour que ça donne quelque chose. Et pourtant, Russell savait stimuler les troupes. Mais il arrivait que même l'esprit de compétition qu'il inspirait durant ses classes, ne suffise pas pour que Bass bouge son postérieur.
- Je sais que son contrôle sera bon, mais pour le reste.... Il faut faire avec.
Il observa un instant le professeur face à lui. Il pouvait bien lui en parler, l'autre devait savoir ce qu'il voulait dire par là. Mais il repensa surtout à quelque chose. Comme Bass lui posait souci, il s'était renseigné dessus, et avait alors appris que le garçon avaient des hautes aptitudes en sport. Matière que le collègue qui voulait manger avec lui, enseignait.
- Il est mauvais durant votre cours ?
Asher Collins
Prof de l'ICP
▻ ARRIVE(E) LE : 21/08/2017
▻ LOCALISATION : The Centre, Blue Cove
▻ OREOS : 865
▻ LOISIRS : Découvrir les petits plaisirs de la vie
Causer n’était pas l’une de ses priorités, mais de toute évidence et peut-être par le plus grand des hasard, Asher Collins avait trouvé un congénère tout aussi peu affable que lui en matière de conversation. Mais puisqu'il était enclin à sociabiliser davantage, l’ancien militaire consentit à prendre les devants, tout en prenant sur lui, puisqu'un tel comportement était en légère contradiction avec le sien. Lui le bourru, lui le solitaire, du moins il le fut jadis. Les changements dans sa vie étant « récents, » il se considérait toujours de la sorte. Une question d’habitude sûrement. Toujours est-il que l’enseignant n’avait plus l’habitude d’aller ainsi vers les autres et qu’il semblait tout aussi à l’aise que son confrère qui se contenta d’un simple hochement de tête lorsqu'Asher lui demanda s’il était question de correction. « Ça promet ! Si ça continue, je vais devoir investir dans des rames moi ! » Par chance (preuve que tout est possible au Centre, même la félicité) l'exaspération bien que murmurée de Russell à l’égard de David Bass, permit à Ash de mieux rebondir. De toute évidence, les deux professeurs semblaient avoir un sujet en commun. (et quel sujet !) Ash en profita pour mieux s’enfoncer dans sa chaise, guettant l’arrivée de quelques élèves avant de reporter son attention sur Linzy qui lui faisait face et qui se montra un peu plus affable en paroles à l’évocation de David Bass.
« - Moi, je subis et j’ignore s’il peut faire mieux. Je sais juste que mon cours l’emmerde parfois et qu’il n’est pas du genre collectif, ce qui rend les échanges tendus. » Il se rendit alors compte que c’était la première fois qu’il avait un vrai échange avec l’un de ses collègues, chose qui aurait dû se faire bien avant, surtout s’il était question du cas particulier d’un élève. Il se demanda alors s’il devait évoquer sa dernière altercation avec le blondinet. Mais plus encore, il se demandait s’il devait faire part de ses doutes. Non, pas encore, il lui fallait en amont tâter le terrain et ça, il savait faire. « - Il a du potentiel, c’est certain, mais je crois qu’il s’en fiche. Du moins c’est comme ça que je l’interprète. » Russell semblait délaissé un peu ses copies tandis qu’Asher lui accordait toute son attention comme si de cet échange, allait découler de nouvelles révélations sur le cas Bass. « - Mauvais ? Non, je serais malhonnête si je répondais par l’affirmatif. Il ne fait juste pas d’efforts. C’est un individuel, c’est certain. Malheureusement pour lui et pour moi, j’ai tendance à privilégier le collectif, ça me paraît important. Mais comme vous l’avez fait entendre, je pense qu’il pourrait faire mieux, s'il s'en donner la peine. En fait, j’ai comme l’impression qu’il ne cherche pas à attirer l’attention sur lui. Ou alors, il semble être toujours dans la confrontation surtout si l'on cherche à s’intéresser à lui. Vous n’avez pas cette impression ? »
Accueil
Mar 28 Avr - 23:59
