Il était une fois, une petite fille qui pensait être une génie
Adora. Il fut un temps où elle portait parfaitement ce prénom. C'était une enfant joyeuse et curieuse de tout, faisant la fierté de ces parents qui avaient attendu cette naissance pendant des années. Ils la surnommaient leur petit miracle. Un miracle uniquement possible grâce au Centre, ou plus précisément à NuGenesis via une insémination artificielle.
Le Centre a toujours gardé un œil sur la famille. Ces parents les voyaient comme des anges gardiens. Adora, elle, lorsqu'elle fut assez grande pour comprendre, avait plutôt l'impression qu'ils agissaient comme des investisseurs cherchant à déterminer s'ils avaient misé sur le bon cheval. À moins que cela ne soit à cause de ces parents qui lui faisait sentir que sa naissance avait été tellement désirée que le bébé qui en avait résulté ne pouvait être qu'exceptionnel.
Alors, elle s'employa à l'être de toutes ces forces. Au début, elle l'avait fait pour voir les sourires fiers de sa mère, pour que son père lui ébouriffe les cheveux et voir ces 'A+' ou, avant cela, ces étoiles d'ors décorés le frigo. C'était l'époque où elle était encore innocente.
Puis elle découvrit les regards envieux, les larmes de ceux ne réussissant pas aussi bien qu'elle, les fausses amitiés se liant à l'approche des examens pour se défaire aussitôt après. Elle découvrit que c'était une sorte de jeu. Il y avait des perdants et un seul gagnant. Ainsi allait le Monde. Adora continuait ces efforts. Qui avait besoin d'amis quand on pouvait être une gagnante ? Élève brillante, sa plus grande fierté fut de sauter une classe grâce à ces excellents résultats. Tout le monde pensait qu'Adora était une surdouée et elle-même en était persuadée... Jusqu'au jour où elle découvrit l'existence du projet Caméléon.
Bienvenue au Centre
Avant ce moment, sa vie était parfaite. Elle était une élève brillante et passionnée. La plus jeune de sa promotion. Adora avait choisit la biologie, au début par défi d'étudier une matière difficile puis par passion pour le sujet. La seule ombre au tableau était l'absence d'un homme dans sa vie, un détail sans importance qu'elle croyait avoir tout le temps de régler. Ses bienfaiteurs lui avaient trouvé un travail à Blue Cove dès la fin de ces études. C'est lors de son premier jour au Centre que la biologiste découvrit à quoi ressemblait des vrais génies. Elle découvrit alors n'être qu'une simple humaine ordinaire, un peu plus travailleuse et intelligente que la moyenne, sans plus. L'institut Catherine Parker était peuplé d'élève plus jeune qu'elle de plusieurs années et pourtant plus brillante qu'elle. Sa vision du monde venait de voler en éclats.
Ces sourires devinrent factices, ces phrases aimables faussement mielleuse, sa gentille était aussi fausse que sa politesse. Que se soit à l'institut ou au Centre, le pire cauchemar des petits prodiges était Adora Kindness. Personne ne les croyait quand ils osaient exprimer leur crainte. Comment une personne en apparence si gentille pourrait être le monstre décrit par ces petits génies ? Elle rivalisait presque avec Monsieur Raines en terme de terreur. La biologiste accompagnait souvent les précepteurs durant les simulations, elle avait toujours un commentaire à dire sur les résultats des petits génies. Des phrases dites avec un sourire, des mots gentils seulement en apparence et qui camouflait des remarques humiliantes.
Comme elles les détestaient ! Ces petits génies supérieurs à elle en tout point, apprenant en quelques jours ce qui aurait dû leur prendre des années. Elle voulait comprendre la logique biologique qui plaçait ces agaçants êtres au-dessus des autres, au-dessus d'elle. La biologiste y consacrait son temps libre, mais ne trouva rien qui allait dans le sens qu'elle désirait : pouvoir appliquer cette particularité au commun des mortels. Ces échecs dans ce projet personnel augmentaient sa frustration et sa jalousie envers les Caméléons.
Sa haine envers eux ne fit qu'augmenter après l'accident. Les circonstances ? Une simulation comportant plusieurs des petits prodigues qui tourna mal. Adora ignorait en assistant à cette simulation que les participants s'étaient décidé à lui faire une petite plaisanterie pour se venger de son comportement autoritaire. Oui, de base, tout cela ne devait être qu'une petite blague innocente fomentée par une bande de gosses. Sauf que la blague prit une tournure tragique, tournant en grave accident.
Un accident malheureux, une blague ayant mal tourné. Voilà comment on décrivit la scène par la suite. Adora n'y croyait pas. Des petits génies tels que la jeune Kassandra incapable de deviner les conséquences d'un échange de produit ? Ils n'avaient pas imaginé que leur victime se trouverait si près ? Ils n'avaient su prédire que le produit remplacé était instable ? Balivernes ! La biologiste était persuadée que sa mésaventure avait été orchestrée de bout en bout.
Let the monster rise
Des heures d'opérations permirent de réduire les dégâts, mais aucune greffe de peau ne fonctionna. Adora ressortie de cette histoire en étant à moitié défiguré. Avant, elle était le visage souriant qu'on pouvait exhiber devant les actionnaires, la preuve de l'avenir glorieux qui attendait les enfants nés des inséminations artificielles de NuGenesis. C'était fini tout cela. Dès la fin de sa convalescence, on la transféra loin des labos officiels, comme si elle était devenu un secret honteux pour le Centre.
Du jour au lendemain, elle passait de 'personne prometteuse' à 'paria'. Ce fut dur à supporter. Monsieur Raines fut son sauveur. Il fut le seul à continuer de reconnaître ces talents, le seul à être là alors qu'elle sombrait, brisé par ce coup du sort. Lui, il pouvait la comprendre.
Voilà quinze ans qu'elle est ainsi, que son nom avait pris des accents ironiques, qu'elle est devenue une espèce de légende urbaine pour faire peur aux petits nouveaux tel le croque-mitaine ou un fantôme de l'opéra errant dans les niveaux les plus bas du Centre, qu'un demi-masque recouvre sa blessure. La seule fois où elle s'est permise d'assister de nouveau un précepteur, ce fut pour se venger de Kassandra en orchestrant une simulation qui faillit coûter la vie à l'adolescente. Dommage que Stanley Goodman ne soit rentrer à temps pour la sauver. En dehors de cette action, elle resta le plus souvent terrer dans son laboratoire dans les niveaux inférieurs.
Quinze ans que Monsieur Raines lui confie des expériences dont la légalité semblent douteuses. Adora se plie à ces ordres et ces nouveaux projets (aussi peu orthodoxe soit-ils) avec joie. La Science est tout ce qui lui reste et si cela permet de martyriser quelques génies, elle n'en retire que plus de plaisir.
Dommage que certains de ces jouets se soient évadés. Cette évasion d'une poignée de caméléons est très agaçante. Quelques projets se retrouvent coincés à l'état théorique, attendant le retour des petits génies au bercail pour être concrétisé. La biologiste attend leurs retours avec impatience, elle leur a préparé un joli cadeau d'accueil. Joli pour elle, douloureux eux, bien sûr.