Les vacances étaient finies, et quelles vacances ! Ce mot qui, auparavant, était bien abstrait pour une caméléone qui avait été exploitée vingt-cinq ans de son existence, avait pu savourer le bonheur de pouvoir profiter de la vie. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, du moins cette chose là, car de toute façon, être hors du centre était en soit la meilleure chose qui lui étai arrivé, avec la rencontre d’Asher Collins.

La vie avait repris son cours, et alors qu’elle était en ville, Kassie avait fait la connaissance d’une jeune femme du prénom de Lexie, toutes deux avaient fait office de premiers secours pour un accident de la route. C’est là que la brunette réalisa qu’elle voulait vraiment aider les gens et que faire comme sa nouvelle amie, des études de médecines, serait la meilleure chose à faire.
Forte de cette nouvelle idée, Kassie rentra chez elle et Ash le soir, heureuse de pouvoir lui faire part de sa réflexion. Elle le savait lui aussi de retour à son travail au Centre, ce qui la terrifiait toujours autant, malgré le fait que son petit ami ait l’air d’assurer qu’il maîtrisait la situation. La brunette était consciente qu’avec le Centre, on le pouvait jurer de rien. Mais elle préférait essayer de ne pas penser au pire histoire d’éviter de gâcher chaque journée où  Asher allait travailler. Chaque journée dehors était un cadeau de la vie, elle en était consciente plus que quiconque.

Arrivée la première, elle s’affaira à ranger un peu la maison, puis préparer un petit plateau apéritif pour le retour de son homme qui n’allait certainement plus tarder. En effet, elle entendit la clé dans la porte et aussitôt se précipita, tout sourire, pour aller accueillir la personne qu’elle aimait le plus au monde.

- Eh salut ! lança-t-elle avant de l’entourer de ses bras et de déposer un baiser sur ses lèvres. Comment s’est passé ta journée ? Tu ne t’es pas fait gronder pour les vacances improvisées ?

Sans doute aurait-il prétexté être malade, tout comme il l’avait suggéré à Kassie pour justifier son absence du dispensaire. Absence qui, si elle menait à bien son nouveau projet, serait définitive.

- J’ai des tas de trucs à te raconter. Aujourd’hui, j’ai fait office de premiers secours pour des accidentés de la route, et j’ai rencontré une fille, je crois qu’on a sympathisé… Elle est interne à l’hôpital de Blue Cove… Ash, je crois que j’aimerais faire des études de médecine. Enfin, je veux dire valider réellement les compétences que j’ai. Tu vois, passer une équivalence et continuer, peut-être e chirurgie, comme Lexie.

Ses yeux pétillait, elle avait un nouvel objectif en plus de celui de retrouver sa famille qui était au point mort d’ailleurs. Elle avait besoin de ça, de quelque chose à quoi se raccrocher.

- Qu’est-ce que tu en penses ? Ton avis est vraiment important pour moi. Est-ce que tu crois que ce serait trop dangereux ?

Passer du rêve aux cauchemars en une fraction de seconde, c'est un peu l'impression qui avait saisi Asher une fois de retour en terres américaines. Les vacances terminées n'étaient désormais plus qu'un souvenir appelé à s'éloigner à mesure du temps passé à Blue-Cove. Ash retrouvait peu à peu ce qui lui faisait office de repères et bien malgré lui, les cauchemars étaient revenus. Une façon pour son inconscient, de peut-être le rappeler à l'ordre. Pour préserver Kassandra, il préféra tout garder pour lui et continuait à faire comme si rien ne pouvait l'ébranler. La vie devait de toute façon, reprendre son cours. C'est ainsi, que l'ancien militaire regagna le Centre, où il était attendu de pied ferme par une Elizabeth Fitzgerald « légèrement » mécontente et qui n'hésita pas à le faire savoir lors de leur entretien officieux, à l'extérieur, près des serres, le seul endroit dépourvu de caméras et de micro.

« - Je sais ce que vous allez me dire... » commençait-il avant d'être coupé de façon abrupte par son interlocutrice qui se fichait pas mal des bonnes manières. « Non, ne soyez pas aussi condescendant et irresponsable. Vous n'êtes pas seul Asher. Si vous merdez, je merde compris ? Le Centre a des yeux partout et l'influence qu'il faut pour faire tomber n'importe qui, même une personne comme moi. Vous devez comprendre que les décisions que vous prenez auront des répercussions. » Elizabeth souffla avant de sortir un paquet de cigarettes de sa poche. Asher en profita pour reprendre la parole qu'il lui estimait dû. « - Vous m'avez couvert ? » Cigarette dans la bouche, La Fitzgerald comme il se plaisait à l'appeler, lui lança un regard noir, qui n'avait besoin d'aucun mot pour être significatif. « - Si je vous ai fait du tort, je m'en excuse, mais j'avais besoin de prendre l'air... » « Ne vous conduisez pas comme un ado rebelle Asher, c'est tout ce que je vous demande » Elle tira alors longuement sur sa cigarette loin de se douter de ce qui se tramait dans la tête de son interlocuteur, qui, il faut l'avouer, ne manquait pas d'audace.

« - Si vous voulez que je sois optimal, arrêtez d'agiter la carotte devant mon visage. J'ai besoin de plus que de belles promesses Elizabeth. Répondez au moins à une de mes questions ! » Elle le dévisagea à nouveau, mais ne put se résoudre à lui refuser cette demande. Alors, elle acquiesça avant de préciser qu'il n'avait le droit qu'à une question. « - Ai-je un frère qui se nomme Gabriel ? » Surprise, Fitzgerald jusque-là dans le contrôle, faillit perdre la cigarette qu'elle tenait encore entre ses lèvres fines. Elle était surprise qu'il puisse avoir connaissance de cela, mais pour ne pas lui laisser le soin de prendre le contrôle de la conversation, elle acquiesça « Ne me demandez pas où il se trouve, je l'ignore ! » «- Il est en vie ? Dites-le-moi, j'ai le droit de savoir merde ! Je prends autant de risques que vous ! » « Ca, ça m'étonnerait. J'ai presque un pied dans la tombe contrairement à vous Asher. Vous n'avez pas la moindre idée de tous les risques que j'ai pris pour vous sauver » « - Me sauver de quoi ? » Et c'est là, à ce moment précis qu'Elizabeth Fitzgerald, venait de se rendre compte, que pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait plus le contrôle. « Je dois y aller, je suis attendue pour un entretien. »

Ils se quittèrent sur ces dernières paroles et cette multitude de mystères qui laissèrent Asher sur le carreau. La journée fila à une vitesse constante pour certains tandis que pour d'autres, le temps n'avait pas la même influence. L'ancien soldat n'avait de cesse de repenser à la conversation qu'il avait eue avec celle qui lui faisait office de supérieure. Ainsi ce petit garçon qui lui apparaissait de temps à autre, ce petit Gabriel, était son frère. Il avait donc une famille, cette révélation lui réchauffa le cœur avant que l'abrupte réalité  ne le rattrape. Pourquoi cette famille rêvée, l'avait-elle abandonné ? Et pourquoi malgré les efforts qu'il déployait pour s'en souvenir, rien ne lui revenait ? Il avait beau connaître le prénom de son frère rien n'y faisait, il demeurait au même point de départ. Mais alors qu'il s'apprêtait à quitter ce qui lui faisait office de bureau, un petit mot glissa sous sa porte. Sa paranoïa étant accrue entre les murs du Centre, il s'en saisit sans le déplier puis reprit la direction du parking avant de prendre la route pour regagner le domicile qu'il partageait avec Kass et dont personne ne connaissait l'existence. Il se délesta sans attendre de son pick-up et regagna l'entrée. Comme toujours, la porte était verrouillée, mieux valait être prudent. Il sortit donc ses clés pour déverrouiller la porte « - Je suis là ! » lança-t-il en pénétrant enfin le seul endroit sur terre, où il se sentait en sécurité et bien de surcroit. « - Hum ça sens bon ! » Kassandra ne tarda point à faire son apparition en se précipitant, le sourire aux lèvres, sur son homme qui se délecta du traditionnel petit accueil. « - Salut toi. » Il passa ses mains sur la taille de sa compagne, sans la quitter du regard. « - Je me suis fait un peu taper sur les doigts, mais ça va, je gère et toi cette journée ? » Il préférait ne pas s'attarder sur lui, histoire de ne pas se répandre inutilement en détails et bien curieux de savoir ce que la jeune femme avait accompli aujourd'hui.

« - J'aime quand tu as des tas de trucs à me raconter. Je t'écoute ! » Et sans se faire prier la brillante jeune demoiselle, narra ses quelques péripéties qu'Asher prit plaisir à écouter. « - Attends, attends ! Laisse à mon petit cerveau atrophié, le temps de tout remettre en ordre ! Donc tu t'es fait une amie en portant secours à des accidentés de la route ? Ce n'est pas banal ça. » Les yeux de la brunette pétillèrent plus encore lorsqu'elle exposa ses nouvelles ambitions à son amoureux, qui sans trop savoir pourquoi, sentit une joie intense l'étreindre. « - Kassy, c'est génial. Tu vas sauver des vies, c'est un noble objectif et puis ça te permettra sûrement de trouver ta voie. Donc je suis carrément pour à cent pour-cent. Tu as des capacités exceptionnelles et je trouve ça génial de les mettre ainsi à profit. Franchement, fonce si c'est vraiment ce que tu veux faire. Je n'aurais pas de meilleurs conseils. Et puis tu t'es fait une amie, c'est génial »

Kassie n’avait aucune idée de ce qui s’était tramé dans la journée de son chéri. Elle avait été inquiète pour lui, comme chaque fois qu’il mettait les pieds à l’Institut, accolé au Centre, mais elle voulait être optimiste et croire que tout irait bien, comme n’avait de cesse de l’affirmer l’ancien militaire.
Le voilà à présent rentré, et toujours aussi vive, Kassandra lui sauta dans les bras, trop heureuse de le retrouver.

- Oh, j’espère qu’ils n’ont pas été trop méchants. Viens t’asseoir, j’ai préparé l’apéro, tout comme tu aimes.

Elle glissa sa main dans la sienne et l’entraîna jusqu’au salon. Sans attendre, la caméléone s’empressa de faire un rapide résumé des choses intéressantes de sa journée, à savoir l’aide portée aux blessés de la route, sa rencontre avec Lexie, et son nouvel objectif. Elle étouffa un petit rire derrière sa main face à la réaction d’Asher.

- Eh, il est loin d’être atrophié ton cerveau !

Asher disait parfois de drôle de choses, c’était son « humour pourri » comme il se plaisait à le clamer. Mais Kassie riait toujours de bon coeur, le rire était une chose qui lui avait trop longtemps fait défaut. L’enthousiasme de la brunette sembla contagieux et Ash’ parut tout à fait enchanté d’entendre tout ce que sa compagne lui racontait. Il semblait ravi qu’elle se soit fait une amie, chose peu banale pour elle, et qu’elle ait pour projet de passer un diplôme.

- C’est vrai, je peux alors ? Oh merci ! Je suis tellement heureuse que tu sois d’accord avec cette idée.

Elle sautillait sur place tant elle était contente. Mais la jolie brune reprit son sérieux.

- Il y a autre chose, Ash. Voilà, en rentrant j’ai fait des recherches, et bien sûr il faut une carte d’identité et tout ça… Donc il me faut une identité. Pour plus de discrétion, je pensais raccourcir mon prénom pour mettre « Sandra ». Mais j’avais pas d’idée de nom de famille alors euh… en fait, je me demandais si tu accepterais de me prêter le tiens ? demanda-t-elle un peu gênée.

Elle plongea son regard dans le sien.

- Sandra Collins, ça sonne bien non ? Mais après, je peux comprendre que tu ne veuilles pas, c’est… personnel un nom, auquel cas, n’hésite pas à me faire des suggestions.

Une fois ces formalités administratives bouclées, elle pourrait se lancer dans la phase de passage des équivalences, ce qui ne lui prendrait sans doute pas beaucoup de temps.

Rentrer à la maison n'avait plus la même saveur, depuis qu'une certaine Kassandra avait pénétré la vie d'Asher Collins. D'ailleurs avant cette rencontre aussi impromptue que déstabilisante, rien n'avait de saveur pour l'ancien militaire et encore moins le foyer, pour un être déraciné. L'achat d'une maison fut une révélation, la première étant de partager sa vie avec quelqu'un. Il pouvait le dire, il avait enfin son chez lui, un endroit qu'il partageait avec Kassandra, un refuge, le leur, où il se sentait enfin à sa place et qu'il se languissait de retrouver à chaque fois, avec le même entrain, plus encore lorsqu'il était accueilli de cette façon. « - Méchant, tu crois ? Ils ne préfèrent pas essayer, car ils savent ce que cela coûte. Je suis assez monomaniaque dans ma punition, toutefois les trois tours de terrain demeurent très dissuasifs ! Mais « stop » ma sublime petite-amie me propose un apéro, je me dois de ce fait, de bannir le boulot de notre conversation pour profiter pleinement » Il retira sa veste, ses chaussures, déposa ses clés sur le buffet de l'entrée avant de rejoindre le salon et de s'enivrer de la bonne odeur qui s'en dégageait. Puis chacun pris place et Asher offrit toute son attention à la belle brune qui lui faisait face et qui livrait à son tour le résumé de sa journée, avec une exaltation qui faisait défaut à l'ancien militaire, lorsqu'il évoquait la plupart de ses journées à l'Institut.

« - Bon ok, mon cerveau n'est pas atrophié, mais il est quand même légèrement plus petit que le tien. Mais je crois que je vais me taire, parce que cela dépasse mes compétences. » Il l'écoutait avec entrain, mais plus encore, il demeurait fasciné par chacune de ses paroles et cette façon, bien à elle, qu'elle avait de s'exprimer, cette exaltation enfantine qui n'appartenait qu'à elle. Bon sang que cette femme était parfaite, sous ses airs ingénus. « - Tu pourrais continuer à parler des heures, que je t'écouterai, mon petit rayon de soleil. Mais » Il leva le doigt pour mieux appuyer son objection (qui n'en était pas vraiment une) mettant ainsi un frein à la trop grande exaltation de Kassandra qui sautait déjà partout. « - Ah non, tu pouvais continuer à sautiller ! C'était juste pour te dire qu'il est hors de question que tu prennes tes décisions en fonction de ce que je dis. Et tu n'as pas à me demander quoique ce soit, tu es libre Kassandra, totalement libre et c'est ça qui est magique avec la liberté. Tu comprends ce que je veux te dire ? » Avant de pleinement se réjouir, il était important pour Ash que cette clarification soit faite, car il se refusait à imaginer Kassandra dépendante de ses décisions, mais plus encore soumise à lui comme le Centre le lui avait appris « - Moi la seule chose qui m'importe c'est ton bonheur et rien d'autre. Maintenant, tu peux continuer à sautiller si tu veux »

Mais déjà, elle avait semblerait-il repris son sérieux « - Autre chose, tu dis ? Je dois craindre quelque chose ou tout va bien ? » Pour ainsi dire, il redoutait d'être confronté à la mécanique de la bonne et la mauvaise nouvelle. Kassandra lui expliqua alors, après avoir fait quelques recherches, qu'elle devait s'octroyer un nom, un prénom, mais plus encore une identité pour remplir les papiers. « - Tu veux que je te prête mon nom ? C'est la chose la plus mignonne que l'on ait pu me demander. Bien sûr que tu peux prendre mon nom, au contraire, rien ne me ferait plus plaisir que tu le portes, même si c'est plus ou moins officieux. Et puis c'est vrai que Sandra Collins ça sonne vachement bien. Genre, Docteur Sandra Collins ça sonne encore mieux. Je crois que pourrais très facilement m'y faire madame Collins et vous ? »

Toujours aussi amusée par les propos de son petit ami qui, elle en était sure, faisait exprès de dire des âneries pour l’entendre le reprendre, Kassie secoua la tête de plus belle.

- Les cerveaux ont tous plus ou moins la même taille, c’est simplement l’entraînement qui… Bon d’accord j’arrête.

Elle adorait le regard qu’il portait sur elle, rien que par ce regard elle sentait son coeur se réchauffer. Plus encore lorsqu’il lui donnait des petits surnoms comme à l’instant un « petit rayon de soleil ». Cependant, elle, qui était tout excitée et sautillait, s’arrêta en le voyant lever un doigt d’un air sérieux, reprenant à son tour le sien. Elle hocha la tête avec un grand sourire.

- Oui, je sais, mais ce n’est pas comme si je demandais la permission, je voulais juste avoir ton avis, parce que je sais que parfois mon enthousiasme peut m’empêcher de voir tous les paramètres. Comme le paramètre « risques ». Mais finalement, ce n’est pas plus risqué que de faire du bénévolat au dispensaire ou avant ça quand j’étais mécano au petit garage du coin. Donc… finalement, tout se vaut, pas vrai ?

Et puis ce n’était pas la seule chose dont l’avis d’Asher lui paraissait important. Il y avait cette histoire de nom. Jusqu’à présent, elle avait pu dire n’importe quoi sans preuve, ça passait. Mais pour entamer des études et valider une inscription, il fallait se munir d’une pièce d’identité. En l’occurrence, une fausse pour Kassandra. Elle se sentit un peu honteuse de lui demander d’emprunter son nom à lui, c’était un peu comme usurper une identité, mais elle ne pouvait se résoudre à prendre celle d’une vraie personne ayant existé. Angoissant un peu à la réaction possible de son petit ami, elle se décida à lui poser cette question qui lui brûlait les lèvres et fut enchantée de voir qu’il semblait ravi et trouvait même l’idée mignonne. La brunette retrouva immédiatement son sourire.

- C’est vrai ? demanda-t-elle des étoiles dans les yeux.

Tout semblait lui sourire, c’était presque trop beau pour être vrai, surtout en l’entendant acquiescer et énoncer à voix haute son nouveau pseudonyme. Sandra Collins. Non, Docteur Sandra Collins.

- Oh j’adore ! Comme je suis contente !

Soulagée, elle se pencha pour attraper un verre de thé glacé et une chips qu’elle croqua avec un grand sourire.

- Je te remercie Asher, merci d’être aussi gentil et de me soutenir comme ça.

Elle tendit son verre vers lui pour trinquer.

« - Non mais je t'en prie continue. À ce stade, je n'aurais plus besoin d'avoir Internet, puisque je t'ai à portée de main. Ça me ferait faire quelques économies peu négligeables. » lança-t-il avec ironie. Il n'en demeurait pas moins impressionné par l'intelligence de sa compagne et cet inépuisable savoir qui l'animait, qu'importe le sujet, elle demeurait affable et le cas échéant, elle cherchait encore et toujours à combler ses lacunes. Elle savait s'adapter, c'était indéniable, un constat qui permettait à Asher de comprendre pourquoi ces perles rares étaient ainsi nommés. « - Bon bah toujours est-il qu'il va falloir que je m'entraîne alors, histoire de prendre bien soin de mon petit cerveau » Le sourire aux lèvres, il continuait à poser sur elle, un regard emplit d'amour et d'une tendresse qui lui avait tant fait défaut au cours de sa vie. Comment était-ce possible qu'une seule personne soit capable de véhiculer autant d'amour, de joie de vivre et de gentillesse et puis avec autant d'aisance vous le transmettre ? « - Ne me demande jamais ma permission sauf si c'est pour des trucs importants comme prendre le dernier rouleau de papier toilette. » Evidemment, c'était de l'ironie et la demoiselle commençait à connaître assez bien son homme, pour en saisir les subtilités, du moins il l'espérait, sinon quoi il aurait l'air bien con. « - Effectivement le facteur risque est moindre et puis tu porteras une blouse blanche et ça vois-tu, c'est aussi excitant que de te savoir mécano avec la salopette et les traces de cambouis qui vous avec. » Il laissa entendre un semblant de ronronnement tout en mimant les griffes d'un chat « - Ok, j'arrête. Le paramètre « risque » d'être ridicule est trop grand. »

Il était de bonne humeur comme tous les soirs et très joueur, plus encore curieux d'entendre tout ce qu'elle avait à lui dire et la demande que timidement elle cherchait à formuler. Elle avait besoin d'un nom à apposer sur toute la paperasse qu'il lui fallait remplir pour constituer son dossier. Ash aurait pu fondre tant la demande, aussi hésitante soit-elle, le touchait Certes, ce n'était que fictif et pour faciliter les démarches administratives de Kassandra, mais cela ne laissait pas notre beau blond indifférent. C'était peut-être une sorte d'engagement, du moins c'est ainsi qu'Ash le percevait sans oser trop en dire, de peur, cette fois, d'être incapable de modérer l'enthousiasme de sa chérie qu'il continuait à dévorer du regard malgré tout plus encore avec le charmant sourire dont il était tributaire. « - Bien sûr que c'est vrai, je ne vois pas pourquoi je dirais « non » Et puis tu le portes aussi bien que moi ce nom tu ne trouves pas ? » Elle se plu à son tour à le faire entendre à haute voix. « - Mais j'y pense, on va devoir faire comme si on était marié non ? Je veux dire sur tes papiers. J'imagine qu'ils vont te demander ce genre d'information non ? Il faut bien faire les choses aussi fictives soient-elles » Il se leva aussitôt et se mit à genoux face à elle « - Veux-tu que je joue ton faux mari sur le papier ? »

Asher la fit rire encore une fois. La bonne humeur était de mise, et les précisions sur les préjugés du cerveau tout autant.

- Mais oui, je t’aiderai à l’entraîner, ton cerveau, je te laisserai pas développer des Alzheimer ou Parkinson sans rien faire. Je pourrais commencer par te faire apprendre des formules mathématiques, ou le tableau périodique des éléments tiens !

Kassandra étouffa un petit rire, sachant pertinemment que ce genre d’idée le rebuterait. Quoi que, savait-on jamais, il pourrait développer une passion pour la physique et la chimie. C’est alors que l’ex militaire parla de ne pas demander de permission sauf pour des cas importants comme le dernier rouleau de papier toilette. La brunette ne put se retenir de rire plus longtemps. Il n’y avait que lui qui savait autant l’amuser.

- OK… je vais mettre en place un tableau pour qu’on ne soit jamais à court, ça te va ? proposa-t-elle.

Kassie regarda Asher avec un haussement de sourcil malgré le sourire qui ne s’effaçait plus de son visage.

- Le cambouis c’est excitant ? Ash’, y a vraiment des fois où tu demeures un mystère. Il faut m’expliquer là. Et tu es vraiment trop chou quand tu fais le chat, ajouta-t-elle avec un petit rictus enfantin.

Enfin elle avait osé faire la demande par rapport au nom d’Asher qu’elle souhaitait porter pour ajouter de la crédibilité à sa nouvelle identité. Le fait qu’il accepte était déjà touchant, mais qu’il y mette autant d’enthousiasme l’était d’autant plus. Rassurée, soulagée, elle prit une gorgée de thé glacé avant de reposer son verre sur la table basse après avoir trinqué avec son chéri qui alors lui proposa d’être son mari fictif.

- Oh, c’est vraiment la plus belle demande en faux mariage du monde, j’en suis sure !

Elle se mit à sa hauteur pour le serrer dans ses bras.

- Je serais la plus heureuse que tu sois mon faux mari !

Puis, elle se décala pour pouvoir l’embrasser avant de se réinstaller sur le canapé.

- Je propose qu’on se fasse livrer une pizza pour célébrer notre faux mariage.

Le mariage d’ailleurs était une notion qui lui était un peu vague et complexe, elle ne comprenait pas vraiment l’importance de ce genre de formalité, mais avait compris, depuis sa sortie des sous-sols du Centre, que la vie à l’extérieur comprenait beaucoup de paperasse administrative. Il lui faudrait d’ailleurs se mettre au travail pour créer sa fausse carte d’identité.

- Tu pourras me prêter ta carte d’identité pour que je fabrique la mienne à l’identique ?

Elle ne voulait pas prendre le risque de la faire faire par un « professionnel », au risque que le Centre remonte jusqu’à elle.

- Bon alors maintenant explique-moi cette histoire de salopette dégueu et de blouse blanche. Pourquoi ça a l’air d’être un fantasme ?

La voir rire lui faisait tellement de bien et lui permettait de mettre de côté toutes les petites tracasseries de son quotidien passé au Centre. Avec elle, le temps semblait enclin à ralentir et plus rien n'avait d'importance, si ce ne sont les moments qu'ils partageaient ensemble. Ce fut d'ailleurs à son tour de rire, suite à la proposition de sa compagne. « - Me faire apprendre des formules mathématiques ? Le tableau périodique ? Ça ressemble plus à une punition qu'à de l'aide ça. Tu sais quoi ? Je vais me contenter de lire et de manger du poisson. Je pense que cela devrait faire l'affaire ! » La bonne humeur demeurait malgré « la demande » Mieux, la bonne humeur s'était accrue et chacun allait de son petit éclat de rire « - Un tableau périodique du papier toilette ? Ça vend du rêve non ? » Asher avait un humour qui lui était propre et qui différait de celui du commun des mortels, une chance que Kassandra s'y soit accommodée, mais il lui restait encore quelques subtilités, autres que celles de l'humour atypique, à assimiler. Entre-autre, la notion de fantasme et les quelques exemples qui peuplaient ceux de son cher Asher. « - Non ce n'est pas le cambouis en lui-même. C'est le package... » Les débuts d'explications, même avec l'habitude, demeuraient compliqués pour l'ancien militaire. Il y avait des choses tout bonnement inexplicables, comme expliquer un fantasme, le vôtre en l'occurrence. « - Je vais me contenter de faire ma tête de chat alors ! » lança-t-il innocemment et à court d'explications. D'autres sujets devaient être évoqués, plus sérieux encore et qui requéraient une attention toute autre et la maturité qui allait de pair. Ainsi, l'ancien soldat avait accepté sans réticence, la demande formulée avec précaution par la jeune femme à ses côtés. À sa grande surprise, aussi fictive, soit-elle, le fait que Kassandra lui demande d'emprunter son nom, le toucha. Pour lui, c'était une espèce de symbole. À elle qui n'avait pas d'identité, il acceptait de lui fournir son nom et de partager son identité, un peu comme si quelque part, ils ne formaient qu'un. Mais par fierté et pudeur, il se garda de trop laisser paraître son émotion et continua à jouer de son humour.

« - Ah, mais je n'en doute pas. En tout cas, je me suis découvert un nouveau talent, celui de faire les plus belles demandes en faux mariage du monde ! Tu crois que je devrais le rajouter à mon c.v ? » S'en suivi un baiser et la joie pour Kassandra, d'avoir le meilleur des faux maris. « - Je promets d'être le meilleur des faux maris. En attendant, j'approuve ta demande. J'ai toujours rêvé de me faire livrer une pizza pour célébrer un faux mariage. On prend les mêmes que d'habitude ou madame Collins voudrait-t-elle s'aventurer vers l'inconnue ? » Il attendit sa réponse avant de se saisir du petit p.c et de se rendre sur la page du site sur lequel ils avaient l'habitude de passer commande. Kassandra, elle était repartie dans ses formalités administratives. « - Si tu veux ma carte d'identité, elle est sur le meuble à l'entrée, pas loin de mes clés de voiture et de mon pass. » Concentré sur son écran, il scrutait les nouveautés que le site pouvait offrir avant de voir sa femme fictive revenir à ses côtés et reprendre là où ils l'avaient arrêté, la conversation sur les fantasmes. « - Quoi ? Genre, tu veux qu'on en parle alors que je suis en train de checker le menu ? Vraiment ? Bon attend déjà, je commande. » Il arborait toujours un petit sourire tout en choisissant leur pizza, ainsi qu'un dessert comme à chaque fois qu'ils passaient commande, puis au bout d'une vingtaine de secondes, il reporta son attention sur la jeune femme. « - Voilà, tu as toute mon attention. On en était où déjà ? Ah oui la salopette, le cambouis et le fantasme. Alors, par où commencer ? » Il posa l'ordinateur sur la table basse pour plus de sécurité et prit une grande inspiration avant de se gratter le sommet du crâne.

« - Tu vois les fantasmes sont propres à chacun. On a toutes et tous des délires plus ou moins différents. Mais parfois, il arrive qu'il y ait des fantasmes « clichés » Pour illustrer ses propos, il alla même jusqu'à mimer les parenthèses. « - Tu vois certains gars, aiment voir des nanas avec la tenue du garagiste, le cambouis, les outils, la grosse voiture. Et je serais tout bonnement incapable de te dire pourquoi. C'est comme faire l'amour sur la plage, dans un ascenseur ou dans les toilettes d'un avion. Des fantasmes clichés quoi ! Je ne suis pas le meilleur des profs sur certaines notions et là, je rame. Tu as compris quelque chose au moins ? »

Asher avait un humour particulier, et Kassandra avait appris le second degré à son contact, et de ce fait, elle aussi maintenant était capable de plaisanter, comprenant que tout ce qui était dit n’était pas à prendre au pied de la lettre. Elle éclata de rire à nouveau en voyant la tentative de son amoureux pour se soustraire à sa proposition de lui faire apprendre des formules mathématiques ou les atomes du tableau périodique des éléments.

- Pourtant, on s’amuse beaucoup avec les math et la science. Mais c’est comme tu veux.

Elle rit de plus belle à sa réplique du « tableau périodique des toilettes », s’imaginant déjà en fabriquer un avec les valeurs de chaque rouleau, le nombre de feuilles restant, et s’adossa en penchant la tête en arrière par-dessus le dossier du canapé.

- Ce serait une invention du tonnerre ça !!

Toujours sur le ton de la plaisanterie, de la bonne humeur et de l’amour, ils plaisantèrent sur la demande en faux mariage d’Asher, qui cependant avait quand même touché Kassie parce que ça lui permettait d’avancer dans la vie, de ne pas stagner au point mort, de pouvoir faire quelque chose d’utile. Elle lui sourit avec tendresse.

- Tu as le CV le plus enviable du monde, je suis sure que personne ne sait faire tout ce que toi tu sais faire.

Puis, la proposition de pizza ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, ce dont la caméléone se doutait, bien entendu.

- J’aimerais bien en goûter une nouvelle, il m’en rester encore cinq à découvrir. Choisis. C’est les cinq dernières de la carte.

Elle laissa l’ancien militaire procéder à la commande et se leva à son tour pour aller chercher la carte d’identité de son faux mari là où il la lui avait indiqué. Elle observa l’objet en hochant la tête. Ce serait facile à reproduire pour elle. Elle avait en même temps demandé des explications quant à cette histoire de fantasme, ce qui sembla perturber Asher dans sa commande de pizzas.

- Pourquoi pas maintenant, y a un moment en particulier pour parler de ça ?

Kassandra devait bien reconnaître qu’elle ne comprenait pas vraiment les barrières aux conversations que se mettaient les gens. Mais elle apprenait, lentement mais sûrement. Il y avait des subtilités qui lui échappaient encore. Elle retourna s’installer dans le canapé en prenant une chips au passage et écouta son chéri qui revenait vers elle, tentant de lui expliquer.

- Tous tu dis, vraiment tout le monde ? Je me suis jamais posé la question, pourquoi moi j’ai pas des « délires », comme tu dis, comme ça ? Je veux dire, peu importe ce que tu portes, avec ou sans outils, tu m’attires de la même manière.

Elle écarquilla alors les yeux.

- Faire l’amour dans les toilettes d’un avion ?? Sans rire, c’est vraiment un fantasme cliché ça ?

Elle essaya alors d’imaginer comment faire dans un espace aussi réduit. Elle avait pris l’avion pour la première fois deux semaines auparavant lors de leur escapade au Mexique. Puis elle lui sourit, reprenant le fil de la conversation.

- Mais oui j'ai compris ce que tu disais, tu rames pas tant que ça je trouve, c’est plutôt clair quand tu expliques. Bon, alors il faut qu’on reprenne l’avion pour essayer, pas vrai ?

Il fit non de la tête, presque frénétiquement pour venir contredire son argument « - Tu m'as perdu en plaçant "amusement" et math dans la même phrase » Il exagérait comme toujours, mais savait qu'il avait les faveurs de la jolie brune – qui comprenait enfin son humour – et qu'il pouvait se permettre d'en faire des caisses sans être pris au sérieux, contrairement à Kassandra qui semblait réfléchir. Face à cette vision, l'ancien militaire leva un sourcil et fut tout bonnement incapable de garder le silence. « - Ne me dis pas que tu y penses sérieusement ? » Il l'observa intrigué avant qu'elle ne laisse entendre à quel point le tableau périodique dans les toilettes était une bonne idée. « - Tu y penses vraiment ? » demandait-il avec hésitation avant de se rendre compte qu'à son tour, il était mené en bateau. « - Ah ok j'ai compris, tu me charries. Tu apprends vite, bravo ! » Comment lui résister ? Elle était pourvue de tous les atours d'une femme fatale, tout en demeurant candide dans l'attitude et dans le regard. « - Je ne pourrais rien te refuser de toute façon, même pas un tableau périodique dans les toilettes » La suite de la conversation fut toutefois un peu plus sérieuse, bien que le jeune homme continue à jouer de son humour, une façon pour lui, de ne pas trop exposer l'émotion ressentit par la demande de Kassandra, aussi fictive soit-elle. « - J'avoue que mon c.v est sympa et fera quelques envieux. »

Il la laissa ensuite s'éloigner – pour aller trouver sa carte d'identité – et se chargea de commander le dîner pour venir sceller cette fictive union. « - Donc les cinq dernières de la carte ? » Il laissa défiler la carte avant de voir sa compagne revenir vers lui pour reprendre la précédente conversation laissait en suspens. « - Alors, disons qu'il faut que je sois concentré pour pas prendre la mauvaise pizza et que si tu me parles de fantasme, je ne pourrais m'empêcher de t'imaginer dans diverses situations très excitantes et que comme tu le sais, les hommes ne peuvent faire plusieurs tâches en même temps. Ca risque donc de faire surchauffer mon petit cerveau » Sans attendre, il cliqua à tout hasard sur les dernières pizzas de la liste, commanda tout aussi rapidement avant d'accorder toute son attention à la future madame Collins pour qu'ils échangent sur les fantasmes et qu'Asher se pourvoit des atours du professeur, non sans difficultés. « - Non mais toi, c'est différent, tu es trop mignonne pour ça. » tenta-t-il avec douceur avant de reprendre un peu de sérieux. « - Je crois que c'est un truc en lien avec l'inconscient. Tu ne les éprouves pas parce que je pense que tu n'as pas été bercé par l'hypersexualisation inhérente à notre société » Il se tue un instant, lui-même surprit par ce qu'il venait de faire entendre. « - Wow, c'est vraiment moi qui ai dit ça ? » Et il ne put se retenir de rire à son tour, lorsque Kassandra évoqua le fantasme de l'amour dans les toilettes d'un avion. « - Ouais, c'est un fantasme que beaucoup de personnes ont. J'imagine que c'est l'altitude ou un truc dans le genre. Et si ça peut te rassurer, ça me branche moyennement et je n'ai pas besoin d'être dans les toilettes d'un avion pour fantasmer. Il me suffit juste de te regarder. » Il lui saisit délicatement le bras, l'obligeant ainsi à venir sur lui. « - Juste te regarder et me dire que je vais manger une délicieuse pizza avec une femme toute aussi délicieuse qui en plus est ma femme fictive. Que demander de plus ? »

Si Kassandra n’avait jamais envisagé d’avoir un petit ami un jour, elle pouvait se targuer d’avoir le plus adorable des amoureux du monde. Même si elle n’avait aucune expérience et aucun moyen de comparer, elle était persuadée de son fait. Il savait la comprendre, l’accepter comme elle était, l’encourager, la soutenir, et aussi beaucoup la faire rire. Toutes ces choses qu’elle n’avait jamais eues au cours de sa vie. Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire face à la réaction vindicative d’Asher face aux math.

- Eh ben… je ne savais pas que c’était si rédhibitoire pour toi. OK, pas de math.

La caméléone sourit d’un air fier quand il déclara qu’elle apprenait vite.

- ça fait partie de mes facultés, et tu vois, j’arrive à faire de l’humour comme toi, le second degré, tu te souviens ? C’est toi qui me l’as appris.

La commande des pizzas passée, commande qui ne pouvait d’ailleurs être passée correctement si le sujet fantasme était abordé,  Asher put apporter de plus amples informations pour sa chérie qui essayait encore de comprendre le fonctionnement des humains.

- Trop mignonne ? Tu crois vraiment que c’est un paramètre qui entre en ligne de compte ? Ou tu dis ça pour me flatter ? demanda-t-elle d’un air faussement suspicieux.

L’ancien militaire entra dans des explications un peu plus rationnelles, d’ailleurs bien plus que ce dont il avait l’habitude de parler.

- Tu vois mon amour, tu peux utiliser des mots de plus de trois syllabes, le taquina-t-elle.

Elle regagna son sérieux et lui sourit.

- N’importe quoi, j’ai rien de spécial, ça sert à rien de me regarder. Mais si tu as un fantasme, un vrai, dis-le moi, je suis curieuse de savoir si c’est vraiment faisable.

Son sourire s’élargit encore davantage.

- Manger des pizzas avec toi, c’est vraiment super cool, tu crois que ça entre dans la catégorie fantasmes culinaires ? Ça existe ça ?

Elle se pencha vers lui, s’appuyant sur le dossier du canapé.

- Je préférerais faire l’amour ailleurs que dans des toilettes, moi aussi, alors c’est bien si on est sur la même longueur d’onde.

Puis, elle déposa ses lèvres contre les siennes et glissa sa main dans la sienne.

- Je t’aime, Asher. Vraiment vraiment fort.

Jamais encore, il n'avait connu pareille demoiselle et il faut dire qu'on ne croise pas des caméléons à chaque coin de rue. Mais plus encore, Asher Collins n'avait jamais ressenti pareil sentiment pour quiconque. C'était un peu comme, si en la présence de Kassandra, il découvrait la vie sous un filtre bien plus coloré. Et lui qui avait passé la majeure partie de sa vie à fuir les autres, était désormais prêt à prendre racine et à cesser de parcourir le monde ou les bars, pour fuir une réalité trop pesante. Kassy était même parvenue à lui faire oublier sa maladie ainsi que son addiction aux médicaments et à l'alcool, développée pour combler son absence de douleur. « - Déjà pour commencer, sache que je ne suis pas le genre de personne qui cherche à flatter. Donc ça se pourrait bien que le fait que tu sois mignonne soit un paramètre qui entre en compte. » Puis se surprenant lui-même et parce que l'atmosphère demeurait bon enfant, l'ancien militaire se lança dans une prodigieuse explication sur le fantasme, qui lui valut toutefois de petites taquineries. « - Hey ! Bien sûr que je suis capable d'aligner trois syllabes. Ce n'est pas parce que je suis du genre à faire parler mes poings que je ne sais pas utiliser mes neurones, très chère. » Il n'y a pas à dire, elle n'avait pas son pareil pour le faire fondre, une capacité qui la rendait encore plus spéciale à ses yeux et pas seulement pour une question de fantasme.

« - Rien de spéciale ! Tu déconnes ? Tu sais, il n'y a rien de plus sexy qu'une femme qui ne cherche pas à l'être. Et pour répondre à ta question, parce que j'ai bien l'intention d'y répondre au risque de passer pour un dégonflé. Non là, maintenant, je n'ai pas de fantasme qui me vient en tête. Je ne nie pas en avoir eu quand j'étais plus jeune et plus idiot, mais là maintenant * se gratte le menton* je sèche. Ah si, peut-être le jeu de rôle, mais là aussi, c'est d'un cliché. Je n'en reviens pas d'être en train d'en parler d'ailleurs. C'est un truc d'ado ça. En fait, non, je crois que ce n'est pas mon truc. La simplicité, il n'y a que ça de vrai. Toi, moi, à poil sur ce tapis devant la cheminée, ça, c'est ce qui me paraît être un bon fantasme. » Elle y alla de sa petite envie, une intervention qui fit éclater de rire le principal intéressé « - Alors, ouais je suis persuadé que ça doit exister, mais je ne me risquerai pas à aller faire des recherches sur Internet. Je crois qu'on parle de Food porn, mais je ne suis pas sûr. » Il ne quittait déjà plus son regard et ne pouvait se résoudre à taire ce radieux sourire qui ne dédiait qu'à elle seule. « - Je te ferais l'amour où tu veux » lui murmura-t-il à l'oreille avant de répondre à son baiser. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il entendit de la bouche de Kassandra ces fameux trois mots qu'il n'avait encore jamais fait entendre à quiconque.

« - Et si on le faisait vraiment ? » lâcha-t-il sans trop réfléchir. « - Et si on se mariait, pour de vrai ? »

Comment pouvait-on se sentir aussi bien simplement en la présence d’une personne ? Comment cette personne pouvait-elle représenter à la fois un lieu, un espace, un tout, un infini ? C’était ce que représentait Asher pour Kassandra, son tout. Tant qu’il était là, peu importait l’endroit où elle se trouvait, elle y serait bien. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire en le regardant et l’écoutant parler. Elle buvait chacune de ses paroles d’autant que la plupart du temps, elles étaient pleines d’enseignement pour elle qui découvrait encore la vie « normale ». Elle avait découvert avec lui ce que c’était que de rire, la légèreté d’un moment simple partagé à deux, sans obligation, sans restriction, sans but ou objectif à atteindre à tout prix. Et l’humour aussi. Le second degré, comme il disait. C’était lui qui le lui avait appris. Et là, elle apprenait des tas de choses sur les fantasmes. Le cerveau humain était vraiment complexe.

- Les jeux de rôles c’est cliché ? Il faudrait que je me renseigne sur la question si c’est quelque chose qui t’intéresse. Il faut m’en dire plus. Comment ça se passe ?

Elle était prête à tout pour lui faire plaisir. Un sourire éclaira son visage.

- J’aime bien l’idée de toi et moi devant cette cheminée.

Elle se leva du canapé pour pousser la table basse hors du tapis pour faire de la place tout en parlant des pizzas avant de revenir vers lui qui alors lui murmura quelques mots à l’oreille, ce qui la fit sourire de plus belle.

- Le tapis, c’est bien, répondit-elle en lui volant un baiser avant d’enlever son t-shirt.

La caméléone ne put s’empêcher de lui dire combien elle l’aimait, sans vraiment se rendre compte que c’était peut-être la première fois qu’elle le lui disait aussi franchement. Elle s’apprêtait à l’embrasser à nouveau quand Asher posa une question qui la déconcerta.

- Vraiment ? Pour de vrai ? répéta-t-elle un peu hébétée.

Le mariage était une notion sur laquelle elle ne s’était que peu renseignée, mais il lui semblait que c’était vraiment quelque chose d’important pour les gens.

- Ash’, non ne te sens pas obligé de me dire ça. Je veux pas que tu sois contraint à ça, je sais que c’est quelque chose de vraiment symbolique et important…

Elle se sentit confuse, soudain. Pour elle, il n’y avait aucun doute, elle aimait Asher plus que sa propre vie, plus que sa liberté, plus que tout ce qui pouvait avoir le plus d’importance dans sa vie, mais elle avait du mal à s’imaginer que la réciproque puisse être vraie.

Asher était incroyable et savait mettre Kassandra en confiance mieux que personne. Elle se sentait si bien avec lui, c’était incomparable. Il avait cette façon de dire les choses avec simplicité, de lui apprendre la « normalité » sans jamais la juger sur les petites choses simple d’une vie normale qu’elle ne connaissait pas encore. Alors que la conversation sur les fantasmes s’orientait finalement sur un tapis devant la cheminée allumée et que la caméléone s’était défaite de son haut, l’ex militaire fit entendre des mots que la brunette n’aurait jamais pensé entendre un jour. Complètement abasourdie par les paroles de son petit ami qu’on aurait pu croire tout droit sorties d’un film romantique, Kassie finit par se demander s’il ne se sentait pas obligé de dire ce genre de choses, elle culpabilisait même un peu, ne pouvant que difficilement croire que tout ce bonheur pouvait lui arriver à elle. Pourtant, Asher avait l’air sûr de ses dires, il confirmait même. En l’écoutant parler, les émotions noyèrent Kassandra sous une vague déferlante tandis que ses yeux s’emplirent de larmes. Tout ce qu’il disait était tellement beau, elle le regardait, buvant ses paroles, ne pouvant empêcher ses larmes de couler en silence tandis qu’elle était à chaque seconde un peu touchée et éprise de lui. Comment était-ce possible ? Il y a encore un an, alors qu’elle tentait d’échafauder un plan d’évasion déjà revisité des milliers de fois, attendant le moment opportun, jamais elle n’aurait cru qu’elle vivrait un tel bonheur. Et pourtant aujourd’hui, c’était ça sa vie : être avec l’homme qu’elle aimait, vivre avec lui au quotidien, avoir la chance de le voir sourire, d’ouvrir les yeux chaque matin à côté de lui, sauf quand il se réveillait avant pour faire ses délicieux pancakes.

La gorge complètement nouée par l’émotion, elle était incapable de parler quand il lui prit les mains. Elle souriait, sans doute un peu bêtement, tandis que des perles d’eau salées dévalaient ses joues et elle éclata finalement en sanglots en entendant son homme lui dit qu’il l’aimait, trois mots magiques qu’il n’avait encore jamais dits en sa présence. Elle s’empressa de passer ses bras autour de son cou pour le serrer fort contre elle. Il lui fallut quelques inspirations et expirations pour reprendre le contrôle de ses émotions qui étaient bien trop fortes.

- Oh Asher… Je suis tellement heureuse avec toi, et en ce moment c’est même au-delà du bonheur, je sais même pas s’il existe un mot pour décrire ça. Je t’aime tellement, j’ai tellement de chance que tu sois dans ma vie. Tu m’as sauvée, tu sais. Sortir du Centre, ce n’était pas la seule chose qui m’aurait permis d’avoir une vie normale. C’était te rencontrer, découvrir tout ça avec toi, découvrir l’amour. Je sais que jamais je ne pourrai aimer quelqu’un comme je t’aime toi. Alors, oui, pourquoi pas ? ajouta-t-elle avec un petit sourire amusé en reprenant ses propos.

Puis, elle vint apposer ses lèvres contre les siennes comme pour sceller cet accord.