Cela fait maintenant une semaine que nous avons appris que j'ai deux bébé dans le ventre et non pas un seul. C'est pour cela qu'il est déjà très gros. On dirait que je suis enceinte de sept mois alors que je suis seulement à presque quatre mois. J'ai pris plusieurs kilos même si je mange assez sérieusement depuis que je n'ai plus de nausée. Je fais attention à ne pas trop manger et à ne pas assez manger aussi. Judy me prépare de bons petits plats. Depuis quelques jours je suis obligée de demander de l'aide pour mes chaussures et surtout pour les attacher. Mais je n'aime pas demander de l'aide... Je n'aime vraiment pas ça. Je cache aussi le fait que j'ai mal dans le bas du dos. Je ne veux pas inquiéter Sean. J'en parlerais peut être à Kassandra ou Lexie dans deux semaines, quand elles me feront l'échographie pour connaître le sexe des bébés et voir qu'ils vont bien.
Depuis l'annonce des jumeaux, mon comportement a un peu changé... Sean peut m'approcher et me toucher plus longtemps. J'ai envie de me sentir en sécurité contre lui ; qu'il protège les bébés avec ses bras. Parce que j'ai peur... Peur qu'il leur arrive quelque chose... Ils sont dans mon ventre et je sais que je ne fais pas toujours tout comme il faudrait. Et puis il y a le pompier. Il est toujours en liberté. Et en voyant mon ventre il pourrait avoir envie de me faire du mal ou me refaire ce qu'il a fait la dernière fois. Cela me terrorise et pour le coup je suis souvent anxieuse et je n'arrive plus à gérer les émotions des autres. Je n'arrive plus à les bloquer... Et au ranch cela est compliqué. Je me retrouve triste ou en colère pour rien car je deviens une éponge comme me le dit si bien Judy en rigolant. Même si je n'ai pas compris ce que cela veut dire.
Hier, elle est venue me parler dans ma chambre. J'ai immédiatement sentie sa peur, son chagrin et son malaise. Je me suis recroquevillée sur moi-même et j'ai caressé mon ventre pour me calmer. Elle est venue m'informer qu'elle voulait que je prenne un congé ou des vacances. Que j'arrête de m'occuper des ado à problèmes qui viennent au ranch. Elle ne sait pas pour mon don, pour mes capacités, mais elle a vu que quelque chose n'allait pas et elle sait pourquoi. Elle sait que c'est à cause des bébés et du pompier mais elle ne sait pas que c'est aussi parce que j'ai peur et que pour le coup je me laisse envahir par les émotions des autres et que je les subi. J'ai accepté sa demande même si cela me rend triste. J'ai envie de les aider, mais je dois penser à ce qu'il y a dans mon ventre. Elle m'a dit que je pourrais recommencer à travailler au ranch après la naissance des jumeaux. Elle veut bien que je reste dans ma chambre car je suis chez moi ici. Hélas... Dès que je sors... Je suis submergée...
Cette nuit, j'ai eu beaucoup de mal à dormir, j'ai senti des trucs bizarres dans mon ventre et surtout je me suis demandée ce que j'allais bien pouvoir faire maintenant que je ne travaille plus. N'y tenant plus, je suis sortie dehors, avec un couteau pour nous protéger. J'ai besoin de sortir avec une arme quand je suis toute seule, surtout en plein milieu de la nuit. Et je me suis rendue dans le boxe de mon cheval. Je l'aime de nouveau, je lui ai pardonné grâce à Sean. Je m'installe sur une botte de foin et le laisse venir coller son museau contre mon ventre. Depuis le début de ma grossesse, quand je ne le savais pas encore et avant le pompier, il me faisait déjà cela. Maintenant je comprends mieux pourquoi. Il sentait qu'il se passait quelque chose en moi, il savait que je créais deux vies. J'ai fini par m'endormir contre lui. Mais soudain, je me réveille en sursaut. Je pointe mon couteau face à moi. Il n'y a personne. Je me lève difficilement et avance de quelques pas... J'entends alors du bruit. J'avance en silence et tombe nez-à-nez avec... JUDY ! Mon dieu elle m'a fait peur... Elle est là car il est l'heure de nourrir les chevaux. Il est cinq heures du matin... Elle me prend mon couteau des mains en panique et me demande d'aller m'habiller car on va prendre l'air. Elle veut me changer l'esprit... Je ne comprends pas mais j'obéis et je retourne dans ma chambre pour enfiler un pantalon de grossesse et un t-shirt tout moulant. Je mets mon manteau sans le fermer et attends que Judy me rejoigne. Elle m'aide à mettre mes baskets et nous prenons la route jusqu'à la plage... Elle ne parle pas, respecte mon silence. Nous marchons un moment au bord de l'eau puis nous nous asseyons dans le sable. Au bout de quelques minutes je repère au loin un homme qui semble dessiner. Je me lève en me mettant d'abord à quatre pattes à cause de mon ventre et je préviens Judy que je veux marcher un petit peu seule. Elle accepte et se couche dans le sable. Je marche lentement vers le monsieur et une fois à côté de lui je regarde ce qu'il dessine. Je ne dis rien mais je me pose quelques questions. Je me demande pourquoi il peint ce paysage, et surtout pourquoi à cette heure-ci... Il est encore tôt... C'est un peintre professionnel ? Ou il fait ça pour le plaisir ? Je suis curieuse mais je n'arrive toujours pas à parler... Je lève les yeux pour le regarder tout en me caressant le ventre, ce ventre si gros que j'aime tellement.
Le ciel nocturne laisse à présent place à la douce lumière du levé de soleil. Malgré le temps frais, je n'hésite pas une seconde à enfiler ma veste et à sortir direction mon atelier. Là, je prends mon nécessaire de peinture, puis je file direction la plage. Pour certain il serait tôt, pour moi il est l'heure pile pour admirer la beauté d'un levé de soleil sur l'océan et surtout pour le peindre. Après toutes les horreurs que je vois à la Division et au Centre, me mettre dans les yeux un peu de beauté pour la journée me fait du bien. Certains pourraient penser que je suis de glace face aux atrocités auxquels j'assites bien souvent, mais cela me touche bien plus que je ne saurais le dire ! Hélas, contrairement à certains, je n'ai pas le loisir de laisser parler ma conscience et cela même si parfois je le voudrais... Peut-être n'ai je pas assez de courage pour m'opposer à tout cela ou me suis-je persuadé que tout cela ne pouvait pas être changé ? Je l'ignore, mais tout ce que je sais, c'est que personne encore ne m'a donné de bonnes raisons de risquer ma vie pour arrêter tout cela !
Je descend les escaliers qui mènent à la plage face à ma villa, puis je marche sur quelques mètres et je m'installe face à la mer. Ici, berçait par les vagues et le chant des mouettes qui se réveillent elles aussi de leur nuit, je commence à peindre. D'abord les entrelacs se font timides, puis les traits fins tracés sur la toiles s'affermissent au fil de l'avancement de mon œuvre. Sur ma toile s'affiche au bout de quelques heures des teintes allant du bleu à l'orange en passant par l'or et l'argenté du levé de soleil. Peindre c'est être libre ! Libre de ses gestes, de ses traits et laisser s'exprimer ce coté artistique en moi m'apporte une certaine paix et sérénité. Ici, je ne suis plus le directeur de la division, mais juste un artiste en tête à tête avec l'océan et son œuvre.
Profitant de cet instant de repos, j'en oublie le temps et les gens autour de moi et ce n'est que lorsque la jeune femme qui m'observait de loin et à mes coté le nez sur ma toile que je l'aperçois vraiment. Surpris, je ne réalise qui elle est que lorsque son visage angélique se tourne vers moi ! Quelques peu surpris, je reste figé un instant sur place. Je ne dit rien observant simplement la jeune femme en silence. Mon regard se pose un instant sur son ventre où ses mains viennent se poser par moment. Mon souffle se coupe alors. Je reconnais ce visage. Sofia. Ses traits, même sa voix lui ressemble. J'ai l'impression de l'avoir là face à moi.
Je suis décontenancé durant quelques minutes supplémentaires, puis finalement je me décide à briser le silence en lui demandant simplement : "Vous aimez la peinture mademoiselle ?" Je lui souris de la plus simple et douce des manières me surprenant même par cette attitude dont je me pensais depuis longtemps incapable. "Je m'appel Alexis et vous ?" J'ai tellement hate de savoir son nom et son âge également.
J'ai toujours aussi mal dans le bas du dos mais je tente de ne pas le montrer. Je ne veux pas inquiéter encore plus Judy. Quand je me lève pour aller voir le monsieur qui peint je suis obligée de placer ma main sur mon dos. Je marche lentement, profitant du vent sur mon visage et arrive à sa hauteur. J'aime beaucoup les couleurs qu'il a utilisé. Il a l'air doué. Je ressens du calme à ses côtés. Et soudain je sens autre chose lorsqu'il me regarde mais je ne comprends pas ces émotions, elles sont mélangées. Je ferme les yeux et fredonne dans ma tête deux ou trois secondes et arrive à bloquer tout cela. C'est bien mieux ainsi. Je regarde le paysage qui nous entoure mais il se met à me parler. Je repose mon regard sur lui. Est-ce que j'aime la peinture ? Je ne sais pas. Je n'y ai jamais réfléchi.
- Je sais pas... Oui...
Je crois que j'aime bien, mais cela dépend des dessins... Je n'aime pas en noir et blanc et je n'aime pas l'abstrait. Cela me rappelle des choses du Centre. Au tout début pour voir comment mon cerveau fonctionnait. Je ne veux pas y penser. Je ne dois pas être en colère pour mes bébés. Je dois penser à des choses belles et douces. Je caresse mon ventre en souriant.
- Moi ? Carla... Marez... Je peux m'asseoir... Un peu à côté... De vous ?
Tout en étant un peu éloignée malgré tout. Je ne supporte toujours pas la proximité des autres hommes. Il n'a pas l'air méchant, mais le pompier aussi au début n'avait pas l'air méchant... Judy n'est pas loin mais je ne sais pas si elle peut me voir, et si elle verrait qu'Alexis tente quelque chose de mal sur moi. Je n'attends pas sa réponse et je m'assois jambes tendues sur le sable. Je penche le haut de mon corps légèrement vers l'avant pour soulager mon dos et pose mes mains sous mon ventre. C'est bien mieux comme cela. Je lève les yeux pour regarder le peintre. Il a quelque chose de familier mais je n'arrive pas à comprendre. Avec ma mémoire je devrais me souvenir d'où je l'ai vu mais pourtant cette information ne remonte pas. Ce qui veut dire que je ne l'ai jamais vu. Mais son visage me fait penser à quelqu'un... Et puis sa façon de me regarder, il se montre rassurant, doux. Est-ce que je devrais essayer de voir ce qu'il ressent ? Pour être sûre d'être en sécurité et peut être pour voir si je décèle quelque chose qui m'aiderait à comprendre pourquoi j'ai cette impression... Je regarde en direction de Judy pour être sûre qu'elle n'est pas partie.
- Je ne peux... Pas rester très longtemps... Ma mère va m'attendre... Mais je peux...un peu si ça... Ne vous ennuie pas...
Je souris quand j'ai dit ma mère. J'ai commencé à employer ce terme depuis que je sais que je vais avoir des bébés parce qu'elle l'est un peu. Je n'en ai jamais eu mais je me dis qu'une maman doit être comme elle... Maman a qui je mens sur moi, enfin non je ne mens pas, je ne dis juste pas les choses. Ce n'est pas mentir.
La jeune femme semble un peu perturbé en ma compagnie. Mince, même lorsque les gens ne me connaissent pas ils ont peur de moi ou quoi ? Pourtant je suis sympa, enfin j'essai de l'être cette fois. Finalement, je la sens s'apaisé et ses traits si semblables à ceux de ma Sophia deviennent plus serein. Elle me réponds qu'elle ne sait pas si elle aime la peinture. J'imagine qu'elle jamais dû essayer de peindre. Elle semble prise dans ses réflexions. Je lui dit mon nom et elle me dit le siens. J'aime ce prénom et je trouve qu'il lui va à ravir. Elle touche son ventre avec affection. Carla semble comme en communion avec ses futurs enfants. C'est une sensations que nous les hommes ne connaitrons jamais ! Cette communion avec un petit être qui grandit dans son ventre...
Je me sens étrange à ses cotés et lorsqu'elle fixe mon visage avec intensité comme pour essayer de comprendre mes émotions je me sens encore plus déstabilisé. Bon sang mais qu'est-ce que j'ai moi ? Des souvenirs me remontent en mémoire. Sophia, une plage similaire à celle-ci, nos mains l'une dans l'autre, nos regards se fondant l'un dans l'autre, une étreinte charnelle... Je ne sais plus quoi penser en cet instant...
Carla va rester à mes cotés quelques instant pour me regarder peindre et je souris à cette idée en regardant au loin sa mère allongé sur le sable. Mon regard se reporte sur la future maman ensuite et je lui dit : "Si vous voulez peindre, j'ai d'autres toiles, des pinceaux supplémentaires également. Pour savoir si vous aimez peindre, il vous faut essayer." Je joins ensuite les gestes à la parole, je sors un autre chevalet, une toile, je dépose des pinceaux à coté de celle-ci et j'invite de la main la belle à peindre. "Vous pouvez juste mettre pour commencer de la peinture sur la toile. Prenez les couleurs qui vous parlent le plus. Laissez votre envie vous guider. L'important en peignant c'est de vous sentir bien. Peindre, c'est être lire ! En tout cas, moi je le vois et le ressens comme tel."
Je voudrais qu'elle se sente bien. Je me demande pourquoi le fait que Carla se sente bien ou mal et si important pour moi ? Je la connais à peine ! C'est... C'est cette ressemblance avec l'amour de ma vie. Ca me rends tout bizarre...
Je n'ai fait que des dessins pour le Centre, pour montrer les choses dont je me souvenais... Je devais refaire des plans, des visages, et parfois des scènes. Je crois que je dessine bien mais non je n'aime pas ça. Mais ce n'était pas de la peinture en fait, juste du dessin... Donc je ne sais pas si j'aime la peinture. Je sais juste que je n'aime pas trop la regarder. Mais je ne me fis qu'à ce que je connais, ce que j'ai déjà vu...
D'avoir fermé les yeux et chanter dans ma tête m'a calmé et m'a permis de ne plus lire les émotions du monsieur. C'est beaucoup mieux comme ça. Parce que je n'aimais pas ce que je ressentais. Il avait l'air perdu... Et curieux... Et c'est trop perturbant. On se présente l'un à l'autre et je ne peux m'empêcher de caresser mon ventre. Je commence à les sentir bouger je crois... On dirait que j'ai des bulles dans mon ventre... Ou que j'ai faim... Je souris tendrement. Il faudra que je demande à kassandra ou Lexie si c'est normal... Si ce sont les bébés... Je crois que je suis bien ici... Même si c'est à côté d'un inconnu... Je jette un coup d'oeil à ma maman de cœur, elle est toujours couchée. Elle se repose... Judy en a besoin. Je m'assois lentement à côté de lui. Pour soulager mon dos et pour sentir un peu moins le poids de mon ventre. J'ai pris cinq kilos depuis le début de ma grossesse. Penchée un peu en avant c'est mieux. Je lève la tête pour regarder monsieur Alexis. Il veut que j'essaie de peindre ! Mais je ne comprends rien de ce qu'il raconte ensuite. Je fronce les sourcils.
- Les couleurs qui me parlent ? Mais cela ne parle pas... La peinture... Et me guider pour aller où ?... Je veux rester encore ici... Mais je veux bien essayer...
J'ai envie de rire en imaginant les tubes de peinture avec des petites bouches qui diraient de les prendre. Je le regarde en même temps préparer le matériel mais pour peindre je vais devoir me lever... Avec mon ventre je ne vais pas pouvoir rester assise et peindre. Je tente de me lever mais je n'y arrive pas. Il faut que je me mette sur le côté... A la place je tends les mains vers Alexis.
- Vous pouvez... M'aider ?... S'il vous plait...
Cela irait plus vite... Et soudain il prend mes mains et je ressens une décharge électrique... C'est trop bizarre... Je retire vite mes mains et je m'excuse. Pour oublier cette sensation je commence à prendre de la peinture et j'entame un petit tableau. Rien de bien compliqué mais je trouve cela réussi. J'ai mis moins de dix minutes pour le faire. J'ai peint une jolie maison avec un étage. J'ai eu envie de mettre une porte verte. Je ne sais pas pourquoi... J'ai juste eu l'image dans ma tête... Par contre je galère un petit peu pour la fin de mon tableau... j'ai pris un tout petit pinceau pour faire un dessin sur la fenêtre du premier étage... Je fais deux tâches... Une noire et une orangée... Je ne sais pas ce que cela représente mais je sais que cela doit être ici... La maison est trop loin dans ma tête pour voir ce que c'est...
- Je n'arrive pas... A comprendre ce que... J'ai fait... Dans la fenêtre... J'ai vu la maison... Dans ma tête... Et j'ai laissé faire...
Pour le coup je suis déçue et un peu perdue... Je ne comprends pas d'où me vient cette idée de maison... Je ne m'en souviens pas mais pourtant elle était dans ma tête... Je pose tout correctement et passe ma main sur mon front pour pousser mes cheveux. Je souris en voyant mes mains pleine de peinture, j'en ai peut être mis sur mon visage... Je pose ensuite une main sous mon ventre pour le tenir un peu et de l'autre j'appuie un peu dessus. Ça fait encore des bulles... Je souris avec amour et regarde de nouveau Alexis.
- Je crois que... Mes bébés bougent...
J'adore comment ça fait... C'est tout léger mais je le sens quand même... C'est plus doux que quand mon ventre gargouille car j'ai faim.
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Mar 1 Fév - 22:29
