Il ne changeait pas. C’était un fait. Le monde évoluait autour de lui, mais sa situation semblait stagner. Il sentait bien que l’Institut avait des constants problèmes avec ces gens qu’ils tentaient de retenir, leurs secrets, leurs mystères.
Et lui ? Lui ne changeait pas.
David restait ce garçon un peu violent, qui frappait au lieu de savoir parler, alors que s’exprimer, il savait le faire. Avec plein d’intelligence, en prime.
C’était de cette façon qu’il s’était pris un coup. C’était de cette façon qu’il en avait redonné un. C’était loin de l’Institut, loin de chez lui. C’était quand il avait aidé cette fille qui semblait être tourmenté par un idiot de type qui se croyait malin mais dont les bourses étaient plus grandes que sa véritable intelligence.

David avait frappé le premier, c’était un peu sa faute, mais la fille était partie, et lui avait reçu le coup.
Normalement tout se passait bien : David frappait, on lui répondait, et il rentrait avec suffisamment de bleus pour que son père lui en refasse quelques-uns pour exprimer sa colère de savoir que son fils ne savait pas se tenir.

On se demandait, qui réellement, ne savait pas se tenir.
Mais le silence et les secrets, au-delà de l’Institut, il y en avait surtout dans la famille Bass.

Revenons au combat. Tout semblait comme d’habitude, jusqu’à ce qu’il se reçoive un coup de trop. Mais pas un avec un pied ou une main. Un avec quelque chose de tranchant. Les ongles n’auraient jamais eu cette profondeur, ni cette brillance et David grimaça.
Une arme. Ce type avait une arme.
La douleur s’insinuait en lui avec plus de précision, et il voyait son sang qui coulait de son torse. S’il calculait bien, s’il avait bien retenu l’anatomie, ce n’était pas un endroit vital. Mais il ne pouvait pas continuer comme ça.

Il désarma le type aussi vite que possible, et s’enfuit en courant. Il détestait la fuite, mais les armes étaient tout aussi déloyales.

Les rues devenaient plus bondées, et son corps plus décharné, touché de part en part, mais de façon futile, sinon là où il s’était reçu le coup de couteau.
David n’était pas idiot.
S’il rentrait, pour se soigner, qui sait ce qu’il se passerait. Il préféra se diriger vers l’hôpital. C’était une véritable plaie, à ses yeux, dans tous les sens du terme.
Mais il ne pouvait pas rester comme ça.
Les urgences accueillirent ce garçon en « détresse », qui grimaçait surtout de s’être fait avoir. Robuste, il se fichait des coups qu’il recevait, du moment qu’il en rendait. Il attendit, assez longtemps pour que l’adrénaline retombe, et que la douleur soit poussée.

Soudain, alors qu’il poireautait, il lui sembla qu’on pouvait s’occuper de lui, et l’infirmière l’emmena. David observa l’heure, se fit la réflexion que son père allait probablement se dire que son fils avait encore joué au délinquant qui rentrait tard, s’en ficha et leva la tête. Devant lui une silhouette se dessinait et il eut un petit sourire en coin.

Quelque part, il ne pouvait nier qu’il appréciait ce qu’il y avait devant lui, parce qu’il avait, après tout, passé une bonne partie d’une de ses journées avec. Et plus encore, puisqu’ils s’étaient recroisés.
Cela tenait du miracle pour lui, d’apprécier de voir quelqu’un.

Il lui sourit réellement, et ça lui faisait tout drôle. Comme quand il voyait Azzam. Mais il s’approcha et fit :

- Ah tiens, on se croise même ici ?

Et il avait l’air fier, avec ses bleus, et sa blessure profonde, alors qu’il se fichait bien de crever, du moment qu’il avait pu se défendre – bien qu’il se fût enfui -. « Kassie » était devant lui, et puis voilà. Même si, de ce qu’il avait compris, elle avait un peu changé.

Elle, au moins.

Elle l’avait reconnu bien sûr. Sa bouille blonde était reconnaissable, à ce David Bass qui ne savait pas prendre soin de lui, quand il s’agissait de se battre. Même s’il regrettait encore pour le coup de couteau. Il aurait tant voulu s’épargner ça, se contenter de rentrer, se faire oublier, être tranquille.
Mais non.
« Kassie » sembla s’adresser donc à l’infirmière pour qu’ils soient seuls. Il préférait ça. Il préférait parler à quelqu’un qu’il connaissait, plutôt que de devoir se retrouver à causer à un inconnu, qui le jugerait du regard.

David voulait que cette histoire se termine vite, et qu’il n’y ait plus de problème. Et si ça pouvait se faire en présence d’une personne qu’il tolérait, c’était même préférable.
De fait, parce qu’elle le connaissait, elle lui demanda immédiatement ce qu’il avait eut, et il haussa les épaules, en soupirant.

Il était vrai que même s’ils avaient passé un bon moment, cette femme ignorait tout de lui, du moins, ignorait combien il était prompt à se battre sans arrêté.

- Bof, rien, la routine. Sauf que y avait un couteau.

La routine. C’était presque désespérant d’admettre qu’il passait ses journées à se battre. Mais c’était la réalité, il ne povuait pas le nier.
De fait, il la laissa le toucher, et il hocha la tête, quand elle parla de le recoudre. Tant mieux, comme ça il pourrait rentrer.
Bon après, il faudrait retirer les fils, mais ça, il pouvait bien tenter de le faire tout seul.

Elle semblait bien professionnel, et il ne se fit pas prier, et suivit ses instructions. Sauf qu’au moment où il commençait à bien s’installer, la deuxième partie de ce que sortie la jeune femme le figea.
Il se redressa brusquement et l’observa avec pas mal de colère.
Il ne l’avait pas réellement regardé comme ça avant.
Et ce n’était pas sa faute à elle, d’avoir suggéré quelque chose dont elle ignorait peut-être la sensibilité.

- Mes parents s’en foutent, tu les appelle pas, tu ne fais rien à ce niveau-là. Si je suis venu seul, c’est qu’il y a une raison.

Dans sa voix, il y avait l’aigreur de toute la colère qu’il éprouvait envers ses parents, clairement.
Il ne le cachait pas bien, il le cachait mal, le cachait-il vraiment ? Probablement pas.
Il fini quand même par faire ce qu’elle lui demandait, alors qu’elle l’interrogeait sur le roller, ce qui le détendit un peu.

- …J’en fais parfois. Mais y a pas que ça dans ma vie. Et j’avoue que ça fait un bail. J’pensais pas te revoir moi.

Et il devait bien admettre, quelque part, que c’était dommage, qu’ils ne se soient pas revus avant. Elle semblait étrange, cette femme qui paraissait ne rien et tout connaître.
Mais quelque part, il avait quand même passé un bon moment avec elle, après tout, non ?

- Alors comme ça t’es médecine ?

Si David était un sale gamin qui se mettait dans bien des troubles, il respectait la féminité des termes.

- Qui l’aurait cru… Et si tu veux revenir faire du roller, j’peux juste te prêter une paire.

Lui, prêter des choses. Clairement, David n’en avait pas l’habitude.

La santé était importante, c’était un fait. Mais quand on ne savait pas faire autrement que frapper pour se faire entendre, cela n’avait pas tant de sens. Elle pouvait lui conseiller ça, mais il n’écouta pas. Cela rentra par l’oreille de David pour en ressortir rapidement, comme s’il était devenu sourd.
Sauf qu’on ne pouvait pas devenir sourd comme ça, et qu’elle enchaîna sur ses parents.
Elle semblait insister, elle semblait clairement devoir appeler ses parents. Il n’en avait aucune envie, et regrettait d’être encore mineur.

Elle avait beau l’avoir recouché, il se redressa un peu, et s’emporta, la rage parlant à sa place. A ce niveau-là, il ne pouvait se taire, et oubliait de retenir d’éventuelles émotions. Il était pris sur le vif, n’avait aucune envie que ce sujet soit touché.

- La facture, je la paierais. Et crois-moi qu’ils s’en foutront, alors ne les appelle pas. On s’en fout de la procédure. On s’en fout.

Il n’avait pas envie que son père sache. Que sa mère l’apprenne. Cela ne deviendrait qu’une scène de plus qu’il préférerait éviter. La déception de cette femme qui le fusillerait du regard. Et les coups de cet homme qui pensait avoir compris comment éduquer son fils.

Il cracha donc sa bile, et accepta de se recoucher, mais quelque part, sûrement qu’il était inquiet.
De fait, « Kassie » paru vouloir changer de sujet, enchaînant sur le roller, et tentant d’en faire un sujet doux, lui causant d’un parc qu’elle semblait trouver super.

- …Ah. Peut-être…Je sais pas…

Il était évasif, parce qu’encore un brin sur les nerfs. Mais au moins, il l’avait interrogé sur sa présence dans cet hopital. Il comprit donc qu’elle avait repris des études, pour finir là, et elle lui posa bien sûr la question que tout le monde lui posait. Du moins, tous les adultes.
Il grimaça

- J’en sais rien, je m’en fous.

Pourquoi fallait-il qu’aujourd’hui, elle touche à tous les sujets sensibles auquel il n’avait pas envie de parler ?
Mais elle lui proposa surtout d’aller faire du roller ensemble.
Il fit la moue, hésita, et elle paru enchaîner sur les rubik’s cube, comme si elle ne semblait plus parler de tout ce qui pourrait le blesser.

Il eut un petit sourire en coin :

- Ah, je l’ai déjà celui là, ouais. J’ai mis quelques temps à le finir, mais ça va.…Et pour le roller…Peut-être. A ton parc, là.

David n’était pas très bon pour faire la conversation, mais au moins avait-il répondu au mieux.
Et puis, le sujet était quand même meilleur. Il observa la jeune femme alors qu’elle s’occupait de lui.

- T’es allé vite pour être déjà interne. Mais j’suis pas surpris.

David n’était pas idiot, bien loin de là. La première fois qu’il avait rencontré cette femme il avait compris un fait : elle n’était pas idiote non plus. La façon dont elle s’était habituée aux rollers ne pouvait pas être la chance du débutant, après tout.

- Tu m’fais une belle couture, hein ?

Même s’il n’aurait personne à qui se vanter.

- Et t’en parles pas à mes vieux. Vraiment. Ils ont pas besoin de savoir.

Et à nouveau, il sembla avoir une mine sombre.

Pas que la peur lui tordait le ventre, plus la rage. Cette haine violente, qui le dévorait. Cette haine envers ceux qui l’avaient fait naître, mais qu’il ne reconnaissait pas comme des parents. Mais cette femme, qu’il reconnaissait elle comme une présence bénéfique, se faisait vénéneuse. Lui assénant que de toute évidence, il devrait subir le fait que ses parents apprendraient pour sa blessure.
Il savait comment réagirait sa mère. Ce regard d’incompréhension. De déception.
Mais pire. Il savait comment serait son père.

Alors, à défaut que son père soit devant lui, il jeta un regard terriblement haineux, à cette femme avec qui il avait partagé quelque chose. Un regard peu tendre, un regard montrant combien il ne voulait pas qu’elle parle, que ce qui arriverait, ça serait juste le rendre plus mauvais.

Mais le sujet se détourna, et son regard aussi, alors qu’elle tentait peut-être de lui faire penser à autre chose.
Elle parlait de sa vie plus tard, à David, et proposait des métiers loufoques, peut-être pour le faire sourire, mais il ne trouvait pas ça drôle. En fait, il trouvait ça plutôt idiot.
Il secoua la tête et ne répondit pas à ça, bien que détendu.

Pour le reste, il comprit qu’il pouvait avoir l’occasion de la recroiser, mais à ce moment précis il n’était plus sûr d’avoir envie, mais quelque part…Quand même un peu.
La revoir. Pourquoi pas. Si c’était loin de ses parents. Loin de ce sujet. Sujet épineux, pire qu’une rose.

Il se laissa recoudre, il se laissa se détendre, mais l’idée que ses parents sachent il ne l’avait pas envie.
Il l’observa, et comprit qu’elle avait donc bel et bien plus dans le cerveau qu’elle ne pouvait le paraître quand on voyait son insouciance parfois. Mais David n’était pas surpris, alors, quand elle parla que ses équivalences c’était bien parlé, il lâcha juste :

- Tu m’étonnes.

Quand elle lui informa des précos de la blessure, il roula des yeux. Eut un rire :

- Ca n’arrivera pas.

Il marmonna d’ailleurs, entre ses dents

- Surtout si tu le dis à mes parents.

Il se leva

- Je ne sais pas ce que je veux faire plus tard, mais je vais t’apprendre une chose, Kassie. Je n’ai rien envie de faire, sinon de me battre.

Quelque part, c’était la réalité.
Quelque part, c’était le piège qui le maintenait dans ce cocon de douleur. Il l’observa.

- Et puis, le reste du monde m’ennuie.

C’était bien parce que ses parents étaient bientôt de la partie qu’il était ainsi.

Ce n'était pas un bon moment. A choisir, David aurait préféré finalement rentrer chez lui. Quelque part, il se sentait blessé de se faire presque trahir par cette maigre amitié qu'il avait commencé à créer.
David ne pouvait pas expliquer au monde comment il fonctionnait, pourquoi il était comment ça. Il vit bien que Kassie n'apprécia pas comment il lui répondit, et comment il la fixait. Il le sentait, possédé par cette empathie qu'il aurait voulu ne jamais avoir mais qui le poursuivait malgré lui.

Mais au delà de ça, elle lui envoya encore à la figure des choses qu'il aurait préféré ne pas entendre. Parce qu'après tout, la vérité était toujours ce qui blessait plus non ? Même si ce n'était pas que ça. Oui, en se bagarrant, il était blessé, mais ses parents n'avaient pas besoin de le savoir.
Ses parents n'en avaient rien à faire. Ou presque. Ils allaient toujours plus le détester pour ça.
Elle paru le complimenter sur son intelligence, et il se sentit faire une moue. Elle l'interrogea, et sa moue augmenta. Ce n'était plus tant de la haine, sinon l'attitude d'un adolescent qui n'avait aucune envie de se faire remettre à la place par un adulte.
Néanmoins, la haine reprit le dessus, quand, froidement il répondit juste à une seule et unique question, bien que Kassie paru continuer à lui causer :

- Je ne fais pas ça pour attirer leur attention, je pensais pas que tu devais les prévenir.

Il était évidemment sur la défensive. Elle poursuivit, parlant de processus, du fait qu'il devait se questionner, et il se sentit rouler des yeux. Clairement, la jeune femme jouait sur un terrain houleux, rempli de mines. Ce n'était pas aussi facile que ça, pas aussi facile que juste un sale gamin qui aimait frapper pour avoir de l'attention. Il y avait de ça, mais on était loin du compte.
Sinon, il n'aurait pas eut un rire glacial quand elle parla du fait que ses parent l'aimaient.

David détestait ça. Que les gens pensent que des parents aimaient forcément leurs enfants. Sa mère, peut être. Peut-être que quelque part elle avait un tant soi peu d'affeciton pour son fils, mais son père...
Non son père, lui, n'était qu'une ordure, à ses yeux.
Néanmoins, Kassie fut sympathique et accepta de le laisser partir en rajoutant des phrases que les adultes pensaient fortes pour lui.
Mais David s'en contrefichait. Et de se contreficher que la vie soit précieuse, cachait réellement un mal être bien plus douloureux qu'une simple crise d'adolescence.
Il se permit néanmoins, de répondre à Kassie, en la regardant droit dans les yeux, avec un air relativement sérieux :

- Des parents n'aiment pas forcément leurs enfants. C'est ce que l'on croit, mais c'est un mythe. Peu importe si je courais vers eux, leur réponse n'aurait rien d'agréable.

Il se leva, ramassa tout ce qui lui appartenait, et se tourna encore vers Kassie, l'air cette fois un peu fuyant :

- Et me sors pas que je suis dans un processus et toutes ses merdes. Mais... C'est cool de me laisser partir. Pour le parc... J'verrais pour passer. Bye, miss je fuis ma propre identité.

Il eut un petit sourire crâneur après avoir dit cette remarque, et se dépêcha de partir n'ayant aucune envie qu'elle revienne sur son avis.
[A toi de voir si on fini là ou si on ellipse]